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Modèle d’endommagement de Vu

CHAPITRE I - Quelques éléments sur la fatigue de joints soudés sous chargement

I.4. Extension vers la prédiction de la durée de vie

I.4.3. Modèle d’endommagement de Vu

Le modèle proposé par [Vu et al., 2014; Vu, 2009] est une évolution du modèle proposé par [Flaceliere, Morel, & Dragon, 2007b]. La version de base, proposée par

[Flaceliere et al., 2007b], présente une série de caractéristiques intéressantes pour la

modélisation de la fatigue à grand nombre de cycles. Elle est formulée dans le cadre rigoureux de la thermodynamique des processus irréversibles, ce qui permet une description explicite de l’évolution incrémentale de la déformation plastique et de l’endommagement. L’utilisation d’une approche à deux échelles (mésoscopique – macroscopique) permet de modéliser les processus physiques de dégradation du matériau (plasticité, endommagement) à l’échelle du grain. Ainsi, le modèle est capable de prendre en compte un nombre important de caractéristiques propres au domaine de la fatigue à grand nombre de cycles, comme le cumul de dommage non linéaire, l’effet de la contrainte moyenne et des cycles inférieures à la limite de fatigue.

Néanmoins, pour des applications plus complexes, comme les chargements hors phase, les chargements par bloc et les chargements à amplitude variable, le modèle de base peut présenter une série de limitations (cf. [Vu et al., 2014; Vu, 2009]). En premier, l’utilisation du critère de von Mises pour décrire l’écoulement plastique ne permet pas d’intégrer l’effet de phase pour les chargements déphasés. Ensuite, la simulation de chargements par bloc de type torsion / traction induit une discontinuité des variables d’endommagement, au moment du passage du bloc de torsion au bloc de traction.

La nouvelle version respecte un certain nombre points originaux du modèle de base, à savoir les descriptions de l’écrouissage, de l’endommagement et du couplage plasticité – dommage à l’échelle mésoscopique. Toutefois, une série d’améliorations est proposée, comprenant la surface de charge en plasticité, la fonction seuil de dommage et les lois d’évolution du dommage.

Le modèle proposé est formulé dans le cadre de la thermodynamique des processus irréversibles à variables internes, pour des transformations isothermes, indépendantes du temps et en petites déformations. Les variables internes comportent la déformation plastique εp, l’écrouissage cinématique α, l’écrouissage isotrope p, la variable d’effet du dommage d et la variable du dommage cumulé β. La loi de localisation de Lin –Taylor est utilisée pour relier le champ de contraintes macroscopique Σ à celui mésoscopique σ :

σ

=

Σ

−2

µε

p (µ est le module de cisaillement).

Une nouvelle surface de charge en plasticité à l’échelle mésoscopique basée sur le critère de Vu (I.3.3) est proposée:

( )

2

( )

2

( ) ( )

1 2 2 2, 3 1, 1, 0

, , mean f a, m 0

où r0 est le seuil initial du domaine plastique,

x

et r sont classiquement les forces

thermodynamiques associées à l’écrouissage cinématique et isotrope et sont obtenues par dérivation d’un potentiel thermodynamique :

p x

ω

c

α

c

ε

α

∂ = = = ∂ Éq. I-24 Éq. I-25

où c, r, g et s sont des paramètres du matériau.

Alors que la forme du critère présentée dans I.3.3 est établie de manière à ce que la limite de fatigue en torsion soit insensible à la contrainte moyenne, l’évolution de la déformation plastique nécessite désormais la prise en compte de la totalité du terme J2 . C’est pourquoi J’2(t) est remplacé par le terme classique J2

(

σ−x

)

permettant de capter l’effet de contrainte moyenne sur l’évolution de la déformation plastique. Les lois d’évolution dérivent d’un potentiel de dissipation :

(

, ,

) (

2

)

F σ x r =J σ − −x r Éq. I-26

Le critère d’endommagement fait intervenir la force thermodynamique Fd associée à la

variable d (fonction croissante de p et décroissante de d ), la force thermodynamique k associée à la variable β et k0, dans le seuil initial de l’endommagement:

h(Fd,k) = Fd (k+k0) =0 Éq. I-27

Les observations expérimentales réalisées par [Vu et al., 2010; Vu, 2009] ont permis de conclure que la vitesse de propagation de fissure est la grandeur mécanique pertinente permettant de rendre compte de certains phénomènes caractéristiques de la fatigue polycyclique, à savoir la distinction entre le mode d’endommagement de traction et celui de torsion et le cumul non linéaire des blocs de chargement.

