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(2.2)

où yP M = abondances chimiques calculées à l’aide du modèle photochimique

yobs = abondances chimiques observées

∆yobs = erreurs sur les abondances chimiques observées

N = nombre de latitudes observées

Bien que les différences ne soient pas clairement significatives lorsqu’elles sont rappor-tées aux barres d’erreur des observations, l’utilisation du champ thermique (S) améliore

légèrement la prédiction de l’abondance de C2H6 à des pressions inférieures à 0,1 mbar.

Les observations sont toutefois mieux reproduites avec un champ thermique uniforme

dans la basse stratosphère, typiquement de 0,2 à 5 mbar. C2H2 est mieux reproduit avec

un champ thermique saisonnier sur l’ensemble de la gamme de pression considérée.

2.4 Discussion

Nous avons pu observer que les abondances de C2H6 et C2H2 étaient sur-estimées aux

(U)

(S)

Pr

ession [mbar]

Facteur Chi-2

Figure2.24 – Évolution du facteur χ2de C2H6(traits pleins) et C2H2(pointillés) pour les deux cas

d’étude des champs thermiques saisonnier (S) et uniforme (U) en fonction de la gamme de sensibilité

en pression des observations de Cassini/CIRS aux limbes (Guerlet et al., 2009), effectuées à Ls =

320◦. Les cas d’étude (S) et (U) sont représentés en rouge et vert, respectivement. Ces facteurs sont

sommés sur l’ensemble des latitudes observées par Cassini/CIRS.

l’abondance de C2H6 était sous-estimée aux plus hautes latitudes dans l’hémisphère sud,

à des pressions supérieures à 0,1 mbar (voir figure 2.23). Quatre possibilités différentes semblent potentiellement envisageables pour expliquer les écarts observés :

– un choix de coefficient de diffusion turbulent inadapté – la présence d’une cellule de transport stratosphérique – la présence de processus de mélange latitudinal

– un effet de la chimie ions-neutres sur les espèces neutres Nous allons maintenant discuter de chacune de ces possibilités.

2.4.1 Coefficient de diffusion turbulente

L’un des paramètres clés et faiblement contraint des modèles photochimiques est le choix du coefficient de diffusion turbulente verticale. À ce stade de l’étude il peut être souligné que ce choix n’était pas forcément optimal pour toutes les latitudes, et qu’un coefficient différent aurait pu améliorer la reproduction des observations Cassini dans l’hémisphère sud.

Le coefficient de diffusion turbulente choisi pour cette étude permet de reproduire de façon satisfaisante le profil vertical du méthane observé à deux latitudes différentes contraint par les observations Voyager/UVS et Cassini/CIRS (Smith et al., 1983;

et une occultation stellaire à 3,8N, mais ne déduisirent aucune contrainte évidente sur la variation de ce profil à ces deux latitudes. En l’absence de contraintes plus fortes sur ce coefficient, nous avons supposé que celui-ci était invariable avec la latitude.

Nous avons procédé à une étude de sensibilité sur la valeur de ce coefficient afin

d’évaluer la possibilité d’une meilleure reproduction des abondances de C2H6 et C2H2

dans l’hémisphère sud. Nous avons testé plus d’une vingtaine de coefficients de diffusion turbulente dans le modèle saisonnier, toujours en supposant une invariance de ceux-ci avec la latitude. Plusieurs de ces coefficients permettent de mieux reproduire les observations Cassini dans l’hémisphère sud. Cependant, du fait de l’invariance latitudinale supposée du coefficient, l’accord dans l’hémisphère nord se dégrade en même temps.

La reproduction exacte des observations Cassini semble être possible avec des coeffi-cients de diffusion turbulente différents pour chaque latitude. Nous n’avons pas exploré une telle possibilité. La sensibilité du modèle photochimique à un tel coefficient nécessite avant toute chose de valider ce coefficient via une reproduction des profils observés de

CH4. Le niveau de l’homopause du CH4 nous donne la contrainte principale sur ce

coeffi-cient. Sa dépendance en altitude peut ensuite être affinée à partir des profils verticaux de C2H2 et C2H6.

