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Les modèles intégrateurs de l’absentéisme centrés sur la satisfaction et l’implication au travail

IV L’approche intégrative de l’absentéisme

4.1 Les modèles intégrateurs de l’absentéisme centrés sur la satisfaction et l’implication au travail

Nous présenterons les deux modèles intégrateurs de Steers et Rhodes (1978) et de Brooke (1986), de façon chronologique. Puis nous analyserons leurs apports et leurs limites.

4.1.1 Le modèle intégrateur de Steers et Rhodes (1978)

Steers et Rhodes (1978) ont été les premiers à présenter un modèle individuel de l'absentéisme. Ce modèle (voir figure 6) est aussi celui qui est le plus largement connu et cité dans la littérature. Il est fondé sur le lien entre la satisfaction au travail et l’absentéisme, sur lequel agissent des variables modératrices. Dans ce modèle, l'absence au travail est analysée comme le résultat de l'interaction entre l'environnement de travail, les caractéristiques personnelles du salarié et l'environnement social. Ces auteurs considèrent que la présence au travail dépend de la motivation à être présent et de la capacité à être présent. Ces deux composantes doivent être réunies pour assurer la présence du salarié au travail. La capacité à

être présent dépend non seulement de la maladie et des accidents au travail mais aussi des

responsabilités familiales et des problèmes de transport. La motivation à être présent dépend de la satisfaction au travail mais aussi des contraintes ou pressions qui peuvent être de natures sociale, économique ou psychologique. La satisfaction au travail, quant à elle, dépend de l'interaction entre l'environnement de travail et les attentes du salarié quant au travail à effectuer. Les caractéristiques personnelles du salarié influencent à la fois la motivation à être

présent et la capacité à être présent. Enfin, la présence ou l'absence au travail influence en

Figure 6: Modèle de Steers et Rhodes (1978)

Ce modèle est plus une synthèse des principaux antécédents de l’absentéisme, s’appuyant sur une vaste revue de littérature (104 articles), qu’une véritable théorie unifiée de l’absentéisme (Allebeck et Mastekaasa, 2004a). Cependant, il rappelle aux chercheurs toute la complexité de ce dysfonctionnement organisationnel majeur. Par ailleurs, bien qu’il ait été commenté et révisé (Brooke, 1986), ce modèle n’est pas devenu l’objet de tests répétés et n’a été testé que partiellement (Mowday et alii, 1982, p.99-102 ; Watson, 1981 ; Steel et alii, 2007).

Le modèle intégrateur de l’absentéisme de Steers et Rhodes (1978) est exclusivement centré sur la satisfaction au travail. Le modèle de Brooke (1986) intègre également le concept d’implication au travail.

Caractéristiques personnelles :

- formation initiale/sexe/ethnies - taille famille/âge/ancienneté

Valeurs et attentes des employés vis-à-vis du travail à effectuer Capacités de présence : - Maladie/accident - Responsabilités familiales - Problèmes de transport Environnement de travail : - Nature du travail - Niveau hiérarchique - Tension de rôle - Taille du groupe - Style de commandement - Relation entre travailleurs - Opportunités de promotion Satisfaction dans le travail Motivation à être présent Présence de l’employé Contraintes : - Conditions économiques et du marché du travail

- Système de récompenses (salaire, primes…) et de sanctions (contrôle,…)

