• Aucun résultat trouvé

Partie 2 : Essai sur la régulation des services d'eau potable 121

4.2 Le modèle structurel

sont les deux biens produits suivants : l'eau eectivement consommée et l'eau perdue

ou, de manière équivalente, le taux de rendement du réseau. À partir d'un modèle

de régulation de type Baron-Myerson, nous dérivons d'abord les solutions optimales

dans le cas d'une information complète. Le second cas étudié est celui dans lequel

l'opérateur a une information privée (θ) sur la technologie et son ecacité. Par ailleurs,

nous introduisons une fonction de dommage dans le programme de la commune. Par le

biais de ce nouvel instrument, nous intégrons le fait que le stock de la ressource n'est

pas inépuisable et qu'il faut en tenir compte pour les prélèvements futurs. Enn, pour

l'analyse empirique des chapitres qui suivront dans lesquels l'estimation des paramètres

technologiques est cruciale, nous avons besoin de spécier correctement la fonction de

coût. Tout particulièrement, l'incidence de θ sur les variables de contrat et sa place

dans la fonction de coût sera traitée avec attention.

La section 2 présente le modèle structurel construit à partir de la technologie de

l'AEP et de la demande des usagers. Le modèle économique de régulation et les

solu-tions optimales du contrat sont présentés dans la section 3. La section 4 discute

briève-ment de la forme de la fonction de coût et de sa relation avec le paramètre d'ecacité

technique θ dans le but d'étudier le signe des dérivées croisées du coût par rapport à

θ et aux biens produits. Dans la section 5, nous introduisons dans le programme de

la collectivité locale un dommage lié au prélèvement d'eau dans les réservoirs naturels

pour prendre en compte le problème de renouvellement de la ressource. La section 6

conclut ce chapitre.

4.2 Le modèle structurel

4.2.1 La technologie et les coûts de production

L'AEP résulte des deux étapes successives de production et de distribution d'eau

potable aux usagers. Le processus de production correspond à l'extraction d'un volume

V

e

d'eau brute et de potabilisation si elle est impropre à la consommation. L'eau entre

ensuite dans le réseau de distribution pour atteindre in ne le robinet des usagers.

Cependant, parce qu'il existe des fuites sur les canalisations, une partie V

p

du volume

extrait V

e

est perdue, et n'est pas facturée aux usagers. Nous avons

2

:

V

e

=V

c

+V

p

,

V

c

est le volume consommé (facturé) par les usagers.

Nous supposons que l'objectif de l'exploitant d'un service d'eau potable est de

minimiser ses dépenses d'exploitation étant donné le capital existant et la technologie

de production. Ainsi, sous les conditions habituelles de régularité (Lau (1976)), il existe

une fonction de coût qui peut s'écrire

3

:

C(V

c

, V

p

, θ) (4.1)

L'ecacité de l'exploitant est caractérisée par un paramètre réel θ [θ,θ¯]. Nous

sup-posons queCest croissant par rapport àθ, de telle façon que les valeurs les plus élevées

deθ correspondent aux opérateurs les moins ecaces

4

.

Ainsi, l'équation (4.1) donne le coût associé à la mise à disposition du volume d'eau

V

c

, étant donné la qualité du réseau θ et le niveau de pertes V

p

autorisé. À ce stade de

la modélisation, il est intéressant de noter que C n'est pas nécessairement décroissant

par rapport à V

p

. En eet, un volume d'eau perdu élevé permet certes de réduire les

coûts d'entretien du réseau, mais cela impose en contrepartie d'extraire et de traiter

davantage d'eau.

2

D'autres échanges de volumes d'eau peuvent également intervenir. L'exploitant peut acheter un

volume d'eau potable supplémentaire à un autre service de distribution, mais aussi exporter une

certaine quantité à un autre service. Toutefois, parce que ces volumes sont négligeables dans notre

base de données, nous n'expliquons pas les choix de l'exploitant en ce qui concerne l'achat ou la vente

d'eau en gros.

3

L'écriture de la fonction de coût est simpliée ici, de telle sorte que seules les variables de contrat

apparaissent. Dans la partie empirique, nous introduisons toutes les variables dénies dans la partie

1 de cette étude, à savoir les prix des facteurs de production, les variables techniques et les variables

de capital.

4

Nous aurions pu interpréter θ comme un indice de qualité du réseau sans que cela modie les

résultats à venir. En d'autres mots, tous les exploitants sont identiques mais ils supportent des coûts

diérents dus à des variations locales deθet des autres variables représentant la conguration

parti-culière du service.