Les occultations stellaires dans l’UV permettent de contraindre le profil de CH4 proche

de l’homopause (voir par exemple Festou and Atreya (1982) et Smith et al. (1983)). Ré-cemment, Shemansky and Liu (2012) démontrèrent la dépendance latitudinale de ce coef-ficient. À l’aide d’occultations stellaires, ils mirent en évidence la variation de la structure

verticale de CH4 à 3 latitudes différentes, prouvant ainsi la variation latitudinale du Kzz.

Ces événements restent toutefois rares et plus de mesures sont nécessaires pour contraindre

le Kzz sur une gamme latitudinale et temporelle plus importante. Par ailleurs, les

observa-tions de fluorescence de CH4 à 3 µm (voir Drossart et al. (1999) et Encrenaz et al. (1999)

par exemple) impliquent des modèles de transfert radiatif comportant des paramètres faiblement contraints, comme le taux de relaxation vibrationnelle, ou la dépendance en température de ces taux (Kim et al., 2014)) et ne posent ainsi pas de contraintes fortes

sur le profil de CH4 proche de l’homopause.

2.4.2 Circulation stratosphérique dans Saturne

Une autre possibilité afin d’expliquer les désaccords observés dans l’hémisphère sud est d’invoquer l’existence d’une cellule de circulation stratosphérique. En effet, les mouve-ments atmosphériques associés à une telle circulation sont censés modifier les abondances des composés atmosphériques d’une solution photochimique pure (Moses and Greathouse, 2005; Guerlet et al., 2009, 2010; Friedson and Moses, 2012; Sinclair et al., 2013).

Plusieurs cellules de circulation dans Saturne ont été proposées dans la littérature, bien que celles-ci ne soient pas toujours cohérentes entre elles. Conrath et al. (1990) ont prédit, à l’aide d’un modèle radiatif dynamique 2D (altitude-latitude), la présence d’une cellule de circulation pôle-à-pôle aux solstices, de 1 bar à 0,1 mbar. Celle-ci implique des mouvements ascendants au niveau du pôle d’été et des mouvements descendants au

niveau du pôle d’hiver. À l’équinoxe, leur modèle prédit en revanche une double cellule de circulation, avec des mouvements ascendants à l’équateur et descendants aux niveaux des pôles. Leur modèle, bien que prenant en compte l’opacité des composés atmosphériques

CH4, C2H6 et C2H2, ne prend cependant pas en compte l’opacité des aérosols. Cette

source additionnelle de dépôt énergétique a été, par la suite, prise en compte par West et al. (1992) pour une planète de type Jupiter. Ils ont montré que la prise en compte de l’opacité des aérosols altère la circulation atmosphérique à des pressions inférieures à 100 mbar, avec à l’équinoxe, contrairement aux prédictions de Conrath et al. (1990), des mouvements descendants à l’équateur et ascendants au niveau des pôles.

C2H2 et C2H6 présentent un gradient d’abondance positif avec l’altitude. De par une

analyse qualitative de la figure 2.23, il semble qu’une cellule stratosphérique qui possède

des mouvements atmosphériques descendants vers 25S, de 0,1 mbar à 0,01 mbar,

pour-rait augmenter l’abondance prédite de ces composés à une altitude donnée. Inversement,

des mouvements atmosphériques ascendants vers 65S, de 1 mbar à 0,1 mbar, pourraient

augmenter ces abondances à une altitude donnée.

Friedson and Moses (2012) montrèrent, dans le cadre d’un GCM à 3D, que l’atmo-sphère de Saturne semble être dominée par une cellule de Hadley se renversant de façon saisonnière. Cette circulation implique des mouvements ascendants à l’équateur et des mouvements descendants aux latitudes moyennes dans l’hémisphère d’hiver. À une

lon-gitude héliocentrique de 308, ils prédisent des mouvements descendants prononcés dans

l’hémisphère nord, à ∼ 20N, et ce, de façon plus prononcée lorsque l’altitude augmente.

