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Influence de la métallurgie et de la microstructure

CHAPITRE III - Estimation de la durée de vie de joints soudés soumis à un spectre

III.4.6. Influence de la métallurgie et de la microstructure

Il est largement observé que la géométrie et la métallurgie ont un rôle important sur l’amorçage de fissure en fatigue [EUROCODE 3, 2000; Fricke, 2013; IIW, 2008; Institut de

soudure, 2009]. Ainsi, les fissures s’amorcent fréquemment sur la racine ou les pieds du

cordon. En plus de la concentration de contraintes induite par les accidents géométriques, ces zones comptent aussi des caractéristiques métallurgiques particulières (I.1).

Figure III-35 Gradient de microstructure en pied haut (A) et racine (B)

Sur la Figure III-35-A nous observons la fissure constatée lors d’un essai de fatigue en traction sur l’éprouvette MS4. La fissure s’amorce au fond de l’entaille formée par le métal d’apport non fondu en racine basse (III.6.1.2), dans une zone de transition entre la zone fondue et la zone affectée thermiquement. Ce site d’amorçage est également constaté par

[Fricke, 2013] pour des assemblages cruciformes. Comme nous avons vu dans I.1, l’opération

de soudage mène à la création de trois zones distinctes (zone affectée thermiquement, zone fondue et métal de base) avec des compositions chimiques, tailles de grain et duretés

B

différentes. En effet, la zone de transition, où se trouve le point d’amorçage de la fissure, possède un gradient de microstructure assez important (transition brusque d’une taille de grain assez importante sur la zone fondue à une plus petite sur la zone affectée thermiquement) qui la rend particulièrement sensible vis-à-vis de la fatigue. Néanmoins, en tenant compte de l’effet d’entaille très important, il est difficile d’évaluer le vrai rôle de la métallurgie sur l’amorçage de fissures. D’un autre côté, le sens de propagation de la fissure semble purement « géométrique ». En effet la fissure traverse la barrière entre la zone affectée thermique et le métal de base sans aucune perturbation.

Récemment les études de [Duchet et al., 2011] sur des éprouvettes soudées de type clin, ont permis d’estimer l’influence de la géométrie du cordon de soudure seule, sur la durée de vie en fatigue pour différentes nuances d’acier. L’auteur a observé que le cordon de soudure complet (Figure III-36: géométrie + métallurgie) provoque une réduction jusqu’à 53% de la durée de vie en fatigue en comparaison au matériau de base non soudé, alors que le cordon arasé (Figure III-37: seulement métallurgie) provoque une réduction de seulement 10% sur la durée de vie (Figure III-38). Néanmoins, l’auteur ne spécifie pas la technique employée pour l’arasage du cordon. Nous pouvons ainsi envisager également une modification des contraintes résiduelles sur le joint soudé. De plus, il faut garder à l’esprit que l’étude a été réalisée sur des éprouvettes de petite dimension. Ainsi, nous pouvons envisager des niveaux de contraintes résiduelles inférieures à ceux d’une structure complexe [IIW,

2008].

Figure III-36 Joint soudé [Duchet et al., 2011] Figure III-37 Joint soudé arasé [Duchet et al., 2011]

Figure III-38 Courbes S-N obtenues pour l’acier CP800 (Matériau de base, soudure à point, soudure à l’arc et soudure arasée) [Duchet et al., 2011]

Malgré les différences entre la soudure à clin étudiée par [Duchet et al., 2011]et la soudure d’angle asymétrique objet de cette étude, la géométrie du joint soudé semble un paramètre de premier ordre vis-à-vis de la fatigue. Ainsi, il semble cohérent de prioriser la modélisation de la géométrie pour l’outil de calcul qui sera développé dans la partie III.8. En effet, la modélisation détaillée du joint soudé permettra de s’affranchir des erreurs liées à la simplification de la géométrie et d’effectuer une analyse isolée de la méthodologie de calcul en fatigue.

III.4.7. Synthèse

Le comportement en fatigue sous chargement à amplitude constante de l’éprouvette MS4 a été étudié en traction et flexion. Afin de définir une courbe S-N à l’amorçage pour chaque mode de rupture, un critère d’amorçage a été établi. Ce critère est basé sur une perte de raideur de la structure de 10%. La perte de raideur est déterminée par le dépassement de l’amplitude de déplacement « référence », définie dans les premiers cycles de l’essai. La perte de raideur est également reliée à une taille de fissure sur l’éprouvette par la découpe et observation du cordon. Les courbes à l’amorçage seront utilisées ensuite pour l’identification de paramètres de la méthode de calcul présenté dans III.8.