4.2. Le modèle structurel 131

4.2.2 La demande des usagers

Pour une collectivité locale donnée, le surplus brut des usagers est notéS(V

c

), avec

S

0

> 0, S

00

<0 et S(0) = 0. La fonction de demande inverse P(V

c

) = S

0

(V

c

) est donc

décroissante, avec P le prix unitaire de l'eau consommée.

Si nous appelons T la partie xe (multipliée par le nombre d'usagers) du tarif

binôme de l'eau que les usagers paient au service d'eau potable, le surplus net des

usagers s'écrit :

W S(V

c

)P(V

c

)V

c

T.

Comme l'accès à l'eau potable est un bien essentiel, le nombre d'abonnés est supposé

ne pas dépendre de T. En outre, les budgets de l'eau des collectivités locales sont

séparés de leur budget général depuis la mise en place de l'instruction comptable M49

en 1992. Les subventions croisées sont interdites. Les usagers paient T directement sur

leur facture et non par l'intermédiaire d'impôts locaux. En d'autres mots, des variations

du niveau de T ne créent pas de distorsions, de sorte qu'il n'y a pas de coûts sociaux

de fonds public associé à ce transfert monétaire (Laont and Tirole (1993)).

4.2.3 Les préférences de la collectivité locale

Dans la majeure partie des contrats de délégation de service public d'eau potable à

un opérateur privé, presque tous les investissements sont supportés par la collectivité

locale

5

. Ainsi, le transfert monétaireT de la collectivité locale à l'exploitant correspond

au produit de la charge xe unitaire (ou abonnement) et du nombre total des usagers,

et a pour but de couvrir les coûts xes imputés à l'exploitant. Par ailleurs, les prots

du service sont :

U T +P(V

c

)V

c

C(V

c

, V

p

, θ).

Nous allons faire maintenant deux hypothèses clés qui nous permettront de caractériser

le contrat de délégation optimal établi par la collectivité locale. La première hypothèse

5

Seuls les contrats de concession impliquent eectivement la construction de tout ou partie des

infrastructures, ou les clauses concessives des contrats d'aermage.

est que l'opérateur doit recevoir un niveau minimal de prot u, autrement il

n'accep-terait pas la gestion du service d'eau. Nous supposerons que ce niveau de réserve uest

indépendant de θ

6

.

La seconde hypothèse postule que les préférences de la collectivité locale sont

re-présentées par une somme pondérée du surplus net des usagers W et des prots de

l'opérateur U. Formellement, le critère à maximiser est :

πW + (1π)U, (4.2)

avec π ]

1

2

,1]. C'est une manière de calculer le surplus social si une part des prots

réalisés par le service d'eau est dépensé ou redistribué localement.

Baron (1989) développe la façon dont il est possible de caractériser une mesure

du bien-être. Il utilise une forme équivalente à la nôtre de pondération des surplus :

W +αU, où α [0,1[. En outre, il explique comment le choix de la valeur de α peut

être interprété comme le choix des électeurs lors de l'élection de leur représentant.

L'expression du bien-être peut donc être considérée comme un forme simpliée de la

fonction objectif du responsable élu de la collectivité locale. Les échéances des élections

obligent à prendre soin du bien-être des électeurs

7

, mais aussi des contributions lors

des campagnes électorales faites par l'opérateur privé (voir Grossman and Helpman

(1994)), et de l'activité économique générale.

Finalement, puisque U =T+P(V

c

)V

c

C, nous pouvons réécrire W =S(V

c

)UC.

Ainsi, l'équation (4.2) se réduit àπ[S(V

c

)UC] + (1π)U. En divisant l'expression

par π, nous obtenons le critère équivalent suivant qui sera utilisé dans la suite de notre

6

Dans le cas où θ représente la qualité du réseau, c'est le prot minimum que les entreprises

(supposées identiques sauf sur les caractéristiques locales de réseau) peuvent obtenir en exploitant un

autre service.

7

La séparation des budgets de l'eau du budget général de la collectivité et l'élaboration d'un

compte-rendu sur la qualité du service de l'eau fait par le responsable de la collectivité sont maintenant

obligatoires. En conséquence, les coûts d'ensemble et la qualité du service sont devenus plus facilement

observables par les électeurs et les transferts dissimulés (par le biais des impôts locaux) sont à présent

impossibles à mettre en ÷uvre.