Dans l’hémisphère sud, à 1 mbar, Friedson et al. prédisent des mouvements ascendants

d’air à 10S et descendants à 25S. Ces derniers sont prédits durant la saison d’été dans

l’hémisphère sud, c’est à dire au moment des observations CIRS publiées par Guerlet et al. (2009). Cette circulation, bien que ne correspondant pas exactement à celle nécessaire afin de mieux reproduire les observations de C2H2 et C2H6, pourrait toutefois aller dans le sens des observations si la position en latitude des mouvements ascendants/descendants pré-dits par Friedson et al. étaient décalée à plus hautes latitudes. Notons par ailleurs que le modèle de Friedson et al. ne permet pas de résoudre de façon précise la circulation aux moyennes et hautes latitudes à cause de la résolution de leur grille en latitude.

Rappelons encore une fois que l’effet d’une cellule de circulation ne peut être appré-hendé aisément de par le couplage complexe entre la chimie et le transport vertical.

2.4.3 Diffusion latitudinale

Les récentes observations de Cassini/CIRS effectuées en 2010 et 2012 (Sylvestre et al., 2015) ont montré que les températures stratosphériques mesurées évoluent globalement de façon cohérente avec les prédictions des modèles radiatifs, c’est à dire que l’hémisphère sud de Saturne s’est refroidi depuis son solstice d’été en 2002, et que l’hémisphère nord se réchauffe peu-à-peu avec son avancée dans sa saison de printemps. La structure fine des variations latitudinales de température reste toutefois mal reproduite par les modèles radiatifs, notamment dans la région équatoriale et sous l’ombre des anneaux.

En revanche, ces récentes observations montrent que les abondances de C2H2 et C2H6

sont restées très stables dans le temps. À 1 mbar ces observations semblent cohérentes avec le modèle photochimique qui ne prédit pas de variations saisonnières d’abondance. À plus faibles niveaux de pression, là où les variations saisonnières de composition chimique prédites par le modèle photochimique sont relativement importantes, les observations suggèrent que leur abondances sont restées très stables. Notons toutefois les barres d’er-reurs importantes sur ces mesures qui rendent difficiles toute conclusion directe. Si les abondances sont restées aussi stables, cela pourrait mettre en évidence des processus de mélange latitudinal. Les prochaines observations CIRS à l’approche du solstice d’été dans l’hémisphère nord permettront donc de conclure sur l’existence de ces processus, ou, au moins, de poser une limite supérieure sur leur importance.

2.4.4 Chimie ion-neutre

Le modèle photochimique développé ici ne prend pas en compte les réactions chimiques ions-neutres. Les espèces neutres peuvent en effet réagir avec les ions et électrons produits dans la haute atmosphère. La production de ces particules chargées résulte de photo-ionisations par des radiations de courte longueur d’onde ou par les impacts de particules chargées (ions, électrons) (Nagy et al., 2009; Yelle and Miller, 2004). Cette production pourrait être plus importante dans les zones aurorales où les lignes de champ magnétique convergent.

Moses and Bass (2000) développèrent un modèle photochimique 1D couplant la chimie des ions et des espèces neutres afin d’expliquer les profil verticaux de densité électronique observés par les sondes Voyager et Pioneer. Leur modèle inclut les taux de réactions ions-neutres de Kim and Fox (1994), utilisés pour la haute atmosphère de Jupiter. Nous rentrerons plus dans les détails concernant les travaux de Kim et al. dans le chapitre 4. Le modèle de Moses et Bass n’inclut pas les processus d’ionisation provoqués par les im-pacts électroniques. D’après leur travaux, l’inclusion des réactions ions-neutres cause une

diminution de l’abondance de CH4 dans la haute atmosphère ainsi qu’une augmentation

de l’abondance des hydrocarbures possédant deux atomes de carbones ou plus.

La chimie des ions-neutres pourrait donc affecter les abondances des espèces neutres dans la stratosphère moyenne. Un calcul plus sophistiqué en ce qui concerne les ionisations par impact électronique serait en revanche nécessaire afin d’estimer l’effet de cette chimie aux hautes latitudes de la planète. Un tel modèle nécessiterait par exemple de calculer les flux d’électrons qui précipitent dans les régions aurorales à l’aide d’un modèle simulant la magnétosphère.

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