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CHAPITRE 1. : R EACTION D ’ HYDRATATION ET SES CONSEQUENCES SUR LE DEVELOPPEMENT DE

1.7 Modélisation de l’évolution des propriétés mécaniques

1.7.1. Modèles empiriques

1.7.2.3. Concept de percolation

Comme discuté au paragraphe 1.4.3, l’estimation de l’évolution des propriétés mécaniques au très jeune âge reste un paramètre crucial dans la prédiction des risques de fissuration des matériaux cimentaires. Le moment de transition liquide – solide est accessible du point de vue expérimental par différents types de mesure. Une approche classique est la mesure de la prise Vicat (voir paragraphe 2.4), mesure qui quantifie l’évolution du matériau durcissant. Cependant

0 20 40 60 80 100 0 50 100 150 200 250 Temps (heures) fc (MP a) 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 Vemb ( µ m 2 / µ m 3 ) Expérimental Cemhyd Hymostruc

des mesures mécaniques, de conductivité électrique, de retrait (chimique vs endogène), de propagation des ondes ultrasonores, etc., offrent l’accès à une information similaire. Une étude expérimentale exhaustive et une comparaison entre les différentes méthodes est faite par Bullard et al [BUL06].

D'un point de vue physique, la prise peut être assimilée à un phénomène de percolation. Le seuil de percolation est défini comme étant le moment à partir duquel un squelette solide continu est formé d’un coté à l’autre de la microstructure. Du point de vue de la réaction d’hydratation, assez d'hydrates se sont formés pour pouvoir relier les particules solides (anhydres) qui se trouvent en suspension dans la matrice. Le seuil de percolation des matériaux cimentaires dépend du rapport eau – ciment d’un mélange donné.

Figure 1-81 : Développement du squelette solide en fonction du rapport eau – ciment au cours de l’hydratation

Dans le cas des forts rapports eau – ciment, les grains anhydres se trouvent à une certaine distance les uns par rapport aux autres. Au moment de la prise, une quantité suffisante d'hydrates s’est formée autour des grains anhydres (voir Figure 1-81). Toutefois, comme les grains de ciment sont écartés, une quantité importante d'hydrates doit se former pour assurer une transmission des efforts. Dans les cas des faibles rapports eau – ciment, les grains anhydres sont empilés les uns contre les autres (voir Figure 1-81). Avec la formation des hydrates, les espaces libres sont vite occupés, diminuant la porosité de la matrice. Dès que les premières liaisons entre les grains anhydres sont formées par le biais du gel qui se comporte comme une colle, le matériau gagne très vite en rigidité.

L’estimation expérimentale du moment de percolation peut donner des résultats différents, en fonction de la technique utilisée. Les mesures qui définissent l’évolution du matériau d'un point de vue mécanique (prise Vicat, mesures mécaniques) nécessitent qu’assez d’hydrates soient formés, pour assurer une certaine rigidité (pour assurer les opérations de préparation de l’éprouvette et/ou mise sous charge). Le seuil de percolation mesuré est alors élevé. Les mesures aux ultrasons capturent un seuil de percolation de la partie solide, sans nécessairement lui donner un sens mécanique. Pourvu que le rapport eau – ciment soit assez faible, les particules solides sont en contact les unes avec les autres, et un enregistrement de la propagation des

ondes est possible. La formation d’une couche suffisante d’hydrates qui assure la cohésion de la partie solide n’est pas nécessaire. Le seuil de percolation mesuré sera ainsi plus faible.

C'est pour cela qu'une définition du seuil de percolation doit être établie, pour désambigüisation:

Le "seuil de percolation solide" représente le degré d'hydratation pour lequel une connexion entre les grains solides est détectée pour la première fois. Dans le cas des faibles rapports eau – ciment, le seuil de percolation solide est enregistré très tôt, et bien avant le moment de prise Vicat. Une parallèle peut être faite avec un tas de sable (empilement des particules solides, en contact), qui aura une résistance en compression, mais une résistance en traction nulle.

Le " seuil de percolation mécanique" représente le degré d'hydratation pour lequel, dû à l'apport des hydrates et leur propriétés cohésives, le matériau peut être défini par sa résistance en compression et en traction. Il apparaît lorsque les particules solides sont connectées entre elles par les nouveaux produits d'hydratation formés. Le seuil de percolation mécanique peut être associé à la prise Vicat.

