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Il existe principalement deux approches de modélisation du comportement des al-liages à mémoire de forme. Il s’agit d’une part de l’approche macroscopique dite phé-noménologique et de l’approche multiéchelle basée sur une démarche de transition de l’échelle de la variante à celle du polycristal. Ces deux approches ont en commun une for-mulation thermodynamique basée sur l’expression et la minimisation de l’énergie libre. Elles (ces approches) restent complémentaires. En effet, l’approche multi-échelle permet de rendre compte des mécanismes locaux liés à la transition martensitique. Parallèlement, les modèles phénoménologiques (plus simples à mettre en œuvre) considèrent directe-ment le comportedirecte-ment moyen.

De nombreuses études portent sur la modélisation du comportement des AMF dans la littérature. Nous n’avons pas pour objectif de faire une revue exhaustive de ces travaux. Nous allons plutôt à travers des exemples choisis souligner deux réalités. D’une part, les approches de modélisation diffèrent souvent en fonction du choix des variables internes. D’autre part, chaque modèle propose une prise en compte partielle des nombreux phéno-mènes associés aux AMF (dissipation thermique, localisation, réorientation, dissymétrie, anisotropie, tridimensionnalité).

4.1.1 Modèles phénoménologiques

La simplicité de mise en œuvre des modèles macroscopiques ainsi que le nombre de variables internes plus faible (temps de calcul plus raisonnable) permettent leur im-plémentation dans des logiciels pour calcul de structures. Nous pouvons citer à titre d’exemple les modèles de [Chemisky, 2009] [Bouvet, 2001] [Morin et al., 2011].

Le modèle proposé par [Morin et al., 2011] est basé sur l’écriture d’un potentiel thermo-dynamique sous la forme d’une énergie libre de Helmholtz. Les variables du modèle sont la fraction moyenne de martensite et le tenseur gradient de transformation représentatif de l’orientation. L’expression de l’énergie libre est enrichie par l’introduction d’une chaleur spécifique (constante et identique pour l’austénite et la martensite). L’écriture de l’équa-tion de la chaleur permet d’estimer la dissipal’équa-tion thermique foncl’équa-tion de l’incrément de fraction de martensite créée. Le modèle est donc à même de prendre en compte le fort couplage thermomécanique présent dans les AMF. Implémenté dans le code de calcul éléments finis Cast3m, le modèle de [Morin et al., 2011] donne de bons résultats dans la retranscription des courbes pseudoélastiques et l’évolution des hystérésis en fonction de la nature et de la vitesse du chargement. Mais le modèle est quantitativement moins représentatif aux grandes vitesses de déformation du fait, selon les auteurs, de la non prise en compte des phénomènes de localisation dans les AMF.

Le modèle de Bouvet [Bouvet, 2001] est un modèle permettant de simuler des sollici-tations tridimensionnelles pseudoélastiques aussi bien proportionnelles que non propor-tionnelles. Les variables internes correspondent à la déformation de transformation et à

des variables d’histoire qui permettent de modéliser les effets mémoire du matériau. Deux surfaces de charge sont définies respectivement pour la transformation directe et la trans-formation inverse. La température est considérée homogène. Bouvet postule une propor-tionnalité entre la déformation de transformation et la fraction volumique de martensite. Cette hypothèse sera validée dans la thèse de [Taillard, 2006].

Des auteurs comme Dimitri Lagoudas [Lagoudas, 2008] ont établi une liste très fournie des modèles phénoménologiques proposés entre 1986 et 2006.

4.1.2 Modèles micro - macro

4.1.2.1 Modèles à l’échelle du grain La stratégie de modélisation locale dans la dé-marche micro - macro peut se faire en considérant un volume homogénéisé ; cela suppose de négliger les phénomènes aux interfaces.

Une autre stratégie consiste à construire un modèle topologique micromécanique avec prise en compte des interfaces entre variantes. Seulement, l’expression des énergies d’échange aux interfaces utilise des hypothèses sur la distribution et l’orientation de ces interfaces mobiles.

Une autre méthode de modélisation très locale utilise la dynamique moléculaire. L’objec-tif est de modéliser l’évolution d’un système d’atomes dont les interactions sont régies par le principe fondamental de la dynamique. Ces modèles permettent notamment de simuler l’influence d’un défaut (inclusion, précipité, dislocation) sur le comportement.

La base des modèles micromécaniques reste la thermodynamique. Les variables internes correspondent aux fractions volumiques pour l’austénite et les variantes de martensite. Les modèles peuvent être définis pour un grain ou une variante.

Dans les modèles micromécaniques, la transformation de l’austénite en martensite à l’échelle du réseau cristallin est définie par la matrice gradient de transformation F telle que ~r0= F~r. ~r et ~r0 sont les vecteurs positions du réseau avant et après transformation. Cette relation rend compte du caractère géométrique de la transition cristallographique. εεεtr, la déforma-tion de transformadéforma-tion lagrangienne (Green - Lagrange) pour chaque variante s’obtient selon εεεtr = 12(tFF − I). La déformation de transformation peut être définie à partir des matrices de Bain qui sont calculées à partir des variations de paramètres de maille entre deux systèmes cristallographiques. Une revue assez complète de ces matrices pour les principaux AMF est donnée par [Bhattacharya, 2003]. Une autre approche, communé-ment utilisée en micromécanique, consiste à définir l’orientation de la déformation de transformation de chaque variante en fonction de la normale à son plan d’habitat et de sa direction de transformation.

La déformation totale εεε peut être découplée sous la forme d’une déformation élastique ε

ε

εe (directement dépendante du tenseur de rigidité de la phase considérée) et de la dé-formation de transdé-formation εεεtr. D’autres termes telles que la dilatation thermique ou la plasticité interviennent également mais sont souvent négligés. L’additivité des déforma-tion (Eq. (1.6)) peut être appliquée en supposant un comportement élastique similaire pour l’austénite et la martensite et en se plaçant dans un cadre de petites perturbations.

