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Contrairement à la tendance habituelle, bien que le glissement principal dans le Ti pur soit le glissement prismatique, le paragraphe précédent montre que la configuration de plus basse énergie de la dislocation vis dans le Ti pur est celle où la dislocation est complètement étalée dans le plan pyramidal π1. Pour expliquer ce

résultat original, on étudie la mobilité de ces différentes configurations en calculant les barrières d’énergie entre elles.

On considère d’abord la dislocation dans son état de plus basse énergie, étalée dans le plan pyramidal π1 (structure de cœur Fig. 6.1 c). On calcule l’énergie né-

cessaire pour que la dislocation glisse d’une vallée de Peierls dans le plan pyramidal à partir d’un état d’équilibre vers l’état d’équilibre suivant (barrière correspondant aux coordonnées de réaction −2 ≤ ζ ≤ 0 sur la figure 6.1 a). La dislocation étant étalée dans son plan de glissement, on s’attend à un glissement facile dans le plan py- ramidal. Cependant, les résultats illustrés sur la figure 6.1(a) montrent une barrière énergétique importante pour ce glissement. Le glissement de la dislocation dans son plan d’étalement pyramidal est donc soumis à une forte friction de réseau et la confi- guration stable pyramidale glisse difficilement. On note que le glissement pyramidal nécessite le passage de la dislocation par la deuxième configuration métastable de la dislocation vis dans le Ti, où cette dernière est partiellement étalée dans le plan π1

(structure de cœur Fig. 6.1 b). Cette même configuration a été obtenue également dans le cas du zirconium au cours du glissement de la dislocation vis dans le plan π1.

On considère ensuite le mode de glissement principal de la dislocation observé ex- périmentalement, le glissement prismatique. Le scénario imaginé dans ce cas est que la dislocation dévie de son plan d’étalement pyramidal vers un plan prismatique où elle adopte sa configuration métastable prismatique, et glisse ensuite dans ce même plan. La barrière d’activation nécessaire pour faire basculer la dislocation vis de son état fondamental étalé dans le plan pyramidal vers sa configuration métastable éta- lée dans le plan prismatique est illustrée sur la figure 6.1(a) pour 0 ≤ ζ ≤ 1. Cette barrière est plus basse que la barrière pour le glissement pyramidal : ∆E = 7.4 meV/Å tandis que la barrière à franchir par la dislocation pour glisser dans le plan pyramidal est ∆E = 11.4 meV/Å. Lorsque la dislocation est étalée dans le plan prismatique deux possibilité lui sont offertes : soit elle demeure dans la même confi- guration et glisse dans le plan prismatique, soit elle retombe dans sa configuration pyramidale de plus basse énergie. Les calculs ab initio montrent que le glissement prismatique présente une barrière énergétique très faible inférieure à 0.4 meV/Å(voir barrière pour 1 ≤ ζ ≤ 5 Fig. 6.1 a). La structure de cœur métastable prismatique est donc très mobile dans le plan prismatique. La barrière de glissement dans le plan prismatique est plus basse que la barrière à franchir par la dislocation pour retomber dans sa configuration fondamentale pyramidale ∆E = 1.5 meV/Å(barrière corres- pondant aux coordonnées de réaction 5 ≤ ζ ≤ 6 Fig. 6.1). Cela signifie que si la dislocation dévie vers un plan prismatique, elle risque de rester dans la configuration métastable prismatique et de parcourir plusieurs vallée de Peierls dans ce même plan prismatique jusqu’à ce qu’elle retombe dans son état fondamental pyramidal sous l’effet de l’activation thermique.

CHAPITRE 6. GLISSEMENT DES DISLOCATIONS VIS DANS LE TITANE Tous les résultats présentés sont obtenus pour une boite de simulation de la même forme que celle utilisée pour modéliser les dislocations dans le zirconium, avec une taille définie par n × m = 6 × 8. Les mêmes résultats sont obtenus également avec d’autres tailles (6 × 6 et 8 × 8), avec des écarts énergétiques légèrement différents.

