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4. La curatelle de droit de visite et l’enfant

4.2 La curatelle de droit de visite

4.2.2 Les caractéristiques de cette mesure

4.2.2.4 La mission du curateur

La curatelle de droit de visite se résume en quelques mots : « surveillance des relations personnelles ». Le concept des relations personnelles a été largement expliqué ci-dessus (cf.

chap. 4.1). Quant à la notion de « surveillance » utilisée par le législateur, il s’agit d’un terme vague que doivent préciser la jurisprudence et la doctrine afin « de définir de façon plus précise les contours et les limites du mandat du curateur » (Stettler, 2006, p. 328). En effet, dans la protection de l’enfant en droit civil, les tâches du curateur varient selon le mandat qu’il reçoit. Elles ne sont pas identiques s’il est chargé d’une curatelle d’assistance éducative ou de la surveillance des relations personnelles. Cependant, selon Frossard (2010), l’objectif de ces différentes mesures est toujours le même :

Le but que [le mandataire] poursuit consiste avant tout à mettre en œuvre et à réaliser un processus de responsabilisation des parents dans leur rôle spécifique ou, singulièrement en ce qui concerne les curatelles de surveillance des relations personnelles (art. 308 al. 2 CC), dans la nécessité de maintenir et de stabiliser des relations de qualité avec leur (s) enfant (s). (p. 148)

Ce terme de « surveillance » a été expliqué par la jurisprudence et la doctrine, notamment par une énumération des tâches qui incombent au curateur. D’après Meier et Stettler (2009), il a « pour mission d'intervenir comme un médiateur entre les parents, d'aplanir leurs divergences, de les conseiller et de les préparer aux visites, voire d'organiser les modalités pratiques du droit de visite » (p. 429). Concrètement, si le juge ou l’autorité tutélaire n’a pas expressément fixé ces modalités pratiques, leur organisation comprend notamment l’établissement d’un calendrier des jours de visite et des vacances, la gestion de la compensation des jours manqués, les modifications mineures des horaires ou la détermination du lieu et du moment du début et de la fin des visites. Par ailleurs, la jurisprudence (arrêt du TF 5C.269/2006) indique que parfois, le curateur agit en tant que simple intermédiaire en remettant à l’enfant les lettres et les cadeaux du parent non gardien. Contrairement à ce que laisse supposer la notion de « surveillance », il ne doit pas surveiller les visites en personne, c’est-à-dire qu’il ne doit pas assister aux rencontres entre parents et enfants à moins que le juge ou l’autorité tutélaire en décide autrement (Meier & Stettler). Ce rôle sera confié à un tiers soit directement par l’autorité de décision soit par l’intermédiaire du curateur. Pour assurer la protection de l’enfant, il doit aussi informer l’autorité lorsque la situation concrète change et implique une modification du droit de visite ; mais il n’a pas le pouvoir de modifier la réglementation de ce droit lui-même car cette tâche appartient à cette autorité (ATF 118 II 241). Toutefois, Meier (2010) estime que le curateur devrait avoir la possibilité de le faire

« dans le cadre de l’appréciation qui est la sienne, à titre d’essai, avant de proposer formellement » (p. 1895) la modification de la réglementation du droit de visite. Stettler

(2006) précise que le curateur n’est pas non plus chargé de l’exécution forcée de la décision ; c’est-à-dire « qu’il ne saurait exercer lui-même des contraintes ou solliciter l’intervention de la police pour aller chercher l’enfant qu’un parent gardien refuse de confier au titulaire du droit de visite » (p. 329). Par contre, selon Meier, il peut « dénoncer à l’autorité pénale une violation des consignes données par l’autorité de décision sous la menace des sanctions prévues par l’art. 292 CP » (p. 1894).

