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Chapitre IV. Modélisation analytique du comportement thermique du fantôme

1.1. Les modèles thermiques du corps humain

En bande millimétrique, l'effet principal induit par l'absorption du rayonnement électromagnétique dans les tissus exposés (ou proches de ceux exposés) est l'élévation de leur température. Cette dernière est plus importante en bande millimétrique qu'à des fréquences plus basses pour une même densité de puissance incidente. Ce phénomène s'explique par la faible profondeur de pénétration du rayonnement en millimétrique qui concentre l'absorption dans les couches superficielles du corps humain telle que la peau et par un coefficient de transmission plus important qu'aux fréquences plus basses [1].

Le comportement thermique du corps humain a été modélisé analytiquement par Pennes [2] à travers l'équation dite équation de bio-chaleur (ou bien équation de Pennes)

ߩܿ݌߲߲ܶݐ ൌ ݇ߘݐ ʹܶݐ൅ ܳ݉ ൅ ܳݏǡ (1)

où •, cp et k sont respectivement la masse volumique (kg/m 3

), la capacité thermique (J/(kg·°C)) et la conductivité thermique du tissu (W/(m·°C)). Tt est la température absolue locale du tissu (°C),

Qm est le taux de chaleur métabolique produite dans le volume de tissu donné (W/m 3

), et Qs est le

coefficient de transfert de chaleur dans un tissu (W/m3). Ce dernier paramètre théorique représente l'apport principal amené par les travaux menés par Pennes, il suggère que le coefficient de transfert de chaleur entre le sang artériel et les tissus biologiques est proportionnel au produit du taux de perfusion sanguin et de la différence de température entre le sang et les tissus [3] :

ܳݏൌ ݂ݏߩݏܿݏሺͳ െ ݅ሻሺܶݏെ ܶݐሻǡ (2)

avec fs le taux de perfusion sanguine, •s la masse volumique du sang, cs la capacité thermique du

sang, i un facteur relatif à l'équilibre thermique entre le sang et les tissus (égale à 0 en cas d'équilibre), et Ts la température du sang artériel.

Ce modèle analytique a été réutilisé dans de nombreux travaux ensuite pour développer des modèles de transfert de chaleur spécifiques à certaines parties du corps humain [3]. Il est aussi la base de plusieurs études visant à estimer et modéliser la réponse thermique de tissus exposés à une source de rayonnement électromagnétique. Ces derniers modèles peuvent être répartis en deux catégories : les modèles homogènes ou bien multicouches.

1.1.1. Modèle 1-D homogène

Figure IV.1 - Illustration du modèle de tissu homogène d'épaisseur semi-infinie à une onde plane [4].

Dans [4], l'équation 1D de transfert de chaleur d'un modèle thermique de tissu d'épaisseur semi-infinie exposé à une source électromagnétique est établie pour estimer l'échauffement induit

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au cours d'exposition à une onde plane 1 et 10 GHz. Les dissipations de chaleur par convection avec le flux sanguin sont prises en compte dans l'équation suivante

ߩܿ݌߲߲ܶݐ ൌ ݇ݐ ߲;߲ܶݖ;ݐെ ܸݏሺܶݐെ ܶݏሻ ൅ ܳሺݖǡ ݐሻǡ (3)

où le terme Vs (Tt -Ts) traduit la dissipation de chaleur par convection avec le flux sanguin, avec Vs

égale au produit fs •s cs. Le terme Q(z,t) est relatif à l'échauffement généré par l'absorption de

puissance électromagnétique durant l'exposition et s'exprime par l'équation suivante :

ܳሺݖǡ ݐሻ ൌʹܲͲሺͳ െ ܴሻߜ ݁െߜʹݖݑሺݐሻǡ (4)

où P0 est la densité de puissance incidente (W/m²), R est le coefficient de réflexion en puissance,

est la profondeur de pénétration du rayonnement électromagnétique dans le tissu exposé (m), et

u(t) est une fonction unité.

Pour la résolution, l'équation de transfert de chaleur simplifiée, relative uniquement à l'élévation de température (T = Tt - Ts) est considérée

ߤ߲߲ܶݐ ൌ߲;ܶ

߲ݖ;െ ߣܶ ൅ ݍሺݖǡ ݐሻ

(5)

où !"="•cp/k, #"="Vs/k et q(z,t) = Q(z,t)/k.

