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Implication du système CRFergique dans le stress, l'inflammation et le cancer

Le stress

Dans le langage médical, le concept de "stress" a été décrit par Hans Selye (1907-1982) (Selye, 1956). En réponse à différents évènements stressants, les organismes vivants ont développé des stratégies de gestion du stress et des comportements adaptatifs dans le but de maintenir leur homéostasie. Le stress est un processus complexe qui fait intervenir les systèmes endocrinien, immunitaire et nerveux. Ces systèmes fonctionnent et communiquent ensemble en produisant de médiateurs (hormones, cytokines, neuromédiateurs) qui agissent sur des récepteurs spécifiques. Le stress extéroceptif lié aux évènements psychologiques ou

Figure 34: Stress et interactions neuro-digestives.

Les communications neurodigestives sont exercées par l'axe corticotrope (HPA) (flèches rouges) et le sytème nerveux autonome (SNA) qui regroupe le nerf vague et les nerfs sympathiques (flèches vertes). Les stress extéroceptifs induisent à la fois l’activation de l’axe HPA et des modulations de l’activité du SNA, qui conduisent respectivement à la libération de glucocorticoides (GC) et de catécholamines (Cath) dont la norépinéphrine (NE) dans le sang, et la libération dans l'intestin de l‘acéthylcholine (ACh ) et de NE. Une rétro-contrôle des GC régule l'activation centrale de l’axe HPA en inhibant la production du CRF hypothalamique. Le cerveau perçoit également les stress intéroceptifs par l'activation des afférences vagales stimulées au niveau de l'intestin (D’après Ducarouge, B. et Jacquier-Sarlin, M., 2012, revue en annexe).

nerf Vague ACTH nerfs sympathiques sang ACh Cath GC HPA

SNA Stress extéroceptif CRF

GC Stress intéroceptif

Cerveau

émotionnels est généré par le système nerveux central (SNC). Il est à distinguer du stress interoceptif d'origine somatique induit par des dommages physiques infectieux ou inflammatoires. Cependant, le stress interoceptif peut être perçu au niveau du SNC par l'intermédiaire du nerf Vague afférent par exemple. Le stress est également caractérisé par d'autres paramètres tels que la durée, la fréquence (aiguë ou chronique) et l'intensité. Un stress chronique ou la récurrence d'un stress aigu entraine un sollicitation accrue des systèmes physiologiques cardio-vasculaire, immunitaire, métabolique, hormonal,… Ce phénomène d'allostasie continuellement sollicité peut, avec le temps, conduire au développement de pathologies ou contribuer à leur aggravation lorsqu'un seuil de tolérance est dépassé. Ce phénomène correspond à une situation de charge allostatique (McEwen, 2006).

Des stress de différentes natures conduisent à des effets convergents en activant des voies de signalisation, des récepteurs et des ligands communs. En effet, quelle que soit son origine, le stress conduit à la modulation de l'activité du système nerveux autonome (SNA) et à l'activation de l'axe corticotrope (hypothalamo pituitary adrenal HPA) (Figure 34). La production de la neurohormone "corticotropin releasing factor" (CRF) au niveau de l'hypothalamus joue un rôle clé dans l'activation de l'axe HPA. Celle-ci induit ensuite la production de l'hormone corticotrope (ACTH) au niveau de l'hypophyse et sa libération dans le sang. Elle stimule à son tour la production et la libération dans le sang d’adrénaline/noradrénaline (A/NA) et de glucocorticoïdes (GC) au niveau des glandes médullo- et cortico-surrénales respectivement. Les GC agissent ainsi de manière systémique en inhibant notamment l'activité du système immunitaire. Ils régulent également l'activation de l'axe HPA par un rétro-contrôle négatif en inhibant la transcription du CRF hypothalamique (Chrousos, 1995; Vale et al., 1981). Le SNA est composé des fibres efférentes du système nerveux sympathique et du système nerveux parasympathique qui contrôlent et modulent les fonctions neuro-végétatives sur l'ensemble de l'organisme. Des informations principalement proprioceptives partent des tissus périphériques vers le SNC à travers les fibres afférentes du nerf Vague, principal représentant du système parasympathique dans l'intestin (Gaykema et al., 1995; Laye et al., 1995). De manière équivalente, les informations nociceptives remontent au SNC par les afférences sympathiques. Ces données sont intégrées au niveau du noyau du tractus solitaire (NTS) (Sawchenko and Swanson, 1982) qui répond par l'activation de l'axe HPA, l'excitation ou l'inhibition des fibres efférentes qui agissent par la libération A/NA pour le système sympathique et d’ACh pour le parasympathique. En conditions de stress, le tonus sympathique est augmenté et conduit à la

libération de A/NA notamment responsable de l’augmentation du rythme cardiaque. Lors d'une inflammation digestive, la présence locale de cytokines inflammatoires est perçue par les neurones parasympathiques et l’information est retransmise au SNC via les afférences vagales. En retour, le réflexe vago-vagal consiste en l’activation des fibres efférentes du Vague, qui conduit à un effet anti-inflammatoire périphérique par la libération d’ACh (Pavlov et al., 2003) passant par l'inhibition de la production de TNFα, notamment au niveau des macrophages (Tracey, 2007). Les systèmes neurovégétatif ou corticotrope modulent des systèmes physiologiques dans les tissus périphériques comme la peau, le cœur ou le système digestif par les GC, l'ACh et l'A/NA. Cette action du SNC sur la périphérie en réponse au stress est particulièrement décrite dans le cadre des interactions neurodigestives.

Durant ces dix dernières années, l'influence des stress psychologiques et environnementaux sur la pathogénèse de l'obésité, du syndrome métabolique, du diabète de type 2, mais aussi dans le cadre de la douleur ou du syndrome de fatigue chronique a fait l'objet d'un intérêt croissant (Miller et al., 2009). De plus, de nombreuses maladies de peau comme l'eczéma ou le psoriasis sont causées ou exacerbées par les stress psychologiques (Arck et al., 2006) et se caractérisent par une perturbation de l'homéostasie de la barrière épithéliale cutanée (Elias, 2005). Le stress est reconnu pour sa participation dans le développement et/ou l'aggravation des troubles gastro-intestinaux comme les MICI ou le syndrome de l'intestin irritable (SII) (Chang et al., 2011; Hisamatsu et al., 2007; Maunder and Levenstein, 2008; Mawdsley and Rampton, 2005; Santos et al., 2008). Des études in vitro et in vivo indiquent que les altérations du système gastro-intestinal liées au stress font intervenir l'activation du système CRFergique aussi bien au niveau du SNC qu'en périphérie (Larauche et al., 2009b). L'expression des récepteurs au CRF et de leurs ligands a été décrite au niveau du tube digestif (Buckinx et al., 2011), mais les mécanismes moléculaires et cellulaires qu'ils impliquent sont mal connus et plutôt focalisés sur le SNE et ses interactions avec le système immunitaire digestif (Kiank et al., 2010). A ce jour, peu d'études se sont intéressées à la fonction des récepteurs au CRF exprimés par les cellules épithéliales intestinales.