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Chimie des neutres dans les atmosphères planétaires : méthodologie 64

1.7 Réseau chimique

1.7.1 Chimie des neutres dans les atmosphères planétaires : méthodologie 64

L’ensemble des équations qui gouvernent l’évolution des concentrations des espèces chimiques est un système non-linéaire couplé. Tout ceci forme donc un système d’équa-tions très sensibles aux paramètres qui couplent ces équad’équa-tions entre elles. Une modifica-tion de ces paramètres pourrait avoir un impact important sur le résultat final. Stolarski et al. (1978) ont montré, dans le cadre de l’étude de l’ozone stratosphérique terrestre, qu’une modification des constantes cinétiques pouvait affecter sensiblement les résultats du modèle. L’effet induit par la variation de ces constantes cinétiques a pu être évalué en utilisant une procédure Monte-Carlo, dans laquelle les valeurs de toutes les constantes cinétiques sont tirées de manière aléatoire à chaque nouvelle simulation. Thompson and Stewart (1991) et Stewart and Thompson (1996) étendirent cette étude à la troposphère terrestre et mirent en place des calculs de corrélation permettant d’estimer les réactions chimiques les plus critiques vis-à-vis de la précision des résultats. Les imprécisions de ces réactions chimiques résident dans la valeur des constantes de vitesse, car elles sont enta-chées d’une erreur expérimentale, pour peu que celles-ci aient été mesurées. Lorsqu’elles sont théoriquement calculées, ces incertitudes sont fixées de façon arbitraire suivant une loi log-normale.

Ces calculs de propagation d’incertitudes furent introduits dans le contexte de la pho-tochimique des planètes géantes par Dobrijevic and Parisot (1998); Dobrijevic et al. (2003, 2010), puis à Titan par Hébrard et al. (2006); Hébrard et al. (2007) et Dobrijevic et al. (2008). Ces auteurs mirent en place une méthodologie dont l’objectif a été d’améliorer la précision des prédictions des modèles photochimiques, notamment par une analyse de sensibilité des réactions clés en utilisant les RCCs (coefficient de correlation, ou Rank

Correlation Coefficient). Ces réactions chimiques clés ont une influence majeure sur la

précision globale des résultats (Hébrard et al., 2009; Dobrijevic et al., 2011), car – elles peuvent être fortement couplées aux composés d’intérêts au sein du réseau

ou/et

L’utilisation de ces coefficients de corrélation permet par conséquent de mettre en évidence les réactions pour lesquelles une étude plus poussée est nécessaire afin d’accroitre la précision des modèles. La méthodologie proposée par l’ensemble de ces travaux est représentée sur la figure 1.22.

Figure 1.22 – Méthodologie appliquée pour améliorer la prédictibilité des réseaux chimiques.

Cette méthodologie consiste dans un premier temps à identifier les réactions chimiques critiques dans la prédictibilité des modèles photochimiques via des méthodes de pro-pagation d’incertitudes. Ces réactions sont alors étudiées en détail par une recherche bibliographique ou une étude du caractère critique de la réaction (extrapolation basse température, importante incertitude de mesure, chemin chimique manquant). Elle peut aussi suggérer de nouvelles expériences afin d’améliorer la connaissance de ces réactions clés. Cette méthodologie permet au final d’améliorer la prédiction des résultats. Une fois ces tâches effectuées un certain nombre de fois, certains processus physiques peuvent être

contraints car leurs effets sont alors plus faibles que les incertitudes sur la chimie.

Cette méthodologie a été suivie lors de travaux récents. Elle a notamment permis à Dobrijevic et al. (2008) de montrer des phénomènes de bimodalité provenant de la forte incertitude de certaines réactions clés. Les améliorations à la suite de ces travaux ont permis de réduire cette bimodalité (Hébrard et al., 2009) dans un premier temps, pour la faire disparaitre complètement (Hébrard et al., 2013). En particulier, l’amélioration de la chimie des hydrocarbures (Vuitton et al., 2012; Hébrard et al., 2013), a permis de

diviser par un facteur 3,4 les incertitudes sur les profils de C2H2 dans la basse atmosphère

(Hébrard et al., 2009; Loison et al., 2015).

Finalement, les travaux de Dobrijevic et al. (2014) et Loison et al. (2015) représentent, à l’heure actuelle, la version la plus précise de la connaissance de la chimie des hydrocar-bures et des azotés dans les atmosphères planétaires. Dans ce dernier travail, nous avons appliqué la méthodologie présentée sur la figure 1.22 afin d’améliorer la chimie des hydro-carbures, des oxygénés et des azotés. À l’aide de ce réseau chimique ainsi revisité, nous avons alors pu calculer les nouvelles incertitudes dans le modèle photochimique de Titan, présenté par Dobrijevic et al. (2014), auquel nous avons couplé le modèle de transfert radiatif 3D présenté dans ce travail en section 1.5.3.

