1. Introduction
1.2. Pourquoi étudier le système hafnium-tungstène ?
1.2.3. Effets cosmogéniques
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Et, si on réinjecte cette équation dans celle donnant l’intervalle de temps entre les
deux évènements, on obtient :
!!−!! =!1
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!!!"
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Il est ainsi possible de comparer l’âge de deux évènements. Pour comparer des
évènements qui ne sont pas liés entre eux, il est possible d’utiliser la valeur des CAI
pour ε!
!. La valeur la plus récente proposée pour !!"# est de −3,51±0,10 (Burkhardt et
al., 2012), obtenue sur des CAI de la chondrite carbonée Allende.
1.2.3. Effets cosmogéniques
Les échantillons extraterrestres qui parviennent à la surface de la Terre peuvent
avoir passé un temps relativement long exposé aux rayonnements, par exemple en
surface d’un astéroïde ou après avoir été libéré de celui-ci par une collision. Les
météorites sont alors soumises aux rayonnements cosmiques galactiques (GCR, voir
encadré 1) qui modifient leurs compositions isotopiques (Eugster et al., 2006; Leya,
2011; Leya et al., 2000a, 2000b, 2003). On parle d’ « âge d’exposition » pour exprimer la
durée d’exposition d’une météorite à ces rayonnements. Les rayonnements cosmiques
peuvent aussi affecter les échantillons terrestres, mais dans une moindre mesure car ils
sont en partie déviés par le champ magnétique terrestre et atténués par leur
interaction avec l’atmosphère. La plupart du temps, leurs effets ne sont donc pas
considérés lors de l’étude d’échantillons terrestres.
1.2.3.1. Corrections avec l’âge d’exposition
A cause des âges d’exposition (voir encadré 2)
élevés de certaines météorites (par exemple : Carbo
(IID, 850 Ma), Tlacotepec (IVB, 945 Ma), Arispe (IC,
955 Ma), (Voshage et Feldmann, 1979)), les
rayonnements cosmiques entrainent une
modification des abondances isotopiques de ces
météorites (Leya et al., 2000a; Masarik et Reedy, 1994;
Masarik, 1997). En effet, ces rayonnements cosmiques
Les rayonnements cosmiques galactiques (GCR) sont des particules libres (protons,
neutrons, muons…) de haute énergie, originaires de l’extérieur de notre système solaire, qui
interagissent avec la matière (Stanev, 2010). Ils peuvent engendrer des anomalies
isotopiques en interagissant avec les atomes d’un minéral. En effet, ils sont responsables de
réactions de spallation ou de capture neutronique suivies ou non d’une désintégration
radioactive.
La spallation désigne le phénomène d’impact des rayonnements cosmiques sur des
atomes cibles. La spallation entraîne une fission des atomes impactés, pour en former de
plus légers (Filges and Goldenbaum, 2009).
Lors d’une capture neutronique, un noyau capture un neutron sans se désintégrer, et
gagne ainsi un nucléon sans changer de numéro atomique. L’excédent d’énergie cinétique
du neutron est dissipé sous forme de rayonnement gamma. La capture neutronique est
conditionnée par l’énergie du neutron incident et par la section efficace du noyau pour cette
énergie. De plus, la probabilité de capture d’un neutron augmente avec la densité de flux de
neutrons. Des météorites avec des âges d’exposition élevés auront connu un grand nombre
de captures neutroniques, modifiant ainsi fortement leurs compositions isotopiques (ex :
Markowski et al., 2006b). Mais ces captures neutroniques sont aussi impliquées dans la
nucléosynthèse stellaire (voir partie 1.2.4) :
- dans un flux de neutrons dense, la probabilité de capture de neutrons est supérieure à
celle de la désintégration radioactive, on parle d’un processus r, rapide. Un noyau a alors la
possibilité de capturer plusieurs neutrons avant de se désintégrer pour rejoindre la vallée
de stabilité (charte des nucléides, Figure 1.9).
