• Aucun résultat trouvé

Distribution du système CRFergique dans la muqueuse intestinale

Les premières caractérisations du système CRFergique ont été réalisées dans le SNC pour son implication dans la réponse et l'adaptation au stress, mais également dans le

comportement alimentaire (Bakshi et al., 2007; Zorrilla et al., 2003) ou les troubles psychatriques (Clark and Kaiyala, 2003; Owens and Nemeroff, 1993). Par la suite, les récepteurs au CRF et leurs ligands ont été identifiés dans les tissus périphériques tels que le tractus gastro-intestinal (Buckinx et al., 2011), la peau, les systèmes cardio-vasculaire, immunitaire ou reproductif (Boorse and Denver, 2006). De plus en plus d'études s'intéressent à l'expression et la localisation du système CRFergique au niveau du tube digestif, mais les résultats qui en émergent sont contradictoires, hétérogènes ou incomplets. Ceci peut s'expliquer par les nombreuses isoformes de ces récepteurs, les différentes espèces étudiées ou les anticorps utilisés, comme cela a été mentionné précédemment (Lakshmanan et al., 2008). Une disparité dans la représentation des différentes populations cellulaires au niveau des différentes sections du tube digestif peut également participer à l'expression de récepteurs de différentes tailles (Chang et al., 2007). En accord avec l'intérêt du laboratoire porté sur la régulation de la barrière épithéliale au niveau de l'intestin grêle et du côlon, la description de l'expression du système CRFergique sera focalisée sur les cellules épithéliales, les cellules de la lamina propria et le SNE.

Expression du système CRFergique dans l'intestin grêle

Dans l'intestin grêle au niveau de l'iléon, l'expression et la distribution des récepteurs au CRF et de leurs ligands a été peu étudié chez l'homme et le rongeur en comparaison avec le côlon. Une étude chez la souris a mis en évidence l'expression des ARNm du CRF1 et à un plus faible niveau, celle du CRF2 dans les cellules de la lamina propria et les cellules épithéliales (Wlk et al., 2002). Les messagers du CRF2 ont également été trouvés dans la muqueuse à la base des villosités dans le duodénum (Perrin et al., 1995). Les deux récepteurs ont été principalement détectés dans le SNE au niveau des plexus nerveux myentériques et sous muqueux chez le cochon d'Inde et le rat (Chang et al., 2007; Liu et al., 2006; Porcher et al., 2005). Les deux ont été observés au niveau des couches musculaires lisses chez le rat, avec un profil d'expression différent selon que la région soit duodénale ou iléale (Chatzaki et al., 2004). Le CRF2 est présent dans les cellules 5-HT positives de l'épithélium au niveau des villosités (Porcher et al., 2005) (Figure 37). De manière intéressante, l'expression du CRF1 est complémentaire de celle de ses ligands, suggérant que les neurones du SNE sont des cibles potentielles du système CRFergique (Bisschops et al., 2006).

Figure 37: Distribution du système CRFergique dans l’intestin grêle.

SNE: Système nerveux entérique, c: cochon d’inde, h: homme, s: souris, r: rat (D’après Ducarouge, B. et Jacquier-Sarlin, M., 2012).

Intestin grêle

CRF1 CRF2 CRF Ucn1 Ucn2 Ucn3

Epithelium s h/s/r s/r r h/s/r h Enterocyte Goblet Endocrine r r Paneth r Lamina propria s h/r r/s r Macrophage h h/s/r Mastocyte h/r SNE c/r c/r c/r r r Vasculaire r Muscles lisses r r

Le CRF est détectée en immuno-histochimie au niveau des plexus nerveux myentériques et sous-muqueux dans le duodénum et l'iléon du cochon d'Inde et du rat (la Fleur et al., 2005). Les ARNm du CRF sont également présents à un niveau plus faible dans les cellules de la lamina propria, les cellules de Paneth et les cellules entéro-endocrines situées dans les cryptes de l'iléon de rat où ils sont absents des entérocytes (la Fleur et al., 2005; Sand et al., 2011). Une étude décrit l'expression des ARNm et de la protéine du CRF au niveau de la lamina proria et faiblement dans les cellules épithéliales de l'iléon chez la souris (Wlk et al., 2002). L'Ucn1 est exprimée au niveau des différents plexus du SNE en ARNm et en protéine (Harada et al., 1999; Kozicz and Arimura, 2002). L'ARNm de l'Ucn2 a été décrit dans l'intestin grêle chez le rat puis plus tard chez la souris (Chang et al., 2007; Chen et al., 2004). Chez le rat, l'Ucn2 a été détectée dans l'épithélium, la lamina propria et les plexus du SNE. Chez l'Homme, l'Ucn2 n'a pas été mise en évidence alors que l'Ucn3 est exprimée dans la muscularis mucosae (Hsu and Hsueh, 2001) (Figure 37).

