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Penser une médiation, c’est penser une histoire à raconter, que l’on s’adresse à des jeunes ou non. La fiction surajoutée par ces dispositifs concrétise cette ambition narrative, celle de conter une histoire à un public et/ou l’histoire d’un monument à des enfants. De surcroît, ces jeunes sont habitués dès leur plus jeune âge à « consommer » des formes narratives dans leur quotidien - dessins-animés, BD, livres, jeux, etc. - ou à en produire - apprentissage du français fondé en partie sur la production et la lecture de récits. De plus, pour les historiens, le récit est depuis toujours le moyen privilégié pour communiquer sur l’histoire (Veyne, 1996 [1971] ; Esquenazi, 2009 :45).

1) Entrelacs de trames narratives

Ces récits fictionnels inscrits dans des logiques médiationnelles sont balisés et mis en scène par leurs concepteurs en vue de transmettre des savoirs, des idées et des valeurs à propos des monuments. