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PARTIE 3 : METHODES D’ÉVALUATION DE L’ARTHROSE UTILISÉES EN

2. Modèles animaux d’arthrose utilisés en préclinique

2.3 Les différents modèles d’arthrose

Il existe quatre catégories de méthodes « d’induction » de l’arthrose chez l’animal : des méthodes d’induction chirurgicale, par déstabilisation mécanique de l’articulation ; des modèles d’induction par injections intra-articulaires de différents produits chimiques ; des modèles qui développent la maladie spontanément avec l’âge ; et enfin des modèles génétiquement modifiés (figure 23). Les modèles d’induction ont l’avantage d’être relativement reproductibles, alors que les modèles spontanés ont une incidence variable et une progression de la maladie très variable (Little & Smith, 2008).

Figure 23 : Modèles animaux d’arthrose utilisés en recherche préclinique (Little & Smith, 2008)

2.3.1 Modèles d’induction chirurgicale

Les méthodes d’induction chirurgicale de l’arthrose sont les plus utilisées dans les études précliniques. Elles reproduisent particulièrement bien la pathologie humaine, au niveau histologique mais aussi d’un point de vue moléculaire. Elles miment le développement d’une arthrose post-traumatique (un des causes les plus fréquentes d’arthrose chez l’homme), et entrainent à la fois une déstabilisation de l’articulation, une modification de la répartition des charges sur les surfaces articulaires, et une inflammation. Les techniques les plus répandues se basent sur la

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section d’un ligament (ligament croisé antérieur, ligament ménisco-tibial) ou la résection d’un ménisque (figure 24) :

- la rupture du ligament croisé antérieur (LCA) : c’est un des facteurs de risque majeur de développement d’arthrose chez l’homme. Le LCA s’insère entre les condyles fémoraux et au centre du plateau tibial, et empêche la rotation et le déplacement vers l’avant du tibia par rapport au fémur. En le sectionnant, la répartition des contraintes mécaniques est modifiée et on observe une érosion du cartilage. Le développement des lésions arthrosiques est lent et variable en terme de localisation et de sévérité des lésions, mais mime bien le développement naturel de la maladie et est plutôt utilisé pour étudier les phases précoces de la pathologie. Ce modèle est caractérisé par la formation de fibrillations du cartilage et d’ostéophytes, une sclérose et une perte d’os sous-chondral, et une invasion du cartilage calcifié par des vaisseaux (Hayami et al., 2005).

- la déstabilisation méniscale et la ménisectomie : les ménisques sont des structures fibro-cartilagineuses en forme de croissant localisées entre les condyles fémoraux et le plateau tibial. Le ménisque interne et le ménisque externe sont fixés au tibia par des ligaments ménisco-tibiaux et facilitent le contact entre les surfaces articulaires dont les formes ne sont pas naturellement complémentaires ; ils ont donc un rôle de cale et d’amortisseur. En sectionnant un ligament, ou une partie voire la totalité d’un ménisque, un stress se créé sur la surface articulaire se traduisant par le développement d’arthrose. Les techniques utilisées incluent la déstabilisation du ménisque médial (DMM) par section du ligament ménisco-tibial interne, la ménisectomie partielle (résection d’une partie d’un ménisque) et la ménisectomie totale. Elles engendrent une dégradation progressive de la surface cartilagineuse, la formation d’ostéophytes, une mort des chondrocytes et un épaississement de l’os sous-chondral.

Le modèle de DMM, surtout utilisé chez la souris et plus facile à réaliser que le modèle de rupture du LCA, entraine des lésions légères à modérées dans la partie médiale de l’articulation, avec une très bonne reproductibilité (Glasson et al., 2007; Loeser et al., 2013) ; alors que le modèle de ménisectomie produit lui-aussi des lésions reproductibles, mais de progression beaucoup plus rapide que les modèles précédents (Bendele, 2001).

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Figure 24 : Représentation schématique des différentes techniques chirurgicales utilisées pour induire l’arthrose chez l’animal (A) : par rupture du ligament croisé antérieur (ACL), par section du ligament ménisco-tibial médial (MMTL) ou latéral (LMTL), ou par résection du ménisque médial (MM). En (B), une section histologique représentative d’une articulation de souris après section du LCA, et en (C) d’une articulation après déstabilisation du ménisque médial, colorées à la Safranine- O, qui colore en rouge le cartilage. On observe une érosion du cartilage dans les deux modèles, une atteinte de l’os sous-chondral en (B) et un mauvais placement du ménisque en (C) responsable d’un contact anormal des surfaces articulaires (Glasson et al., 2007) Abbréviations : MFC, condyle fémoral médial ; MTP, plateau tibial médial ; LFC, condyle fémoral latéral ; LTP, plateau tibial latéral

