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3 Modélisation des polymères semi-cristallins

3.2. Modèles d’homogénéisation

L’objet d’étude est un VER de matériau hétérogène, qui correspond à un assemblage complexe de nombreux éléments homogènes de petite taille et de caractéristiques mécaniques variables de l’un à l’autre. L’ambition d’une modélisation par transition d’échelles est de définir un milieu homogène fictif dont un volume de même taille et géométrie que le VER sollicité de façon identique a une réponse globale équivalente à celle du milieu hétérogène.

Plusieurs approches existent dans la littérature concernant l’homogénéisation des polymères semi-cristallins. Deux domaines sont étudiés : les petites déformations ((Nikolov & Doghri 2000), (Nikolov et al. 2002), (Bédoui et al. 2006), (Diani et al. 2008), (Gueguen et al. 2010)) et les grandes déformations ((Lee et al. 1993a), (Lee et al. 1993), (Ahzi et al. 1994), (Chen et al. 1996), (Yang & Chen 2001), (Van Dommelen et al. 2003a), (Van Dommelen et al. 2003b), (Gueguen et al. 2008)). La plupart des modèles d’homogénéisation sont fondés sur les travaux d’Eshelby (Eshelby 1957).

Dans le domaine des grandes déformations, (Lee et al. 1993a) ont été les premiers à proposer un modèle du type inclusion composite à deux phases (voir 1Figure 1.21) pour prévoir le comportement et l’évolution de texture du PEHD notamment en traction et compression uniaxiales et cisaillement simple. Les deux phases ont été considérées comme viscoplastiques non linéaires. La loi de localisation est fondée sur le modèle de Sachs. Dans le même esprit (Lee et al. 1993b) ont utilisé ce type de loi, mais cette fois ci, deux modèles hybrides auto-cohérents (« S-inclusion » et « D-inclusion ») ont été proposés comme schémas d’homogénéisation.

(Ahzi et al. 1994) ont utilisé ont modélisé le comportement et l’évolution de texture du PEHD, du Nylon-6, du PET et du PP en compression uniaxiale dans le domaine de grandes déformations. Un taux de cristallinité idéal de 100% a été considéré avec un modèle de plasticité de Taylor. Pour l’interaction micro/macro le modèle « constrained-Hybrid » CH (Parks & Ahzi 1990) a été utilisé pour modéliser les huit systèmes de glissement distincts du HDPE. Pour le Nylon-6, le PET et le PP, comme le nombre de systèmes de glissement physiques distincts est inférieur (trois) le modèle CH proposé par (Lee et al. 1995) a été suffisant.

nI c Lamelle cristalline Interface Couche amorphe fc=1-fa fa nI c Lamelle cristalline Interface Couche amorphe fc=1-fa fa

Figure 1.21 Représentation schématique du modèle type inclusion composite à deux phases (Lee et al. 1993a).

Toujours en négligeant la phase amorphe (Chen et al. 1996) ont utilisé une « fonction de distribution d'orientation » (ODF) , pour étudier la texture orthotropique induite dans les polymères cristallins (PEHD) par traction uniaxiale et cisaillement simple dans le domaine des grandes déformations. Cette modélisation néglige la présence de la phase amorphe, comme celle de la structuration sphérolitique. Ce modèle a été étendu en trois dimensions par (Yang & Chen 2001) pour prendre en compte la distribution d’orientation tridimensionnelle des chaînes. Cette fois ci, le rôle de la phase amorphe a été pris en compte via son influence sur le glissement cristallographique.

(Van Dommelen et al. 2003a) ont utilisé la représentation schématique de (Lee et al. 1993a) pour étudier le comportement élasto-viscoplastique et l’évolution de texture dans le PEHD en compression uniaxiale monotone et cyclique. Les deux phases ont été considérées élasto-viscoplastiques.

Les différents modèles présentés précédemment concernent le domaine des grandes déformations. Dans ce domaine, la microstructure sphérolitique est détruite au profit d’une microstructure fibrillaire et le matériau présente une microstructure proche d’une microstructure lamellaire mono-orientée (voir paragraphe 12.3.1). Aussi, l’approximation qui consiste à négliger la structure sphérolitique est raisonnable et de bonnes concordances expérimentales/numériques ont pu être trouvées, en termes d’évolution texturale et/ou de réponse contrainte déformation.

