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3.2 Couplage des modèles photochimiques et radiatifs saisonniers

3.2.2 Modèle radiatif

Dans cette partie, nous présenterons tout d’abord les caractéristiques générales du modèle radiatif de Greathouse et al. (2008). Nous exposerons alors les différentes sources d’opacité qui sont prises en compte dans ce modèle. Nous introduirons brièvement la mé-thode utilisée pour calculer le transfert de rayonnement. Enfin, nous présenterons quelques résultats issus d’une simulation nominale du modèle radiatif.

Caractéristiques générales

Le champ thermique est calculé à l’aide du modèle radiatif de Greathouse et al. (2008). De façon cohérente avec le modèle photochimique présenté dans le chapitre 2, il prend en compte les processus physiques suivants :

– évolution saisonnière de la latitude subsolaire et la distance héliocentrique – occultation par les anneaux

– abondances des composés majoritaires cohérentes avec le modèle photochimique (H2, He, CH4, C2H2, C2H6)

La prise en compte de l’occultation des anneaux se fait par la méthode proposée par Bézard (1986), et les opacités considérées proviennent de mesures effectuées par Voya-ger/UVS et Voyager/PPS (Moses and Greathouse, 2005). Une différence notable entre le modèle photochimique et le modèle radiatif est que ce dernier n’inclut pas les diffu-sions Rayleigh multiples. Par ailleurs, le modèle radiatif néglige la présence des aérosols, contrairement aux modèles de Cess and Caldwell (1979), Bézard and Gautier (1985), Friedson and Moses (2012) et Guerlet et al. (2014). Négliger l’opacité de ces aérosols cause un écart dans la prédiction des températures troposphériques de l’ordre de 5-10 K par rapport aux observations Cassini (Fletcher et al., 2007b, 2010). Rappelons ici que le but initial du modèle radiatif est de reproduire les températures stratosphériques, ty-piquement à des pressions inférieures à 10 mbar. Ainsi, négliger les aérosols impacte les températures stratosphériques au-dessus de 30 mbar d’environ 1 K aux niveaux des pôles et d’environ 0.1 K à l’équateur. Par ailleurs, ce modèle suppose que l’atmosphère est à l’équilibre thermodynamique local (LTE). Les effets non-LTE commencent à devenir

im-portants à des pressions inférieures à 10−3mbar (Appleby, 1990). Ainsi, le domaine de

L’évolution de la température à un niveau de pression et une latitude donnés est régie par l’équation suivante (Bézard and Gautier, 1985) :

dT dt = ¯ mg Cp dF dp (3.3)

où F = flux lumineux aux pression et latitude correspondantes [J s−1cm−2]

p = pression[mbar]

Le flux lumineux considéré dans l’équation 3.3 correspond au flux lumineux solaire arrivant des couches plus hautes de l’atmosphère ainsi qu’au flux thermique de la planète, de sorte que :

F = Fsolaire+ FIR (3.4)

Les sources d’opacité à prendre en compte dépendent des flux considérés dans le pro-blème. L’émission thermique de Saturne peut être, en première approximation, modélisée par une fonction de corps noir à une température de 95 K (Irwin, 2009). La figure 3.2 représente les courbes de corps noirs de Saturne et du Soleil à 9,5 ua. Le flux thermique émis par Saturne devient supérieur au flux solaire reçu par cette planète pour des nombres

d’onde inférieurs à 900 cm−1 (11,1 µm).

Les principales sources d’opacité pour le flux thermique de Saturne qui sont respon-sables du refroidissement de cette planète sont situées entre l’infrarouge moyen et l’infra-rouge lointain. C’est sur cet intervalle que la fonction de Planck du rayonnement de corps noir de Saturne est supérieure à celle du Soleil à 9,5 ua.

Au-delà de cette limite, lorsque le rayonnement de corps noir solaire devient supérieur au rayonnement thermique de Saturne, seules les sources d’opacité pour le rayonnement solaire sont considérées.

Nous présentons maintenant les sources d’opacité prises en compte dans le modèle radiatif pour chacune des composantes thermiques et solaires.

Sources d’opacité

Nous différencierons ici les sources d’opacité suivant leur interaction avec le flux ther-mique ou avec le flux solaire.

• Sources d’opacité du flux thermique

Les sources d’opacité dans l’infrarouge moyen, de 600 cm−1 (16,7 µm) à 1600 cm−1

(6,25 µm), considérées ici sont les transitions rotationnelles-vibrationnelles de CH4, C2H2

Spectre de corps noir (T = 95 K)

Spectre de corps noir (T = 5778 K)

Figure 3.2 – Spectre de corps noir de Saturne (courbe rouge) et du soleil à 9,5 ua (courbe noire)

en fonction du nombre d’onde.

solaires et thermiques dans l’infrarouge moyen. Les données spectroscopiques sont tirées de la base de données HITRAN 2004 (Rothman et al., 2005).