Expression du système CRFergique dans le côlon

Les deux récepteurs au CRF ont été décrits au niveau de l'ARNm et de la protéine dans le côlon de rongeur et également chez l'Homme. Certaines études montrent que le CRF1 est absent des cellules épithéliales du côlon chez l'Homme: au niveau de l'ARNm dans les cellules épithéliales purifiées ou au niveau de son immunolocalisation dans des coupes de tissus) (Muramatsu et al., 2000; Wallon et al., 2008). En revanche, l'expression du CRF1 est retrouvée au niveau de côlons de volontaires sains, par l'expression des ARNm et par immunomarquage dans la lamina propria (macrophages et mastocytes) et dans le SNE (Yuan et al., 2007). Les macrophages et mastocytes de l'iléon et du côlon expriment également le CRF2 chez l'Homme (Muramatsu et al., 2000; Saruta et al., 2005) et le rat (Chang et al., 2007). La lignée cellulaire HMC-1 dérivée d'une leucémie adopte un phénotype de type mastocytaire et expriment les ARNm du CRF1 et du CRF2a. Elles peuvent constituer un modèle d'étude in vitro de l'implication du système CRFergique dans les interaction entre les mastocytes et l'épithélium intestinal (Cao et al., 2005; Wallon et al., 2008). Chez le rongeur, l'expression du CRF1 concerne principalement le SNE avec une distribution différente dans le côlon selon l'espèce considérée. Chez le cochon d'Inde, le marquage immuno-histologique du CRF1 obervé est plus important dans les plexus sous-muqueux, alors qu'il est plus intense dans les plexus myentériques chez le Rat (Chatzaki et al., 2004; Kimura et al., 2007; Yuan et al., 2007). Une expression non neuronale du CRF1 a été décrite dans les cellules de la lamina

Figure 38: Distribution du système CRFergique dans le côlon.

SNE: Système nerveux entérique, c: cochon d’inde, h: homme, s: souris, o: ovins, r: rat (D’après Ducarouge, B. et Jacquier-Sarlin, M., 2012).

Intestin grêle côlon

CRF1 CRF2 CRF Ucn1 Ucn2 Ucn3 CRF1 CRF2 CRF Ucn1 Ucn2 Ucn3

Epithelium s h/s/r m/r r h/s/r h s/o/r h/r h/r h h/s/r h

Enterocyte h

Goblet h/o/r

Endocrine r r h/r h

Paneth r

Lamina propria s h/r r/s r h/o/r h/o/r r r h

Macrophage h h/s/r h h/r h h

Mastocyte h/r h h/r h

SNE c/r c/r c/r r r c/h/o/r c/h/o/r c/r h/r r h

Vasculaire r h/r h s/r h

propria et dans les cellules épithéliales situées à la base des cryptes du côlon de rat qui sont constituées des cellules souches et leurs progéniteurs (Chatzaki et al., 2004). D'autres expériences montrent une expression du CRF1 dans la totalité des cryptes au niveau du côlon proximal de rat, qui disparaît en région distale (O'Malley et al., 2010a; o'malley et al., 2010b; Wlk et al., 2002). Chez la souris l'ARNm codant pour le CRF1 a également été décrit dans les cellules épithéliales. Chez les ovins, le CRF1 est exprimé au niveau de la membrane baso-latérale des cellules épithéliales du côlon durant la maturation du fœtus, mais aucune donnée indique si elle persiste chez les jeunes ou l'adulte (Lakshmanan et al., 2008) (Figure 38).

La présence du CRF2 dans les cellules épithéliales intestinales du côlon à l'état basal est controversée autant pour son expression que pour sa localisation. L'expression des ARNm et de la protéine du CRF2a a été identifiée dans les cellules épithéliales chez l'Homme et le rat et dans les lignées cellulaires HT-29 (cellules tumorales) et NCM460 (cellules non transformées) (Kokkotou et al., 2006; Moss et al., 2007; Muramatsu et al., 2000; o'malley et al., 2010b; Saruta et al., 2005). Cependant, d'autres études montrent que le CRF2 est absent des cellules épithéliales chez l'Homme, le rat et le fœtus d'ovins (Chang et al., 2007; Lakshmanan et al., 2008; O'Malley et al., 2010a; Wallon et al., 2008). La distribution sub-cellulaire du CRF2 dans les cellules épithéliales diffère selon les études et les espèces étudiées. Alors que le CRF2 est situé dans la membrane apicale des entérocytes où il fait face à la lumière digestive chez le rat, il est exprimé au niveau de la membrane baso-latérale chez l'Homme (Chatzaki et al., 2004; Moss et al., 2007). La détermination de la localisation réelle de ce récepteur dans la membrane plasmique des entérocytes est extrêmement importante pour comprendre son rôle dans la modulation de la barrière épithéliale. En effet, une localisation basolatérale signifie que le CRF2 est exposé à des activations autocrines et paracrines, alors qu'une localisation apicale ne l'expose qu'à des facteurs autocrines ou à des ligands circulant dans la lumière intestinale. Les cellules entérochromaffines insérées dans l'épithélium n'expriment pas de CRF2 mais du CRF1 chez l'Homme et les ovins (Lakshmanan et al., 2008; Saruta et al., 2005). En revanche, les deux récepteurs sont exprimés dans la lignée cellulaire BON dérivée d'une tumeur endocrine de carcinome pancréatique dont le phénotype se rapproche de celui des cellules entérochromaffines (von Mentzer et al., 2007) (Figure 38).

