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Comportement thermomécanique des alliages à mémoire de forme 13

Nous parlerons principalement du comportement des alliages à mémoire de forme non magnétiques soumis à des chargements dans un cadre statique. Cependant, des travaux intéressants sont menés sur le comportement dynamique (exemples : [Saletti et al., 2013] [Huang, 2016]) des alliages à mémoire de forme. Cet aspect sort en effet du cadre de notre étude. De même, nous ne nous intéresserons pas aux études sur des composites à base d’alliages à mémoire de forme (le lecteur intéressé par ce thème pourra consulter la thèse de Yves Chemisky [Chemisky, 2009]).

1.3.1 Effet mémoire de forme

A une température T<Mf et à contrainte nulle, le matériau se compose de marten-site auto-accommodée. L’application d’une sollicitation mécanique crée une sélection de variantes. La déformation induite par cette réorientation de variantes martensitiques est maintenue dans la structure après décharge. Elle peut être totalement recouvrée par simple chauffage : c’est l’effet mémoire simple sens (figure 1.7.a).

L’application d’une contrainte constante au matériau à T>Ms se traduit par une déforma-tion importante du matériau au refroidissement qui est naturellement recouvrée au chauf-fage. En effet, l’austénite se transforme directement en martensite orientée. Ce phéno-mène correspond à l’effet mémoire double sens assisté qui nécessite l’application d’une contrainte mécanique.

L’effet mémoire double sens sans assistance est quant à lui obtenu par éducation du ma-tériau. La succession de cycles thermomécaniques (cycles de refroidissement-chauffage à contrainte constante par exemple) crée des défauts dans la microstructure. Les variantes de martensite ainsi créées sont favorisées par ces défauts. Ainsi, après cette "éducation", le matériau se déforme au refroidissement même en l’absence de toute contrainte mécanique extérieure.

1.3.2 Comportement pseudoélastique sous chargement mécanique uniaxial

1.3.2.1 Pseudoélasticité Lors d’un chargement mécanique (contrainte croissante) à une température supérieure au seuil d’austénisation (T>Af), l’état de départ est austéni-tique. La contrainte génère une transformation martensitique et un développement pré-férentiel des variantes mieux orientées suivant le sens de sollicitation. La déformation macroscopique induite par cette transformation est totalement recouvrée à la décharge : il s’agit du phénomène de pseudoélasticité (figure 1.7.b).

1.3.2.2 Influence de la température Le comportement pseudoélastique est influencé par la température de sollicitation. La martensite est une phase stable à basse température. Les seuils mécaniques de transformation martensitique sont d’autant plus faibles que la température est basse. Cette influence définit l’évolution des seuils de transformation mé-canique dans le diagramme expérimental en figure 1.8. Sur cette figure, à T<Ms, sont

2% 4% 6% 50 100 T 200 400 600 800 cooling Detwinning A B C D E F f A s A Twinned Martensite Austenite Detwinned Martensite Detwinned Martensite f σ s σ (MPa) (°C) σ ε 2% 4% 6% 50 100 T 200 400 600 800 cooling Detwinning A B C D E F f A s A Twinned Martensite Austenite Detwinned Martensite Detwinned Martensite f σ s σ (MPa) (°C) σ ε

ig. 1.10. Stress-strain-temperature data exhibiting the shape memory effect f

(a) Detwinned Martensite Austenite Str ess, σ Strain, ε Mf σ Ms σ Af σ As σ Detwinned Martensite Austenite Str ess, σ Strain, ε Mf σ Ms σ Af σ As σ

F ig. 1.8. Schematic of a pseudoelastic stress-strain diagram.

(b)

FIGURE1.7: a) Effet mémoire simple sens ; b) superélasticité [Lagoudas, 2008]

également représentés les seuils de réorientation de la martensite (passage d’une mar-tensite accommodée à une marmar-tensite orientée). Nous pouvons remarquer que les pentes expérimentales ne sont pas tout à fait linéaires, contrairement au schéma en figure 1.2. La figure 1.9 permet d’observer l’évolution des seuils de transformation en traction, en compression et en cisaillement à différentes températures pour un échantillon polycristal-lin de NiTi [Orgéas et Favier, 1998].