Toujours en grandes déformations, (Van Dommelen et al. 2003b) introduisent néanmoins un degré de raffinement supplémentaire en prenant en compte partiellement la géométrie des sphérolites. Trois niveaux d’échelles sont considérés, macroscopique (plusieurs sphérolites), mésoscopique (agrégat d’inclusions composites à deux phases assemblées de manière radiale) et microscopique. A l’échelle mésoscopique, le comportement de l’assemblage est estimé grâce au même modèle que dans les travaux de (Van Dommelen et al.

2003a). La phase cristalline est considérée élasto-viscoplastique et l’amorphe viscoplastique. Le modèle prévoit un démarrage de la déformation plastique dans les centres des sphérolites qui se propage vers les frontières, ce qui est en accord avec les résultats de (G’Sell & Haudin 1995) discutés au paragraphe 12.3.1. La description de la structure sphérolitique reste néanmoins extrêmement simplifiée par rapport à la réalité.

Dans le domaine des faibles déformations, (Bédoui et al. 2006) utilisent deux approches différentes pour prévoir le module d’Young en traction sur le PE, le PP et le PET. La première schématise la microstructure par des inclusions ellipsoïdales (phase cristalline) aléatoirement réparties dans une matrice amorphe (voir figure 1Figure 1.22). La seconde fondée sur les travaux de (Lee et al. 1993b) considère la microstructure comme un agrégat d’inclusions composites à deux phases (phase cristalline et amorphe). La phase cristalline est définie comme élastique linéaire orthotrope et la phase amorphe comme élastique linéaire isotrope avec un coefficient de Poisson proche de 0,5. Trois schémas d’homogénéisation différents ont été testés, (« auto-cohérent », « différentiel » et « U-inclusion »). Les résultats sont très sensibles au choix du schéma d’homogénéisation.

Figure 1.22 Schéma d’inclusions cristallines ellipsoïdales aléatoirement distribuées dans la matrice amorphe (Bédoui et al. 2006).

Pour prévoir le comportement viscoélastique linéaire du PET, (Diani et al. 2008) utilisent les mêmes modélisations, mais cette fois un comportement viscoélastique linéaire est considéré pour la phase amorphe. Les modèles sous-estiment la diminution de viscosité avec le taux de cristallinité et s’avèrent finalement inappropriés pour prévoir le comportement viscoélastique linéaire des PET.

Pour prévoir la réponse contrainte/déformation du PEHD dans le domaine des petites déformations, (Nikolov & Doghri 2000) ont enrichi le modèle micromécanique d’inclusions composites, en considérant plusieurs couches de chaque phase (voir 1Figure 1.23). Un comportement élasto-viscoplastique a été considéré pour la phase cristalline et viscoélastique pour la phase amorphe. Le modèle fournit une description correcte de la réponse contrainte/déformation. Il est toutefois limité au domaine de températures pour lequel la phase

amorphe est au dessous de la Tg et pour un taux de cristallinité suffisamment élevé pour que la schématisation lamellaire soit valable. En vue de progresser dans la représentation de la microstructure, (Nikolov et al. 2002), utilisent l’empilement précédent comme élément de base d’un volume élémentaire représentatif (VER) qui est donc constitué d’un assemblage d’empilements d’orientations différentes (voir 1Figure 1.24). Le schéma de Sachs est utilisé pour accéder à la réponse macroscopique. Cette fois la phase amorphe a été définie comme viscoélastique non linéaire. Le modèle prévoit correctement le module d’Young et la limite élastique, pour des vitesses de chargement faibles.

Figure 1.23 Cellule de base (inclusion composite) (Nikolov & Doghri 2000).

Figure 1.24 Modèle micro/macro pour le comportement en petites déformations de polymères semi-cristallins. Echelle macroscopique (en haut) et VER en bas (Nikolov et al. 2002).

A partir des analyses expérimentales présentées par ((El Mohajir & Heymans 2001), (Androsch et al. 2010), (Martin et al. 2011)), révélant deux signatures différentes de la phase amorphe((Sedighuiamiri et al. 2010), (Gueguen et al. 2010)) introduisent une distinction entre phases amorphes libre et rigide (ou liée) dans la modélisation micromécanique des polymères semi-cristallins. Le matériau est désormais considéré comme un composite à trois phases.