L’utilisation de différents rapports de charge pour chaque sollicitation a permis de générer trois modes de rupture différents. Pour chaque mode de rupture l’influence du rapport de charge sur la durée de vie a été étudiée. Les modes de rupture « racine basse – propagation cordon » et « racine basse – propagation oméga » semblent peu sensibles à la variation du rapport de charge, alors que, le mode de rupture « amorçage en pied haut – propagation plaque » présente un effet plus marqué.

A partir de l’analyse de la bibliographie, un scénario a été proposé pour expliquer cette dissemblance de comportement entre les deux sites d’amorçage. Cet écart pourrait être expliqué par la différence des niveaux des contraintes résiduelles engendrées par le procédé de soudage sur chaque site de rupture et, ensuite, leur relaxation au cours du chargement. En effet, lors du soudage, la zone fortement restreinte à proximité de la racine est favorable à la création de niveaux élevés de contraintes résiduelles de traction. Ainsi, pendant les premiers cycles, la contrainte locale sera égale à la somme des contraintes résiduelles et les contraintes induites par le chargement, concentrées par l’effet d’entaille (rayon local 0,05mm). La valeur résultante de cette somme pourra dépasser localement la limite d’élasticité cyclique. Dans ce cas, cycle après cycle, les contraintes résiduelles se relâchent et le chargement se stabilise à un point où la limite élastique ne peut plus être dépassée. D’autre part, le pied haut est une zone assez dégagée et la fixation utilisée lors du soudage lui permet plus de liberté de mouvement. Ainsi, théoriquement, les niveaux de contraintes résiduelles rencontrés sur ce site seront plus faibles. À cela, nous pouvons ajouter un effet d’entaille moins élevé (rayon local 1 mm), ce qu’induit une concentration de contraintes moins élevée. Ainsi, l’effet de contraintes résiduelles est négligeable sur ce site d’amorçage et le comportement en fatigue sera dépendant du rapport de charge.

Néanmoins, pour mieux comprendre le comportement des différents sites d’amorçage du joint soudé par rapport à la contrainte moyenne, il serait nécessaire d’estimer les valeurs de contraintes résiduelles de chaque région, soit par voie expérimentale, soit par la simulation du procédé de soudage. Une alternative intéressante serait la réalisation d’un traitement thermique pour relaxer les contraintes résiduelles d’une éprouvette MS4 complète. Cela

permettrait d’estimer l’influence de contraintes résiduelles sur la durée de vie et, surtout, de comparer l’effet du rapport de charge entre l’éprouvette brute et l’éprouvette relaxée.

L’observation micrographique des différentes zones d’une éprouvette de traction a démontré l’influence de la géométrie et de la métallurgie sur la création de sites privilégiés à l’amorçage des fissures. Par contre, la direction de propagation semble ne pas être perturbée par la micro structure. L’analyse de la bibliographie [Duchet et al., 2011] a démontré une influence plus importante de la géométrie en comparaison à la métallurgie sur des matériaux comparables, mais sur des géométries de joint différentes. Néanmoins, des expériences complémentaires seraient nécessaires afin de définir correctement le rôle de chaque paramètre sur MS4. En plus de l’estimation de contraintes résiduelles, la mesure de la dureté pourra donner des informations sur les caractéristiques matériau de chaque zone.

L’analyse du rôle de la métallurgie et de la géométrie sur le comportement en fatigue d’un assemblage soudé, apporte des informations de grande importance pour la construction du modèle d’élément finis qui sera présenté dans III.6. Ainsi, nous avons décidé de privilégier la modélisation de la géométrie et de ne pas modéliser la métallurgie sur le modèle d’éléments finis. En effet, sur la stratégie de calcul envisagée, le comportement induit par les aspects métallurgiques du joint soudé sera pris en compte de façon indirecte par le post traitement en fatigue, avec des paramètres identifiés directement sur des assemblages soudés. Cette méthodologie sera présentée de manière détaillée dans III.8.

III.5. Étude du comportement de l’éprouvette soudée MS4 sous