• Aucun résultat trouvé

3. Le fractionnement dépendant de la masse des isotopes du tungstène dans

3.5. Météorites de fer magmatiques et non-magmatiques : deux signatures

3.5.1. Modèles de formation des météorites de fer

Les météorites magmatiques : des noyaux de petits astéroïdes

Les météorites magmatiques sont aujourd’hui considérées comme issues de la

cristallisation fractionnée d’un liquide métallique, probablement dans le noyau d’un

astéroïde (Campbell et Humayun, 2005; Haack et McCoy, 2003; Scott et Wasson, 1975;

Scott, 1972). En conséquence, chaque groupe de météorites de fer magmatiques

proviendrait d’un astéroïde différent. Cela permet notamment d’expliquer la diversité

des compositions chimiques (majeurs et traces) et minéralogiques de ces météorites.

Sur les 13 principaux groupes de météorites de fer, 10 groupes sont des météorites

magmatiques : IC, IIAB, IIC, IID, IIIAB, IIIE, IIIF, IVA, IVB et ‘non-groupées’.

IAB et IIICD : un lien avec les winonaites ?

Les météorites de fer non-magmatiques IAB et IIICD ont des compositions

chimiques relativement différentes de celles des météorites de fer magmatiques, avec

notamment des gammes très étendues de concentrations en éléments traces

sidérophiles. De plus, contrairement aux météorites de fer magmatiques, les IAB et

IIICD ne présentent pas ou peu d’indices de cristallisation fractionnée. Enfin, la plupart

des IAB et certaines IIICD présentent des inclusions de silicates, de composition

grossièrement chondritique mais avec des textures recristallisées (Benedix et al., 2000;

Mittlefehldt et al., 1999).

Si ces inclusions relient les IAB aux winonaites (achondrites primitives) par leurs

compositions isotopiques (Clayton et Mayeda, 1996) en oxygène et par leur

minéralogie, le lien entre IAB et IIICD est moins évident ; même s’il semble exister un

continuum de composition en élément traces et en Ni entre IAB et IIICD, et des

similitudes minéralogiques entre les inclusions de ces deux groupes de météorites

(Choi et al., 1995; Wasson et Kallemeyn, 2002).

Les modèles pour expliquer les observations effectuées sur ces groupes de

météorites sont nombreux. Certains proposent une formation par impact (Choi et al.,

1995; Yugami et al., 1997), d’autres invoquent des processus de fusion partielle à

l’échelle d’un astéroïde (Benedix et al., 1998; Kracher, 1982, 1985). Aujourd’hui,

l’hypothèse qui fait le plus consensus est celle d’une mare de métal liquide se

refroidissant en « surface » (à la base d’un méga-régolithe tiède) d’un astéroïde. Choi et

al. (1995) ont proposé que les IAB et IIICD se soient formées par fusion du métal sur

des astéroïdes riches en volatiles, et proposent un lien avec les chondrites carbonées.

Ruzicka (2014) présente une synthèse des scénarios proposés pour expliquer les

observations dans les IAB et IIICD. Celles-ci sont résumées ci-dessous de façon à

alimenter la discussion qui suit.

Les modèles exogènes de formation des IAB et IIICD

Ces modèles proposent que les IAB et IIICD se soient formées dans un contexte

d’impacts violents qui ont entrainé une fusion partielle et un mélange de l’impacteur et

du corps impacté (Choi et al., 1995; Rasmussen, 1989; Wasson et Kallemeyn, 2002;

Wasson et al., 1980).

Mais il existe plusieurs problèmes avec ce modèle. Tout d’abord, les silicates

associés aux IAB et IIICD ont une composition proche de celle des chondrites et ne

présentent que peu de traces de fusion (Ruzicka, 2014). Ceci ne correspond pas à un

scenario dans lequel plusieurs impacts sont en jeu. En effet, il faudrait que les impacts

aient tous chauffé le corps dans la même gamme de températures, entre 920 et 1080°C

(Wasson et al., 1980), de façon à fondre le métal mais pas les silicates. De plus, on

s’attendrait à un refroidissement rapide (Choi et al., 1995) ; pour que le taux de

refroidissement soit relativement lent, comme semblent le montrer les équilibres de

phase kamacite-taenite (quelques dizaines à centaines de °C/Ma en fonction de la

méthode thermométrique utilisée – (Ruzicka, 2014)), il faudrait que le métal se mette

en place à la base d’un méga-régolithe tiède et isolant (Wasson et al., 1980, 2006), ou

que le bassin soit de dimension kilométrique, comme proposé pour les IIE (Wasson et

Jianmin, 1986).

Les modèles endogènes

Ce sont des modèles proches de ceux proposés pour les météorites magmatiques.

Le chauffage interne des astéroïdes, induit par la radioactivité, entraîne une fusion

partielle et une différenciation incomplètes, qui ne séparent pas efficacement le métal

et les sulfures des silicates (Kracher, 1982, 1985; McCoy et al., 1993; Wlotzka et

Jarosewich, 1977).

Dans ces modèles comme dans les modèles exogènes, il faut que les températures

atteintes dépassent celles de l’eutectique du système Fe-Ni-S (autour de 940°C à basse

pression, (Usselman, 1975)) sans atteindre celles nécessaires à une fusion poussée des

silicates. De plus, un modèle purement endogène ne permet pas d’expliquer les

textures bréchifiées observées dans les IAB, ni la coexistence de lithologies

chondritiques et différenciées.

Les modèles hybrides

Ruzicka (2014) appelle « Modèles hybrides » des scénarios dans lesquels les

impacts induisent des mélanges de différents matériels qui ont évolué séparément

dans leurs corps parents respectifs.

Deux types de modèles hybrides sont proposés pour les IAB : des modèles dans

lesquels des silicates plus ou moins différenciés, froids et en surface d’un astéroïde,

sont mélangés à du métal fondu (d’origine exogène) ; ou des modèles impliquant la

dislocation et la ré-accrétion d’un astéroïde suite à une collision (Benedix et al., 2000).

IIE : des météorites de fer riches en silicates

Ces météorites de fer présentent de nombreuses inclusions silicatées. Toutefois, la

variabilité des inclusions silicatées entraîne des difficultés de classification

(Mittlefehldt et al., 1999), et il est difficile d’affirmer l’unicité d’un corps parent pour

ces météorites. La pallasite Seymchan présente des zones extrêmement riches en

métal, similaires en texture à ce qui peut être observé dans les IIE (Scott et Wasson,

1976; Wasson et Jianmin, 1986). Nous garderons toutefois à l’esprit qu’il s’agit avant

tout d’une pallasite, même si nous l’associerons aux IIE dans ce qui suit, pour préciser

que nous analysons un fragment de la zone riche en métal de la météorite.

Pour les IIE, des modèles exogènes (étendues de métal formées à la base du

régolithe), endogènes (séparation métal-silicate incomplète, avec des taux de fusion

variés du métal et des silicates) et hybrides (le métal liquide exogène est injecté dans

les silicates chauds d’un astéroïde) ont été proposés (Armstrong et al., 1990; Bence et

Burnett, 1969; Bogard et al., 2000; Bunch et al., 1970; Burnett et Wasserburg, 1967;

Casanova et al., 1995; Hsu, 2003; Ikeda et Prinz, 1995; Ikeda et al., 1997; McCoy, 1995;

Olsen et al., 1994; Prinz et al., 1982; Ruzicka et Hutson, 2010; Ruzicka et al., 1999; Scott

et Wasson, 1976; Takeda et al., 2003; Wasserburg et al., 1968; Wasson et Jianmin, 1986).