FIGURE 1.8: Ronds creux : évolution des seuils de réorientation de martensite M → M0 (T<Ms) et de transformation directe A → M. Ronds pleins : évolution des seuils de

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FIGURE1.9: Seuils en traction, en compression et en cisaillement à différentes tempéra-tures pour un échantillon polycristallin de NiTi : les points expérimentaux sont comparés à des surfaces seuils obtenues avec un critère faisant intervenir le troisième invariant du

tenseur des contraintes [Orgéas et Favier, 1998]

1.3.2.3 Dissymétrie traction - compression Les essais menés sur les alliages à mé-moire de forme montrent par ailleurs une dissymétrie entre les comportements en traction et en compression (figures 1.9 et 1.10). Les seuils de transformation martensitique σMs en compression sont plus élevés qu’en traction. Les variantes qui se développent étant dépen-dantes de la nature du chargement, les niveaux de déformation correspondant sont égale-ment différents en traction et en compression. Les expériences de Gall [Gall et al., 2001] ont déjà montré cette dissymétrie. Nous pouvons également citer l’étude expérimentale de Favier et Orgéas [Orgéas et Favier, 1998] sur le comportement d’un échantillon de NiTi soumis à de la traction, de la compression et du cisaillement. La comparaison des dif-férents trajets permet l’observation de la disymmétrie entre la traction et la compression (figure 1.9).

1.3.2.4 Phénomène de localisation Sur les échantillons élancés soumis à une contrainte mécanique, la transformation martensitique donne lieu à une localisation en une bande de transformation qui va se propager avec la sollicitation (figure 1.11).

La transformation martensitique étant exothermique, elle a tendance à ralentir voire stop-per la transformation si cet échauffement local n’est pas évacué (dans le cas où la vitesse

(a) (b)

FIGURE 1.10: a) Courbes de traction ; b) courbes de compression pour un échantillon monocristallin et un échantillon polycristallin de NiTi [Gall et al., 2001]

de sollicitation est importante). D’autres bandes peuvent dès lors se former sur des zones plus « favorables » à la transformation de phase. Ainsi le comportement est fortement dé-pendant de la vitesse de sollicitation du fait du couplage entre la transformation de phase et les phénomènes thermiques qui lui sont associés. Ces bandes ont largement été observées lors d’essais de traction [Shaw et Kyriakides, 1997], [Maynadier, 2012], [Saletti et al., 2013], [Depriester et al., 2014], ... He Huang [Huang, 2016] les a également observées lors d’essais de cisaillement sur des échantillons de NiTi sous des chargements statiques, mais aussi sous des chargements dynamiques grâce à des caméras rapides. Cette étude avait pour objectif d’explorer le comportement en cisaillement dynamique et de faire le lien entre le nombre de bandes et la vitesse de sollicitation pour ce type de chargement. Auparavant, [Saletti et al., 2013] avait mené des mesures de champs de déformation en statique et en dynamique (utilisation des barres de Hopkinson), également sur des échan-tillons de NiTi. Les mesures de champs obtenues par corrélation d’images avaient pu être corrélées à des mesures de champs de température par caméra infrarouge. Nous pouvons également citer l’étude plus récente de Lin Zheng [Zheng et al., 2016]. Cette dernière a suivi par des méthodes optiques l’évolution des fronts de transformation pour des cycles de traction sur des bandes de NiTi. Un lien a été fait entre les phénomènes de localisation et la durée de vie en fatigue du matériau.

1.3.2.5 Polycristaux / Monocristaux Les déformations de transformation martensi-tique sont plus importantes pour un monocristal (jusqu’à 10% pour du NiTi) que pour un polycristal (jusqu’à 6% pour du NiTi) du fait de l’absence de joints de grains (figure 1.10). En effet ces derniers génèrent des champs de contraintes locaux favorisant la nucléation de plusieurs variantes par grain (contre la nucléation d’une variante unique dans un mo-nocristal).

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FIGURE1.11: a) Observation des bandes de transformation (en noir, la phase austénis-tique) ; b) courbe de chargement associée (traction sur échantillons plats de NiTi) [Shaw

et Kyriakides, 1997]

L’état de la microstructure (présence de précipités, d’inclusions, de densités de disloca-tions) joue également un rôle sur le niveau de déformation atteint.

En plus de la sensibilité à la nature et à la direction du chargement, le comportement est très fortement influencé par la présence d’une texture dans le matériau. Un polycristal texturé présentera des propriétés mécaniques différentes d’une direction de sollicitation à l’autre. L’anisotropie du polycristal est à l’image de celle des monocristaux dont il est

constitué.

1.3.3 Particularités du comportement sous chargement multiaxial

Les essais multiaxiaux sur des AMF ont permis de mettre à jour d’autres mécanismes associés à la transition martensitique. En effet, la sélection des variantes de martensite dé-pend d’une part de la nature du chargement appliqué (traction, torsion, compression,...) et d’autre part du trajet de chargement. Les essais multiaxiaux répertoriés dans la littérature sont des essais de traction - compression, traction - torsion, traction - torsion - pression interne, traction (compression) - pression hydrostatique, et tricompression.

