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Modèles de la couche de passivation (SEI, PEI) à l’interface

1. Contexte de l’étude

1.3. L’interface lithium / électrolyte polymère

1.3.1. Modèles de la couche de passivation (SEI, PEI) à l’interface

Dans les différentes études qui traitent de l’interface lithium électrolyte, jusqu’aux années 70 la couche de passivation est présumée contrôlable en environnement purifié39. Brummer40

36 M. Odziemkowski, D.E. Irish, J. Electrochem. Soc., 139, 3063-3074 (1992). 37 M. Odziemkowski, D.E. Irish, J. Electrochem. Soc., 140, 1546-1555 (1993).

38 S. Fouache-Ayoub, M. Garreau, P.V.S.S. Prabhu, J. Thevenin, J. Electrochem. Soc., 137, 1659-1665 (1990). 39 N. Munichandraiah, M.J. Scanlon, R.A. March, J. Power Sources, 72, 203 (1998).

40 S.B. Brummer, in : E.G. Yeager et al., Proc. Workshop on Lithium Non-aqueous Battery Electrochemistry, The Electrochem. Society, NJ, 80-87, 130 (1980).

et Newman41 croient dans sa nuisance pour les performances d’une batterie en cyclage. Elle est même parfois ignorée dans l’attribution des contributions impédantes, l’étape limitante (la rate determining step) du processus de dissolution/dépôt étant identifiée dans le transfert de charge électronique. Ce n’est qu’en 1977 que Dey42 montre qu’une fine couche de carbonate recouvre systématiquement la surface du lithium métallique en contact avec du propylène carbonate (PC), et insiste sur l’importance de ce film pour les performances en cyclage. Peled43,44, suivi d’autres auteurs45,46 propose des modèles différents pour expliquer la morphologie et les mécanismes de formation de cette couche de passivation. Ces études montrent que ce qui limite la réaction aux interfaces est plus probablement la diffusion des ions lithium dans la couche de passivation, ou éventuellement dans l’électrolyte remplissant les pores de la couche.

Dans la section suivante je vais rappeler les deux modèles principaux : il est bien entendu possible de réunir ces approches, et d’imaginer une couche plus complexe élaborée à partir de ces modèles. La troisième section va résumer l’application de ces modèles en électrolyte liquide, solide et gélifié, en abordant les études sur la cinétique de formation de la couche.

La « solid electrolyte interphase », ou SEI 43,44,45,46,47

Une approche consiste à imaginer que la couche (solid électrolyte interphase, ou SEI) sépare intégralement la surface métallique de l’électrolyte (Figure 1-26/a, page 38). Comme on l’a déjà évoqué, cette couche se comporte comme un conducteur ionique et isolant électronique. La différence de potentiel entre l’électrolyte et le métal (∆VM/sol) est donc

composée de trois termes :

sol SE SE SE M sol M V V V V / =∆ / +∆ +∆ / Équation 1-18

En effet, pour venir se déposer (ou être libérés après dissolution), les ions lithium doivent obligatoirement passer par trois étapes. D’abord, se libérer des espèces solvatantes et entrer

41 G.H. Newman, in : E.G. Yeager et al. (Eds.), Proc. Workshop on Lithium Non-aqueous Battery Electrochemistry, The Electrochem. Society, NJ, 80-87, 143 (1980).

42 A.N. Dey, Thin Solid Films, 43, 131 (1977).

43 E. Peled, J. of Electrochem. Soc., 126 2047-2051 (1979).

44 E. Peled, D. Golodnitsky, G. Ardel, V. Eshkenazy, Electrochim. Acta 40 2197-2204 (1995). 45 J. Thevenin, J. of Pow. Sources, 14, 45 (1985).

46 D. Fauteux, Electrochim. Acta 38 1119-1210 (1993). 47 M. Garreau, J. of Pow. Sources, 20, 9 (1987).

dans la SEI. Ensuite traverser cette couche, car celle-ci étant un mauvais conducteur électronique le transfert de charge doit survenir à la surface du lithium : la conduction ionique à travers de la couche se fait par migration des ions Lithium sous l’effet du champ électrique E présent dans la SEI. Les ions se déposent enfin à la surface du métal.