- Normes du groupe de travail - Ethique du travail

4.1.2 Le modèle intégrateur de Brooke (1986)

Brooke (1986) a développé un modèle explicatif de l’absentéisme (voir figure 7), lié au modèle précédent, au sein duquel la majeure partie des flèches reliant les déterminants de l’absentéisme aux médiateurs convergent vers la satisfaction au travail, l’engagement au travail et l’implication organisationnelle. Par conséquent, la relation entre, d’une part, les facteurs organisationnels (monotonie, centralisation, paie, justice distributive, ambigüité et conflit de rôle, surcharge de travail, permissivité) et les facteurs individuels (éthique du travail, responsabilités familiales) et, d’autre part, l’absentéisme est principalement médiatisée par la satisfaction au travail, l’engagement au travail et l’implication organisationnelle. Nous pouvons noter que Brooke (1986) introduit une variable médiatrice « état de santé» dans son modèle. Toutefois, dans celui-ci, Brooke lui accorde un poids relativement modeste comparativement aux variables médiatrices attitudinales (satisfaction au travail, engagement au travail et implication organisationnelle) puisque seules trois flèches convergent des facteurs organisationnels, liés aux tensions de rôle (ambigüité et conflit de rôle) et à la surcharge de travail, vers cette variable médiatrice. Enfin, il nous semble que la variable médiatrice « dépendance à l’alcool », considérée dans le modèle comme une variable médiatrice, devrait plutôt être assimilée à une variable de contrôle de l’état de santé général. En effet, la dépendance à l’alcool est un indicateur de l’état de santé du salarié et, en tant que variable de contrôle, cet indicateur permettrait de tester la force explicative du modèle des causes de l’absentéisme. Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, Coutrot et Wolff (2005) ont montré que les facteurs liés à l’état de santé (facteurs de risque liés à la consommation d’alcool ou de tabac, pathologies antérieures et actuelles) ne biaisent que très faiblement la mesure de l’impact des conditions de travail sur la santé.

Ce modèle a été testé intégralement par Brooke et Price (1989) et partiellement par Hendrix et Spencer (1989). Les résultats de Brooke et Price (1989) sont décevants, la médiation entre les facteurs explicatifs et l’absentéisme ne s’opère que par la satisfaction au travail. Aucune relation entre les antécédents organisationnels (monotonie,…) et individuels (responsabilités familiales) et l’absentéisme ne s’opère via l’état de santé. Ajoutons que dans l’analyse de Brooke et Price (1989), aucune variable de contrôle, tels que l’âge ou le genre, n’est incluse. Ceci obère fortement la validité interne des résultats obtenus par l’étude.

Figure 7: Modèle de Brooke (1986)

4.1.3 Les apports et limites des modèles intégrateurs

La volonté de vouloir construire des modèles intégrateurs et exhaustifs, qui intègrent des déterminants individuel, organisationnel et sociétal, aboutit à des modèles difficilement testables et dont les relations entre l’absentéisme et les variables explicatives sont particulièrement complexes, n’aidant finalement que peu à la compréhension de l’absentéisme. Le problème principal de ces modèles réside dans l’assemblage « éclectique » de variables hétérogènes (intégrant des antécédents individuels, organisationnels, culturels et sociétaux), qui nuisent à la cohérence conceptuelle du modèle, à son interprétation et à son instrumentation. Par conséquent, il nous apparaîtrait plus heuristique de construire un modèle autour d’un nombre plus restreint de variables indépendantes homogènes, regroupées autour

Conflit de rôle Responsabilités familiales Centralisation Paie Justice distributive Ambigüité du Rôle Permissivité Surcharge de travail Ethique du travail Monotonie Satisfaction Engagement dans le travail Implication organisationnelle Absentéisme Dépendance à l’alcool Etat de santé

d’une approche homogène de l’absentéisme : l’approche organisationnelle centrée sur l’organisation du travail, les conditions de travail et les ressources de l’emploi. Ceci faciliterait l’interprétation du modèle et sa traduction en termes de pratiques managériales. Finalement, de l’analyse de ces différents modèles de l’absentéisme, nous retenons l’idée qu’il serait pertinent d’intégrer dans un modèle explicatif de l’absentéisme des variables médiatrices liées à l’approche attitudinale (la satisfaction au travail, l’intention de départ) et à l’approche médicale (la santé au travail). Au sein de l’approche attitudinale, nous ferions le choix de n’intégrer que la satisfaction au travail et l’intention de départ. En effet, dans la littérature, les relations entre l’implication organisationnelle, l’engagement au travail et l’absentéisme ne sont pas clairement démontrées, contrairement aux liens entre la satisfaction au travail, l’intention de départ et l’absentéisme.

Toutefois, nous pouvons nous interroger sur la possibilité de concilier approches organisationnelle, attitudinale et médicale.

4.2 La conciliation des approches organisationnelle, attitudinale et