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4. Etude du comportement du W lors des processus d’altération

4.4. Résultats et discussions

4.4.1. Composition chimique des roches et lixiviats

Les concentrations en éléments majeurs mesurées pour les différents échantillons

sont présentées dans le Tableau 4.6, et les concentrations en éléments traces dans le

Tableau 4.7.

Evolution du pH au cours de la lixiviation

A partir de ces données, nous avons estimé l’évolution des compositions chimiques

des solutions de lixiviation au cours du temps. La Figure 4.5 représente l’évolution du

pH au cours de l’expérience pour les séries dans lesquelles la solution n’a pas été

renouvelée (A et B). Les pH des solutions augmentent rapidement pour atteindre une

valeur proche de 8 à 8,5 durant les premiers jours de l’expérience.

Figure 4.5 : Evolution du pH au cours du temps pour les séries A et B. Les pH sont ceux recalculés pour une

température de 110°C.

Tableau 4.6 : Concentrations (en ppb) des éléments majeurs dans les lixiviats pour les différentes expériences. Les

concentrations sont données avec une barre d’erreur de 3 à 5%.

ppb pH (20°C) mesuré calculé pH (110°C)

(PHREEQC)

Si Al Fe Mg Ca

A1 9,1 7,1 293 2,6 118 1332 396

A2 9,5 7,5 667 5,3 184 1675 432

A5 9,6 7,6 622 5,3 202 1663 452

A7 10,3 8,4 2645 21,0 826 4084 836

A10 10,5 8,5 1742 18,3 827 3953 909

B1 9,9 7,9 1102 5,2 346 2174 446

B2 9,9 7,9 1182 9,2 390 2525 426

B5 9,6 7,6 544 8,6 168 1432 396

B7 10,7 8,6 2348 17,2 864 4376 479

B10 10,8 8,7 1415 15,3 578 2771 1014

AC1 8,9 7,0 1058 27,8 432 2610 1193

AC2 9,4 7,4 376 10,4 124 818 1043

AC5 9,5 7,6 1463 44,4 442 1963 999

AC7 9,6 7,6 519 19,6 176 896 872

AC10 9,4 7,4 609 16,3 177 836 828

AC125 10,3 8,4 - 25 100 582 934

BC1 9,0 7,0 370 10,4 103 1129 1085

BC2 10,0 7,9 383 12,4 122 727 776

BC5 9,6 7,6 992 31,4 283 1271 872

BC7 9,8 7,7 410 7,8 77,8 439 737

BC10 10,2 8,1 627 15,7 177 801 673

BC125 10,3 8,4 - 160 661 2379 933

A1 A2 A5 A7 A10 B1 B2 B5 B7 B10 AC1 AC2 AC5 AC7 AC10 AC125 BC1 BC2 BC5 BC7 BC10 BC125

ppb

Ti 8,72 9,54 8,92 23,6 21,8 11,1 11,3 3,78 21,1 15,4 94.2 25.7 96.1 43.3 45.2 5,48 19.7 25.5 59.2 13.6 38.6 38,8

V 0,94 1,41 1,40 4,53 3,88 2,39 2,75 1,15 4,90 3,67 8.25 2.16 8.17 3.28 3.83 0,52 2.00 2.41 5.44 1.42 4.66 3,50

Cr 69,4 105 111 355 240 153 229 105 395 299 181 51.4 185 72.3 135 15,3 48.0 61.8 151 33.2 212 100

Co 5,62 8,28 8,64 31,6 31,4 17,2 17,0 6,4 34,0 23,8 17.9 4.56 16.7 7.11 7.49 0,92 4.33 5.06 11.1 3.26 8.08 6,74

Ni 127 193 201 735 743 397 391 145 788 550 381 99.6 360 156 156 19,3 94.6 108 238 70.2 159 141,4

Cu 4,39 1,79 2,07 1,87 2,55 1,45 1,46 1,52 1,14 0,99 7.83 3.87 12.00 7.15 8.20 3,38 3.81 5.08 8.94 4.34 5.73 5,45

Zn 5,83 6,02 6,50 13,4 12,5 8,52 9,40 5,37 14,1 11,9 4.43 1.45 4.05 1.76 3.10 1,02 1.56 1.60 4.54 0.66 4.86 7,39

