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DEUX MODÈLES EXPLICATIFS

Dans le document Valeur des collégiens et réussite scolaire (Page 166-169)

Dans notre exploration des facteurs conditionnant la réussite scolaire, il est apparu que le champ des valeurs des collégiens occupait une place significative et ce, tant pour le rendement scolaire que pour la persévérance aux études. L’importance de l’effort pour réussir ses études fut une valeur phare dans l’examen des indicateurs de la réussite. Et la « méritocratie », comme on peut la surnommer, est l’une des caractéristiques qui distinguent le mieux les filles des garçons, les premières adhérant davantage que les seconds à cette valeur.

Plus globalement, des valeurs telles que l’importance des études et du diplôme d’études collégiales, valeurs associées positivement à la réussite scolaire, s’ajoutent à celle de la méritocratie comme vecteurs de la réussite. Or, ces valeurs caractérisent davantage les filles, selon nos résultats, en créant une sorte de toile de fond. De fait, ensemble, elles ne sont pas sans traduire des traits de socialisation plus axés sur l’engagement à l’endroit des études chez les filles. Traits qui, de l’avis du Conseil supérieur de l’éducation (1995) et de Saint-Amant (2007), prédisposeraient davantage les filles au monde scolaire, comme nous l’avons souligné précédemment.

Certains de ces traits de socialisation distincts ont été régulièrement évoqués dans les entrevues de groupe; de l’avis des participants, les filles seraient plus « à leur affaire », plus déterminées au regard de leurs études et de leur avenir, davantage prêtes à fournir les efforts nécessaires pour réussir… D’ailleurs, il est symptomatique de constater à cet égard que les garçons seraient deux fois plus nombreux que les filles, en proportion, à songer à abandonner leurs études en raison d’un manque d’intérêt alors que, chez les filles, les difficultés scolaires constituent un motif plus important, pour elles, que l’absence d’intérêt. Rappelons tout de même que le premier motif d’abandon potentiel pour les filles comme pour les garçons, dans leur programme d’études, réside dans la « réorientation » vers un autre programme de formation.

Une lecture interprétative de nos résultats, tant quantitatifs que qualitatifs, nous invite à considérer l’existence de deux modèles (ou idéaux-type dans le langage webérien) distinguant pour l’essentiel les filles des garçons. Chez les filles, le modèle de l’engagement de type conformiste traduirait

bien ce que nous avons constaté, à savoir un engagement plus intégré et soutenu chez les filles concernant leur cheminement scolaire. Ce dernier se maillerait davantage à leurs propres aspirations personnelles à travers un mode de socialisation où est recherchée la conformité aux exigences scolaires. Les résultats plaident d’emblée en faveur de la préséance d’un tel modèle chez les filles.

Du côté des garçons, un modèle a été déduit de nos résultats, mais sans qu’il n’apparaisse aussi étanche que celui identifié pour les filles. Il s’agit d’un modèle d’affirmation de type ludique.

Expliquons-nous! Dans les entrevues de groupe en particulier, les garçons ont manifesté de différentes façons leur volonté d’être autonomes : autonomes devant les professeurs, devant leurs parents, et valorisant l’esprit de compétition ainsi que la capacité de réaliser seuls une activité

parascolaire par exemple. Les garçons carbureraient donc davantage à l’autonomie personnelle et même à une forme d’individualisme, selon des propos recueillis en entrevues de groupe, mais aussi

dans une perspective ludique où le plaisir doit être présent dans les mécanismes d’apprentissage, où ils peuvent s’éprouver à travers des activités pédagogiques axées, par exemple, sur la recherche de solutions. C’est ce que nous ont reflété les garçons qui nous ont révélé leur goût du « concret », leur désir de créer, d’être mis à contribution dans les apprentissages. D’autres, par ailleurs, peuvent exprimer ce côté ludique par une sorte de « dilettantisme », selon l’expression de Rivière et Jacques (2002), au regard de leurs études.

Ces deux modèles traduisent un « idéal-type », soit une représentation abstraite à l’état pur d’un groupe d’individus permettant de saisir le réel à travers une représentation bipolaire (Cherkaoui, 1990). À partir de pôles extrêmes, on pourrait donc déduire ici des conduites propres aux filles et aux garçons en tant que groupes distincts. C’est dans ce contexte que nous proposons ces deux modèles (engagement de type conformiste chez les filles et autonomisme de type ludique chez les garçons) comme cadre interprétatif de nos résultats.

Toujours en lien avec les indicateurs de réussite scolaire, la dimension « bien-être personnel » de l’étudiant a, à l’instar des valeurs, distingué régulièrement les filles des garçons, tout en interrogeant les mécanismes de socialisation sous-jacents aux différences observées selon le genre. Au premier chef, le stress! Il s’agit d’une plaque-tournante qui s’est manifestée régulièrement dans l’étude en traduisant des différences significatives entre filles et garçons. Nous avons eu l’occasion de décrire en quoi, par exemple, la pression des études ressentie avec plus d’acuité chez les filles, en fonction de leurs valeurs et de leur mode de socialisation, pouvait traduire des différences certaines avec les garçons à ce titre.

Aussi, un examen attentif des facteurs associés à l’abandon scolaire a permis de mettre en évidence que des indicateurs, tels qu’une faible autosatisfaction, le sentiment d’être déprimé, la consommation abusive d’alcool et le fait de ne pas bien se sentir au collège, étaient des attributs davantage associés aux garçons à risque d’abandon scolaire. Notre attention s’est aussi portée sur certaines difficultés relationnelles vécues par les garçons à risque d’abandon scolaire sur le plan des relations avec les parents ainsi que sur celui de l’influence négative des pairs au regard des études. Ces aspects mériteraient éventuellement une analyse plus approfondie; sur cette question, notre recherche était porteuse de limites certaines pour explorer ces aspects même si, par ailleurs, les résultats quantitatifs plaident en faveur d’un tel examen.

Dans le document Valeur des collégiens et réussite scolaire (Page 166-169)