La différence de cinétique d’évolution de fissures entre le mode de traction et le mode de torsion est assez commune pour plusieurs nuances d’acier. La figure proposée par [Vu,

2009] présente un exemple de ce phénomène pour l’acier C35.

Éq. I-28 k ω qβ β

= =

Figure I-27 Non linéarité de la vitesse de propagation en fonction des fractions de durée de vie pour l’acier C35 [Vu et al., 2010]

Les lois d’évolution de l’endommagement doivent représenter correctement la non linéarité de l’évolution du dommage et respecter la distinction de comportement observé expérimentalement entre la traction et la torsion. Pour des raisons de simplicité, la condition de transition amorçage / propagation a été construite sur la valeur de la variable d en utilisant le paramètre matériau dp :

• Potentiel de dissipation du dommage:

o Phase d’amorçage ( 0≤ <d dp) : H1

(

F kd,

)

=aFdk Éq. I-30

o Phase de propagation (dp ≤ d≤ dc):H2

(

F kd, ;σh

)

=Fd

(

1+b σh

)

k Éq. I-31 La fonction « partie positive » ⋅ (<x> = ½ (x+|x|)) est utilisée pour éliminer l’effet de la contrainte hydrostatique pendant le chargement de compression. Le paramètre matériau dc représente la valeur critique de dommage à la rupture. Les lois d’évolution sont obtenues par dérivation des potentiels de dissipation :

o Phase d’amorçage ( 0≤ <d dp) : Éq. I-32 Éq. I-33 o Phase de propagation (dp ≤ d≤ dc): Éq. I-34 Éq. I-35

Pour le cas de chargement de torsion pure, la vitesse d’endommagement dans les deux phases ne diffèrent que par le coefficient a (amorçage : , propagation : ). Pour le mode de chargement de traction, la vitesse d’endommagement de la phase de propagation est accélérée par la contrainte hydrostatique.

D'après les observations expérimentales, la vitesse d’endommagement est souvent ralentie par des barrières micro-structurales dans la phase d'amorçage avant une accélération dans la phase de propagation. Les potentiels proposés permettent la prise en compte de ces mécanismes d'endommagement par l'intermédiaire de l'ajustement des coefficients a et b. Par conséquent, ces coefficients doivent satisfaire aux conditions suivantes:

• Phase d'amorçage: 0< ≤a 1 • Phase de propagation: b > 0

L’évolution de la variable

β

& est la même dans les deux phases (

β

& =

λ

&d).

La transition amorçage / propagation dépend du paramètre dp qui représente la valeur d’endommagement au seuil de la phase de propagation. Grâce au principe de similitude entre l'évolution de la longueur de fissure et le dommage d, la valeur de dp peut être identifiée à partir d'une courbe expérimentale traçant la longueur de la fissure en fonction de la fraction de durée de vie de l’éprouvette (Figure I-28).

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 N/Nf a /aff Tension dp dp

Figure I-28 Détermination de dp de la courbe d’évolution de longueur de fissure en traction alternée pure pour l’acier C35 [Vu et al., 2010]

Tableau I-2 Équations constitutives du modèle

Localisation :

σ

= Σ −2

µε

p

Énergie libre mésoscopique (Helmholtz)

Méso - plasticité : e e C

ω

σ ε

ε

∂ = = ∂ p x

ω

c

α

c

ε

α

∂ = = = ∂ Méso - dommage k

ω

q

β

β

∂ = = ∂

Lois d’évolution en plasticité (non - associée)

( )

2

( )

2

( ) ( )

1 2 2 2, 3 1, 1, 0 , , moy f a, m 0 f

σ

x r =

γ

J

σ

− +x

γ

J +

γ

I I I − +r r

(

, ,

) (

2

)