Rb 7,08 5,24 4,71 3,58 4,01 5,83 4,66 4,49 4,01 4,37 3.16 0.79 0.98 0.46 1.07 0,79 3.37 1.06 0.46 0.27 0.28 0,45

Sr 80,1 82,9 75,6 75,4 87,2 78,2 73,0 77,1 72,1 92,1 106 68.7 92.9 61.3 54.2 101 99.7 65.7 92.5 63.7 57.0 121

Nb 0,95 0,86 0,74 0,57 0,50 0,52 0,51 0,43 0,42 0,43 0.59 0.61 0.51 0.56 0.50 0,15 0.43 0.40 0.34 0.36 0.33 0,04

Mo 0,76 0,47 0,46 0,33 0,93 0,52 0,59 0,52 0,51 0,34 0.46 0.72 0.66 0.41 0.50 0,31 0.52 0.60 0.57 0.36 0.66 0,36

Ba 32,5 29,3 31,1 31,0 35,1 28,5 27,2 31,4 29,7 37,5 11.5 4.20 4.29 2.87 2.91 4,59 10.74 4.68 4.47 3.18 3.56 6,10

La 0,14 0,16 0,32 0,44 0,18 0,57 0,16 0,14 0,40 0,16 0.08 0.10 0.19 0.20 0.18 0,22 0.07 0.08 0.11 0.08 0.09 3,12

Ce 0,17 0,20 0,19 0,35 0,28 0,29 0,19 0,13 0,32 0,23 0.11 0.10 0.15 0.14 0.12 0,07 0.08 0.09 0.11 0.07 0.08 0,86

Nd 0,08 0,10 0,08 0,14 0,13 0,09 0,10 0,08 0,13 0,12 0.12 0.08 0.12 0.09 0.08 0,00 0.07 0.08 0.10 0.07 0.09 0,03

Sm 0,07 0,07 0,07 0,08 0,08 0,07 0,07 0,07 0,08 0,08 0.09 0.07 0.09 0.08 0.08 0,00 0.07 0.07 0.08 0.07 0.08 0,02

Eu 0,06 0,06 0,06 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0.07 0.06 0.07 0.07 0.06 0,00 0.06 0.06 0.07 0.06 0.07 0,01

Gd 0,07 0,07 0,07 0,08 0,08 0,08 0,08 0,07 0,08 0,08 0.11 0.08 0.11 0.09 0.08 0,01 0.08 0.08 0.10 0.08 0.09 0,02

Tb 0,20 0,49 0,22 1,19 1,44 0,54 0,46 0,21 1,07 1,18 7.08 2.26 8.27 2.81 2.62 0,47 1.37 1.79 4.39 1.26 3.24 3,47

Dy 0,05 0,06 0,05 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0.11 0.07 0.12 0.08 0.08 0,00 0.07 0.07 0.09 0.06 0.08 0,03

Ho 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0.07 0.06 0.07 0.07 0.06 0,00 0.06 0.06 0.07 0.06 0.06 0,01

Er 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 0,06 0,06 0,05 0,06 0,06 0.09 0.06 0.10 0.07 0.07 0,01 0.06 0.06 0.08 0.06 0.07 0,02

Tm 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0.07 0.07 0.07 0.07 0.07 0,00 0.07 0.07 0.07 0.07 0.07 0,00

Yb 0,05 0,05 0,05 0,06 0,05 0,05 0,06 0,05 0,06 0,06 0.09 0.06 0.09 0.07 0.06 0,00 0.06 0.06 0.07 0.06 0.07 0,02

Lu 0,06 0,06 0,06 0,06 0,06 0,07 0,07 0,07 0,07 0,07 0.07 0.07 0.07 0.07 0.07 0,00 0.07 0.07 0.07 0.07 0.07 0,00

Pb 0,67 0,95 0,53 1,16 0,72 0,99 1,29 0,40 0,89 0,44 0.19 0.20 0.31 10.9 0.27 0,19 0.12 0.29 0.21 0.17 0.15 1,84

Th 0,04 0,02 0,01 0,00 0,00 0,02 0,02 0,02 0,02 0,02 0.01 0.02 0.01 0.01 0.01 0,01 0.01 0.01 0.01 0.01 0.01 0,00

U 0,05 0,05 0,04 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 0,05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0,00 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0,00

ppt

Cette augmentation du pH peut être expliquée par le fait que les ions H

+(aq)

(ou

H

3

O

+(aq)

) sont impliqués dans la réaction de dissolution des olivines et des pyroxènes

(ex : Pokrovsky et Schott, 2000). Nos échantillons sont très riches en olivines, qui sont

elles-mêmes très proches du pôle forstérite (Mg

2

SiO

4

). Pour ce minéral, l’équation de

dissolution s’écrit :

!!!!"!!(!")+4 !!(!") →2 !! (!"!! )+ !"!! (!")+2 !!!(!)

