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Chapitre I. Introduction

3. Evaluation de l'exposition dans le corps humain en bande millimétrique

3.2. Evaluations dosimétriques expérimentales

L'évaluation expérimentale du DAS local peut être effectuée à partir de deux types de mesures, soit (1) les mesures de champs électriques, soit (2) les mesures d'élévation de température à la surface ou bien à l'intérieur des tissus ou fantômes exposés.

La mesure des champs électriques a été standardisée internationalement pour les tests de conformité des téléphones mobiles entre 300 MHz et 3 GHz [44]. Cela permet de mesurer directement à l'intérieur des fantômes liquides, par exemple via l'utilisation de sondes attachées à un bras robotisé [45], les champs électriques induits par une exposition électromagnétique.

Figure I.13 - Scanner électromagnétique avec bras robotisé DASY52 SAR (Speag, Schmid & Partner Engineering AG, Zurich, Switzerland) [32].

Cependant, ce type de mesure directe n'est pas adapté pour la dosimétrie en bande millimétrique. En effet, les sondes de mesures ont des dimensions trop importantes par rapport aux longueurs d'ondes et à la profondeur de pénétration, et elles risquent donc de perturber la distribution des champs [14]. Les méthodes d'évaluation du DAS se basant sur les mesures d'échauffement sont mieux adaptées pour les évaluations dosimétriques en bande millimétrique. Il existe plusieurs techniques de mesure thermiques utilisables pour la dosimétrie thermique qui sont non ou bien faiblement invasives. Elles sont détaillées dans les sous-sections qui suivent.

3.2.1. Thermomètres à fibres optiques ou thermocouples

Les thermomètres à fibres optiques ou bien les thermocouples sont des dispositifs faiblement invasifs permettant de mesurer l'élévation de température très localement, en un point donné d'un fantôme ou bien d'un corps exposé à un rayonnement électromagnétique.

Les thermocouples sont des outils de mesure de température bon marché et permettant des mesures sur de larges gammes de température (plusieurs dizaines, voire centaines, de degrés Celsius). En revanche, leur incertitude de mesure est difficilement inférieure à ± 0.1 °C voir ± 0.2°C. Le principe de mesure des thermocouples est basé sur l'effet de Seebeck [46], il consiste à mesurer la tension électrique aux extrémités restées libres de deux fils métalliques de natures différentes dont les deux autres extrémités sont soudées entre elles et exposées à une source de chaleur. Un thermocouple de type IT-23 (sensortek, Inc., Clifton, NJ) dont la précision est de ± 0,1 °C est utilisé dans [47] pour estimer l'augmentation de température induite sur un fantôme par une antenne cornet ou bien un guide d'onde ouvert alimenté par des générateurs opérant à 42,25 GHz dont la puissance de sortie est de l'ordre de 50 mW.

Les thermomètres à fibre optique sont des instruments de mesure de température plus couteux que les thermocouples. Comme ces derniers, ils permettent de mesurer les températures sur des plages de température de plusieurs centaines de degrés et ils ont une précision de mesure de

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l'ordre de ± 0.1 °C. L'avantage de ce type d'outils de mesure est d'être insensible aux perturbations électromagnétiques [48].

3.2.2. Thermométrie infrarouge

La thermométrie infrarouge est une technique imagerie sans contact qui permet de mesurer les distributions de température en surface du fantôme ou bien du corps au cours du temps. Cette technique nécessite l'utilisation d'une caméra infrarouge haute-résolution. Plusieurs études dosimétriques en bande millimétrique utilisent cette technique de mesure pour étudier les élévations de température induites en surface de la peau [47] ou bien du fantôme [24], afin de déterminer les niveaux de DAS crête. Dans [47], la dynamique de l'élévation de température est mesurée par imagerie infrarouge à l'aide d'une caméra Amber 4256 (Amber Engineering, Inc., Goleta, GA) avec un niveau de bruit pic à pic de 0,056°C, et dans [24] c'est une camera haute résolution FLIR SC5000 IR (FLIR Systems, Wilsonville, OR, USA) dont la sensibilité est de 0,025 °C qui est utilisée. Dans ces deux études, les DAS crêtes sont déterminés en utilisant une méthode basée sur l'accord entre la dynamique de température mesurée pour des temps très courts et le résultat calculé à partir de la solution analytique de l'équation 1D de bio-chaleur, pour un modèle de tissu à épaisseur semi-infinie [49], où la densité de puissance incidente P0 est la seule

inconnue de l'équation.

Figure I.14 - Distribution expérimentale à la surface d'un fantôme équivalent de la peau exposé à un réseau d'antennes à 60 GHz [50].

3.2.3. Cristaux thermosensibles

Les cristaux liquides thermosensibles peuvent être utilisés pour mesurer les distributions de température en surface du corps humain par contact, via l'utilisation de feuilles de cristaux liquides thermosensibles [51][52].

