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3.2 Les modèles de choc

3.2.4 Modèles de choc à faible nombre de Mach

La limite des nombres de Mach faibles est souvent peu traitée dans les modèles de choc, qui, du fait même de la façon dont ils ont été développés, sont plus fiables pour les cas de vent solaire normal. En effet, les jeux de données à partir desquels ils ont été établi

existe néanmoins un certain nombre de modèles où les conditions de faible nombre de Mach ont été prises en compte, et qui devraient normalement être utilisables dans des cas de nuages magnétiques. Néanmoins, leurs prédictions dans de telles conditions ont généralement été peu testées, voire pas du tout.

Sur la base des résultats de l’étude comparative menée par Měrka et al. (2003) et Měrka et al. (2005a) et des améliorations qui ont été apportées aux modèles depuis lors, nous allons nous intéresser aux quatre modèles de choc suivants, susceptibles de fournir des prédictions fiables à faible nombre de Mach :

– le modèle de Wu et al. (2000)

– le modèle de Chapman et Cairns (2003) – le modèle de Jeřáb et al. (2005)

– le modèle de Měrka et al. (2005b)

Le modèle de Wu et al. (2000) (Wu00)

Le modèle de Wu et al. (2000) (Wu00) est en réalité une combinaison du modèle de Farris et Russell (1994), qui donne la position du point subsolaire du choc, et du modèle de magnétopause de Shue et al. (1997), sur lequel ils s’appuient pour décrire la forme du choc. Dans le modèle de Shue et al. (1997), la magnétopause, dont la forme est supposée invariante par rotation autour de l’axe Terre-Soleil, est décrite par un paraboloïde de révolution, régi par l’équation :

r = Rmp

 2

1 + cosθ

αmp

(3.16) où r est la distance à la Terre d’un point de la magnétopause dans la direction donnée par l’angle θ mesuré par rapport à l’axe Terre-Soleil, et où Rmp est la position du nez de la magnétopause et αmp un paramètre d’évasement. Ces deux paramètres dépendent de la pression dynamique du vent solaire Dp et de la composante Bz du champ magnétique, exprimée en coordonnées GSM, qui joue un rôle important dans la reconnexion magnétique et donc va influer sur la forme de la magnétosphère, de la façon suivante :

Rmp= (11, 4 + 0, 013Bz)D1/6,6 p Bz ≥ 0 (11, 4 + 0, 140Bz)D1/6,6 p Bz < 0 (3.17) αmp= (0, 58 − 0, 010Bz)(1 + 0, 010Dp) (3.18) Le modèle Wu00 utilise une forme similaire pour décrire l’onde de choc :

r = Rchoc

 2

1 + cosθ

αchoc

(3.19) où R et α jouent le même rôle que dans l’équation 3.16 mais cette fois-ci pour le choc. Leur dépendance en fonction des paramètres du vent solaire est obtenue en combinant les équations 3.17, 3.18 du modèle de Shue et al. (1997) et 3.11 du modèle de Farris et Russell (1994) : Rchoc = " 1 + (γ − 1)M 2 ms+ 2 (γ + 1)(M2 ms− 1) # (11, 4 + 0, 013Bz)D1/6,6 p (3.20)

CHAPITRE 3. ETUDE COMPARATIVE DE MODÈLES DE CHOC αchoc= 0, 6 + (1 + 0, 01Dp) ×(0, 58) Bz ≥ 0 ×(0, 58 − 0, 02Bz) Bz < 0 (3.21) Le modèle Wu00 n’a été testé que sur un unique cas de nuage magnétique, observé entre le 18 et le 20 octobre 1995 par Wind dans le vent solaire et Geotail au niveau du choc. Au cours de cet évènement, Geotail a traversé à de nombreuses reprises le choc, qu’il a rencontré à des distances anormalement grandes, jusqu’à 25 RE, du fait du faible nombre de Mach (Mms< 3 pendant la majeure partie du nuage magnétique). Il apparait que les prédictions du modèle sont en bon accord avec les observations de Geotail.