Pour prévoir les propriétés élastiques effectives du PET, (Gueguen et al. 2010) ont présenté deux approches considérant les semi-cristallins comme des composites à trois

phases. La première part d’une extension du modèle auto-cohérent d’inclusions ellipsoïdales à deux phases de (Aboutajeddine & Neale 2005) en considérant trois phases (voir 1Figure 1.25) :

le domaine intérieur (phase cristalline - Ω1) entouré de la région interphase (phase amorphe

rigide - Ω2), elle-même entourée de la phase amorphe mobile (Ω3). La deuxième consiste dans une généralisation de l’approche proposée par (Ahzi et al. 1994) en considérant trois phases (lamelle cristalline, phase amorphe rigide et phase amorphe mobile) comme illustré sur la 1Figure 1.26. La phase cristalline a été considérée élastique linéaire orthotrope et les phases amorphes (mobile et liée) comme élastiques linéaires isotropes avec un contraste de 1,6. Le modèle donne des bonnes estimations du module en fonction de la cristallinité, mais les auteurs affirment avoir besoin de plus de données expérimentales pour valider les modèles.

C0 C3, V3 C1, V1 C2, V2 C0 C3, V3 C1, V1 C2, V2

Figure 1.25 Topologie du modèle d’inclusions à trois phases (Gueguen et al. 2010).

Figure 1.26 Illustration possible de la morphologie à trois phases d’un semi-cristallin (à gauche), inclusion composite à trois phases proposée par (Gueguen et al. 2010) (à droite).

Une autre approche à trois phases pour prévoir le module d’Young du HDPE a été présentée par (Sedighuiamiri et al. 2010). Cette approche est fondée sur le modèle d’inclusions composites de (Lee et al. 1993a) en remplaçant les inclusions à deux phases par des inclusions à trois phases (lamelle cristalline, phase amorphe rigide et phase amorphe mobile). La représentation schématique de l’inclusion à trois phases est montrée sur la 1Figure 1.27. De même que dans les travaux de (Gueguen et al. 2010), la phase cristalline a été définie

comme élastique linéaire orthotrope et les phases amorphes liée et mobile comme élastiques linéaires isotropes avec un contraste entre les phases de 1000. La modélisation montre une bonne prédiction du module d’Young mesuré expérimentalement pour différents taux de cristallinité.

Figure 1.27 Inclusion composite à trois phases utilisée par (Sedighuiamiri et al. 2010).

Le fait d’avoir utilisé une phase intermédiaire entre la phase cristalline et la phase amorphe « mobile » a permis d’améliorer l’estimation des propriétés élastiques macroscopiques. De cette façon, une notion d’hétérogénéité a été introduite dans la phase amorphe par rapport aux modèles à deux phases. Une telle schématisation peut néanmoins être considérée relativement sévère vis à vis du gradient de mobilité attendu à travers les couches d’amorphe inter-lamellaires.

Bilan

Les différents modèles micromécaniques présentés ici sont tous fondés sur une représentation de la microstructure simplifiée par rapport à la microstructure réelle. La plupart d’entre eux ont en commun de ne pas tenir compte de la structuration sphérolitique, pourtant intègre aux petites déformations. Dans le domaine des grandes déformations en revanche, cette approximation est acceptable et conduit d’ailleurs à de bonnes estimations.

Dans le domaine des petites déformations, les différentes approches de modélisation micromécanique ne donnent de bonnes estimations que dans des conditions très spécifiques.

Dans tous ces modèles, le comportement affecté à la phase amorphe est très variable selon le type de chargement considérés ou la propriété/réponse recherchée: de l’élasticité linéaire isotrope à la viscoélasticité non linéaire et à l’élasto-viscoplasticité. Le choix de la nature de la loi de comportement de ce constituant amorphe apparaît comme un « paramètre ajustable » et n’est jamais physiquement réellement justifié.

Aucun des modèles ne considère la prise en compte d’indicateurs de l’hétérogénéité intra-phase amorphe dans l’estimation du comportement macroscopique autrement que par la généralisation de la notion de phase.