Sur cet intervalle spectral, seules sont considérées les sources d’opacité de CH4, centrées

autour de 1300,cm−1 (7,7 µm) ainsi que celles de C2H2 et C2H6, respectivement centrées

autour de 730 cm−1 (13,7 µm) et de 821 cm−1 (12,2 µm). L’opacité des raies de C2H2,

centrées autour de 1320 cm−1 (7,6 µm) ne sera pas prise en compte car :

– le flux thermique de Saturne est plus faible de plus de deux ordres de grandeur à

1320 cm−1 par rapport à 730 cm−1

– l’abondance de C2H2 est globalement plusieurs ordres de grandeurs inférieures à

celle de CH4

Les données spectroscopiques des transitions rotationnelles-vibrationnelles proviennent des sources suivantes :

– CH4 : base de données spectroscopiques HITRAN 2004 (Rothman et al., 2005)

– C2H6 : (Vander Auwera et al., 2007)

– C2H2 : base de données spectroscopiques GEISA 2003 (Jacquinet-Husson et al.,

1999)

Notons que les opacités de la phosphine (PH3) ainsi que de l’ammoniac (NH3), qui

présentent de nombreuses raies rotationnelles-vibrationnelles dans l’infrarouge moyen, ne sont pas prises en compte dans ce modèle. En effet, ces molécules sont seulement présentes dans la troposphère de Saturne (Fletcher et al., 2007a; Fletcher et al., 2009).

Des sources d’opacité additionnelles sont à considérer dans l’infrarouge. Elles

pro-viennent des interactions entre les composés majoritaires. En effet, les interactions H2-H2,

H2-He ainsi que H2-CH4 génèrent des dipôles induits et donc des spectres de transitions

rotationnelles-vibrationnelles et rotationnelles-translationnelles (Birnbaum et al., 1996).

600 800 1000 1200 1400 1600 nombre d’onde (cm-1) CH4 C2H2 C2H6 In te n si d e s ra ie s [u n it é s a rb it ra ire s] F lu x [W cm -2 cm -1 sr -1]

Spectre de corps noir (T = 95 K)

Spectre de corps noir (T = 5778 K) -22 -21 -20 -19 -18 -17

Figure 3.3 – En haut : spectres rotationnels-vibrationnels de CH4, C2H2 et C2H6 dans

l’infra-rouge moyen, de 600 cm−1 (16,7 µm) à 1600 cm−1(6,25 µm), tiré de www.spectralcalc.com. En bas :

évolution des flux thermique de Saturne (en rouge) et solaire reçut à 9,5 ua (en noir) sur le même interval spectral.

(CIA) de H2-H2 (Borysow et al., 1985), H2-He (Borysow et al., 1988) et H2-CH4 (Borysow

and Frommhold, 1986). Notons que les temps de vie des niveaux d’énergie généralement peuplés par les phénomènes d’absorption induite par collisions sont extrêmement brefs

(in-férieurs à 10−12s). D’après le principe d’incertitude, les largeurs de bande correspondantes

sont de l’ordre de la dizaine de cm−1 (Frommhold, 2006).

• Sources d’opacité du flux solaire

Pour des nombres d’onde de 2000 cm−1 (5 µm) à 105cm−1 (100 nm), le flux solaire est

plus important que le flux thermique de Saturne.

Dans l’infrarouge proche, de 2000 cm−1 (5 µm) à 9500 cm−1 (1,05 µm), ainsi que dans

le visible, de 9523 cm−1 (1 µm) à 3,3×104cm−1 (300 nm), les principales sources d’opacité

sont CH4dans la stratosphère, et les CIA de H2-H2 dans la troposphère (Greathouse et al.,

2008).

Dans le domaine ultraviolet, de 4×104cm−1 (250 nm) à 1×105cm−1 (100 nm), les

Le chauffage stratosphérique est majoritairement contrôlé par l’absorption du

rayon-nement proche-infrarouge par CH4. Il est complété par une composante troposphérique,

qui est due aux CIA de H2-H2.