A pression ambiante et 110°C, l’olivine se dissout très facilement (Goldich, 1938) et

ne peut pas re-précipiter. La réaction consomme 4 moles d’ions H

+

pour dissoudre une

mole de forstérite, ce qui entraine une augmentation du pH de la solution. Dans les

expériences que nous avons menées, il semble que la dissolution des silicates

tamponne rapidement le pH de la solution autour de pH (110°C) = 8,5.

Figure 4.6 : pH mesurés (symboles pleins) pour les expériences AC et BC, avec renouvellement de la solution. Les

flèches vertes indiquent le moment du renouvellement de la solution de lixiviation et les pointillés représentent le pH

de la solution de départ.

Pour les expériences où la solution a été renouvelée (AC et BC, Figure 4.6), on note

la même tendance à l’évolution rapide vers un pH basique. Laissées 115 jours (de j10 à

j125) dans le réacteur, les solutions à pH 4 et à pH 8,5 s’équilibrent toutes les deux à un

pH (à 110°C) de 8,4. Comme dans les expériences en système fermé, le pH est

rapidement tamponné par la dissolution des silicates. Il y a peu de différence entre les

expériences AC et BC en ce qui concerne le pH mesuré un même jour. Les différences

observées à j2 et j10 sont attribuées aux incertitudes analytiques.

Evolution des concentrations en éléments majeurs

Les échantillons utilisés dans cette étude étant majoritairement des silicates de

magnésium, nous nous intéresserons particulièrement à l’évolution des concentrations

des éléments Si et Mg en solution dans le lixiviat. Le Tableau 4.7 présente l’évolution

des concentrations en éléments traces au cours du temps dans les différents

échantillons.

On note une variabilité importante des concentrations mesurées, qui est

imputable à l’hétérogénéité de la poudre utilisée pour l’expérience, ainsi qu’aux

conditions de prélèvement de la solution de lixiviation, qui seront à améliorer (par

exemple en faisant suivre la centrifugation par une filtration ; ayant initialement des

doutes sur le fait que la filtration puisse engendrer un fractionnement isotopique, nous

avons préféré la centrifugation dans nos expériences). Toutefois, en reportant la

concentration en Mg en fonction de la concentration en Si dans le lixiviat (Figure 4.7),

il apparaît que celles-ci sont corrélées. Comparons les rapports de concentrations

Mg/Si dans le lixiviat avec celui théoriquement obtenu en dissolvant la roche de façon

congruente (tous les minéraux se dissolvent à la même vitesse). Dans ce cas, le rapport

Mg/Si dans la solution devrait être le même que celui de la roche de départ (trait

pointillé). Or, les solutions sont systématiquement enrichies en Mg (ou appauvries en

Si) par rapport à cette composition théorique.

L’olivine étant le minéral qui s’altère le plus facilement aux conditions de surface

(Goldich, 1938), nous testons aussi le cas pour lequel ce minéral serait le seul à se

dissoudre. La plupart des olivines du manteau supérieur ont une composition comprise

entre Fo90 et Fo99 ; en conséquence, nous avons reporté la gamme de rapport Mg/Si

correspondant à une dissolution congruente de telles olivines (champ gris). Là encore,

notons que les lixiviats sont enrichis en Mg (ou appauvris en Si) par rapport la

composition qu’ils devraient présenter dans le cas d’une simple dissolution congruente

des olivines.

La précipitation de phases secondaires silicatées avec un rapport Mg/Si plus faible

que celui de l’olivine est une explication probable pour l’enrichissement en Mg (ou

l’appauvrissement en Si) dans la solution. En effet, celle-ci engendrerait un

appauvrissement préférentiel de la solution en Si comme observé sur la Figure 4.7. Une

autre hypothèse est envisageable : la dissolution rapide d’une phase avec un rapport

Mg/Si plus élevé que celui de la forstérite (ou d’une phase contenant du Mg mais pas

de Si). Nous ne privilégions pas cette hypothèse car nous n’avons pas identifié de phase

présentant ces caractéristiques (dissolution rapide et rapport Mg/Si élevé).