Un des résultats significatifs de l’amélioration de la chimie du HCN/HNC initiée Hé-brard et al. (2012) ainsi que la mise à jour du réseau que nous avons effectuée a permis, par exemple, de diviser par un facteur ∼ 50 les incertitudes sur les profils de HCN (Hébrard et al., 2007; Loison et al., 2015). Les points critiques ayant permis cette amélioration sont (i) l’identification des nouvelles voies de production n’ayant pas été prises en compte dans la littérature, (ii) la mise en évidence des voies de production majeures et dont la précision faible, (iii) l’amélioration de la précision de ces voies de production, généralement à l’aide d’outils théoriques permettant d’estimer les taux de réactions.

La quantification des paramètres sensibles dans les réseaux chimiques a montré que des réactions chimiques secondaires pouvaient être supprimées du réseau sans en affecter sa prédictibilité sur une sélection d’espèces chimiques. Nous allons maintenant développer ce point.

1.7.2 Réduction du réseau chimique

L’étude de la propagation des incertitudes dans les atmosphères planétaires a permis de quantifier via les coefficients de corrélation de rang (RCCs) l’importance qu’une réaction chimique donnée a sur les résultats du modèle.

Dobrijevic et al. (2011) ont montré que si on s’intéresse seulement à un sous-ensemble de composés du réseau, alors il est possible de supprimer toutes les réactions chimiques dont les RCCs sont en-dessous d’un certain seuil. Ceci, tout en obtenant des profils ver-ticaux pour ces composés qui sont en accord avec les résultats du modèle nominal (en tenant compte de leurs incertitudes).

Ils ont appliqué cette méthodologie pour les composés observés dans l’atmosphère, telles que CH3, C2H2, C2H4, C2H6. Le nouveau réseau obtenu, dit réseau réduit, compte alors 25 composés et 46 réactions (en incluant les photolyses), tandis que le réseau initial compte 90 espèces et plus de 600 réactions.

À chaque mise à jour significative du réseau chimique, il est important de vérifier que le réseau réduit est toujours adapté, ou chercher éventuellement un nouveau réseau réduit. Dans le cadre de cette thèse, nous avons appliqué la même procédure de réduction de réseau chimique que celle présentée par Dobrijevic et al. (2011). Cette procédure consiste à calculer les coefficients de corrélation qui lient les vitesses des réactions avec le loga-rithme des fractions molaires des composés calculées par le modèle photochimique. Les réactions chimiques qui possèdent un coefficient de corrélation faible vont avoir une in-fluence mineure sur les résultats du modèle. Cela signifie que, lorsque ces coefficients de corrélation sont au-dessous d’un certain seuil arbitraire, la réaction chimique considérée ne joue pas un rôle prépondérant dans le calcul des abondances des composés. Plus le seuil utilisé est important, et plus le nombre de réactions qui peuvent être supprimées est important. Le critère a posteriori pour valider un réseau chimique réduit suivant cette méthode est de pouvoir reproduire les abondances de certains composés calculées à l’aide d’un modèle nominal, généralement le modèle qui comprend l’ensemble des réactions et composés avant réduction, tout en restant dans un intervalle de confiance. Cet intervalle de confiance est calculé en effectuant des tirs Monte-Carlo de propagation d’incertitudes sur l’ensemble des constantes de vitesse du réseau nominal.

À partir du réseau chimique publié par Loison et al. (2015), qui contient 124 composés et plus de 1300 réactions (incluant les photolyses), nous avons réduit le réseau chimique à 22 composés et 57 réactions. Ce réseau comprend principalement les hydrocarbures

simples (limités aux C2Hx) ainsi que les composés oxygénés principaux (CO, CO2, H2O,

H2CO). Ce réseau réduit est présenté dans Hue et al. (2015a). La figure 1.23 présente

les profils verticaux obtenus à l’aide du réseau chimique réduit. Ces profils sont comparés aux profils nominaux et médians ainsi qu’aux largeurs typiques des distributions obtenues à l’aide de la propagation d’incertitude dans le réseau initial. Nous pouvons remarquer que les profils obtenus à l’aide du réseau réduit restent extrêmement proches des profils médians et nominaux du réseau initial, avec des écarts à ces distributions bien en-dessous des écarts typiques liés aux incertitudes.

L’utilisation d’un tel réseau permet de réduire de façon importante les temps de calcul, tout en s’assurant que les résultats sont significativement proches d’un réseau chimique plus complet. Ce réseau réduit ouvre ainsi la porte au développement de modèles photo-chimiques à plusieurs dimensions.

