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PARTIE 3 : METHODES D’ÉVALUATION DE L’ARTHROSE UTILISÉES EN

4. L’essor de nouvelles méthodes non invasives d’appréciation de l’arthrose

4.4 Le dosage de biomarqueurs

Les techniques d’imagerie et d’analyse de la marche, bien que permettant de détecter une arthrose installée, ne permettent pas de détecter les lésions précoces dues à la maladie. En effet, l’arthrose peut être divisée en 3 phases : une longue phase asymptomatique pendant laquelle ont lieu les phénomènes initiateurs de la dégradation du cartilage et de l’os, une phase « pré-radiographique » où l’on observe les premiers signes de destruction du cartilage articulaire, et une phase « radiographique », récalcitrante aux traitements, caractérisée par la dégénérescence des tissus articulaires associée à des douleurs et une perte de fonction (Kraus et al., 2011). L’idée a donc été de trouver des biomarqueurs sanguins, urinaires ou synoviaux, relargués dans les phases aigues de l’arthrose. Il n’existe, pour le moment, aucun biomarqueur spécifique de l’arthrose, même si de nombreuses corrélations ont été montrées dans la littérature.

Un des obstacles principaux à la détection de ces marqueurs est le type d’échantillon à analyser. En effet, le prélèvement de liquide synovial nécessite une ponction articulaire, qui est parfois difficile à réaliser (notamment s’il n’y a pas d’épanchement) et n’est pas réalisé en routine. Par ailleurs, les concentrations retrouvées dans les urines sont très faibles donc nécessitent des techniques très sensibles (Lotz et al., 2013).

D’autre part, les marqueurs retrouvés dans le sang et l’urine ne sont pas le reflet d’une seule articulation, mais de l’organisme dans sa totalité, et pas seulement des phénomènes articulaires. La contribution du disque intervertébral (qui est aussi un tissu cartilagineux) est, par exemple, non négligeable car il subit une dégénérescence spontanée avec l’âge. De plus, les taux de ces marqueurs peuvent être influencés par des facteurs confondants, comme l’âge, le sexe, l’IMC, le rythme circadien, l’effort physique et par d’autres pathologies squelettiques (comme l’ostéoporose) ou systémiques, et d’éventuelles médications. Le dosage d’une combinaison de marqueurs, représentatifs de différents aspects de la maladie (cartilage, os, membrane synoviale), semble donc indispensable pour la détection des stades précoces de la maladie (Kraus et al., 2011).

Les différents biomarqueurs candidats de l’arthrose peuvent être divisés en 3 classes selon leur origine : les biomarqueurs du métabolisme du cartilage, du métabolisme osseux et du métabolisme de la membrane synoviale (tableau XXI).

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4.4.1 Les biomarqueurs du métabolisme du cartilage

Les marqueurs du métabolisme du collagène :

Lors du développement de l’arthrose, les fibrilles de collagène de type II sont dégradées par les MMPs, ce qui conduit à la destruction de la MEC et à la perte des propriétés physiques du cartilage. Etant donné l’abondance du collagène II dans le cartilage, la présence de ses métabolites dans le liquide synovial, le sérum et l’urine, semblent être un bon marqueur prédictif de la progression de la maladie. Différents marqueurs du métabolisme du collagène II ont été identifiés lors du développement de l’arthrose : d’une part, des marqueurs de la synthèse de collagène, et d’autre part des marqueurs de la dégradation du collagène, représentés en figure 39.

Figure 39 : Localisation schématique des différents épitopes du pro-collagène de type II, servant de biomarqueurs de la synthèse et de la dégradation du collagène II lors du développement de l’arthrose. Les MMPs clivent la triple hélice en 2 fragments de ¼ et ¾ de la taille complète de la fibrille. Plusieurs sites spécifiques représentés sur le schéma permettent la détection des produits de synthèse ou de dégradation du collagène II dans les fluides biologiques (Rousseau & Delmas,

2007)

Lors de la synthèse des fibrilles de collagène, les pro-peptides en C- et en N- terminal (C-propeptide du collagène de type II (PIICP) et N-propeptides du collagène de type IIA et II (PIIANP et PIINP)) sont relargués dans les fluides biologiques, ces marqueurs permettent dont de suivre la néo-synthèse de collagène II au cours de

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l’arthrose. Des études ont montré une augmentation du C-propeptide dans le sérum et le liquide synovial chez les patients arthrosiques, traduisant une tentative de réparation du tissu, cependant, la corrélation avec les N-propeptides sériques n’est pas nette (Elsaid & Chichester, 2005; Tabassi & Garnero, 2007).

