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CHAPITRE 1. : R EACTION D ’ HYDRATATION ET SES CONSEQUENCES SUR LE DEVELOPPEMENT DE

1.6 Modélisation du phénomène d’hydratation

1.6.2. Modèles analytiques

1.6.2.1. Modèle de Powers et Brownyard

Les travaux de Powers et Brownyard [POW47], au milieu du XXe siècle sont considérés comme une référence importante encore de nos jours. Les auteurs présentent un modèle capable de calculer les fractions volumiques des phases avec l’avancement de la microstructure. Plusieurs chercheurs ont utilisé ce modèle pour évaluer sa capacité prédictive ([YOU87], [STE05], [BTZ09]), [TAY97], [JNS01], [BRO04], [BR005]). La microstructure de la pâte de ciment est divisée en trois phases principales : le ciment anhydre, l’eau et les hydrates. A partir des études sur des isothermes de sorption et de l’eau liée par gramme de ciment, Powers et Brownyard [POW47] classifient l’eau en 3 catégories : eau libre (qui se trouve dans les capillaires), eau liée physiquement (eau du gel) et eau liée chimiquement (considérée comme non évaporable). Les fractions volumétriques calculées par le modèle (en fonction du degré d’hydratation) sont les suivantes : Porosité initiale = / + (1-6) Ciment anhydre = (1 − )(1−∝) (1-7) Hydrates = 1.52(1 − ) ∝ (1-8) Eau gel = 0.60(1 − ) ∝ (1-9) Eau capillaire = − 1.32(1 − ) ∝ (1-10) Retrait chimique = 0.20(1 − ) ∝ (1-11)

Volume total + + + + = 1 (1-12)

Avec ρe, ρc les masses volumiques de l’eau et du ciment anhydre et α le degré d'hydratation. En utilisant les équations présentées, il est facile de procéder au calcul des proportions des phases en fonction du degré d’hydratation. Sur la Figure 1-65, le calcul pour un rapport eau – ciment de 0.2 est illustré.

Figure 1-65 : Calcul des proportions volumiques selon le modèle de Powers

Figure 1-66 : Calcul du degré d’hydratation final

Un degré d’hydratation final est aussi considéré dans le modèle, correspondant au moment où il n'existe plus de place dans la microstructure pour la formation de nouveaux hydrates. Le degré d’hydratation final est une fonction de l’espace initial de la microstructure :

= 1.31/3.13 / si e/c ‹ 0.418 (1-13)

= 1 si e/c › 0.418

Selon l’équation (1-13), pour des rapports eau – ciment plus faibles que 0.418, il n'existe pas suffisamment de place pour atteindre l’hydratation complète des grains anhydres. Cependant, dans ses travaux, Mills ([MIL66] tiré de [BRE97]) propose une autre équation phénoménologique pour le calcul du degré d’hydratation final, qui toutefois ne peut pas prendre en compte ni la finesse du ciment, ni le type de ciment, éléments qui peuvent influer sur la cessation du processus d’hydratation :

= 0.194 + / 1.031 ∗ / (1-14)

Waller [WAL99] compare les deux équations ((1-13) et (1-14)) avec des résultats expérimentaux et trouve que, d’un côté, avec le modèle de Powers on se retrouve

systématiquement avec des valeurs surestimées du degré d’hydratation total, tandis que Mills tends vers une sous-estimation. Ainsi, l’auteur propose une loi qui permet de retrouver l’évolution expérimentale, qui est sous la forme :

= 1 − exp (− ∗ / ) (1-15)

où A est un paramètre matériau, identifié sur les courbes expérimentales. Les évolutions données par chaque loi sont présentées sur la Figure 1-66.