Comme le modèle Wu00 se base sur une combinaison de deux modèles qui ont lar-gement été mis à l’épreuve par la communauté scientifique de par leur utilisation très fréquente, on peut supposer qu’il donnera des résultats satisfaisants si on l’applique à d’autres cas de nuages magnétiques. On notera ici que ce modèle dépend du nombre de Mach magnétosonore, alors que nous nous sommes plutôt intéressés jusqu’à présent au nombre de Mach d’Alfvén. Nous avons vu dans le Chapitre 1 que la vitesse magnétoso-nore s’exprime de la façon suivante : Vms =qV2

A+ c2

s. Dans le cas d’un nuage magnétique, l’amplitude du champ magnétique est particulièrement forte, tandis que la température est faible. De ce fait, la vitesse du son est petite devant la vitesse d’Alfvén, cs  vA et donc la vitesse magnétosonore se réduit à la vitesse d’Alfvén : vms ' vA. Autrement dit, en termes de nombres de Mach : Mms' MA. Par la suite, on discutera donc uniquement la dépendance en MA des modèles.

Le modèle de Chapman et Cairns (2003) (CC03)

Le modèle de Chapman et Cairns (2003) (CC03) est la dernière version en date du modèle de Cairns et Lyon (1995), qu’il complète par l’ajout d’un paramètre d’évasement dépendant du nombre de Mach d’Alfvén et d’une dépendance de la forme du choc avec l’angle θBV entre le champ magnétique interplanétaire et la vitesse V du vent solaire. En effet, ce modèle se base sur les résultats d’une série de simulations MHD, qui ont été effectuées avec différentes valeurs de MA et de la pression dynamique, et deux valeurs de θBV, à savoir 90 et 45.

Dans le cas où θBV = 90, le choc est modélisé par un paraboloïde présentant une symétrie aube-crépuscule et par rapport au plan de l’écliptique. En revanche, quand θBV= 45, les simulations ont mis en évidence une asymétrie nord-sud de l’onde de choc. Le nez du choc ne se trouve alors plus le long de l’axe Terre-Soleil, mais est décalé à un Z non nul. Dans un nouveau repère comprenant l’axe passant par le nez du choc, ce dernier est à nouveau représenté par un paraboloïde présentant les mêmes symétries que précédemment. Il est intéressant de noter que ce modèle est le seul à inclure une asymétrie nord-sud. En général, le choc est supposé symétrique par rapport au plan de l’écliptique, pour pallier au manque de données dans un hémisphère ou dans l’autre, dans le cas des modèles semi-empiriques.

Le modèle CC03 se décline donc en deux versions, l’une pour θBV = 90 et l’autre pour θBV = 45. Nous allons commencer par présenter la première, où l’onde de choc est modélisée par un paraboloïde d’équation :

x = Rchoc− bchoc,Φc(y2+ z2) (3.22) où x, y et z sont les coordonnées d’un point du choc, dans le repère GSE, Rchocla position du point subsolaire, et bchoc,Φ le paramètre d’évasement, dépendant de l’angle horaire Φc,

révolution. La position du point subsolaire est calculée au moyen de : Rchoc= α0+ α1 M2 A ! Dp 1, 87 nPa !−1/6 RE (3.23)

avec α0 = 13, 9 et α1 = 32, 2 et Dp donné en nPa. Le paramètre d’évasement est une fonction de la distance LΦc du choc à la Terre au niveau du terminateur, c’est-à-dire dans le plan x = 0 en coordonnées GSE qui sépare le côté jour du côté nuit, et est exprimé de la façon suivante : bchoc,Φc = Rchoc L2 Φc RE (3.24) avec LΦc = AΦc +BΦc M2 A ! Dp 1, 87 nPa !−1/6 RE (3.25) et AΦc = i + j|cosΦc| + kcos2Φc (3.26) BΦc = l + m|cosΦc| + ncos2Φc (3.27) Les paramètres des équations ci-dessus ont été déterminés par ajustement des résultats des simulations numériques par la méthode des moindres carrés (voir Chapman et Cairns, 2003, pour leurs valeurs). Que ce soit pour la position du nez du choc (équation 3.23) ou son paramètre d’évasement (équation 3.24), ces paramètres dépendent du nombre de Mach d’Alfvén en 1/M2

A. Plus le nombre de Mach sera petit, et plus ces paramètres présenteront de grandes variations.

Pour ce qui est du cas où θBV = 45, le choc est décrit par un paraboloïde similaire au cas précédent, mais en changeant de référentiel, pour avoir à nouveau le nez du choc le long d’un des axes du repère. Dans le nouveau repère, les coordonnées du choc sont calculées à partir d’équations similaires à celles du cas θBV = 90. Seuls les paramètres d’ajustement de LΦc et les αi de la position du point subsolaire diffèrent d’un cas à l’autre (voir l’article de Chapman et Cairns, 2003, pour plus de détails).