Les cristaux liquides thermo-chromatiques micro-encapsulés permettent eux d'analyser l'échauffement induit par une exposition électromagnétique dans des cavités oculaires de lapin (in

vivo) [53][54]. Les cristaux (0,2 %) sont injectés dans les cavités oculaires afin de pouvoir

visualiser les phénomènes de convection thermique dans l'humeur aqueuse. L'évolution de la température de ce liquide biologique de l'œil se traduit alors par le changement de couleur des cristaux. Cette évolution est enregistrée par une caméra vidéo permettant d'analyser ensuite l'évolution de l'échauffement et du flux thermique dans la cavité au cours de l'exposition.

L'étude présentée dans [53], où les yeux de lapin sont exposés à une source 40 GHz pour des densités de puissances comprises entre 100 et 400 mW/cm² pendant 10 min, montre que l'élévation de température ne se concentre pas seulement au niveau de la cornée, mais qu'elle

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affecte aussi la lentille et l'iris de l'œil par le biais d'un phénomène de convection thermique dans l'humeur oculaire qui induit un transfert de chaleur de la cornée vers la lentille. Les conclusions sont similaires dans l'étude décrite dans [54]où les yeux sont cette fois exposés à une source 75 GHz pour des densités de puissance comprises entre 50 et 200 mW/m² pendant 30 min (Figure I.15).

Figure I.15 - Variation au cours de l'exposition de la couleur des cristaux liquides thermo-chromiques micro-encapsulés injectés dans un oeil de lapin avant l'exposition à 75 GHz (200 mW/cm²). Vue en coupe de la cavité oculaire après (a) 3 sec, (b) 10 sec and (c) 60 sec d'exposition [54].

3.2.4. Imagerie thermique par résonnance magnétique

L'imagerie thermique par résonance magnétique est une technique de mesure non invasive permettant d'obtenir la distribution en 3D de l'élévation de température à l'intérieur d'un fantôme équivalent ou bien d'une partie du corps humain. Cette technique est utilisée dans [55], pour l'étude dosimétrique d'un fantôme d'une tête humaine (SAM-V4.5; Speag, Zurich, Switzerland) (Figure I.16a) exposée à un téléphone mobile adjacent fonctionnant à 1900 MHz à pleine puissance pendant 15 min. Elle permet de réaliser une cartographie 3D (Figure I.16b) de la température dans le fantôme avant et après exposition afin de déduire l'échauffement induit par l'exposition, et donc de pouvoir calculer le DAS moyenné sur 10 g (Figure I.16c). Notons qu'au préalable, la précision de la technique de mesure thermométrique par résonance magnétique a été validée par la comparaison avec des mesures de température réalisées avec un thermomètre à fibre optique, révélant des erreurs inférieures à 0,15°C.

(a)

(b) (c)

Figure I.16 - Imagerie thermique par résonance magnétique [55] ; (a) fantôme exposé, (b) plan d'intérêts de l'étude et (b) résultats thermiques et dosimétriques.

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L'imagerie thermique par résonance magnétique a aussi été récemment utilisée pour quantifier les variations de température dans un fantôme et dans un mollet humain [56]. Une procédure d'acquisition semblable à celle décrite dans [55] a été utilisée ; en revanche dans cette étude, l'exposition a été générée par un guide d'onde alimenté par un générateur opérant à 42,25 GHz (40 mW/cm² pendant une durée de 5 min ou 10 min). Des variations de température maximales dans la zone du fantôme en contact avec l'extrémité du guide d'onde de 2,7 °C et 5,1 °C ont été relevées après respectivement 5 min et 10 min d'exposition. Dans le mollet, les variations de température dans la zone en contact avec le guide sont de l'ordre de 1,3 °C lors de la mesure de référence avant exposition, et elles passent à 4,75 °C lors de la mesure après une exposition de 5 min.

3.2.5. Bilan

Dans les sous sections précédentes, différentes techniques de mesure de température utilisables pour les études dosimétriques en millimétrique ont été présentées. Le tableau qui suit, résume les avantages et les inconvénients de chacune des techniques de mesure utilisées.

Tableau I.2 - Résumé des avantages et inconvénients des techniques de mesure thermométrique.

Méthodes Avantages Inconvénients

Thermocouples - Température dynamique

- Mesure locale - Erreur de mesure > ± 0,1 °C - Invasif Thermomètres à fibre optique - Température dynamique - Insensible aux perturbations électromagnétiques - Mesure locale - Erreur de mesure > ± 0,1 °C - Invasif Camera infrarouge - Mesure 2D - Température dynamique - Erreur de mesure < ± 0,03 °C - Non-invasif

- Impact des paramètres thermique de la caméra sur les résultats

Cristaux thermosensibles

- Mesure 2D

- Température dynamique (via une caméra vidéo)

- Erreur de mesure - Invasif Imagerie thermique par résonance magnétique - Mesure 3D - Non-invasif - Température instantanée - Faible sensitivité - données quantitative