F σ x r =J σ − −x r

Lois d’évolution en endommagement (non - associée)

(

d,

)

d

(

0

)

0 h F k =F − +k kPhase d’amorçage

( )

1 d, d H F k =aFk ( 0< ≤a 1) Phase de propagation

( ) ( )

2 d, ; h d 1 h H F k σ =F +b σ −k (b >0)

Dissipation volumique intrinsèque mésoscopique

Les paramètres du modèle peuvent être identifiés à l’aide de deux courbes S-N (traction pure et torsion pure) et une courbe d’évolution de la longueur de fissure en fonction de la fraction de la durée de vie. La partie II.5.2.1 présente la démarche d’identification des paramètres pour l’acier C35 qui permettra une meilleure compréhension du rôle de chacun d’entre eux.

I.4.4. Synthèse et analyse

La règle de cumul de dommage linéaire proposée par Miner reste la formulation la plus simple et la plus populaire disponible. Elle permet un traitement numérique simple et des temps de calcul réduits. Même si elle ne traduit pas le cumul de dommage non linéaire et l’effet de séquence observés expérimentalement, les prédictions sont parfois suffisantes pour l’estimation de la durée de vie dans un contexte industriel (selon le type de spectre étudié).

Les règles de cumul de dommage non linéaire sont une alternative intéressante pour surmonter les limitations de la loi de Miner. Dans la littérature, il est possible de trouver diverses formulations avec un nombre de paramètres et un niveau de complexité très variable. La loi de cumul non linéaire proposée par Chaboche est probablement une des plus populaires, étant utilisée couramment dans l’industrie aéronautique. Cette loi présente une série de caractéristiques intéressantes, comprenant la prise en compte de cycles inférieures à la limite de fatigue et l’effet de l’historique de chargement. Néanmoins, la démarche d’identification et la manipulation des équations peuvent s’avérer complexes.

Dans ce contexte, nous avons essayé d’identifier la méthodologie la plus simple permettant d’introduire la non linéarité dans la démarche de calcul. La méthodologie « DCA » proposée par Manson et Halford semble une méthodologie intéressante. Présentant seulement deux paramètres (Nf et

α

), elle est capable de prendre en compte l’effet de séquence du chargement et, partiellement, les cycles inférieures à la limite de fatigue selon la formulation de Nf. Toutefois, comme la totalité des règles de cumul de dommage, sa pertinence reste discutable. La valeur unique de

α

=0,4 proposée par l’auteur semble questionnable, de plus

que la formulation de Nf aura une influence sur la valeur finale de dommage.

A partir de sa simplicité et de ses perspectives d’évolution, nous avons décidé de retenir la méthodologie « DCA » pour la suite de cette étude. Cette règle de cumul de dommage non linéaire sera associée au critère de Vu afin d’intégrer la prise en compte de chargement multiaxiaux. Nous allons ensuite nous intéresser à l’influence de la valeur de

α

et

de la formulation de la courbe de Wöhler utilisée pour le calcul de Nf afin de proposer une méthodologie exploitable.

Finalement, le modèle d’endommagement de Vu présente une démarche scientifique intéressante. Sa formulation incrémentale et la modélisation du couplage plasticité – endommagement à l’échelle mésoscopique semblent efficaces pour la prise en compte des effets de séquence des blocs (cumul de dommage non linéaire) et de cycles en dessous de la limite de fatigue. L’identification de paramètres basée uniquement sur des données uniaxiaux confère de la simplicité et une bonne fiabilité au modèle. Néanmoins, l’utilisation de ce type de méthodologie peut s’avérer délicate dans un contexte industriel, surtout en ce qui concerne le temps de calcul pour une structure complète. De plus, ce modèle a été développé

spécifiquement pour le domaine de la fatigue à grand nombre de cycles, ce qui pourra poser un problème pour la prise en compte des cycles « incidentels » des spectres de type « automobile », situés dans le domaine de la fatigue oligocyclique. Toutefois, suite aux bons résultats obtenus dans [Vu et al., 2014; Vu, 2009], il semble intéressant de confronter ce type de méthodologie à une application industrielle afin d’identifier les points positifs et les perspectives d’évolution pour les prochaines versions.