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C'est avec l'augmentation du trac sur les routes et donc l'augmentation du nombre d'acci-dents que va naître la nécessité de comprendre l'origine de ces accid'acci-dents. De nouveaux modèles vont voir le jour à partir de 1975, visant à comprendre et à modéliser les processus psychologiques intervenant lors de la prise de risque au volant.

Ces modèles mettent notamment l'accent sur les motivations du conducteur pour prendre ou ne pas prendre de risque durant la conduite. Certains auteurs postulent que les conducteurs ne prennent jamais de risque d'une façon délibérée (c'est la théorie du risque zéro de [Näätänen and Summala, 1976]) et que la prise de risque serait le résultat d'une erreur d'appréciation (sous-estimation du risque objectif), tandis que d'autres chercheurs postulent au contraire que la prise de risque est le résultat d'un processus de comparaison gain/coût. C'est typiquement le cas du modèle de l'homéostasie du risque de [Wilde, 1982a]. Selon ce modèle, le conducteur ajuste constamment sa conduite pour conserver un niveau de risque subjectif acceptable, sans dépasser un seuil critique, ni même viser le risque zéro.

Figure 9  Modèle du conducteur basé sur l'homéostasie du risque ( [Wilde, 1982b]) Le modèle d'homéostasie du risque part du principe que dans toute situation l'humain accepte un certain niveau de risque lorsque le gain qu'il va en retirer justie cette prise de risque. Wilde insiste sur ce rapport gain/risque : le conducteur peut prendre délibérément la décision d'engager une action qu'il sait dangereuse si le gain qu'il pense en retirer le justie (par exemple, griller un feu orange pour gagner du temps lorsque je suis pressé). Pour Wilde, le conducteur cherche donc constamment à atteindre un équilibre entre son gain et son risque, c'est le niveau cible, calculé en fonction d'un risque perçu (correspondant à une évaluation subjective du risque situationnel) et de ses gains/coûts en risque propres à chaque alternative comportementale. Sur la base de ce principe d'homéostasie, Wilde [Wilde, 1982b] propose un modèle du conducteur basé sur la comparaison risque perçu/niveau cible (gure 9). Il fait appel à la dimension anticipatrice de la conduite, qui entraine de la part du conducteur une constante dérivation mentale des états futurs possibles de la situation courante, lui permettant ainsi d'anticiper des changements critiques pour diérentes alternatives comportementales, par exemple. Cette anticipation peut ensuite être vériée grâce à une boucle de vérication qui permet au conducteur de prendre des informations perceptives à l'instant T + ∆T pour s'assurer que l'anticipation faite à l'instant T est bien conforme à la situation rencontrée à T + ∆T .

Cette théorie de Wilde a été l'une des sources d'inspiration majeures de la modélisation du processus de prise de décision dans le modèle COSMODRIVE, sur lequel nous reviendrons plus tard. Elle est également au c÷ur de travaux plus récents réalisés au LESCOT3 visant à modéliser la  Conscience du Risque  du point de vue cognitif [Banet, 2010] [Bellet and Banet, 2012]

Un autre modèle du conducteur appartenant à cette catégorie mérite d'être discuté ici, c'est le Hiérarchique du risque de [Van Der Molen and Bötticher, 1988], inspiré des travaux de [Michon, 1979]. A travers ce modèle, l'objectif des auteurs était de proposer  un cadre structurel qui permette de décrire les processus de perception, de jugement et de décision à tous les niveaux de la tâche  (p. 538). Ce modèle décrit la conduite comme une activité structurée hiérarchiquement selon trois niveaux : le niveau stratégique, le niveau tactique et le niveau opérationnel (gure10).

ˆ Le niveau stratégique englobe la planication de l'itinéraire et la tâche de navigation permettant sa réalisation, y compris la replanication en temps réel du trajet en cas d'im-prévus (déviations, embouteillages, etc). Il prend aussi en compte les contraintes et les motivations générales que s'impose le conducteur (temps imparti pour réaliser le trajet, respect strict ou non des limitations de vitesse, plaisir de conduire, etc.).

ˆ Le niveau tactique concerne la gestion de la situation de conduite courante (franchir une intersection, par exemple), via la prise de décisions et la planication d'actions à mettre en ÷uvre en fonction des buts locaux que vise le conducteur (comme tourner à gaucher ou dépasser) et des contraintes situationnelles (limites de vitesse, par exemple).

ˆ Le niveau opérationnel se scinde en deux modes de fonctionnement alternatifs, sélec-tionnés par un relais d'urgence permettant d'activer ou non le mode d'urgence. Le pre-mier mode correspond à la gestion de situations normales et conformes aux prévisions du conducteur. Dans ce contexte, le niveau opérationnel permet d'assurer la réalisation du plan tactique via la mise en ÷uvre d'actions motrices sur les commandes du véhicule. Il permet également d'eectuer de manière presque autonome une partie de la tâche de conduite (automatismes de régulation pour le contrôle longitudinal et latéral). Le mode d'urgence n'intervient qu'en cas de situation critique. Il s'active automatiquement (via le relais d'urgence) en cas de danger perçu, et il permet alors la sélection et l'exécution d'une réaction d'urgence (freinage fort ou coup de volant, par exemple).

Il convient aussi de souligner l'emboîtement de ces trois niveaux hiérarchiques : les décisions prises au niveau stratégique deviendront des motivations au niveau tactique, qui les prendra en compte pour proposer des décisions tactiques envoyées au niveau opérationnel, qui lui-même les mettra en ÷uvre sous la forme d'actes moteurs. Ce modèle intègre aussi une fonction de percep-tion permettant la collecte d'informapercep-tions dans l'environnement. Cette foncpercep-tion de perceppercep-tion informe en parallèle les trois niveaux d'activité. Par exemple, les informations relatives au suivi de l'itinéraire (signalisation, déviation, etc.) seront directement intégrées au niveau stratégique. Au niveau tactique, la perception permet l'analyse de la situation routière (infrastructure et évé-nements) an de prendre des décisions d'action. Au niveau opérationnel, la perception alimente le processus de régulation et de contrôle du véhicule, ainsi que la détection et la gestion des événements critiques.

Enn, Van der Molen et Bötticher rapprochent leurs travaux avec ceux de [Rasmussen, 1986], concernant le contrôle de l'activité. Cependant, les niveaux hiérarchiques de Van der Molen et Bötticher et les  levels  de Rasmussen ne se superposent pas toujours, notamment en fonction de l'expérience de conduite. Ainsi, par exemple, le changement de vitesse qui relève du niveau opérationnel, reposera sur des habiletés chez un conducteur expérimenté, mais sur des règles pour un novice et sur des connaissances pour conducteur débutant. Le tableau1permet de comparer les niveaux identiés d'une part par [Michon, 1979] et d'autre part par [Rasmussen, 1986] :

Niveau Stratégique Niveau Tactique Niveau Opérationnel Knowledge

Level

Naviguer en site in-connu

Carrefour atypique & complexe

Conducteur novice Rule Level Choix entre routes

fami-lières

Dépassement de véhi-cule

Usage véhicule non fa-milier

Skill Level Usage itinéraire quoti-dien

Négocier intersect. fami-lière

contrôle de la trajectoire

Tableau 1  Comparaison des niveaux identiés par [Michon, 1979] et [Rasmussen, 1986] Ce modèle est intéressant pour notre démarche de modélisation cognitive, car il apporte une description assez précise de la façon dont s'imbriquent mutuellement les diérents niveaux d'analyse, de raisonnement et de contrôle de l'activité de conduite, ce que nous chercherons aussi à appréhender dans notre modèle cognitif.