1.6.2.2. Modèle de Jennings et Tennis

Le modèle proposé par Jennings et Tennis ([JEN94]) part des équations proposées par Bogue et modifiées par Taylor ([TAY89] tiré de [JEN94]), pour calculer les fractions volumétriques de chaque phase minéralogique trouvée dans le ciment anhydre :

2C3S + 10.6H → C3.4S2H8 + 2.6CH (1-16)

2C2S + 8.6H → C3.4S2H8 + 0.6CH (1-17)

C3A + 12H + CSH2 → C4ASH14 (1-18)

3C4AF + 110H + 12CSH2 → 4C6(A,F)S3H32 + 2(A,F)H3 (1-19)

Partant de l’hypothèse que chaque phase minéralogique présente sa propre cinétique d’hydratation, et en considérant que le degré d’hydratation de chaque phase peut être approximé en utilisant une équation de type Avrami, le degré d’hydratation total est donné par la moyenne pondérée des degrés d’hydratation individuels.

∝= 1 − exp (− ( − ) ) (1-20)

avec αi le degré d'hydratation de chaque phase, t le temps et ai, bi, ci des coefficients matériau propres à chaque phase (donnés dans le Tableau 1-5).

Phase A b c

C3S 0.25 0.90 0.70 C2S 0.46 0 0.12 C3A 0.28 0.90 0.77 C4AF 0.26 0.90 0.55

Figure 1-67 : Avancement de l’hydratation avec le temps pour chaque phase

Tableau 1-5 : Coefficients utilisés dans l’équation (1-20) [TAY89]

Le calcul des fractions volumiques des phases est fait selon les équations suivantes :

Ciment anhydre initial =1 + / 1 (1-21)

Ciment anhydre = (1 −∝ ) ∗ 1 (1-22) Portlandite = (0.189 ∝ + 0.058 ∝ ) (1-23) Monosulfoaluminate = (0.849 ∝ + 0.472 ∝ ) (1-24) C-S-H solide _ = (0.278 ∝ + 0.369 ∝ ) (1-25) Pores capillaires = (1 − ) − (∝ ∆ ) (1-26) Pores des C-S-H _ = 0.219 ∗ _ (1-27)

Volume poreux total _ = _ + (1-28)

où le terme i prend en compte le déficit de volume entre les réactants initiaux, et les produits d’hydratation, et p représente la fraction volumique de chaque phase. Le modèle permet ainsi de prédire la croissance des hydrates, en fonction du degré d’hydratation, comme cela est montré sur la Figure 1-68.

0

20

40

60

80

100

0 25 50 75 100

α

Temps (jours)

C2S

C4AF

C3S

C3A

Figure 1-68 : Calcul des proportions volumiques selon le modèle de Jennings et Tennis [JEN94]; e/c = 0.5

Ce modèle présente plusieurs avantages. Tout d’abord, la prise en compte des différentes phases minéralogique du ciment anhydre, avec leur propre cinétique d’hydratation, et le calcul d’un degré d’hydratation total en fonction du temps, permet de pouvoir vérifier par des moyens expérimentaux la validité des résultats obtenus. Le modèle initial ne considère pas la formation d’ettringite, mais une version ultérieure permet le calcul de cette phase, et sa transformation en monosulfoaluminate ([JEN00]). Il reste aussi à souligner l’importance de la prise en compte dans le calcul de la porosité des C-S-H, ainsi que la classification des C-S-H en 2 catégories, externe et interne, chacun avec sa propre densité. Des études expérimentales approfondies sur la porosité des C-S-H (remplacement du solvant, sorption, porosimétrie au mercure et détermination de la quantité d’eau évaporable [JEN00]), des études sur la nature colloïdale des C-S-H ([THO06], [JEN08]), ainsi que des études de nanoindentation, et SANS (small-angle neutron scattering [JEN07]) ont contribué à une meilleure compréhension, et à l'évolution du modèle.

Une discussion sur le calcul du degré d’hydratation s’impose cependant, car, comme cela est souligné par les auteurs, le modèle d’Avrami décrit la nucléation et la croissance pour des réactions chimiques simples. La nature complexe des interactions entre les différentes phases pendant l’hydratation (comme vu au paragraphe 1.2.2.5, et sur la Figure 1-4) ne peut pas être estimée par ce modèle. Ainsi, le modèle fait l’hypothèse que les phases minéralogiques s’hydratent de manière indépendante [JEN00]. De plus, le modèle donne accès aux informations sur l’hydratation à partir d’un jour d’hydratation. Or, pour des applications au très jeune âge nous nous intéressons aux évolutions dès le contact eau – ciment.