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1.3 Annexe

2.1.3 Modèles

2.1.3

Modèles

2.1.3.1 L’effet tunnel

L’effet tunnel est la possibilité pour une onde/particule de franchir une barrière d’énergie potentielle supérieure à l’énergie qu’elle transporte, ce qui est extrêmement improbable pour un système macroscopique. Un modèle simple à une dimension permet de mettre en évidence dans un premier temps le caractère exponentiellement évanescent dans la barrière d’une onde plane incidente transmise et sa probabilité de passage non négligeable dans une zone où elle redevient propagative.

Modèle de la barrière rectangulaire épaisse 1D On obtient pour une barrière rectangulaire d’énergieϕ et de largeur z séparant deux régions de po- tentiel nul une transmissivité, interprétée comme la probabilité de présence de la particule à la sortie de la barrière, pour une onde plane incidente d’éner- gie E < ϕ (COHEN-TANNOUDJIet al. [133]) :

T (E,z) ∝ e−2kz (2.1)

où k =p2m(ϕ − E)/ħ2À 1/z est le nombre d’onde dans la barrière et m la masse de l’électron libre. Le coefficient

α =p

2m/ħ2 (2.2)

vaut environ 0.5 eV−1/2· Å−1. La plupart des métaux étudiés en STM ont un travail de sortieϕ de l’ordre de 5 eV. On voit donc que pour une diminution de

1 Å de l’épaisseur de la barrière et un électron de 1 eV (soit une différence de potentiel de 1 V entre la pointe et l’échantillon dans le cas du STM), le coefficient de transmission augmente d’un facteur e(2·1.03)≈ 8 soit un ordre de grandeur (p2m(5 − 1)/ħ2≈ 1.03 Å−1). Cette dépendance exponentielle, à l’origine de la résolution verticale picométrique du STM se retrouve dans les modèles construits pour des jonctions tunnel en géométrie plane ou en géo- métrie pointe/surface comme nous allons le voir rapidement. Une abondante littérature existe sur la modélisation des mesures obtenues en STM/STS. Le sujet est encore débattu plus de 30 ans après son invention (voir e.g. ZIEGLER

et al. [134], 2009 ; PFEIFERet al. [135], 2011). Nous nous en tiendrons aux mo-

dèles présentés traditonnellement, qui devraient permettre d’interpréter cor- rectement nos résultats.

2.1.3.2 Modèle de Bardeen : jonction tunnel plane

La description de BARDEEN[136] (1961) d’une jonction métal-isolant-métal

(MIM) a été motivée par la première mesure dans cette géométrie par Giaever en 1960 du gap des supraconducteurs (jonction Al-alumine-Pbsupra), destinée à vérifier la théorie Bardeen-Cooper-Schrieffer (1957) de la supraconductivité dite conventionnelle. Son idée fut de contourner la résolution de l’équation de Schrödinger pour l’ensemble du système en considérant séparément les deux sous-systèmes métal-isolant, puis de les traiter en perturbation dépendant du temps et de calculer ensuite le courant tunnel en superposant les fonctions d’onde solutions dans la barrière. Cette idée est à l’origine de toutes les mo- délisations du STM qui ont suivi. Une interprétation par J.Chen [129] de son résultat final à basse température donne pour le courant tunnel une expres- sion (qui n’apparaît pas telle quelle dans l’article de Bardeen) :

I (V ) =4πe

ħ Z eV

0 ρg

(EF− eV + ε) · ρd(EF+ e)|M|2dε (2.3)

où les indices g et d désignent les deux électrodes (-e, la charge de l’élec- tron). Le coefficient M (qui a la dimension d’une énergie) contient la dépen- dance exponentielle à l’épaisseur de barrière. L’intérêt de son approche pour le STM est de faire déjà apparaître la convolution entre les densités d’états

ρi des deux électrodes, mais les jonctions MIM étudiées alors étaient rela-

tivement épaisses (plusieurs nanomètres) et les fonctions d’onde de part et d’autre pouvaient être traitées indépendamment. Une approche plus réaliste pour le STM où la jonction est de l’ordre du nm est le modèle dit s-wave de

TERSOFF& HAMANN[137] que nous décrivons rapidement dans la section sui-

vante. Des discussions sont menées dans [129] sur la distinction entre l’épais- seur de la la barrière et la distance pointe-surface. Dans leur discours à la cérémonie du Nobel 1986, Binnig et Rohrer montrent qu’ils ont hautement conscience de tous ces problèmes, comme celui de la grandeur et de la nature des régimes de forces liés à ces distances, problèmes déjà abordés de longue date avant eux dans des spéculations sur la géométrie STM. Nous signalons

ces problèmes pour souligner l’académisme du traitement fait dans ce cha- pitre, qui devrait suffire à l’interprétation de nos investigations expérimen- tales.