Ces résultats sont en accord avec des observations au microscope électronique à transmission réalisées sur du Ti pur [13, 23] (voir Fig. 6.2). Ils permettent en effet d’expliquer le mouvement saccadé de la dislocation observé expérimentalement. Les observations montrent une période où la dislocation est faiblement mobile et alignée le long de son vecteur de Burgers ~b (Fig. 6.2 a, b et c). Ceci témoigne d’un glissement difficile de la dislocation dans un plan pyramidal. Ce glissement correspond donc à celui de la dislocation vis dans son état fondamental, glissant dans son plan d’étale- ment pyramidal mis en évidence par nos simulations (Fig. 6.2 c, d et e). Ensuite, les observations montrent des dislocations courbées, témoignant d’un glissement facile qui s’étend sur des longues distances avec une très faible friction du réseau dans les plans prismatiques (Fig. 6.2 e et f). Ce glissement s’explique par le passage de la dislocation de sa configuration fondamentale pyramidale vers la configuration pris- matique hautement mobile dans son plan d’étalement prismatique. Ces résultats confirment donc le mécanisme de locking/unlocking proposé pour expliquer le mou- vement irrégulier des dislocations vis dans le Ti [13]. Le scénario est également en accord avec celui proposé par Naka pour expliquer le glissement dévié dans les plans π1 observé dans les alliages de titane [14]. Néanmoins, la dissociation initialement

proposée de la dislocation vis est différente de celle obtenue par nos calculs ab initio.

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Interaction des dislocations vis avec l’oxygène

Les calculs ab initio présentés ci-dessus permettent d’établir le profil énergé- tique complet de la dislocation vis hai dans le Ti pur. Ces calculs démontrent que dans le titane, le glissement des dislocations vis hai est contrôlé par le mécanisme locking/unlocking. Ceci explique le mouvement saccadé de la dislocation observé expérimentalement, avec un glissement facile principal dans les plans prismatiques et un glissement plus difficile dans les plans pyramidaux π1 présentant une friction

de réseau importante [23]. Le profil énergétique obtenu est néanmoins affecté par l’ajout des éléments d’alliage dans le matériau, notamment l’oxygène. Les observa- tions microscopiques montrent que ce mouvement saccadé devient de plus en plus marqué lorsque la teneur en oxygène augmente dans le matériau [11]. De plus, l’ajout de l’oxygène dans le Ti entraine un durcissement considérable du matériau [125]. Le but de ce chapitre est d’expliquer ces observations et de déterminer l’origine de l’effet durcissant de l’oxygène à partir des simulations ab initio.

Les résultats obtenus pour le zirconium révèlent deux effets majeurs de l’oxygène. L’oxygène favorise d’abord l’activation de la configuration pyramidale métastable de la dislocation vis dans le Zr et bloque la dislocation ensuite dans cette configuration métastable sessile. Nous décidons donc de vérifier ces deux effets dans le titane en suivant la même démarche choisie pour le zirconium. Nous calculons donc l’énergie d’interaction Eint correspondant à l’énergie d’excès due à l’interaction entre l’oxy-

gène et la dislocation dans ses différentes configurations.

CHAPITRE 6. GLISSEMENT DES DISLOCATIONS VIS DANS LE TITANE

Figure 6.2 – Blocage et déblocage de la dislocation vis hai dans le Ti observé in situ au microscope électronique à transmission à 150 K. Les clichés allant de (a) jusqu’à (f) suivent le mouvement de deux dislocations notées d1 et d2 au cours du temps.

Les images à droite montrent à chaque fois la différence entre deux clichés successifs afin de mettre en évidence l’avancement de la dislocation dans l’intervalle de temps correspondant. Les traces de glissement des dislocations dans le plan prismatique sont libellées "tr.P" tandis les traces de glissement dans les plan pyramidaux π1 sont

libellées "tr.π". Cette figure est issue de la référence [23].

Dans le cas du titane, on utilise une boite de simulation construite de la même manière que pour le zirconium, dupliquée trois fois dans la direction de la ligne 128 2. INTERACTION DES DISLOCATIONS VIS AVEC L’OXYGÈNE

CHAPITRE 6. GLISSEMENT DES DISLOCATIONS VIS DANS LE TITANE de dislocation et dont les dimensions sont n × m × 3 = 6 × 8 × 3. Ce choix est basé sur l’étude de convergence effectuée dans le zirconium dans la section 3.2.4 du chapitre 5, montrant que la boite de dimensions n × m = 5 × 8 conduit à des résultats satisfaisants. Comme le rayon atomique du titane est plus faible que celui du zirconium, nous avons utilisé une boite de simulation plus grande pour étudier le titane, afin de minimiser les interactions entre l’oxygène et ses images périodiques. Tous les calculs sont faits avec une tolérance sur les forces de 10 meV/Å. Les paramètres de calcul ab initio sont donnés dans le chapitre 2.