L'équation (5) est résolue sous les conditions limites suivantes en z = 0 ߲ܶ

߲ݖሺͲǡ ݐሻ ൌ ߙሺܶ ൅ ܶݏെ ܶ݁ሻǡݐ ൒ Ͳǡ

(6)

et en z"$"+%

ܶሺ൅λǡ ݐሻ ൌ Ͳǡݐ ൒ Ͳǡ (7)

où Te est la température du milieu environnant et & est un coefficient égal au rapport h/k, où h est

le coefficient de transfert de chaleur (W/(m2·°C)) à l'interface avec l'air en z = 0. Ce coefficient regroupe les pertes thermiques du tissu vers le milieu extérieur induites par le mécanisme de convection de l'air, de rayonnement thermique et d'évaporation de l'eau en surface du tissu exposé.

Dans le cas ou Ts • Te, un gradient de température apparait au niveau de la surface du tissu ; ce

gradient est exprimé analytiquement par la solution de l'équation de transfert en régime établi ('T/'t =0) lorsque q = 0. Il définit la condition initiale du système

ܶሺݖǡ Ͳሻ ൌ ߙሺܶ݁െ ܶݏሻ

ߙ ൅ ξߣ ݁െݖξߣǤ

(8)

Pour un modèle de tissu homogène, les solutions suivantes sont obtenues pour (5), en régime établi ܶሺݖǡ λሻ ൌ ߣ െ ͳȀܮݍͲ ʹ൤݁െݖȀܮ ͳȀܮ ൅ ߙ ξߣ ൅ ߙ ݁െݖξߣ൨ ൅ ߙሺܶ݁െ ܶݏሻ ߙ ൅ ξߣ ݁െݖξߣǡ (9)

Page 125 ܶሺݖǡ ݐሻ ൌ ߣ െ ͳȀܮݍͲ ʹቐ݁െݖܮ൅ ͳ ܮ ൅ ߙ ʹ൫ξߣ െ ߙ൯݁ݖξߣ݁ݎ݂ܿ ቌ ݖ ʹට ߤ ݐ ൅ඨ ߣݐ ߤ ቍ െ ͳ ܮ ൅ ߙ ʹ൫ξߣ ൅ ߙ൯݁െݖξߣ݁ݎ݂ܿ ቌ ݖ ʹට ߤ ݐ െඨ ߣݐ ߤ ቍ െͳʹ ݁ቀݐߤቀܮͳʹെߣቁെݖܮቁ݁ݎ݂ܿ ቌͳ ܮ ඨ ݐ ߤ െ ݖ ʹට ߤ ݐቍ െ ͳ ܮ ൅ ߙ ʹ ቀͳܮ െ ߙቁ݁ ቀݐߤቀܮͳʹെߣቁ൅ݖܮቁ݁ݎ݂ܿ ቌͳ ܮ ඨ ݐ ߤ ൅ ݖ ʹට ߤ ݐቍ ൅ ߙሺߣ ൅ ͳȀܮʹሻ ሺߣ െ ߙʹሻ ቀͳܮ െ ߙቁ݁ ቀߙݖ ൅൫ߙʹെߣ൯ݐߤቁ ݁ݎ݂ܿ ቌݖʹටߤ ݐ ൅ ߙඨ ݐ ߤቍቑ ൅ ߙሺܶ݁ െ ܶݏሻ ߙ ൅ ξߣ ݁െݖξߣ (10)

où L = •/2, q0 = P0 (1-R)/•k, et en supposant ! et " constants au cours de l'exposition. Précisons

que erfc(x) est la fonction d'erreur complémentaire, définie par 1 - erf(x).

Figure IV.2 - Distributions d'élévation de température dans la peau pour une exposition de 1 mW/cm² et 5 mW/cm² [1].

Dans [1], les distributions d'élévations de température en régime établi ont été calculées pour un modèle homogène de la peau humaine exposé à une onde plane 60 GHz à partir de la solution analytique établie dans [4] pour deux densités de puissances incidentes, à savoir 1 mW/cm² et 5 mW/cm², (Figure IV.2). Les résultats obtenus montrent que, contrairement à l'absorption du rayonnement électromagnétique en bande millimétrique qui se concentre dans les couches de peau (épaisseur moyenne de l'ordre de 1 mm), l'échauffement thermique généré par l'absorption électromagnétique peut en revanche affecter des tissus plus en profondeur du corps humain tels que la graisse (épaisseur moyenne de l'ordre de 3 mm) ou bien le muscle.