2.1.3.3 Modèle de Tersoff et Hamann : jonction tunnel pointe-surface

Tersoff et Hamann [137] ont repris l’idée de Bardeen d’introduire les fonc- tions d’onde des électrodes pour calculer la transmissivité de la barrière tun- nel en l’adaptant à la géométrie STM. Ils modélisent l’apex de la pointe par une orbitale atomique s. Ce modèle a ensuite été étendu à d’autres orbitales de symétrie non sphérique, plus réalistes dans le cas des métaux utilisés pour fabriquer la pointe et surtout permettant de mieux rendre compte de la réso- lution latérale subnanométrique du STM. Nous ne détaillons pas ces consi- dérations (voir par exemple [129]). L’échantillon est modélisé par un paquet d’ondes de Bloch propagatives parallèlement à la surface et évanescentes dans la direction normale à la surface. Ils trouvent finalement une expression du courant tunnel à la position (r~

, z) de la pointe qu’on peut récrire comme

suit3:

I (~r

, z,V ) ∝ V · ρt(EF) · ρs(~r,EF) (2.4)

valable aux basses températures et basses énergies par rapport au travail de sortieϕ des électrodes, du même ordre de grandeur (kBT ¿ eV ¿ ϕ) et où le

terme M contient la dépendance exponentielle à z, qui provient de la partie évanescente de la fonction d’onde. De nombreux auteurs ont modifié ce mo- dèle, en introduisant par exemple l’approximation Wentzel-Kramers-Brillouin (WKB) pour tenir compte du caractère (idéalement) trapézoïdal de la barrière. L’expression que nous retiendrons pour interpréter les résultats s’écrit :

I (~r , z,V ) ∝ V · Z EF+eV EF ρt(E − eV ) · ρs(~r , E ) · T (E , z,V )dE (2.5) où T (E,z,V ) = exp      −2z q 2m(Φ +eV2 − E) ħ      (2.6)

L’équation2.5est parfois écrite en prenant EF = 0, ce qui revient à fixer

une origine pour les énergies. Dans cette expression, Φ est la moyenne des travaux de sortie des électrodes. Le termeΦ+eV2 apparaît comme une hauteur de barrière effective fonction de l’énergie des électrons tunnel qui n’ont donc pas la même probabilité d’être transmis par effet tunnel. On voit que ce sont les électrons près du niveau de Fermi qui participent le plus facilement au

3. les expressions données dans la suite ont souvent un préfacteur dimensionné qui n’ap- paraît pas. Elles ne sont donc pas homogènes à un courant ou à une conductance.

(a) (b)

FIGURE2.1 – (a) : schéma de principe du STM présenté par Binnig et Rohrer (Scien- tific American, 1985). (b) : modèle de la barrière trapézoïdale où apparaissent les grandeurs utilisées dans l’équation2.5. L’échantillon est àV > 0. La densité d’états de la pointe ρt est supposée constante en énergie. La longueur des flèches dans la

barrière symbolisent la probabilité de transmission tunnel en fonction de l’énergie.

courant. Le niveau de Fermi EF aux bornes de l’intégrale est le plus élevé des

deux : celui de la pointe si V > 0, et celui de l’échantillon si V < 0 avec la convention V = Vs− Vt= Vs.

2.1.3.4 Spectroscopie tunnel

Dans la formule2.5du courant tunnel, on voit que la densité d’états de la pointe est «convoluée» avec la densité d’états locale de l’échantillon. La dé- rivation par rapport à la tension tunnel permet de déconvoluer le signal et d’accéder à la LDOS de l’échantillon sous certaines hypothèses, en général bien vérifiées pour la plupart des systèmes étudiés en STM. Dans le cas où la DOS de la pointe est indépendante de l’énergie, on peut écrire la dérivée comme suit à la hauteur z=cte de la pointe (boucle de rétroaction ouverte, i.e. mode distance constante) :

dI

dV(~r , z,V ) ∝ ρs(~r , EF+ eV ) · T (E , z,V ) + F.C . (2.7)

où le terme de «fond continu» F.C . a la même expression que le courant2.5

mais où la transmissivité est remplacée par sa dérivée par rapport à V . Ce terme est négligeable à basse tension (<0.2 V). A plus haute tension, il est dé- licat à interpréter mais on considère en général que la transmissivité de la jonction tunnel a un comportement assez lisse vis-à-vis de la tension pour le considérer comme un fond dont la structure est négligeable devant le premier terme. KOSLOWSKIet al. [138] (2007) en ont proposé une expression :

F.C . ∝ −2epαz

sous la conditionρt=cte, avecα défini par l’expression2.2. ZIEGLERet al. [134]

(2009) ont montré que l’équation 2.7(z=cte, i.e. boucle ouverte, mode dis- tance constante) restait valable en boucle fermée au courant de consigne I0 (I =cte, mode courant constant), i.e. z = z(V ), et proposent l’expression sui- vante ρs(eV ) ∝ 1 eT (z(V ),V ) ½ dI (z(V ),V ) dV + 2eαz(V ) p Φ I0 ¾ (2.9)

pour la LDOS en un point (x, y, z(V )) donné et l’ont testée avec succès en com- parant les résultats obtenus en mode distance constante sur des molécules uniques de C60 /Au(111), entre autres, ce qui est remarquable compte-tenu de la simplicité de ces modèles, notamment par la modélisation de la surface par un état de Bloch, qui n’est pas a priori applicable aux états électroniques d’objets comme des molécules ou des atomes uniques. Notons enfin que la question de la dépendance de la transmissivité à la tension est souvent né- gligée, mais doit parfois être prise en compte (voir par exemple l’observation d’une conduction différentielle négative sur des bicouches de C60 (GROBISet

al. [139], 2005).

2.1.4

Résolution en énergie en spectroscopie tunnel