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2 Principales caractéristiques microstructurales et mécaniques des polymères semi

2.3. Comportement mécanique des semi cristallins

2.3.1. Micromécanismes de déformation

En dessous de la température de transition vitreuse, la phase amorphe se trouve dans un état rigide. La déformation plastique de l’amorphe se fait à partir de micromécanismes d’instabilité appelés de bandes de cisaillement ((Escaig 1982), (Perez 1992), (Rault 2002)). Ces bandes de cisaillement sont bloquées par les lamelles cristallines qui devront être préalablement cisaillées (Belec 1995).

A plus haute température : i) la phase amorphe se trouve dans un état de plus grande mobilité, ii) les processus de nucléation et de propagation de dislocations sont thermiquement activés, ce qui facilite le glissement des lamelles ((Corneliussen & Peterlin 1967), (Séguéla et al. 1998)), et iii) la mobilité des défauts cristallins peut être activée, ce qui facilite le glissement des chaînes(Bartczak et al. 1992).

Ce travail sur le comportement mécanique des polymères semi-cristallins s’intéresse

plus particulièrement à la réponse de la phase amorphe dans la plage de températures entre Tg

et Tf. Les mécanismes microscopiques et macroscopiques seront donc davantage détaillés dans cet intervalle de température.

Echelle sphérolitique

Quand un sphérolite est soumis à une traction uniaxiale, tous les mécanismes de déformation suivants sont susceptibles de se produire: i) mécanismes de déformation de la phase amorphe, ii) mécanismes cristallographiques dans les lamelles, et iii) destruction des lamelles (G’Sell & Haudin 1995) . Le déclenchement de ces mécanismes dépend de l’orientation de la région observée par rapport à la direction de traction : (i) les régions équatoriales perpendiculaires à la direction de traction (1Figure 1.7-(a)), ii) les régions diagonales orientées entre 0° et 90° par rapport à la direction de traction (1Figure 1.7-(b) et (d)) et iii) les régions polaires parallèles à la direction de traction (1Figure 1.7-(c)) ((Weynant 1981),(G’Sell & Haudin 1995))

(Weynant 1981) a observé dans le polybutene PB, pour une structure sphérolitique de 160 µm, que la localisation de la déformation s’amorce dans les zones équatoriales, alors que pour une structure sphérolitique de plus grande taille (370 µm), la localisation de la déformation s’amorce au cœur du sphérolite. (Aboulfaraj et al. 1995) ont observé le même phénomène pour le PP β. Ils ont rapporté que les zones polaires se déforment en dernier, la phase amorphe inter-lamellaire est comprimée/étirée (zones (a) et (c) de la 1Figure 1.7) et cisaillée/étirée dans les cas des positions (b) et (d) de la 1Figure 1.7. Aussi, l’interaction entre l’amorphe et le cristal augmente.

Selon (Aboulfaraj et al. 1995), indépendamment du type de chargement, traction ou cisaillement, la structure sphérolitique déformée s’ovalise dans la direction principale de sollicitation, ce phénomène est accompagné d’un basculement des lamelles dans cette même direction, qui conduit à long terme à la fragmentation des cristaux.

Selon la littérature, les mécanismes de déformation des structures sphérolitiques ne sont pas identiques dans tous les semi-cristallins. En effet, il n’apparaît pas dans les différents travaux sur ce sujet une description universelle de la déformation intra-sphérolitique.

Figure 1.7 Mécanismes de déformation en différentes zones d’une sphérolite : a) équatoriales, b) et d) diagonales et c) polaires ((Aboulfaraj et al. 1995), (G’Sell & Haudin 1995)).

Phase amorphe

Un rôle mécanique clé de cette phase est la transmission de contraintes entre les lamelles cristallines. Les chaînes liantes, ainsi que le « réseau » d’enchevêtrements tant que celui-ci est actif, agissent comme des points de réticulation physique pour l’ensemble de la structure semi-cristalline, et confèrent à la phase amorphe une certaine résistance mécanique bien au-delà de la transition vitreuse. Quand les chaînes glissent entre elles au niveau des enchevêtrements, la phase subit une déformation plastique.

Comme illustré par le schéma d’empilement de lamelles très couramment utilisé (voir 1

Figure 1.8-(a)), la phase amorphe suit le mouvement des empilements de lamelles cristallines, donc il est possible de distinguer deux mécanismes élémentaires : le glissement et la séparation inter-lamellaire (G’Sell & Haudin 1995).

Figure 1.8 Modèles de déformation des empilements de lamelles : a) état non déformée, b) Glissement inter-lamellaire, c) Séparation inter-lamellaire d’après (Addiego 2006).

Le glissement inter-lamellaire correspond au cisaillement entre deux lamelles cristallines (G’Sell & Haudin 1995) (voir 1Figure 1.8-(b)), résultant en un cisaillement de la phase amorphe. La séparation inter-lamellaire correspond à une variation de la distance entre

deux lamelles cristallines parallèles en réponse à une contrainte appliquée

perpendiculairement à ces lamelles (G’Sell & Haudin 1995) (voir 1Figure 1.8-(c)). Les chaînes amorphes sont alors étirées et la densité chute (Castagnet 1998). La diminution de la densité de la phase amorphe provoque une pression négative entre les lamelles cristallines, éventuellement responsable de l’apparition de microcavités ((Haudin 1982),(Tijssens et al. 2000), (Castagnet et al. 2000), (Castagnet & Deburck 2007).