Figure 1.23 – Profils verticaux de C2H2 (en haut) et C2H6 (en bas) en fonction de la pression dans la stratosphère de Saturne. Les courbes rouges présentent les profils verticaux obtenus à l’aide du réseau réduit, les courbes bleues les profils médians obtenus à l’aide du réseau chimique nominal. La propagation d’incertitude sur le réseau initial permet de définir le profil médian (courbe pointillé)

Modélisation photochimique de

l’atmosphère de Saturne : Effets

saisonniers

Sommaire

2.1 Introduction . . . 70 2.2 Modélisation saisonnière de la photochimie de Saturne . . . . 72 2.2.1 Variation des paramètres orbitaux . . . 72 2.2.2 Variation saisonnière du flux actinique . . . 74 2.2.3 Champ thermique . . . 77 2.3 Résultats . . . 85

2.3.1 Modélisation photochimique saisonnière : champ thermique uni-forme . . . 85 2.3.2 Impact de l’occultation des anneaux sur la photochimie . . . . 87 2.3.3 Effet de l’évolution saisonnière de la température sur la

photo-chimie . . . 93 2.3.4 Comparaison avec les observations Cassini/CIRS . . . 99 2.4 Discussion . . . 105 2.4.1 Coefficient de diffusion turbulente . . . 106 2.4.2 Circulation stratosphérique dans Saturne . . . 107 2.4.3 Diffusion latitudinale . . . 108 2.4.4 Chimie ion-neutre . . . 109 2.5 Conclusion / ouverture . . . 109 2.5.1 Variations saisonnières de C2H6 et C2H2 . . . 110 2.5.2 Prise en compte du champ thermique saisonnier . . . 110 2.5.3 Comparaison avec les observations Cassini/CIRS . . . 111 2.5.4 Implication pour les modèles radiatifs . . . 111

2.1 Introduction

Les observations de l’atmosphère de Saturne, effectuées depuis le domaine infrarouge jusqu’au domaine submillimétrique, permettent de sonder les couches de la haute tro-posphère et de la stratosphère. Les liaisons inter-atomiques de ses composés atmosphé-riques sont sujettes à des mouvements rotationnels et vibrationnels. Aux transitions ro-tationnelles des composés vont correspondre des radiations dans le domaine submillimé-trique/millimétrique alors que les transitions vibrationnelles se feront principalement dans l’infrarouge.

L’intensité relative des émissions atmosphériques qui proviennent de chacune des mo-lécules sera différente suivant les caractéristiques de celle-ci ainsi que des conditions phy-siques environnantes. L’étude de ces raies atmosphériques permet de sonder les propriétés physiques des régions dans lesquelles elles sont émises.

Les observations dans l’infrarouge ou le submillimétrique telles que celles, par exemple, effectuées par le satellite ISO (Infrared Space Observatory) sont généralement moyennées et sont ainsi représentatives de conditions atmosphériques intégrées sur l’ensemble du disque (voir Moses et al. (2000a) et Fouchet et al. (2009) pour une liste complète des observations). Afin d’analyser et interpréter ces observations, des modèles photochimiques à une dimension ont été développés (Moses et al., 2000a,b). Ces modèles, restreints à la dimension verticale, reproduisent de façon satisfaisante la composition chimique moyenne des principaux composés observés.

Les sondes spatiales, telle que Voyager 1 et 2, ainsi que les récentes observations ef-fectuées depuis le sol ont permis de résoudre spatialement cette planète. Elles ont ainsi permis de cartographier à la fois la température et l’abondance des principaux hydro-carbures dans l’atmosphère de Saturne en fonction de la latitude (Ollivier et al., 2000a; Greathouse et al., 2005; Sinclair et al., 2013).

La sonde Cassini-Huygens, après un lancement depuis Cap Canaveral le 15 Octobre

1997, s’inséra dans le système de Saturne le 1er Juillet 2004. Cette sonde permit, entre

autre, d’en cartographier la température troposphérique et stratosphérique en fonction de la latitude sur l’ensemble de la durée de la mission, c’est à dire plus de 10 ans (Howett et al., 2007; Fouchet et al., 2008; Hesman et al., 2009; Guerlet et al., 2009, 2010; Li et al., 2010; Fletcher et al., 2010; Sinclair et al., 2013, 2014; Sylvestre et al., 2015), ce qui correspond à environ un tiers d’une révolution orbitale complète.