2.3.2 Modèles d’induction chimique

L’injection par voie intra-articulaire de divers agents (enzymes, cytokines, produit chimique) peut induire une dégénérescence du cartilage articulaire. L’utilisation de ces modèles dans le développement de molécules anti-arthrosiques est controversée, car ils induisent une inflammation locale aigüe, qui n’est pas représentative du développement de l’arthrose chez l’homme. Ils sont cependant particulièrement intéressants pour étudier les composantes inflammatoires et douloureuses associées à la pathologie. Deux principaux modèles sont utilisés :

- l’injection de collagénase : cette enzyme dégrade les tissus de la capsule articulaire contenant du collagène de type I, tels que les tendons et les ligaments, sans induire de dommages directs aux collagènes cartilagineux, conduisant à une instabilité de l’articulation, elle-même responsable de la dégradation du cartilage, ainsi qu’une inflammation de la membrane synoviale (Lampropoulou-Adamidou et al., 2013).

- l’injection de mono-iodoacétate de sodium (MIA) : le MIA est un inhibiteur irréversible de la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase, il inhibe donc la glycolyse aérobie des cellules, conduisant à la mort des chondrocytes. Il est injecté

B C

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par voie intra-articulaire, et engendre des lésions d’apparition rapide et sévère. Il entraine une inflammation de la membrane synoviale, une perte cartilagineuse ainsi que la formation d’ostéophytes. De plus, l’injection de MIA cause un remodelage important de l’os sous-chondral, dû aux contraintes appliquées sur le cartilage dont l’épaisseur diminue, qui serait à l’origine des douleurs associées à l’arthrose (Guzman et al., 2003).

2.3.3 Modèles d’arthrose spontanée

Certaines espèces animales développent de l’arthrose spontanément avec l’âge. Des petits animaux, comme certaines souches de souris (STR/ort, C57BL/6) ou le cochon d’inde Dunkin Hartley, et des gros animaux, comme le chien (Labrador et Beagle) ou le macaque développent une pathologie ressemblant de près à la pathologie humaine. Cependant, l’utilisation de ces modèles a l’inconvénient majeur de nécessiter des études sur de longues durées.

La souris STR/Ort : plusieurs souches de souris ont été étudiées pour leur capacité à développer de l’arthrose spontanément ; en 1956, Sokoloff et Jay ont réalisé une étude sur 18 souches différentes de souris, et ont isolé une souche possédant une mutation spontanée ayant une incidence élevée d’arthrose avec l’âge, la souche STR/Ort (Sokoloff, 1956). Ces souris se caractérisent par une dégénérescence du cartilage articulaire, ressemblant à la pathologie humaine, majoritairement du côté médial, allant d’une simple érosion de la surface articulaire à une mise à nu de l’os sous-chondral. On observe de plus une obésité et une luxation de la rotule, dont on connaît mal l’étiologie, et on estime que la plupart de ces souris développent des lésions à 20 semaines (Mason et al., 2001).

La souris C57BL/6 : en 1993, l’équipe de Stanescu (Stanescu et al., 1993) s’est intéressé à cette souche très communément utilisée en recherche, et a montré une dégradation du cartilage articulaire dès l’âge de 6-8 mois, progressant lentement, jusqu’à affecter 80% des animaux à l’âge de 18 mois. Cette incidence semble être plus importante chez les animaux de sexe mâle. Ce modèle d’arthrose spontanée sera développé dans la dernière partie de ce manuscrit, consacrée à mes travaux de recherche en Master 2.

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Le cochon d’inde Dunkin Hartley : cette espèce développe de l’arthrose spontanément dans le genou à partir du troisième mois, et présente une arthrose modérée à sévère à l’âge de 18 mois. On observe une érosion du cartilage et une mort des chondrocytes, ainsi que les signes typiques d’une arthrose, une sclérose de l’os sous-chondral, la présence d’ostéophytes et une calcification des ligaments (Jimenez et al., 1998; Yan et al., 2014).

2.3.4 Modèles génétiquement modifiés

De nombreux modèles de souris génétiquement modifiées existent dont l’incidence d’arthrose est augmentée ou diminuée. Il existe par exemple des souris possédant des mutations des gènes codant pour les collagènes de types II, IX, X et XI, ou pour d’autres protéines de matrice (fibromoduline, biglycane, intégrine). Certaines souris possédant une mutation du gène codant pour le collagène de type II, ou les souris surexprimant le gène codant la MMP13, développent notamment une arthrose proche de la pathologie humaine. Les souris génétiquement modifiées sont de plus particulièrement utiles pour étudier la fonction d’un gène spécifique (Fang & Beier, 2014; Helminen et al., 2002).

3. Le « gold standard » des méthodes d’évaluation de l’arthrose dans les études