- à l’inverse, sous un flux de neutrons peu dense, le noyau longera la vallée de stabilité
en une succession de captures neutroniques et de désintégrations radioactives. C’est le
processus s, lent.
1
L’âge d’exposition d’une
météorite correspond au temps
de séjour de la météorite dans
l’espace, depuis sa libération du
corps parent jusqu’à son
arrivée sur Terre. Pendant ce
temps, elle est soumise aux
rayonnements cosmiques
(GCR) qui génèrent des
isotopes cosmogéniques,
utilisés pour mesurer ces âges
d’exposition.
capture neutronique par le W, le Ta et le Re contenus dans un échantillon (Leya et al.,
2000a, 2000b, 2003; Markowski et al., 2006a; Wittig et al., 2013).
Les effets cosmogéniques entrainent à la fois la création et la disparition
d’isotopes. Les réactions impliquant les rayonnements cosmiques galactiques et
affectant les isotopes du W sont les suivantes :
!
! !,! !!!! (!= 180,182,183,184,186)
!
! !! !!" (! =185,187)
!"
!"! !,! !"#!" !! !"#!
!"
!"# !,! !"#!" !! !"#!
Dans les météorites de fer, les GCR interagissent avec les atomes de Fe et de Ni,
entrainant la production de neutrons secondaires qui pourront être capturés par les
atomes de W. Les réactions affectant le W sont alors essentiellement les captures
neutroniques par les atomes de W et de Re. Les rapports isotopiques
182W/
184W
mesurés peuvent parfois varier jusqu’à -0.5 ε par rapport à leur valeur avant exposition
aux GCR (Markowski et al., 2006a).
Dans les silicates, contenant peu de Re mais parfois riches en Ta, ce sont les
réactions de capture de neutrons par le tungstène et le Ta, suivie de la désintégration
du
182Ta en
182Wqui sont à considérer. La correction à effectuer sur les rapports mesurés
peut être de l’ordre de plusieurs ε (Leya et al., 2000b).
Pour les météorites silicatées, les corrections à apporter aux valeurs ε mesurées
(Leya et al., 2000b) sont les suivantes – exprimées en !!!", variation liée aux
rayonnements cosmiques – GCR : Galactic Cosmic Radiation :
!!"#
!"#!
!
!"#= 10!.
8,61527.10!"+ 6,33!"! −1,36 .3,1557.10!".!!"#
1,00468 .10!"+1,29384.10!".!!"#
8,61527.10!"
1,00468 .10!"
−1
!!"#
!"#!
!
!"#= 5.90256 .10!!.!!!"
!!"#
!"#!
!
!"#= 5.70799.10!!.!!"#
!!"# est le temps d’exposition de l’échantillon aux rayonnement cosmiques.
La Figure 1.5 montre l’influence de l’âge d’exposition et du rapport Ta/W sur les
!
!"#!"#!! mesurés.
Figure 1.5 : Variations du rapport
182W/
184W liées aux effets cosmogéniques, en fonction de l’âge d’exposition et du
rapport Ta/W, modifié d’après Leya et al. (2000b). Pour un rapport Ta/W = 0,22, la production de
182W à partir de
181Ta et sa consommation par le processus de capture de neutron entrainant la formation de
183W s’annulent.
De la même manière, les valeurs des rapports
184W/
186W et
183W/
184W doivent être
corrigées des effets cosmogéniques (Leya et al., 2000b).
Cette figure montre que pour un âge d’exposition suffisamment petit (inférieur à
100 Ma), une correction n’est nécessaire que si la rapport Ta/W est élevé (supérieur à 1
ou 2). De même, si le rapport Ta/W de l’échantillon est suffisamment faible
-1
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
ε
GCR(
182W/
184W
)
Ta/W
T
exp= 200 Ma
T
exp= 100 Ma
Lorsque les effets cosmogéniques sont importants, il s’avère nécessaire de corriger
les rapports isotopiques mesurés, et donc les âges apparents, de la contribution des
rayonnements cosmiques.
