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Modèles d’étude des cellules épithéliales en culture

L’utilisation de différentes lignées cellulaires permet de reproduire en culture l’ensemble des cellules trouvées sur l’axe crypto-villositaire (Figure 9). En ce qui concerne les cellules souches, leur faible nombre au prorata de l’ensemble des cellules épithéliales les rend difficiles à isoler. L’expression de marqueurs spécifiques n’exclut pas de les confondre avec des progéniteurs dont la prolifération également plus élevée participe à diluer leur proportion en culture. Par ailleurs, le maintien du caractère "souche" de ces cellules est fortement dépendant de leur localisation. Les facteurs trophiques, la communication avec les cellules environnantes et le support matriciel définissent la niche de ces cellules et conditionnent leur état. Sorties de ce contexte, il reste discutable de considérer encore ces cellules comme "souches". Plusieurs lignées de cellules non transformées ont été établies à partir d’intestin grêle de rat P14. Nommées intestinal epithelial cells (IEC) IEC-6, -17, -18, elles proviendraient du milieu des cryptes (Quaroni et al., 1979). Elles peuvent exprimer des marqueurs de différenciation entérocytaire en fonction de la matrice sur laquelle elles

adhèrent (Quaroni et al., 1979), des facteurs de croissance présents dans le milieu (Kurokowa et al., 1987) ou lorsqu’elles sont greffées dans la capsule rénale de rats adultes (où elles profitent de signaux trophiques) (Kedinger et al., 1986). Les IEC-17 ont par ailleurs tendance à acquérir un statut différencié au fur et à mesure des passages en culture, probablement en raison du nombre de divisions limité de ces progéniteurs (Sambuy and De Angelis, 1986). Une approche similaire a été menée chez l’Homme avec des cellules issues de l’iléon d’embryon sE17-19, permettant d’isoler des cellules de la crypte : les HIEC qui expriment des marqueurs spécifiques de cellules souches comme Bmi1, Musashi1. Ces cellules continuent d'être caractérisées au laboratoire de Jean-François Beaulieu (Sherbrooke, Qc, Canada) (Benoit et al., 2010b; Perreault and Jean-Francois, 1996).

Des cellules provenant de tumeurs épithéliales intestinales ont longtemps été sélectionnées pour établir des lignées aux caractéristiques particulières et constituer un répertoire de modèles d'études des processus physiologiques ou pathologiques impliquant l'épithélium intestinal ou les cancers colorectaux. Certaines lignées semblent adopter un phénotype d’entérocytes différenciés dans certaines conditions de culture, comme les Caco2, HT-29 ou T84 (Chantret et al., 1988; Saaf et al., 2007). Ces lignées constituent des modèles d'étude in vitro qui permettent de caractériser les mécanismes impliqués dans la mise en place de la barrière épithéliale et ceux conduisant à son altération lors de processus pathologiques. Les Caco2 se différencient spontanément vers un phénotype entérocytaire à partir de la confluence des cellules en culture. Elles ont été sous-clonées notament suivant les deux lignées les plus utilisées: les Caco2/TC7 et les Caco2/15. Cette démarche a été réalisée dans le but d'isoler des populations plus homogènes avec un meilleur potientiel de différenciation entérocytaire. Elles vont alors exprimer des facteurs de transcription impliqués dans la régulation de marqueurs structuraux, jonctionnels et enzymatiques équivalents à ceux des entérocytes en cours de différenciation. L’expression exogène de ces mêmes facteurs de transcription permet par ailleurs d’induire la différenciation des cellules issues de la crypte comme les IEC et les HIEC (Benoit et al., 2010b; Escaffit et al., 2006). Pour se différencier en "entérocytes-like", les cellules HT-29 nécessitent des modifications de leur milieu de culture, consistant en une substitution du glucose par du galactose (Zweibaum et al., 1985) ou par l’ajout de butyrate. La comparaison des profils protéomiques des cellules HT-29 et Caco2 différenciées à des cellules épithéliales purifiées a pu mettre en évidence des divergences phénotypiques entre ces lignées. Les HT-29 pourraient ainsi être assimilées à des "côlonocytes-like" (cellules absorbantes correspondant aux entérocytes du côlon) et les Caco2 plutôt à des

entérocytes"-like" (Lenaerts et al., 2007). Le méthotrexate (MTX) est utilisé dans les traitements de chimiothérapie. Les cellules HT-29 résistantes à ce traitement se différencient vers un lignage sécréteur de mucus (HT-29-MTX) (Lesuffleur et al., 1990). La combinaison Caco2/TC7 avec les HT-29-MTX associe cellules absorbantes et sécrétrices de mucus dans un système de co-culture plus représentatif de l’épithélium intestinal (Pontier et al., 2001; Walter et al., 1996). De nombreuses autres lignées cellulaires issues d'adénocarcinome colique telles que DLD, SW, COLO, Lovo, HCT, ect… ont également été établies, mais leur utilisation concerne plutôt la compréhension des mécanismes impliqués dans le développement et la progression tumorale. Ce large panel est composé de cellules aux caractéristiques différentes en terme de localisation (Caecum, côlons droit, transverse, gauche, rectum ou métastases), grade tumoral, résistance aux traitements (5FU, MTX,…) ou capacité d'invasion et de migration. Par exemple, plusieurs d’entre elles perdent leur capacité à établir des contacts et acquièrent des capacités de migration et d’invasion, comme les SW620 ou les HCT8-R.

Par ailleurs, des méthodes de purification des cellules épithéliales intestinales permettent d’obtenir une fraction épithéliale relativement pure par des méthodes enzymatiques ou par la chélation des cations divalents impliqués dans les jonctions cellule-cellule et cellule-matrice, mais leur maintien en culture reste cependant difficile. L’utilisation d’une méthode sans chélateur ni protéolyse avec la MatriSperseTM (BD Bioscience) permet d’établir des cultures primaires de cellules épithéliales intestinales différenciées non transformées (PCDE) à partir de tissus fœtaux humains (Perreault and Beaulieu, 1998) ou de rat (Fukamachi, 1992). Avec la lignée cellulaire NCM460, elles constituent les principaux modèles d’étude in vitro de la barrière épithéliale dont les cellules ne sont pas transformées. Rescemment, Spence et collaborateurs ont mis au point une méthode de culture permettant de générer des organoïdes représentatifs de l’organisation de l’épithélium de l’iléon, à partir de cellules souches multipotentes humaines. Dans ce modèle, l’utilisation séquentielle de facteurs de transcription sur un support d’adhérence en matrigel permet l’aquisition d’une structure épithéliale apparentée à celle de l’iléon et la présence de cellules issues des lignages absorbant et sécréteur (Spence et al., 2011b).

Figure 10: Le cytosquelette.

A/ Electromicrographe d’un microfilament d’actine et son organisation dans la cellule épithéliale (haut) (Molécular bioloy of the cell, Albert’s fourth edition ). Marquage phaloïdine-TRITC dans les cellules Caco-2 différenciées en microscopie confocale, au niveau des microvillosités apicales et dans le plan baso-latéral (bas/gauche) (donées du laboratoire). Fibres de stress formées au pôle basal dans les cellules HT29 (bas/droite) (donées du laboratoire). B/ Electromicrographie et organisation des microtubules (haut) et des filaments intermédiaires (bas) (Molécular bioloy of the cell, Albert’s fourth edition ).

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