Lors de la dégradation de la triple hélice de collagène, les MMPs libèrent 2 fragments d’une taille d’environ ¼ et ¾ de la taille de la fibre complète. Différents épitopes générés par ce clivage peuvent être reconnus dans le fragment N-terminal : un épitope commun aux collagènes I et II (C1,2C), ainsi qu’un autre spécifique du collagène II (C2C), un peptide de 9 acides aminés des hélices α du collagène II (Coll 2-1) et sa forme nitrosylée (Coll 2-1 NO2), et une séquence dans la partie hélice du

fragment appelée HELIX-II. Dans le fragment C-terminal, une séquence de petite taille appelée le C-télopeptide du collagène II (CTX-II) a été identifiée dans l’urine et plusieurs études ont montré une corrélation avec l’arthrose. En effet, de par sa petite taille, il est filtré par le rein et concentré dans l’urine. Ces différents marqueurs sont retrouvés de manière plus importante dans différents fluides biologiques, et de nombreuses études tentent de démontrer une corrélation avec le développement de la maladie (Elsaid & Chichester, 2005; Rousseau & Delmas, 2007).

Les marqueurs du métabolisme de l’agrécane :

De même que le collagène II, l’agrécane est rapidement dégradé lors de l’arthrose, par les ADAMTS principalement, mais aussi par les MMPs. Un épitope en 846 sur une des chaines de chondroïtine sulfate, ainsi que le kératane sulfate sont retrouvés dans les liquides biologiques (sérum, liquide synovial). Trois néo-épitopes en N-terminal ont également été détectés chez les patients arthrosiques : les séquences ARGS, FFGV et TEGE. Cependant, peu d’études ont été réalisées, et la présence d’enzymes dégradant l’agrécane dans le sérum et l’urine limite l’utilisation de ces marqueurs (Tabassi & Garnero, 2007).

Les autres protéines non collagéniques :

Des protéines non collagéniques autres que l’agrécane sont retrouvées en quantité supérieure dans le sérum, l’urine ou le liquide synovial de patients

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arthrosiques, telles que COMP, la pentosidine (un marqueur du stress oxydatif), les différentes protéases de la MEC (MMPs, ADAMTS et TIMPs), et la glycoprotéine 39 (YKL-40) (glycoprotéine secrétée par le chondrocyte, et par les synoviocytes) (Lotz et al., 2013; Rousseau & Delmas, 2007).

Marqueur Source

Métabolisme du collagène

Marqueurs de la synthèse de collagène

C-propeptide du collagène de type II (PIICP) Sérum, liquide synovial

N-propeptides du collagène de type IIA (PIIANP) et du collagène II total (PIINP)

Sérum

Marqueurs de la dégradation du collagène

Néo-épitope issu du clivage des collagènes I et II (C1,2C) Sérum, urine, liquide synovial

Produit de clivage du collagène II (C2C) Sérum, urine, liquide synovial

Epitope des hélices α du collagène II (Coll 2-1) et sa forme nitrosylée (Coll 2-1 NO2)

Sérum, urine

Néo-épitope des hélices α du collagène II (HELIX-II) Sérum, urine

C-télopeptide du collagène II (CTX-II, TIINE) Urine, liquide synovial

Métabolisme de l’agrécane

Epitope 846 de la chondroïtine sulfate Sérum, liquide synovial

Néo-épitopes N-terminaux de l’agrécane (ARGS, FFGV, TEGE)

Sérum, liquide synovial

Kératane sulfate Sérum

Autres protéines non collagéniques

COMP Sérum, liquide synovial

Protéases (MMPs 1, 3, 9, 13, ADAMTS et TIMPs) Sérum, liquide synovial

Advanced glycation endproducts (pentosidine) Sérum, urine

Glycoprotéine 39 (YKL-40) Sérum

Tableau XXI : Biomarqueurs caractéristiques du métabolisme du cartilage articulaire

4.4.2 Les biomarqueurs du métabolisme osseux

L’os sous-chondral étant aussi atteint lors du développement de l’arthrose, certaines études ont cherché à démontrer la présence des métabolites du collagène I, le collagène principal du tissu osseux, dans les liquides biologiques (télo- et

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propeptides du collagène I (CTX-1, NTX-1, PINP)). Certains auteurs montrent une augmentation de ces marqueurs chez les patients arthrosiques, cependant, leur utilisation est limitée car reflète le renouvellement du tissu squelettique du corps entier (Elsaid & Chichester, 2005).

4.4.3 Les biomarqueurs du métabolisme de la membrane synoviale

Plusieurs marqueurs spécifiques de la dégradation de la membrane synoviale ont été retrouvés en quantité plus importante lors de l’arthrose. L’excrétion urinaire de la glucosyl-galactosyl-pyridinoline, une protéine spécifique de la membrane synoviale, est par exemple augmentée, ainsi que la concentration de YKL-40 dans le sérum et le liquide synovial. De la même façon, des concentrations d’acide hyaluronique importantes ont été observées dans le sérum de patients arthrosiques (Rousseau & Delmas, 2007).

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