Si les modèles présentées permettent l’estimation des propriétés mécaniques à des degrés d’hydratation plus avancés, la modélisation de la transition liquide – solide est plus difficile à capturer. Pour des faibles degrés d’hydratation, les modèles analytiques n’arrivent pas à prédire l’évolution des propriétés mécaniques, à cause de la difficulté à capturer le moment de prise. Krauβ et al. ([KRA06]) ont modifié le modèle existant (voir équation (1-55)) en définissant une plage entre le début des mesures ultrasonores et les premières mesures mécaniques, définie en termes de degrés d’hydratation respectifs. Dans cette plage, ils proposent une modification de la loi, pour arriver a mieux capturer le seuil de percolation, et l’évolution des propriétés autour de ce moment (voir Figure 1-82). DeSchutter et coll. [SHT96] partent d’une loi similaire à [KRA06], et identifient expérimentalement le paramètre α0 (voir équation (1-55)), de manière a pouvoir capturer le moment de début de gain en résistance (Figure 1-83). Cependant, la nécessité d’identification des paramètres avec des valeurs expérimentales réduit la capacité prédictive des modèles analytiques.

Figure 1-82 : Modification du modèle iBMB [KRA06]

Figure 1-83 : Évolution de la résistance en compression [SHT96]

Les modèles numériques simulent la réaction d’hydratation, par le biais des équations stœchiométriques qui sont implantées. Avec des paramètres d’entrée comme la distribution

0 0.25 0.5 0.75 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Degré d'hydratation fc /fcm ax CEM I CEM III/B CEM III/C

granulométrique du ciment anhydre, et sa composition minéralogique, et avec des lois selon lesquelles les produits d’hydratation se forment, le seuil de percolation représente un des paramètres de sortie. Les modèles prédisent les fractions volumiques de chaque phase au fur et à mesure de l’hydratation, ainsi que la disposition géométrique. Trouver le seuil de percolation revient alors à tester, pour chaque pas d’hydratation, si la partie solide est interconnectée (Figure 1-84). Une fois qu’un chemin de percolation est créé à travers le VER, le seuil de percolation est défini comme étant le degré d’hydratation à partir duquel le premier chemin est enregistré. L'algorithme est créé de manière à ne pas prendre en compte la transmission entre deux grains anhydres. Il s'agit ainsi d'un seuil de percolation mécanique.

Figure 1-84 : Chemin des solides interconnectés : Cemhyd corrélé a une méthode FTT à gauche [SML06], Hymostruc à droite [SUN04]

Le seuil de percolation dépend du rapport eau – ciment [VOI05], de la distribution granulométrique et de la finesse du ciment ([BTZ99b], [DOV95]), des inclusions granulaires [TOR05], etc.

Une corrélation entre les essais de prise Vicat et l’évolution de la phase solide interconnectée est montré sur la Figure 1-85. La mesure de prise Vicat donne une information sur le durcissement du matériau. Les deux figures montrent des tendances similaires quant à l’influence du rapport eau – ciment sur le seuil de percolation.

Figure 1-85 : Analogie entre moment de prise Vicat et l'évolution de la partie solide connectée simulée numériquement [BTZ08] 0 10 20 30 40 0 100 200 300 400 Temps (minutes) P én étr at io n (m m) e/c = 0.30 e/c = 0.35 e/c = 0.40 e/c = 0.45 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0 100 200 300 400 Temps (minutes) Vso lid es c on ne ct és e/c = 0.30 e/c = 0.35 e/c = 0.40 e/c = 0.45

L’approche faite par les modèles microstructuraux nécessite peu d’informations expérimentales. Les données d’entrée les plus importantes sont la composition minéralogique du ciment, et sa distribution granulométrique. Une corrélation avec α(t) expérimental est faite pour calibration dans le cas de Cemhyd, et pour validation dans le cas de Hymostruc. Ensuite, les données de sortie sont dans le cas des deux logiciels validées par les résultats expérimentaux. De plus, une comparaison entre les deux modèles montre une bonne corrélation des résultats ([PRI03]).