1.3.3.1 Trajets de chargements proportionnels / non - proportionnels Les trajets de chargement associés sont soit proportionnels soit non - proportionnels. Un trajet pro-portionnel comme son nom l’indique suppose une proportionnalité des termes du tenseur des contraintes. La transformation associée est un phénomène continu. Dans un cas de chargement non - proportionnel, la sollicitation concerne d’abord un premier terme du tenseur des contraintes, puis un second, ainsi de suite. Ainsi une première sélection de variantes est initiée par le premier chargement. Quand la direction de sollicitation change, nous assistons à la réorientation de la variante pré-sélectionnée suivant la nouvelle direc-tion du chargement. Ce phénomène de réorientadirec-tion est caractéristique du comportement multiaxial non - proportionnel.

Les expériences menées dans la littérature dans un cadre statique ont souvent pour but la détermination des surfaces de transformation de phase, ou encore des surfaces seuils de réorientation de variantes. L’un des critères les plus communs est un critère de perte de linéarité : le seuil est défini par rapport à un offset de déformation choisi.

Nous allons présenter par la suite trois études expérimentales où sont illustrés les diffé-rents aspects du comportement des alliages à mémoire de forme soumis à des sollicitations multiaxiales.

1.3.3.2 Expériences de [Bouvet, 2001] Dans sa thèse [Bouvet, 2001], Bouvet a mené des essais pseudoélastiques de traction-torsion et de traction-pression interne sur des éprouvettes tubulaires de CuAlBe. Une rosette de trois jauges à 45 est collée sur la surface extérieure des éprouvettes afin de mesurer la déformation. Les seuils de transfor-mation sous chargement proportionnel (figure 1.12.a) sont définis par rapport à un offset de la déformation équivalente de Levy - Mises. Les surfaces seuils obtenues sont loin de satisfaire un critère de von Mises (figure 1.12.b). L’auteur a pu observer une dissymétrie entre la traction et la torsion qui pourrait aussi bien être imputable à la forme du tenseur des contraintes qu’à l’anisotropie du matériau.

Des essais non - proportionnels de traction-pression interne (2 essais avec des trajets en carré) et de traction-torsion (un essai avec un trajet elliptique) ont également été effectués. Des chargements plus complexes de bicompression et de tricompression proportionnelles et non - proportionnelles sont présentés dans la thèse de Bouvet sur des cubes de CuAlBe. Ces essais sont menés sur Astree, une machine triaxiale possédant 6 vérins indépendants

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et disponible au LMT. Ces essais s’accompagnent d’observations des plaquettes de mar-tensite par microscopie optique. L’objectif de cette étude était d’enrichir la base expéri-mentale existante sur le comportement multiaxial des AMF et de proposer des formula-tions adaptées de contrainte équivalente.

-300 -200 -100 0 100 200 300 -300 -200 -100 0 100 200 300 √ .z θ (M P a) zz(MPa) Cu-Al-Be (n°1) @ 50°C Critére de Mises offset: 0.1% -300 -200 -100 0 100 200 300 -300 -200 -100 0 100 200 300 √ .z θ (M P a) zz(MPa) Cu-Al-Be (n°1) @ 50°C offset: 0.02% 0.05% 0.1% -a-

-b-FIGURE1.12: CuAlBe : seuils de traction - torsion : a) à différents offsets ; b) normales à l’écoulement et comparaison avec une surface seuil de von Mises [Bouvet, 2001]

1.3.3.3 Expériences de [Taillard, 2006] Les expériences de [Taillard, 2006] ont per-mis de déterminer les surfaces seuils de transformation en traction (compression) - tor-sion. 9 trajets proportionnels sont menés sur des éprouvettes de CuAlBe tubulaires. Les déformations sont mesurées grâce à une rosette de trois jauges à 45collée sur le diamètre extérieur des éprouvettes. La fraction de martensite est mesurée via une mesure de résis-tance électrique. En effet, les résistivités de l’austénite et de la martensite diffèrent. Cette étude questionnait la proportionnalité entre les fractions de martensite et les défor-mations équivalentes. Cette proportionnalité postulée dans le modèle proposé par Bou-vet [BouBou-vet, 2001] a été validée dans l’étude de Taillard pour des AMF isotropes et ani-sotropes.

Des essais de traction - (compression) - torsion ont également été menés sur des tubes minces de NiTi. Les déformations sont toujours mesurées grâce à une rosette de trois jauges à 45. Les mesures sont réalisées dans une enceinte thermique régulée. L’échan-tillon est refroidi à une température telle que le matériau soit au départ constitué de martensite et de phase R. L’échantillon est soumis aux sollicitations mécaniques puis réchauffé à la température de l’austénite pour observer l’effet mémoire simple sens. Les mesures ont permis la détection de seuils de réorientation de la phase R (figure 1.13) aussi bien en chargement proportionnel (points blancs dans la figure) que non - proportionnel.