A ce stade, nous pouvons aussi remarquer que les résultats obtenus pour les séries

A et B donnent des résultats très proches les uns des autres, que ce soit en terme de pH

de la solution finale, ou en termes de concentrations en éléments majeurs et traces. Il

semble que ce ne soit donc pas le pH de la solution de départ qui contrôle la

dissolution aux échelles de temps que nous considérons, mais plutôt la saturation de la

solution.

Lixiviation de Hf et W

J’ai reporté sur la Figure 4.8 les concentrations dans les lixiviats (pour les séries A

et B) en Hf et W en solution et les quantités de matière cumulées (séries AC et BC)

pendant la durée de l’expérience.

En système fermé, les concentrations en Hf en solution restent très faibles (autour

de 2 ppt) et les concentrations en W décroissent globalement au cours du temps. Cela

peut s’expliquer par le fait que la dissolution minérale est très importante les deux

premiers jours, et beaucoup moins rapide ensuite. Dans la série B, la concentration en

W augmente jusqu’à j2, alors qu’elle est maximale à j1 pour la série A. Cela pourrait

s’expliquer par une cinétique de réaction de dissolution des silicates plus lente à pH

élevé : l’état d’équilibre serait identique mais il est plus rapidement atteint dans la série

A que dans la série B. Lorsque cet état d’équilibre est atteint, des phases secondaires

commencent à précipiter. La décroissance de la concentration du W en solution peut

alors tout à fait s’expliquer par une co-précipitation du W avec les minéraux

secondaires qui se forment, ou par une adsorption du W sur ces phases secondaires.

Nous essaierons de tester ces hypothèses en faisant des modélisations numériques de

dissolution-précipitation avec l’aide de PHREEQC, et en comparant les quantités de

minéraux secondaires formés à cette décroissance observée de la concentration du W

en solution (voir paragraphe 4.4.3.3.).

Au contraire, les expériences en système semi-ouvert montrent que les quantités

de W et de Hf lessivés sont croissantes au fur et à mesure des renouvellements de

solution. Cela s’explique par le fait que le remplacement régulier de la solution de

lixiviation déplace l’équilibre vers la dissolution des silicates, libérant ainsi les éléments

traces qu’ils renferment. Les concentrations en W augmentent plus rapidement que les

concentrations en Hf, alors que la roche de départ contient plus d’Hf. Cela est en

accord avec nos hypothèses de départ selon lesquelles le W est plus stable en solution

et donc plus facilement mobilisé que l’Hf.

De plus, cette étude nous montre que les quantités de matière mises en solution

sont très faibles : 1,5 à 1,7 ng en une étape dans le cas des séries A et B (dunite) ; et la

même quantité de matière (W) en 5 étapes pour les séries AC et BC. Ces quantités de

matière représentent de l’ordre de 1% de la quantité de W contenu dans la roche de

départ. Pour effectuer des analyses isotopiques, nous avons besoin d’au moins 20 ng de

W. Nous ne pouvons donc pas déterminer la composition isotopique des lixiviats et

des phases solides de ces séries d’expériences.

Pour rendre ces analyses envisageables, il sera nécessaire de dimensionner les

expériences différemment :

- préférer les systèmes ouverts pour déplacer les équilibres chimiques dans le sens

des réactions de dissolution ;

- travailler avec des rapports eau/roche plus importants pour les mêmes raisons ;

- augmenter la quantité de matériel initial (poudre) ;

- travailler avec des échantillons beaucoup plus riches en W (idéalement

plusieurs centaines de ppb).

S’il n’est pas ici possible d’effectuer des analyses isotopiques, ces résultats nous

permettent tout de même de prédire que, dans les systèmes naturels, la mobilisation

du tungstène sera directement liée à la dissolution et à la formation de minéraux

secondaires, et non pas à la diffusion, qui est extrêmement lente aux températures

considérées (Kleine et al., 2008). Le fractionnement isotopique observé dans les roches

totales altérées sera donc a priori à relier à la dissolution préférentielle de certains

minéraux ayant des signatures isotopiques particulières, mais aussi au fractionnement

isotopique induit lors de l’adsorption et/ou de la coprécipitation du W avec les phases

secondaires néoformées.