Transfert radiatif

La prise en compte exacte du calcul du spectre d’émission thermique se fait théorique-ment à l’aide des méthodes raies-par-raies (line-by-line). Cette méthode permet de calculer le coefficient d’absorption dû aux composés considérés à chaque longueur d’onde. Ce calcul dans l’infrarouge est une opération très couteuse en temps de calcul du fait de la présence de nombreuses transitions dans cette gamme du spectre. Des méthodes approchées, telles que les modèles de bandes permettent de calculer les spectres d’absorption/d’émission sur une largeur de bande donnée, qui comprend plusieurs transitions. Suivant les carac-téristiques spectrales des composés atmosphériques considérés, deux types de modèles de bandes existent ; les modèles de bandes réguliers (Elsasser Band Model, (Elsasser, 1942)), ou les modèles de bandes aléatoires (tels que celui utilisé par Bézard and Gautier (1985)). Un autre moyen efficace pour prendre en compte les nombreuses transitions dans l’in-frarouge est d’utiliser la méthode des k-corrélés (Goody et al., 1989; Lacis and Oinas, 1991). Elle consiste à grouper, à l’intérieur d’un intervalle spectral, les coefficients d’ab-sorption par ordre de grandeur. Typiquement, sur un intervalle spectral donné, le nombre de transitions augmente inversement avec l’intensité des transitions, i.e. il y a de nom-breuses transitions de faibles intensités et peu de transitions de fortes intensités. À l’aide de cette méthode, le calcul de la transmission spectrale atmosphérique ne s’effectue pas dans l’espace des fréquences, où la distribution des transitions est très éparse (voir figure 3.3 par exemple), mais plutôt dans l’espace de la distribution cumulée des coefficients d’absorption, où celle-ci est monotone. Cette méthode permet un gain de temps de cal-cul considérable, tout en assurant une précision raisonnable et est donc utilisée dans ce modèle de transfert.

Le calcul de la déposition du flux solaire depuis l’infrarouge proche jusqu’au domaine ultraviolet s’effectue suivant une loi d’atténuation de Beer-Lambert (méthode

Direct-Beam).

La figure 3.4 représente le spectre émis de Saturne en sortie du modèle radiatif, de-puis l’infrarouge lointain jusqu’au domaine UV. Les CIA affectent le spectre infrarouge

à des nombres d’onde inférieurs à 200 cm−1 ainsi qu’au nombre d’onde 500 cm−1. Dans

l’infrarouge moyen, les émissions atmosphériques causées par CH4, C2H2 et C2H6 sont

identifiables à 1300,cm−1 (7,7 µm), 730 cm−1 (13,7 µm) ainsi que 821 cm−1 (12,2 µm),

res-pectivement. Pour comparaison, le spectre solaire (Tobiska et al., 2000) reçu par Saturne est présenté sur cette figure.

Figure 3.4 – Représentation du flux thermique émis par Saturne (en rouge) tenant compte de

l’ensemble des sources d’opacité dans l’infrarouge lointain (10 cm−1à 600 cm−1) ainsi que l’infrarouge

moyen (600 cm−1 à 1600 cm−1). Le spectre solaire reçu par Saturne, à 9,5 unités astronomiques est

représenté en noir. Les différents traits verticaux représentent les régions du spectre discutées dans le texte. Tiré de Greathouse et al. (in prep.), avec permission.

Variations saisonnières des taux de refroidissement atmosphérique

Nous présentons ici les résultats qui correspondent au modèle initial de Greathouse et al. (2008). Celui-ci inclut des profils verticaux de CH4, C2H2 et C2H6 qui ont été soit

observés, soit calculés de façon théorique. Le profil vertical de CH4 provient du modèle

photochimique de Moses and Greathouse (2005). Les profils verticaux de C2H2 et C2H6

sont tirés des observations de Cassini/CIRS (Guerlet et al., 2009). Dans cette première simulation, les variations latitudinales et temporelles des profils verticaux de ces trois com-posés sont négligées. Ces profils de C2H2 et C2H6 utilisés dans le modèle radiatif sont ceux

observés à une latitude planétographique de 45. Notons que le champ thermique prédit

par cette simulation initiale est identique à celui utilisé dans le cas d’étude (S) présenté dans le chapitre 2. Par la suite, nous nommerons l’ensemble des profils de température produit par cette simulation initiale champ thermique initial.

Les taux de refroidissement causés par les différentes sources d’opacité du flux

ther-mique de la planète à une latitude planétocentrique de 87S sont présentés sur la figure 3.5

aux différents solstices et équinoxes (Ls = 0, 90, 180, 270, voir figure 2.1). Ces taux

sont présentés à une latitude de 87S, là où les variations saisonnières d’ensoleillement

et donc les variations de ces taux sont importantes. Dans la haute stratosphère, à des

pressions inférieures à 7×10−2mbar, C2H2 est le principal responsable du refroidissement

atmosphérique. Dans la stratosphère moyenne, de 7×10−2mbar à 3-5 mbar, C2H6 domine

le refroidissement atmosphérique, hormis à l’équinoxe de printemps dans l’hémisphère

sud (Ls = 180). En effet, à ce moment de l’année, les températures atmosphériques à

cette latitude sont très faibles, et C2H6 est le principal refroidisseur à des pressions de

7×10−2mbar à 0,4 mbar. Enfin, dans la basse stratosphère, à des pressions supérieures à

refroidissement, hormis à Ls = 180, où ce processus devient dominant à des pressions

supérieures à 0,4 mbar. En revanche, le refroidissement causé par la bande du CH4 à

1300,cm−1 (7,7,µm) reste minoritaire par rapport aux refroidissements causés par C2H2

et C2H6.

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