FIGURE1.13: NiTi : seuils de réorientation de la phase R en traction - torsion [Taillard, 2006]

1.3.3.4 Expériences de [Echchorfi, 2013] Des études expérimentales plus récentes ont été menées par Ech - Chorfi [Echchorfi, 2013] sur des échantillons de NiTi. Les es-sais étaient pseudoélastiques (T > As). Ce dernier a exploré des eses-sais de type Meuwis-sen [MeuwisMeuwis-sen et al., 1998]. Il s’agit à partir d’une géométrie particulière d’éprouvette d’obtenir un état de contraintes multiaxiales sous une sollicitation uniaxiale.

Ech - chorfi a également effectué des essais de bitraction et de traction - compression sur des éprouvettes en croix. L’utilisation de la corrélation d’images numériques a permis d’observer l’évolution de chaque composante du champ de déplacement de l’éprouvette. Les essais ont montré l’hétérogénéité du champ de déformation associé. Les géométries d’échantillons utilisées étaient assez complexes.

Cette étude avait pour objectif de servir de base de comparaison / validation pour le mo-dèle phénoménologique de Chemisky [Chemisky, 2009].

2 Comportement des matériaux magnétiques

Le magnétisme à l’échelle atomique résulte du mouvement des électrons autour de leur noyau (moment magnétique orbital) et ainsi que de la rotation des électrons sur eux mêmes (moment magnétique de spin). L’ordre magnétique dépend des interactions pos-sibles entre atomes voisins. On peut distinguer quatre familles de matériaux magnétiques (figure 1.15) :

— paramagnétisme : les moments magnétiques des atomes sont désordonnés par l’agitation thermique. Il n’existe pas d’interaction entre atomes voisins. Le

ma-Comportement des matériaux magnétiques 21

a) b)

c) d)

Figure 4-12 : Champs de déformations a) transversale ), b) longitudinale ), et c) e 0% -2,5% -1,3% 6% 0% 3% 0,6% -0,4% 0,1% 1 2 1 2 1 2 1 2 I

a) Points de l’éprouvette où sont extraites les déformations.

b) déformation équivalente au sens de Von Mises en fonction du temps.

0 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0 50 100 150 200 250 300 form at ion ƐM ises Temps (s) A B C D E F A B C E D F II FIGURE 1.14: I) Essai de traction de type Meuwissen dans le sens 2 : a) champs de déformation ε11; b) ε22; c) ε12; II) évolution de la déformation de von Mises pour une

éprouvette en croix durant un essai de traction - compression [Echchorfi, 2013]

tériau développe un moment macroscopique non nul sous l’action d’un champ magnétique extérieur. En l’absence d’une sollicitation, le moment est nul.

— ferromagnétisme : il existe dans ces matériaux une aimantation spontanée. En ef-fet, les spins des électrons appartenant à des atomes voisins sont couplés. Cette interaction tend à aligner les moments entre eux.

— anti - ferromagnétisme : les moments voisins s’alignent antiparallèlement et se compensent. Le moment macroscopique résultant est nul.

— ferrimagnétisme : les moments voisins s’alignent antiparallèlement mais la com-pensation est partielle. Il en résulte un moment macroscopique non nul.

Les différentes configurations magnétiques diffèrent également par leur susceptibilité. Cette grandeur peut être simplement définie dans un premier temps comme la capacité du matériau à s’aimanter sous l’action d’un champ extérieur.

Nous pouvons noter qu’au delà d’une température caractéristique dite température de Curie (TC), l’agitation thermique prend le pas sur l’échange inter - atomique dans les ma-tériaux ferromagnétiques. Dans ce cas, l’ordre magnétique disparaît et le matériau devient paramagnétique.

Nous utilisons par abus de langage le terme générique "matériau magnétique" pour désigner un matériau qui a la propriété de s’aimanter en présence d’un champ magné-tique. Dans la pratique, les matériaux concernés sont souvent les matériaux de type ferro

S

a paramagnétique b ferromagnétique

c antiferromagnétique d ferrimagnétique

FIGURE1.15: Configurations magnétiques [Nozières, 1998]

et / ou ferri - magnétiques. Comme pour les alliages à mémoire de forme, nous nous li-mitons également aux matériaux cristallins et nous listons les principales propriétés des matériaux ferromagnétiques et le lien qui existe entre ces propriétés et leur microstructure.