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Pour étudier la possibilité d’un durcissement par ségrégation de l’oxygène sur les dislocations, nous utilisons un modèle thermodynamique classique de durcissement par solution solide [28, 178] dans l’approximation du champ moyen [179] dont la description est donnée ci-dessous.

4.1.1 Énergie de ségrégation

On présente sur la figure 5.16 la variation de l’énergie d’interaction correspondant à ce site attractif en fonction de la concentration de l’oxygène le long de la ligne de dislocation. Cette figure est déduite des résultats de l’étude de convergence suivant la direction ~z, discutée ci-dessus. En utilisant des boites de simulation de hauteurs h = nb× b différentes, nous avons calculé l’énergie d’interaction entre l’oxygène et la

dislocation par rapport à l’énergie de solution d’un atome d’oxygène obtenue pour une boite de simulation cubique de 200 atomes dans le repère cartésien. Comme il existe un seul site octaédrique sur une hauteur de 1b le long de la ligne de disloca- tion, on obtient ainsi l’énergie d’interaction entre l’oxygène et la dislocation pour différentes concentration de l’oxygène dans la ligne de dislocation.

La figure montre que dans le cas où la dislocation est entièrement saturée en oxygène, i. e. lorsqu’on place un atome d’oxygène dans chaque plan atomique, on obtient une augmentation de l’énergie d’interaction, se rapprochant donc de zéro. Ceci témoigne d’une interaction répulsive entre les atomes d’oxygène premiers voisins le long de la dislocation. Pour les concentrations le long de la dislocation CO≤ 0.5,

l’énergie d’interaction entre l’oxygène et la dislocation varie peu, indiquant donc que les atomes d’oxygène le long de la ligne de dislocation interagissent peu entre eux.

D’une manière générale, la figure 5.16 montre que l’énergie d’interaction entre l’oxygène et la dislocation est toujours négative et donc l’interaction oxygène-dislocation

CHAPITRE 5. DURCISSEMENT DU ZIRCONIUM PAR AJOUT D’OXYGÈNE obtenue pour le site ON est toujours attractive, quelle que soit la fraction d’oxygène

sur la ligne de dislocation.

À partir de l’énergie obtenue pour la concentration la plus faible considérée (CO= 1/6), on déduit l’énergie d’interaction pour un atome d’oxygène isolé Eint=

−60 meV. Cette énergie est déduite en appliquant les corrections élastiques suivant la méthode décrite précédemment, afin de soustraire la contribution énergétique de l’interaction élastique entre l’oxygène et ses images périodiques.

−90 −60 −30 0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 Einter (meV) C0 (nO/nb) (a)

Figure 5.16 – Étude de la variation de l’énergie d’interaction calculée pour le site ON en fonction de la concentration de l’oxygène dans la ligne de dislocation.

L’énergie est calculée par rapport à celle de la configuration métastable pour une boite de simulation de dimensions n × m = 5 × 8.

Ces résultats nous motivent donc à étudier le durcissement du zirconium par sé- grégation de l’oxygène sur la dislocation. Afin de vérifier cette hypothèse nous avons établi un modèle thermodynamique de ségrégation pour expliquer le durcissement du zirconium par l’ajout de l’oxygène.

4.1.2 Modèle thermodynamique de ségrégation

Pour étudier la ségrégation de l’oxygène sur les dislocations dans le zirconium d’un point de vue thermodynamique, nous considérons une dislocation vis de vecteur de Burgers ~b = 1/3a[1¯210] où a est le paramètre de maille. Nous considérons égale- ment une solution solide diluée d’oxygène, où les atomes d’oxygène occupent les sites octaédriques. La concentration nominale de l’oxygène dans tout le système est cn.

Cette concentration correspond au nombre de sites octaédriques occupés par rapport au nombre total de sites octaédriques dans le cristal. On définit les concentrations suivantes :

CHAPITRE 5. DURCISSEMENT DU ZIRCONIUM PAR AJOUT D’OXYGÈNE cd= Nd0 Nd et cb = Nb0 Nb (5.6) où cd est la concentration de l’oxygène ségrégé sur la ligne de dislocation, et cb

est la concentration de l’oxygène restant en solution dans le cristal. Nb0 et Nd0

correspondent au nombre d’atomes d’oxygène en solution dans le cristal et ségrégés le long de la ligne de dislocation respectivement. Nb et Nd sont le nombre total de

sites octaédriques dans le cristal et le long de la ligne de dislocation respectivement. La conservation du nombre total d’oxygène impose :

(Nb + Nd)cn= Ndcd+ Nbcb (5.7)

Comme nous avons deux sites octaédriques par cellule élémentaire dans la struc- ture HCP, ce qui signifie un site octaédrique par atome, on écrit Nb = 4V /(