Stratégies de modélisation de la littérature 39

L’énergie libre du grain comprend généralement une composante chimique, une compo-sante élastique qui comprend une énergie d’interaction. L’amorce de transformation appa-raît sous la forme d’un effort critique dont le signe change selon la direction de sollicita-tion. Des interfaces appelées plans d’habitat séparent l’austénite et la martensite. Chaque variante est ainsi définie par la normale à son plan d’habitat. Les variantes de marten-site qui se développent de manière conjointe forment également des interfaces. L’énergie d’interaction est représentative de l’inhomogénéité des champs de déformations associés. Elle dépend de la forme et de l’orientation des variantes considérées. L’observation des variantes de martensite montre une morphologie particulière sous la forme de lamelles, d’aiguilles ou encore de plaquettes.

Les modèles de monocristaux diffèrent principalement les uns des autres en fonction de l’expression de l’énergie d’interaction. Certains prennent en compte une variante unique. Ils s’appuient sur le fait que sous contrainte uniaxiale, il est fréquent qu’une variante unique nuclée dans un monocristal. Par exemple [Lu et Weng, 1997] prend en compte une variante unique de forme oblongue sélectionnée en fonction de l’orientation du cris-tal (par rapport à la direction de sollicitation). Ce modèle, bien que peu réaliste pour des cas de chargement complexe faisant intervenir plusieurs variantes, permet néanmoins de reproduire de manière satisfaisante les courbes 1D de contrainte - déformation pseu-doélastiques. D’autres modèles considèrent un ensemble de variantes (état multivariant). Les variantes peuvent être considérées séparément ou sous la forme de domaines (pa-quets) de variantes compatibles. La valeur de l’énergie d’interaction varie considérable-ment entre ces deux configurations. Dans [Gao et Brinson, 2002] tout en en considérant un état multivariant, l’énergie d’interaction est considérée comme une constante. D’autres comme [Patoor et al., 1996] [Siredey et al., 1999] considèrent des opérateurs d’interface entre variantes estimés par minimisation de l’énergie d’interaction. Le modèle de [Siredey et al., 1999] considère des domaines de variantes compatibles et permet de représenter le comportement pseudoélastique. La température est supposée constante. Mais ce der-nier surestime l’énergie d’interaction pour des cycles thermiques à faible contrainte où le nombre de variantes qui nucléent est assez important. [Niclaeys et al., 2002] a contourné ce problème en définissant des domaines uniquement constitués de paires de variantes. De cette manière, les combinaisons de domaines potentiellement compatibles sont beaucoup plus importantes. [Blanc et Lexcellent, 2004] a développé un modèle monocristallin qui prend en compte les matrices de Bain pour la description cristallographique de la mar-tensite. Son modèle permet de simuler des courbes de traction et de compression pseu-doélastiques (et la dissymétrie associée) ainsi que des courbes de réorientation dans un cadre biaxial. Une revue intéressante des expressions adoptées pour définir l’énergie d’in-teraction dans les modèles micromécaniques de comportement des alliages à mémoire de forme a été faite en 2006 par les équipes de Lagoudas et Patoor à l’échelle du monocristal ( [Patoor et al., 2006]).

4.1.2.2 Modèles à l’échelle du polycristal A l’échelle du polycristal, l’existence des joints de grains constitue une source supplémentaire d’incompatibilités. Il existe deux cas extrêmes. Pour des grains élastiques linéaires en parallèle, une hypothèse de

déforma-tion homogène peut être appliquée. Quand les grains sont disposés en série, un état de contrainte homogène peut être considéré. Le schéma auto-cohérent, inspiré des modèles de plasticité, permet une estimation intermédiaire. Dans cette approche, chaque grain est considéré comme noyé dans une matrice homogène dont le comportement correspond au comportement du polycristal. [Lexcellent et al., 2002] définit le polycristal comme un ensemble de grains désorientés avec une texture aléatoire et sans interaction. Dans son travail, l’objectif était de simuler les seuils de transformation dans un cadre biaxial. La comparaison avec des points expérimentaux donne de bons résultats. Le modèle gagnerait en précision en prenant en compte la texture des matériaux étudiés.

Le modèle de [Patoor et al., 1996] est un modèle très complet qui utilise un schéma auto-cohérent. Ce modèle est à même de décrire les principales spécificités du comportement des AMF : pseudoélasticité, influence de la température, boucles internes, dissymétrie traction - compression et comportement multiaxial. La plasticité et la présence de défauts ne sont néanmoins pas prises en compte.

Dans sa thèse, Anne Maynadier ( [Maynadier, 2012]) a utilisé une stratégie de modéli-sation probabiliste. Le VER est constitué d’un nombre suffisant de grains. Chaque grain est considéré comme un volume où coexistent les variantes (figure 1.31). Aucune in-terface n’est définie et le VER correspond à un volume homogénéisé sans description topologique. Le modèle proposé se base sur une formulation thermodynamique des éner-gies des variantes à l’échelle de la microstructure [Maynadier, 2012]. Une démarche de changement d’échelle est adoptée pour relier les grandeurs locales aux grandeurs macro-scopiques.

Certains autres modèles micromécaniques existant, très complets, sont utilisés comme des machines d’essais virtuels pour questionner la réponse de modèles phénoménologiques ou servir de base de comparaison à une campagne expérimentale.

Une revue intéressante des modèles micromécaniques (et phénoménologiques) de com-portement des alliages à mémoire de forme à l’échelle du polycristal a été faite en 2006 par les équipes de Lagoudas et Patoor ( [Lagoudas et al., 2006]).