Avec ces récentes missions, l’approche classique qui consistait à interpréter les obser-vations moyennées à l’aide de modèles à une dimension atteint ses limites. En effet, les modèles photochimiques à une dimension de Saturne (Moses et al., 2000a,b; Ollivier et al., 2000b) sont maintenant inadaptés pour expliquer les observations résolues de Cassini dé-pendantes du temps. En parallèle de l’approche photochimique qui consiste à utiliser un réseau chimique le plus complet possible, des modèles de circulation générale de Sa-turne ont été développés, ou sont en cours de développement (Dowling et al., 2006, 2010; Friedson and Moses, 2012; Guerlet et al., 2014). De tels modèles se focalisent sur une

description la plus complète possible de la dynamique atmosphérique, en négligeant l’as-pect chimique tel qu’il est traité dans le cadre des modèles photochimiques. Par ailleurs, les modèles de circulation générale ne simulent qu’une fraction de l’atmosphère, depuis la haute troposphère jusqu’à la basse stratosphère.

Moses and Greathouse (2005) ont développé un modèle photochimique pour Saturne afin d’en étudier les saisons. Ceux-ci furent suivis par Moses et al. (2007) qui dévelop-pèrent un modèle photochimique à deux dimensions (altitude-latitude) prenant en compte la circulation atmosphérique via une cellule simple de type Hadley, ainsi que du trans-port diffusif latitudinal. Le modèle développé par Moses and Greathouse (2005) prend en compte les variations des paramètres orbitaux de Saturne ainsi que l’évolution de l’inso-lation solaire au cours de son orbite. Ils ont montré que les effets saisonniers sur Saturne

étaient importants à cause de son obliquité de 26,7 (contre 23,4 pour La Terre). Leur

modèle consiste en fait en une somme de modèles photochimiques à une dimension, cal-culés à diverses latitudes. Il n’inclut néanmoins pas le transport latitudinal, ni le calcul du flux actinique à deux ou 3 dimensions.

L’importante obliquité de Saturne affecte fortement sa température stratosphérique, comme en témoigne les observations de la sonde Cassini (Fletcher et al., 2010). En effet, peu après son insertion orbitale, un gradient de température nord/sud de 40 K a été observé dans la stratosphère moyenne, à un niveau de pression de 1 mbar. Cet important gradient fût encore observé cinq ans plus tard, en 2010, quoique quelque peu atténué. L’évolution saisonnière de la température stratosphérique est donc une donnée importante à prendre en compte dans les modèles photochimiques.

La sensibilité des modèles photochimiques à la température fut prise en compte dans le modèle de Moses and Greathouse (2005) dans un cas ponctuel pour lequel la tempéra-ture fut modifiée seulement à deux latitudes différentes, en accord avec les observations effectuées par Greathouse et al. (2005). Par la suite, le modèle photochimique de Moses and Greathouse (2005) mis à jour par Guerlet et al. (2010) représente une amélioration car il prend en compte à la fois le gradient thermique observé par Fletcher et al. (2007b) ainsi que par Guerlet et al. (2009). L’ensemble de ces modèles photochimiques ne prend pas en compte l’évolution saisonnière de la température, celle-ci étant tenue fixe durant les simulations photochimiques. Finalement, le modèle photochimique à deux dimensions de Moses et al. (2007), bien que prenant en compte les processus de transport advectif à deux dimensions, néglige de façon systématique l’évolution saisonnière de cette température.

À l’heure actuelle, il n’existe pas de modèle photochimique prenant en compte de façon simultanée le forçage saisonnier, le transport méridional ainsi que l’évolution saisonnière de la température. Dans ce chapitre, nous présenterons un tel modèle appliqué à Saturne. Le modèle, écrit à deux dimensions (altitude-latitude), est couplé à un modèle de transfert radiatif à trois dimensions et peut être vu comme le lien indispensable entre les modèles photochimiques à une dimension qui possèdent la chimie la plus complète possible et les GCMs qui étudient la dynamique à trois dimensions. Le but de ce chapitre est de présenter la réponse chimique aux variations saisonnières d’insolation et de température en négligeant pour simplifier le transport à deux dimensions.

Nous présenterons dans un premier temps les paramètres clés à prendre en compte pour la modélisation photochimique de Saturne, à savoir la configuration orbitale de la planète, la prise en compte de l’occultation des rayonnements solaires par ses anneaux, l’évolution saisonnière de la température ainsi que le réseau chimique utilisé. Dans un second temps, nous présenterons l’impact de la prise en compte de l’évolution saisonnière de la température en comparant nos résultats avec un cas classique où la température n’évolue pas avec les saisons. Nous présenterons de même dans cette partie une comparai-son avec les observations récentes de Cassini. Enfin, nous conclurons ce deuxième chapitre en rappelant les principaux résultats ainsi que les pistes de travail qui restent à explorer.

2.2 Modélisation saisonnière de la photochimie de

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