Lorsque nous calculerons la position du choc prédite par ce modèle, afin de confronter ses résultats aux observations, nous utiliserons pour chaque cas de nuage magnétique une seule de ces versions, soit θBV = 45, soit θBV= 90, en fonction de la valeur moyenne de cet angle au cours de l’évènement étudié.

Le modèle de Jeřáb et al. (2005) (J05)

Le modèle de Jeřáb et al. (2005) (J05) est une amélioration du modèle de Němeček et Šafránková (1991) puisqu’il reprend une méthode et des équations similaires pour décrire le choc, tout en s’appuyant sur un jeu de données bien plus conséquent. En effet, Měrka et al. (2005a) avaient souligné que les défauts de la version antérieure du modèle venaient du manque de points de mesure, d’où le manque de précision de ses prédictions de la position du choc pour un vent solaire calme. Jeřáb et al. (2005) utilisent les données de 5 satellites qui leur fournissent environ 5300 traversées de choc, à comparer aux 21 traversées exploitées dans le modèle de Němeček et Šafránková (1991). L’équation déterminant la position du choc s’appuie sur celle de Farris et Russell (1994) (voir équation 3.11), mais

CHAPITRE 3. ETUDE COMPARATIVE DE MODÈLES DE CHOC

en remplaçant le facteur 1,1 par un facteur dépendant linéairement de l’amplitude du champ magnétique interplanétaire. Parmi les modèles que nous étudierons ici, celui de Jeřáb et al. (2005) est le seul à dépendre explicitement de ce paramètre.

La position du choc dans une direction (θ, ϕ) donnée est calculée comme : R(θ, ϕ) = Rav(θ, ϕ) R0 C Dp1/6 1 + D (γ − 1)M 2 A+ 2 (γ + 1)(M2 A− 1) ! (3.28) où Rav(θ, ϕ) est la position d’une surface de référence dans la même direction, donnée par l’équation :

A1x2+ A2y2+ A3z2+ A4xy + A7x + A8y + A9z + A10 = 0 (3.29)

avec A1 = 0, 45, A2 = 1, A3 = 0, 8, A4 = 0, 18, A7 = 46, 6, A8 = −2, 2, A9 = −0, 6 et A10 = −618 et où x, y et z sont les coordonnées de la surface dans le repère GSE, en RE. R0 est la position du point subsolaire de cette surface de référence et vaut 11, 9RE. C = 91, 55 est une constante et D est une fonction de l’amplitude du champ magnétique, donnée en nT :

D = 0, 937 × (0, 846 + 0, 042|B|) (3.30) On notera qu’à la différence du modèle de Němeček et Šafránková (1991) le modèle J05 nous donne la position du choc comme fonction du nombre de Mach d’Alfvén (équation 3.28), à la place du nombre de Mach magnétosonore utilisé antérieurement. Ce changement s’appuie sur l’étude de Peredo et al. (1995) qui montre que les variations du nombre de Mach d’Alfvén conduisent à des modifications plus importantes de la forme du choc, avec des effets allant de 6 à 10 %, que les nombres de Mach sonique (∼5–6 %) et magnétosonore (∼2–3%). Du fait du manque de données au voisinage du point subsolaire, ce modèle est susceptible de sous-estimer la position du choc dans cette région, en particulier lorsque x > 8 RE (Jeřáb et al., 2005). Toutefois, cet effet est faible, et nous verrons par la suite que cela ne joue pas un rôle majeur sur les prédictions de ce modèle.

De la même manière que Měrka et al. (2003), Jeřáb et al. (2005) ont à leur disposition un grand jeu de données et testent donc leur modèle dans différentes gammes de valeurs du champ magnétique interplanétaire. Cela leur permet de mettre en évidence que les prédictions de ce modèle dépendent peu des valeurs du champ magnétique. La dépendance en MAn’y est pas détaillée, mais on peut s’attendre à une faible variabilité de la part de ce modèle, d’après les conclusions de Měrka et al. (2005a) sur sa version antérieure.