1.1.2. Modèles 1-D multicouche

Plusieurs études en bande millimétrique ont comparé les élévations de température obtenues en régime établi pour des modèles 1D de tissus monocouche à celles obtenues avec des modèles multicouches. C'est le cas dans [5], où l'élévation de température induite par une exposition à 42 GHz est analysée en fonction du flux sanguin pour différents modèles thermiques du corps humain. Dans [6], une étude paramétrique est réalisée entre plusieurs modèles thermique mono- et multicouches sur la bande de fréquence millimétrique 30 - 300 GHz et plus particulièrement à 60 GHz. Limite peau/graisse Limite graisse/muscle Limite peau/graisse Limite graisse/muscle P0 = 5 mW/cm² P0 = 1 mW/cm²

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Dans [5], l'équation de transfert de chaleur hybride, c'est-à-dire l'équation qui incorpore une conductivité thermique effective [7], est appliquée à plusieurs modèles de tissus dont le nombre de couches varie de 1 à 4 (Figure IV.3a). L'impact du flux sanguin sur l'élévation de température induit par l'exposition à une onde plane incidente (P0 = 20 mW/cm²) en surface de la peau, est

analysé pour les 4 modèles (Figure IV.3b), avec pour objectif de déterminer un rapport entre le flux sanguin dans le modèle de tissu homogène (Model 1 Figure IV.3a) et celui dans la couche de derme des modèles multicouches permettant d'obtenir des élévations de température équivalentes à la surface de la peau. Mais cette étude met aussi en avant l'impact de la valeur du flux sanguin dans la couche derme sur le profil d'élévation de température (Figure IV.3c).

(b)

(a) (c)

Figure IV.3 - Comparaison de l'élévation de température induite par une exposition à une onde plane à 42,25 GHz (20 mW/cm²) entre (a) 4 modèles de tissus homogènes ou bien multicouches [5] ; (b) élévation de température en surface de la peau en fonction du flux sanguin ; (c) profils de température dans l'épaisseur du modèle 4 pour différentes valeurs de flux sanguin dans la couche derme.

Dans [6], un modèle de tissu homogène de la peau et un modèle multicouches composé de peau, graisse et muscle sont exposés en bande de fréquence millimétrique à une onde plane dont la densité de puissance incidente est de 50 W/m². Une étude paramétrique analytique basée sur l'élévation de température en régime établi à la surface de ces deux modèles est réalisée à partir d'une solution de l'équation de bio-chaleur obtenue par une transformation de Laplace. Dans cette étude, les effets des variations des épaisseurs de tissus, de leurs propriétés thermiques, du flux sanguin, et du milieu extérieur ont été considérés. Pour le modèle multicouches (Figure IV.4a et Figure IV.4b), l'élévation de la température calculée en surface est entre 1,3 et 2,8 fois supérieure à celle obtenue pour le modèle homogène de la peau (Figure IV.4c et Figure IV.4d). Ce résultat met aussi en avant le caractère adiabatique de la couche de graisse. De plus, la comparaison montre aussi l'impact dominant du coefficient de transfert de chaleur h du corps vers l'air sur le comportement de l'élévation de la température.

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(a) (b)

(c) (d)

Figure IV.4 - Descriptions des modèles multicouches de tissus utilisés dans [6] induisant une élévation de température (a) maximale et (b) minimale. L'élévation de température obtenue avec ces deux modèles (c) en surface du corps est comparée au modèle homogène sur toute la bande millimétrique ou bien (d) dans l'épaisseur des modèles à 60 GHz.

Plus récemment, une étude paramétrique a été menée par Zilberti et al. afin d'identifier les effets de chaque paramètre physique sur l'élévation de température cette fois en régime transitoire dans des tissus humains exposés à une onde électromagnétique à 100 GHz et 1 THz [8]. Comme dans [6], Zilberti et al. considèrent pour leurs travaux un modèle trois couches de tissus (peau, graisse et muscle Figure IV.5a) exposé à une onde plane incidente (10 W/m²) pendant 1 sec. L'équation de bio-chaleur est résolue ici par la méthode des éléments finis. Les distributions d'élévation de température sont présentés dans l'épaisseur du modèle à plusieurs instants pendant ou post-exposition (Figure IV.5b et Figure IV.5c). Les effets des variations des paramètres thermo-physiques sur les tissus sont ensuite analysés et comparés aux résultats moyens, révélant des variations de la température maximale de - 30 % à + 10 % à 100 GHz et de - 33% à + 18 % à 1 THz. Des élévations de température maximales dans la peau (1 mm) de 4,9 °C et 8,7 °C ont été obtenues avec les mêmes valeurs de paramètres thermo-physiques, pour une exposition respectivement à 100 GHz et 1 THz.

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(b) (c)

Figure IV.5 - (a) Illustration du modèle multicouche exposé à une onde plane (10 W/m²) pris en compte dans [8] pour étudier la distribution d'élévation de température en régime transitoire dans les tissus pour des fréquences de (b) 100 GHz et (c) 1 THz.