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Chapitre 3 : Cadre conceptuel

3.2 Le modèle transthéorique du changement

Si le modèle bioécologique permet de comprendre les relations entre l’individu et son environnement, le modèle transthéorique de changement permet de mieux comprendre les relations internes de l’individu face aux substances. Ce modèle, relié à la motivation au changement pour tout comportement considéré comme néfaste, permettra de mieux visualiser l’évolution de l’individu à travers son ontosystème, c’est-à-dire celui relié aux caractéristiques, aux ressources et aux dispositions personnelles de l'individu.

Comme il a été déjà mentionné, le rôle de la motivation dans le rétablissement a été étudié amplement dans les dernières décennies et par conséquent, une forte conceptualisation du processus de motivation derrière les comportements de changement est apparue graduellement. Comprendre les éléments clés qui promeuvent la motivation à

changer et ultimement et qui soutiennent le rétablissement et la sobriété sont sans contredit des buts communs pour les cliniciens et les chercheurs (Korcha, Polcin, Bond, Lapp, & Galloway, 2011). De ce fait, en 1982, Prochaska et DiClemente présentaient un modèle, dit transthéorique, afin de mieux comprendre le processus de changement de comportement et de motivation au changement dans le domaine des dépendances. Ayant eu beaucoup d’impact sur la pratique et la recherche, ce modèle apportait l’idée, entre autres, que dans leur processus de changement de comportement, que ce soit avec ou sans thérapie, les personnes aux prises avec un trouble de l’usage d’une substance progresseront à travers cinq stades. Ainsi, la précontemplation, la contemplation, la préparation, l’action et la maintenance seraient les cinq stades qui représentent le processus de changement, plus particulièrement la motivation au changement ou plutôt la volonté à changer les comportements de dépendance. Les stades représentent comment un individu peut progresser vers le rétablissement, et ce, en réalisant graduellement les impacts de sa problématique, en se préparant à prendre action et en utilisant des stratégies qui lui assureront un changement positif et soutenu. Subséquemment, afin d’éviter les rechutes, les stades devront être franchis dans cet ordre pour que le changement soit bien intégré. En conséquence, l’omission de l’un ou de plusieurs d’entre eux pourra rendre l’individu vulnérable aux rechutes (Prochaska, DiClemente, Velicer, & Rossi, 1992). Il est à noter que le temps nécessaire pour franchir chacun des stades varie considérablement de telle façon qu’ils sont tous présumés invariables (Norcross, Krebs, & Prochaska, 2011). Malgré le fait que ce modèle avait été initialement conçu pour les changements des comportements reliés à la santé, il s’est toutefois été jugé utile afin de conceptualiser et

guider les changements qui surviennent en psychothérapie (Norcross et al., 2011). En ce sens, le modèle transthéorique de Prochaska et al. (1992) servira à analyser la portion du rétablissement concernant le trouble de l’usage d’une substance et plus concrètement, la motivation au changement dans le processus de rétablissement d’un trouble concomitant.

Dans l'ensemble, ce modèle conceptualise un processus en cinq différents stades permettant alors de visualiser le parcours de l’individu dans son cheminement de rétablissement en tenant compte des rechutes et des facteurs en interactions. À ce propos, à travers la progression et les efforts de modifier les comportements problématiques, la rechute est la règle plutôt que l’exception. Pour cette raison, les concepteurs du modèle transthéorique présentent la rechute comme faisant partie de chaque stade (Prochaska & Norcross, 1999). Autrement dit, les efforts requis pour modifier les comportements sont tels que l’individu demeure toujours à risque d’une rechute. En tant que processus normal du changement, la rechute doit donc être perçue comme une opportunité d’apprentissage où l’individu apprend à anticiper les obstacles et prévenir les futurs faux pas (Norcross et al., 2011). Ainsi, les stades de changement représentent les moments où l’individu modifie son comportement ; le processus quant à lui représente comment les individus progressent. Concrètement, chacun des cinq stades représente une période de temps et nécessite un certain nombre de tâches à accomplir afin de passer à une étape ultérieure (Norcross et al., 2011).

Tout d’abord, la précontemplation représente chez l’individu un moment où aucune intention de changement n’est présente. La personne est alors inconsciente ou nie

la présence d'une problématique et n’a aucune intention d’engager de comportements de rétablissement dans l'année en cours. Néanmoins, l’entourage du précontemplateur est conscient de sa situation et des problématiques. Ensuite, la contemplation indique le moment où l’individu devient conscient de sa problématique ; moment où il pense sérieusement y remédier, mais n’a pas encore engagé de comportements concrets. À cet instant, les contemplateurs évaluent la quantité d’énergie et d’efforts qu’il sera nécessaire afin de surmonter leur problématique avant de prendre action, ils seront ainsi dans une phase d’ambivalence. De son côté, la préparation réfère au moment où l’individu entreprend quelques changements dans sa problématique et pense passer à l’action dans un futur rapproché (environ 1 mois). Malgré quelques améliorations, ces individus n’ont pas encore franchi le seuil d’un engagement définitif. D’autre part, l’action renvoie au stade où des actions concrètes sont entreprises et où beaucoup de temps est consacré à leur réalisation. En conséquence, les comportements, les expériences et l’environnement seront modifiés afin de surmonter la problématique. Les individus seront considérés dans ce stade s’ils parviennent à stabiliser les impacts négatifs de leur problématique sur une période de 6 mois à un an. Finalement, la maintenance est décrite comme la période où l’individu travaille à consolider les acquis et prévenir les rechutes. D’une durée minimale de 6 mois, cette dernière phase sera considérée si l’individu demeure loin de sa problématique ou n’engage pas de nouveaux comportements inadéquats (DiClemente et al., 1999; Norcross et al., 2011; Prochaska, DiClemente, & Norcross, 1992). La motivation, en tant qu’élément clé du changement et du rétablissement, influencera donc la progression de la personne à travers les stades, sa considération et ses décisions vers le

changement et par ailleurs, sa volonté à poursuivre les actions menant au rétablissement (DiClemente et al., 1999). La Figure 2 représente les stades de changement ainsi que les interactions pouvant survenir à travers le cheminement d’un individu.

Figure 2. Le modèle transthéorique du changement de Prochaska et DiClemente (1983)

En somme, le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente (1983) procure un système intéressant afin de conceptualiser la manière dont le rétablissement varie aux différents stades de la vie de l’individu. Ainsi, dans cette étude, ce modèle est particulièrement utile afin de déterminer, avec le témoignage de la personne, où se situe le désir de modifier les comportements inadaptés et surtout afin de déterminer où se situe le désir de rétablissement. Dans un contexte de double problématique que représente un trouble concomitant, le modèle transthéorique devient aussi un modèle d’évaluation afin de déterminer laquelle des deux problématiques représente une source de motivation au changement et dans quelle mesure les individus désirent passer à l’action. Concrètement,

Précontemplation Contemplation Préparation Action Maintenance

Rech

u

te

Pro

g

re

ss

io

n

ce modèle permet d’évaluer le parcours de l’individu à travers son processus de rétablissement : les rechutes, l’engagement aux traitements, la motivation à modifier certains comportements, etc. Autrement dit, dans une recherche de facteurs entravant ou améliorant le rétablissement d’un trouble concomitant, le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente (1992) est utile afin de mieux comprendre les facteurs en jeu, à travers les différents stades, dans la motivation au changement et le désir de se rétablir.

3.3 Modèle exploratoire des facteurs qui influencent le rétablissement des personnes