Les valeurs de conductivité ionique à l’ambiante et les épaisseurs typiques d’une SEI suggèrent que l’étape limitante cinétiquement est la conduction ionique à travers la couche, et on peut écrire les équations suivantes qui régissent la cinétique, en négligeant la contribution des autres processus.

A champ suffisamment élevé (azE > RT) on a une loi type Tafel:       = RT azE i i 0exp Équation 1-19

où i0 est la densité de courant d’échange, a est la distance inter-atomique, z la charge de

l’ion, F la constante de Faraday et E le champ appliqué.

Quand le champ E tend vers zéro, l’équation se réduit à une loi d’Ohm: E

i ρ 1

= Équation 1-20

où ρ est la résistivité de la couche SEI.

On peut modéliser cette interface par le circuit équivalent montré dans la Figure 1-26/b (page suivante) : la couche de passivation SEI est représentée par un élément RC parallèle. Cet élément indique que les ions ressentent un élément capacitif (CSEI) s’ils s’accumulent sans

traverser la couche, ou un élément résistif (RSEI) s’ils la traversent. Ce type de circuit

correspond à une représentation en diagramme de Nyquist montré dans la Figure 1-26/c : une présentation des principes de la spectroscopie d’impédance, et une introduction aux diagrammes de ce type est donnée en appendice.

Figure 1-26 : La couche de passivation selon le modèle SEI 45 : (a) modèle schématique, (b) circuit équivalent, (c) digramme de Nyquist48 correspondant.

La « polymer electrolyte interphase », ou PEI 45,46,47

Dans ce modèle la surface est partiellement recouverte (θ est la fraction de recouvrement) d’une couche polymérique (Figure 1-27/a, page suivante). Cette couche est très résistive : il s’agit d’un très mauvais conducteur électronique et ionique. Ceci implique qu’il y a difficilement migration des ions dans les zones recouvertes par la couche polymérique. La couche étant poreuse, il y a par contre une fraction de la surface (1- θ) qui est en contact direct avec l’électrolyte. Ici, dans les pores, est canalisé le flux de ions qui diffuse à la surface de l’électrolyte.

Le dépôt/dissolution se fait directement à la surface du métal puisqu’il n’y a pas de couche intermédiaire, et la cinétique de l’étape limitante est régie par le transfert de charge, donc par l’équation de Butler-Volmer :            − −       − = RT F RT F j

j 0 exp (1 α) η exp α η Équation 1-21

où j0 est la densité de courant d’échange, α le coefficient de transfert d’énergie et η la

surtension.

Pour des surtensions suffisamment faibles (typiquement <30mV), l’équation peut être simplifiée au premier terme de son développement :

RT F j j= 0 η Équation 1-22 ou aussi : tc FR RT i0 = Équation 1-23

où i0 est le courant d’échange et Rtc=(dη/di) est dite résistance de transfert de charge.

Le processus de transfert de charge est limité par la diffusion de l’électrolyte dans les pores (loi de Fick) : δ ) ( 2D C C0 F i PEI − = Équation 1-24

où DPEI est le coefficient de diffusion des ions à travers la couche poreuse, δ est son

épaisseur, C est la concentration à la surface de l’électrode et C0 la concentration à l’équilibre.

Au niveau du circuit équivalent (Figure 1-27/b), les choses sont un peu plus compliquées. En général on peut simplifier en disant que des événements concomitants sont représentés par des éléments en série dans un circuit équivalent, et que les événements qui s’excluent mutuellement sont mis en parallèle.

Figure 1-27 : La couche de passivation selon le modèle PEI 45 : (a) modèle schématique, (b) circuit équivalent, (c) digramme de Nyquist48 correspondant.