Au vu de ces différents éléments, nous constatons que, la limite entre les tâches qui incombent au curateur et celles qui relèvent de la compétence du juge ou de l’autorité tutélaire, est variable. Les fonctions du curateur semblent dépendre de celles que l’autorité compétente s’attribue. C’est pourquoi, cette autorité doit spécifier dans le mandat la mission qu’elle confie au curateur. Meier explique qu’elle doit en indiquer clairement et précisément la nature et l’étendue en fonction « des situations de mise en danger de l’enfant et de la façon jugée la plus appropriée d’y faire face » (p. 1888) ; mais, qu’en pratique, il est rare qu’elle le fasse, se contentant de nommer un curateur pour la surveillance des relations personnelles. A ce propos, Voll (2010) indique :

Le champ laissé à [la] libre appréciation [du travailleur social] apparaît de prime abord d’autant plus vaste que les motifs et les objectifs de la mesure sont vagues ; mais le mandat, lorsqu’il reste peu explicite, lui livre peu de points de repère pour construire une relation d’aide et de confiance avec les parents. (p. 124)

Il faut mentionner que le mandat représente le cadre dans lequel le curateur doit agir.

Selon Voll (2010), si ce cadre « définit d’une part un objectif à atteindre et légitime d’autre part l’intervention de travail social envers les enfants et les parents, mais aussi envers d’autres personnes ou instances officielles » (p. 123), il laisse au travailleur social « une certaine marge d’action et d’appréciation, d’abord dans l’interprétation, puis dans l’exercice du mandat » (p. 124). De ce fait, s’il est normal que le curateur dispose d’une certaine liberté, l’efficacité de la mesure peut être compromise lorsque le juge ou l’autorité tutélaire n’en précise pas suffisamment le contenu.

Il est également important de rappeler que : « Der Beistand nach Art. 308 ZGB ist ein Beistand des Kindes und nicht etwa ein Beistand der Eltern » (Biderbost, 1996, pp. 228-229).

Dès lors, les tâches qui incombent au curateur ont pour but de sauvegarder les intérêts de l’enfant. Cela implique que le curateur doit aussi construire une relation personnelle avec le

mineur et pas seulement avec les parents. En conséquence, nous pouvons confirmer notre hypothèse selon laquelle, juridiquement, cette curatelle est centrée sur l’enfant.

Synthèse

D’après ce qui ressort de cette analyse, actuellement, au niveau juridique, le droit aux relations personnelles est centré sur l’enfant. Tout d’abord, à l’exception de la possibilité d’en exiger la réglementation, l’enfant en est titulaire au même titre que ses parents. Il s’agit d’un droit strictement personnel. Le mineur capable de discernement peut donc l’exercer sans passer par son représentant légal. Ensuite, la notion de « bien de l’enfant » définit les cas où le droit de visite peut exister, régit sa réglementation, fixe les limites à partir desquelles ce droit est refusé ou retiré et semble déterminant dans le cadre de l’exécution forcée de ce droit. La parole du mineur est aussi importante car l’autorité doit entendre l’enfant pour déterminer l’intérêt de ce dernier et pour régler le droit de visite. Cette situation actuelle résulte d’une longue évolution. La doctrine, la jurisprudence et la CDE ont contribué à ce passage d’un droit aux relations personnelles des parents à un droit réciproque de ces derniers et du mineur, et d’un droit privilégiant les intérêts des parents à celui centré sur le bien de l’enfant.

La notion de « bien de l’enfant » est le noyau central du système de protection du droit civil. Même si ce terme reste imprécis, il est l’élément qui déclenche les mesures de protection. En effet, la curatelle de droit de visite doit être est ordonnée lorsque le bien de l’enfant est mis en danger. La jurisprudence et la doctrine à ce sujet l’ont confirmé en donnant des exemples concrets. Comme pour toutes les autres mesures protectrices, l’autorité de décision doit entendre le mineur avant d’instaurer cette curatelle (art. 314 ch. 1 CC). De plus, la mission du curateur se fonde sur la nécessité pour l’enfant d’avoir de bonnes relations avec chacun de ses parents. Dès lors, même si, d’après la description de cette mission, l’enfant ne semble pas avoir un rôle actif à jouer, il n’en demeure pas moins que c’est une curatelle pour l’enfant. En conséquence, nous pouvons confirmer notre hypothèse selon laquelle, juridiquement, cette curatelle est centrée sur l’enfant. Par contre, il semble qu’en pratique cela ne soit pas toujours le cas. Il est donc nécessaire de procéder à une étude de terrain afin de vérifier cela.