√ 3a2c) et Nd= ρV /a où ρ est la densité de dislocation, V est le volume considéré et c sont

les paramètres de la maille HCP. Dans la limite d’une faible densité de dislocations où Nd  Nb, on obtient :

cn=

√ 3

4 acρ cd+ cb (5.8)

Pour calculer l’énergie de ségrégation de l’oxygène, on écrit l’énergie libre du système : F (cd, cb) =NdcdEint(cd) + kBT Nd[cdln cd+ (1 − cd) ln(1 − cd)] + kBT Nb[cbln cb+ (1 − cb) ln(1 − cb)] (5.9) À partir de l’équation 5.8 on a : ∂ ∂cd = − √ 3 4 acρ ∂ ∂cb (5.10) D’autre part, on sait que

∂ ∂x[x ln x + (1 − x) ln(1 − x)] = ln  x 1 − x  (5.11)

La minimisation de l’énergie libre dF dcd = 0 amène donc à : dF dcd =NdEint(cd) + Ndcd ∂Eint(cd) ∂cd + kBT Ndln  cd 1 − cd  − kBT Ndln  cb 1 − cb  = 0 (5.12) Ce qui donne [28] : cd 1 − cd = cb 1 − cb exp     − Eint(cd) + cd ∂Eint(cd) ∂cd kBT     (5.13)

CHAPITRE 5. DURCISSEMENT DU ZIRCONIUM PAR AJOUT D’OXYGÈNE ayant la forme suivante :

cd 1 − cd = cb 1 − cb exp  −Eseg(cd) kBT  (5.14) où l’énergie de ségrégation est donnée par :

Eseg(cd) = Eint(cd) + cd

∂Eint(cd)

∂cd

(5.15)

4.1.3 Ségrégation de l’oxygène

On suppose que les atomes d’oxygène en solution sont dispersés d’une manière homogène dans le cristal et le long du segment rectiligne de la dislocation. Dans ce modèle, seulement les interactions entre deux oxygènes premiers voisins seront prises en compte. La ségrégation de l’oxygène sur la dislocation implique le changement de la structure de cœur de la dislocation vis qui adopte sa configuration métastable pyramidale. L’énergie d’interaction entre l’oxygène et la dislocation vis, calculée en prenant comme référence pour la dislocation son état le plus stable c’est à dire sa configuration prismatique, est :

Eint(cd) = E0int+ ∆EP r−π

b cd

+ cdVoo (5.16)

∆EP r−π est la différence d’énergie entre la configuration métastable et la confi-

guration stable prismatique de la dislocation et E0

int est l’énergie d’interaction at-

tractive entre l’oxygène et la dislocation calculée par rapport à la configuration mé- tastable pour un oxygène isolé. Cette dernière est déduite du paragraphe précédent E0

int = −60 meV. On ne considère ici que l’interaction O-O entre deux oxygènes

premiers voisins Voo. Cette interaction est déduite à partir de nos résultats ab initio

précédents :

Voo = Eint(CO = 1) − E0int= 36meV (5.17)

En utilisant un algorithme de type Newton-Raphson, on résout l’équation 5.14 et on trace les graphes sur la figure 5.17 montrant l’évolution de la concentration en oxygène le long de la ligne de dislocation en fonction de la température. Comme les concentrations nominales en oxygène dans les alliages de zirconium dépassent rarement les 1000 ppm [1], on se contente d’explorer uniquement des faibles concen- trations.

La figure 5.17 montre que pour une concentration nominale en oxygène cn =

0.1%, la concentration d’oxygène ségrégé dans la dislocation ne dépasse pas cd= 0.8

quelle que soit la température, et chute à cd= 0.5 pour une température d’environ

40 K. Ceci permet de conclure que la force de ségrégation n’est pas suffisante pour induire un enrichissement de la dislocation en oxygène dans une gamme de tem- pérature pertinente. On déduit donc que le durcissement du zirconium sous l’effet de l’oxygène n’est pas le résultat d’un vieillissement du matériau. Ce constat est cohérent avec les données expérimentales existantes dans la littérature où l’effet de Portevin-Lechatelier n’a jamais été observé [127].

CHAPITRE 5. DURCISSEMENT DU ZIRCONIUM PAR AJOUT D’OXYGÈNE

Figure 5.17 – Évolution de la concentration d’oxygène ségrégé le long de la ligne de dislocation dans sa configuration métastable sessile en fonction de la température entre 0 et 1000 K.

Cette conclusion nous amène alors à envisager un scénario de durcissement, où la dislocation en mouvement interagit avec un champ d’obstacles immobiles.