Le modèle de Měrka et al. (2005b) (M05)

Le modèle de Měrka et al. (2005b) (M05) reprend les mêmes données et la même méthode que le modèle de Peredo et al. (1995), mais en corrigeant le biais que présentaient les prédictions de ce modèle, qui était dû à une erreur dans le traitement des données. Ce nouveau modèle s’appuie donc, à l’instar de son prédécesseur, sur les observations de 550 traversées de choc provenant de 17 satellites différents. Contrairement aux autres modèles présentés dans cette partie (à l’exception de la version θBV = 45 du modèle CC03), le modèle M05 ne fournit pas les coordonnées du choc dans le repère GSE, mais nécessite un passage en coordonnées GPE, pour Geocentric Plasma Ecliptic. Il s’agit d’un repère très proche de l’habituel repère GSE, puisque l’axe z est le même, et que les axes x et y sont tournés de −4 dans le plan de l’écliptique par rapport à leur direction habituelle. Cette

rotation permet de supprimer les effets dits "d’aberration" dus au mouvement orbital de la Terre, qui crée cette déviation d’environ 4 du nez de l’onde de choc, d’où l’appellation "aberrated GSE" parfois employée pour ce système de coordonnées.

En plus de se placer en coordonnées GPE, on travaille en coordonnées normalisées, c’est-à-dire que la distance du choc est donnée par le modèle à un facteur de normalisation près, qui dépend de la pression dynamique du vent solaire :

rchoc= rn nV 2 navV2 av !−1/6 (3.31) où n et V sont la densité et la vitesse du vent solaire amont au moment où l’on calcule la position du choc et nav = 7, 0 cm−3 et Vav = 457, 5 km/s les valeurs moyennes de ces paramètres dans l’échantillon étudié par Měrka et al. (2005b).

Dans le repère GPE et en coordonnées normalisées, la surface modélisant l’onde de choc est décrite par une équation très semblable à celle du modèle J05 (voir Equation 3.29). De même que dans le modèle J05, le coefficient A2 est fixé à 1. En revanche, et c’est là la particularité de ce modèle, les autres coefficients ne sont pas des constantes, mais dépendent explicitement du nombre de Mach d’Alfvén. De même que dans l’étude de Peredo et al. (1995), la dépendance en MA, Ms et Mms est testée, mais ce sont les variations du nombre de Mach d’Alfvén qui ont le plus d’influence sur la forme et la position du choc. Les valeurs des Ai sont déterminées par la méthode de minimisation du χ2 pour 4 intervalles de MA. Un ajustement des 4 points ainsi obtenus par une fonction de MA permet d’obtenir les Ai.

A1 = b11+ b12MA (3.32) A3 = b31+ b32MA (3.33) A4 = b41+ b42MA (3.34) A7 = b71+ b72MA+ b73/(MA2 − 1) (3.35) A8 = b81+ b82MA (3.36) A10 = b101+ b102MA+ b103/(MA2 − 1) (3.37) Pour les valeurs des bi, voir l’article de Měrka et al. (2005b). Une fois que l’on a calculé la position du choc en coordonnées GPE normalisées, il faut remultiplier ces coordonnées par l’inverse du facteur de normalisation, puis effectuer une rotation de 4 des axes x et y, pour finalement aboutir à la position du choc en coordonnées GSE.

Le modèle M05 est le seul à fournir une estimation des erreurs associées à ses paramètres, erreurs qui sont d’autant plus grandes que le nombre de Mach devient faible, en raison du manque de données dans l’intervalle MA < 5. A partir de cette analyse des incertitudes, Měrka et al. (2005b) concluent que leur modèle est utilisable sur une gamme de nombre de Mach alfvénique allant de 3 à 20, mis à part dans la région subsolaire où il a tendance à sous-estimer la position du choc quand MA < 5.

Ces quatre modèles de choc ont donc été construits à partir de jeux de données diffé-rents et reposent sur des hypothèses variées quant à la forme et les symétries du choc. Ils ne présentent pas les mêmes dépendances aux paramètres du vent solaire, et auront donc

CHAPITRE 3. ETUDE COMPARATIVE DE MODÈLES DE CHOC

Modèle Param. VS Forme Param. libres Symétries Données Wu00 MA, Dp, Bz Paraboloïde 2 Axiale 26 traversées CC03 MA, Dp, θBV Paraboloïde 2 Aube/Crépuscule (simulations) J05 MA, Dp, B Quadrique 6 Nord/Sud 5270 traversées

M05 MA, Dp Quadrique 6 Nord/Sud 550 traversées

Table 3.1 – Tableau récapitulatif des caractéristiques des modèles de choc sélectionnés : paramètres du vent solaire pris en compte, forme, paramètres libres, symétries et jeux de données utilisés dans l’élaboration des modèles.

de toute évidence une réponse différente aux variations de ces paramètres. Les principales caractéristiques de ces quatre modèles de choc sont résumées dans le tableau 3.1.

3.3 Comparaison des prédictions des modèles aux