Dans ce cas particulier, les ions « sentent » systématiquement la composante résistive de l’électrolyte (Re), que l’on trouve en série avec tout le circuit. Certains ions voient les

éléments de la couche polymérique PEI, un RC parallèle qui a la même signification que dans le modèle SEI, mais où la résistance est par compte plus élevée que pour une couche SEI. D’autres ions diffusent dans les pores (avec une résistance de l’électrolyte dans les pores Rep,

constituée à son tour d’une composante capacitive due à l’accumulation de charges opposées dans les deux milieux créant une capacité dite de double couche49 Cdc, et d’une composante

résistive directement liée au transfert de charge (Rtc).

Ces deux modèles ne sont que les briques de base pour des modèles plus complexes, dont quelques exemples sont fournies au paragraphe § 1.3.2 sur les travaux de caractérisation de l’interface par des mesures électrochimiques.

Cinétique de la passivation et influence de l’électrolyte

Une fois les modèles établis, beaucoup d’études ont porté sur l’aspect cinétique: comment ces couches évoluent dans le temps, et si on peut reconnaître un type de couche grâce aux diagrammes d’impédances et leur évolution en vieillissement. On s’est aussi demandé si ces modèles, élaborés pour des batteries à base de métaux alcalins baignant dans des électrolytes liquides à base de solvants aprotiques, sont toujours valables dans un système très différent, tel que celui du polymère fondu. Cette section a pour but de présenter quelques comportements qui ont été vérifiés par des études sur la couche de passivation.

En vieillissant, l’épaisseur δ d’une couche solide SEI progresse avec une loi en racine du temps. Cette tendance reste respectée qu’il s’agisse d’une croissance limitée par la mobilité intrinsèque des électrons (ou des couples électrons trous) contenus dans la couche, soit au contraire d’une croissance limitée par la conductivité électronique extrinsèque induite par les défauts.

Dans le cas d’une couche poreuse PEI, l’étape limitante de la croissance peut être l’augmentation de la fraction de surface θ recouverte par la couche polymère isolante : son épaisseur δ suit une loi en exp(-t) et tend asymptotiquement vers une valeur finale δfin. Si au

contraire la croissance dépend plutôt de la diffusion de l’électrolyte dans les pores, l’épaisseur progresse en racine carrée du temps, sans saturer.

En ce qui concerne l’exportation de ces modèles à un électrolyte à polymère fondu, il y a différents cas de figure qui combinent les deux modèles PEI et SEI dans des configurations variées et assez complexes. Un des paramètres qui influe tout particulièrement est la rigidité de l’électrolyte polymère fondu44. Contrairement aux électrolytes liquides qui « mouillent » parfaitement la surface de l’électrode en lithium, le polymère fondu ne peut avoir qu’un contact partiel avec la surface (Figure 1-28).

Figure 1-28 : Représentation schématique de l’interphase métal / électrolyte polymère fondu. (A) couche native. (B) couche SEI formée par contact avec l’électrolyte. (C) vide. (D) électrolyte polymère fondu. D’après44.

Dans la plupart des cas, on peut traiter cette interface par une couche poreuse PEI (où la partie polymérique bloquante représente les vides couvrant une fraction θ de la surface) superposée à une couche SEI mixte : une couche native, et une autre issue du contact avec l’électrolyte polymère. Le vide est complètement bloquant, et on suppose qu’il ne progresse pas : on peut traiter chaque couche SEI par une SEI « efficace » dont la partie résistive RSEI=R0SEI/θ, où R0SEI est la valeur pour θ=1, et la partie capacitive CSEI=θC0SEI où C0SEI est la

valeur pour θ=1.

Le cas spécifique d’un électrolyte gélifié ne diffère pas beaucoup du cas de l’électrolyte liquide, puisqu’il s’agit d’une membrane sèche imbibée d’électrolyte liquide. Il est en réalité probable qu’une fine couche d’électrolyte mouille la surface de l’électrode. Le polymère hôte peut toutefois intervenir dans la composition chimique de la SEI, spécialement s’il est constitué d’éléments qui se dégradent par contact avec le lithium (par exemple le fluor dans une membrane en PVdF).