1.2.3.2. Corrections dans les météorites de fer
Les âges d’exposition présentent plusieurs problèmes : ils sont parfois entachés
d’incertitudes significatives et ne sont pas toujours disponibles dans la littérature pour
les échantillons étudiés. De plus, les concentrations en isotopes cosmogéniques varient
en fonction de l’exposition de l’échantillon aux rayonnements cosmiques, et
notamment de sa profondeur dans la météorite avant son entrée dans l’atmosphère
(Leya et al., 2003; Masarik et Reedy, 1994; Masarik, 1997). Plusieurs études proposent
des moyens de corriger les effets cosmogéniques dans les météorites de fer.
Correction avec le
3He
Dans les météorites de fer, l’interaction de particules de haute énergie
(rayonnements cosmiques galactiques primaires) avec les atomes de Fe et de Ni peut
entrainer l’émission d’un atome de
3He. La production d’
3He diminue significativement
avec la profondeur (Markowski et al., 2006a). Pour les isotopes cosmogéniques du
tungstène, formés par capture neutronique, le phénomène est un peu différent :
l’interaction entre les rayonnements cosmiques galactiques primaires et la matière
forme des neutrons secondaires thermiques et épithermiques, dont la densité de flux
augmente et dont l’énergie diminue avec la profondeur. Une relation d’anticorrélation
entre l’abondance de W cosmogénique et celle de
3He a ainsi été mise en évidence par
Markowski et al. (2006a). L’
3He est alors un proxy de la fluence neutronique (flux de
neutrons intégré sur le temps d’exposition). Ces auteurs proposent une correction des
signatures isotopiques du W dans les météorites de fer grâce à un modèle utilisant
abondance en
3He et âges d’exposition mesurés dans un échantillon jouxtant celui
utilisé pour les mesures isotopiques de W.
Correction avec le Pt et l’Os
Nous l’avons vu au-dessus, les effets cosmogéniques à l’origine de l’
3He dans les
météorites de fer sont liés à des rayonnements cosmiques primaires de haute énergie
alors que les effets cosmogéniques du W sont engendrés par l’interaction avec des
neutrons thermiques et épithermiques, qui sont des rayonnements cosmiques
secondaires, de plus basse énergie. C’est pourquoi d’autres auteurs se sont récemment
intéressés aux isotopes du platine (Pt) et de l’osmium (Os) (Kruijer et al., 2013; Wittig
et al., 2013) : ils ont proposé un meilleur dosimètre neuronique affecté par les mêmes
neutrons que le W. En effet, le Pt et l’Os sont eux aussi affectés par les neutrons
thermiques et épithermiques. De plus, leurs sections efficaces de capture neutroniques
sont très proches de celles du W. Les auteurs observent une corrélation entre la
contribution des GCR sur les signatures isotopiques en W (ε
182W), en Pt (ε
192Pt, ε
194Pt
ou ε
196Pt) et en Os (ε
189Os et ε
190Os). Il apparaît que les isotopes du Pt et de l’Os sont
d’excellents dosimètres à neutrons pour corriger les compositions isotopiques
mesurées pour le W. Ils permettent, avec un modèle simple, de retrouver les signatures
isotopiques en W de l’échantillon étudié avant son exposition aux GCR.
Grâce à ces différentes corrections, il est donc possible de s’affranchir des effets
cosmogéniques, que ce soit dans les météorites silicatées ou celles riches en métal.
Toutefois, n’oublions pas que les incertitudes entachant les mesures d’âges
d’expositions ou les abondances isotopiques du Pt doivent être propagées lors de la
correction des rapport isotopiques du W, et entrainent donc une augmentation de
l’incertitude sur les rapports isotopiques corrigés. Notons que les incertitudes sur les
âges d’exposition sont beaucoup plus grandes que celles affectant la mesure des
rapports isotopiques du Pt.
Dans le document
Isotopes du tungstène - Nouvelles applications à l’étude des processus terrestres et astéroïdaux
(Page 37-42)