Pour accommoder cette cinématique d’ensemble, les mécanismes élémentaires de la phase amorphe restent malgré tout mal connus. Le rôle respectif des cisaillements locaux comme dans un amorphe pur vitreux, et des mouvements d’ensemble des enchevêtrements comme dans un amorphe pur caoutchoutique, n’est pas bien caractérisé à l’échelle des couches nanométriques de l’empilement. La question reste très ouverte, en particulier avant le seuil de plasticité et la fragmentation des lamelles cristallines.

Lamelles cristallines

Dans les premiers stades de sollicitation, la structure ordonnée de la phase cristalline a un comportement élastique linéaire orthotrope, dont les paramètres sont directement liés aux directions cristallographiques. Wobser et Blasembrey 1970 ont proposé un ensemble de paramètres pour cette phase dans le polyéthylène de haute densité PEHD. Cet ensemble de paramètres est présenté dans le 1Tableau 1.1.

Tableau 1.1 Composantes [en GPa] du tenseur élastique linéaire orthotrope pour la phase cristalline du PEHD (Wobser et Blasembrey 1970).

C11 C33 C22 C13 C12 C32 C44 C55 C66

13,8 325 12,5 7,34 2,46 3,96 1,98 3,19 6,24

Ensuite, la phase cristalline contribue au comportement macroscopique plastique de ce type de matériau après le seuil de plasticité. Quand la contrainte développée dans la phase amorphe et transmise aux lamelles cristallines atteint la contrainte de scission du cristal, des mécanismes de glissement cristallographiques sont activés (G’Sell & Haudin 1995) : i) du glissement de chaînes parallèlement à leur axe et ii) du glissement transverse, perpendiculairement à leur axe, comme le montre la 1Figure 1.9.

« Fine slip » « Coa rseslip » « Fine slip » « Coa rseslip »

Figure 1.9 Processus de glissement parallèle a) et respectives types de glissement observée dans le PE a), processus de glissement perpendiculaire b) ((G’Sell & Haudin 1995), (Adams et al. 1986)).

Le PE est le semi-cristallin dont les modes de déformation cristalline sont les plus connus. Dans ce matériau le glissement parallèle peut s’opérer par glissement homogène élémentaire (« fine slip ») sur un grand nombre de plans parallèles. Mais quand la déformation commence à augmenter, le glissement se fait par des blocs selon des plans moins nombreux (« coarse slip ») ((Adams et al. 1986), (Lin et Argon 1994), (Schneider 2010)). Ces mécanismes de glissement interviennent dans la déformation du matériau lorsque les cristaux se trouvent favorablement orientés par rapport à la direction de traction. Sinon, des transformations de phase du type maclage ou transformation martensitique interviennent. Dans le cas du maclage, une partie du cristal est cisaillée. Dans le cas de la transformation martensitique, l’ensemble du cristal subie de façon instantanée et simultanée un changement de phase cristalline (pour le cas du PE orthorhombique à monoclinique).

Le comportement plastique est en réalité attribué à l’apparition de plusieurs mécanismes de déformation dans le cristal (Bartczak et al. 1992). Dans ces mécanismes, on peut distinguer la cavitation et la fragmentation lamellaire. Selon plusieurs auteurs, ce mécanisme de cisaillement est précédé par la séparation et le glissement inter-lamellaire (voir 1

Figure 1.10-(b) et (I)) ((Schultz 1974), (Haudin 1982), (Detrez et al. 2010)) qui peut conduire à la formation de micro vides entre les lamelles. Quand les chaînes sont complètement étirées, le cisaillement intervient au niveau des cristallites, selon les systèmes de glissement parallèles aux chaînes. Ceci induit une réorientation des chaînes cristallines dans la direction de traction. Si des cavités sont apparues comme dans le PE (Butler et al. 1998) ou le PVDF (Castagnet et al. 2000), les phénomènes de cavitation s’amplifient au cours de la transformation (1Figure 1.10-(II)). Sous l’effet combiné de la séparation lamellaire et du glissement inter-cristallin, la déformation conduit à une fragmentation de la structure cristalline comme le montre la 1Figure 1.10-(c) et (II). Elle est suivie d’un dépliement de certains segments de

chaînes des lamelles. Le résultat est une structure microfibillaire qui contient des cavités orientées préférentiellement dans la direction de traction, comme le montre la 1Figure 1.10-(d) et (III).

Figure 1.10 Modèles de fragmentation des lamelles cristallines : Modèles de (Schultz 1974)sans cavitation (à gauche) et modèle de (Freiderich 1983) avec cavitation (à droite).

Lors d’un effort uni-axial d’un semi-cristallin, les lamelles cristallines subissent des déformations en traction, cisaillement, flexion ou compression selon leur orientation au sein du sphérolite ((Aboulfaraj et al. 1995), (Nitta & Takayanagi 1999), (Bowden & Young. 2004)) .

Cet ensemble de mécanismes résulte dans la destruction des lamelles cristallines. La fragmentation des lamelles cristallines dans les polymères semi-cristallins correspond à son fractionnement par cisaillement en petits morceaux (Detrez et al. 2010). Ces auteurs ont aussi détecté ce phénomène via AFM sur le polybutene (PB) comme montre la 1Figure 1.11, où l’on observe spécifiquement l’apparition de fissures perpendiculaires à la direction de croissance du cristal.