L'expression quasi ubiquitaire des récepteurs au CRF dans ces différentes populations cellulaires renforce l'impliquation du système CRFergique dans l'immuno-modulation de la muqueuse du côlon. L'arborescence micro-vasculaire intestinale est impliquée dans la

diffusion des cytokines pro-inflammatoires et la régulation des cellules immunitaires. Une forte expression du CRF2 est retrouvée dans les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses vasculaires du côlon humain (Bale et al., 2002; Saruta et al., 2005). Des profils d'expression identiques ont été observés chez le rat, avec une absence d'expression du CRF1 dans les vaisseaux sanguins (Chatzaki et al., 2004) (Figure 38).

A ce jour, le CRF, l'Ucn1, l'Ucn3 mais non l'Ucn2 ont été détectés dans le côlon chez l'Homme. Alors que le CRF est retrouvé dans la muqueuse au niveau des monocytes de la lamina propria et des cellules épithéliales (principalement dans les cellules entérochromaffines) (Kawahito et al., 1994; Kawahito et al., 1995), l'Ucn1 est présente dans les macrophages de la lamina propria et faiblement, dans les cellules entérochromaffines (Bhatia and Tandon, 2005; Muramatsu et al., 2000; Saruta et al., 2004). L'expression de l'Ucn3 est plus hétérogène: son ARNm et sa protéine sont retrouvés dans les muscles lisses, l'endothélium, les cellules entérochromaffines et le SNE (notamment dans les cellules gliales entériques) (Hsu, 2004; Saruta et al., 2005). Chez le rongeur, il n'existe à ce jour aucune donnée concernant l'expression de l'Ucn3 dans le côlon. L'expression du CRF est principalement neuronale avec une immuno-localisation dans les plexus myentériques et muqueux, mais également au niveau de leurs fibres de projection situées dans la sous-muqueuse et dans les couches musculaires lisses (Barreau et al., 2007; Sand et al., 2011; Yuan et al., 2007). Une expression non-neuronale du CRF chez le rat est parfois retrouvée au niveau des cellules entérochromaffines (Sand et al., 2011). Chez le rat, l'Ucn1 est exprimée à un niveau plus élevé que le CRF dans les fibres nerveuses des plexus entériques et colocalise avec le marquage immunologique du CRF1 (Harada et al., 1999; Kimura et al., 2007). Il est en revanche peu exprimé dans les cellules de la muqueuse (Kozicz and Arimura, 2002). L'Ucn2 est présente dans la muqueuse et la sous-muqueuse du côlon de rat, au niveau des cellules épithéliales, des cellules immunitaires de la lamina propria et des neurones du SNE (Chang et al., 2007; Chen et al., 2004; Hsu, 2004) (Figure 38).

L'ensemble de ces études indique que l'intestin est une cible potentielle du stress. En effet, la plupart des ligands du système CRFergique sont exprimés à proximité de leurs récepteurs, ce qui indique l'existence de boucles locales d'activations autocrines et paracrines. Par conséquent, suivant la nature des régulations du système CRFergique, certaines de ces boucles peuvent être sollicitées plutôt que d'autres. Par exemple, l'activation de l'axe HPA et les modulations de l'activité du SNA suite au stress peuvent conduire à une régulation de la

Figure 39: Le système CRFergique intestinal.

Les récepteurs au CRF et leurs ligands peuvent être exprimés par les cellules épithéliales intestinales (CEI) comprenant Goblet, Entérochromaffines (EC) et cellules absorbantes (Abs), et ou par le SNE et les cellules immunitaires. La régulation du système CRFergique permet de solliciter diverses voies de régulation pouvant conduire à des altérations de la barrière épithéliale. Par ailleurs, aucune étude ne s’est intéressée à la localisation précise des récepteurs au CRF dans la membrane apicale et/ou baso-latérale des CEI, alors qu’elle conditionnent les boucles d’activation du système CRFergique. (D’après Ducarouge, B. et Jacquier-Sarlin, M., 2012). CRF Ucns CEI SNE Cellules immunitaires Goblet EC Abs Intestin Modulations du système CRFergique

sécrétion de CRF et d'Ucns au niveau du SNE ou des cellules immunitaires et de leurs récepteurs au niveau des cellules épithéliales intestinales ou immunitaires. La proximité entre ces différents acteurs dans la muqueuse (Neunlist et al., 2003) pourrait conduire à l'activation du système CRFergique périphérique et altérer l'homéostasie de la muqueuse. Dans ce sens, l'équipe de Wallon a montré que l'activation des récepteurs muscariniques (par l'ACh) au niveau des éosinophiles de la muqueuse libèrent du CRF qui, à son tour, active les mastocytes et conduit à l'altération de la barrière épithéliale dans le côlon de patients atteints de RCH et dans le modèle épithélial intestinal de cellules T84 (Wallon et al., 2011). Les cellules épithéliales produisent également leurs propres ligands qui pourrait réguler la physiologie de l'épithélium par une voie autocrine ou paracrine via les cellules immunitaires (Figure 39).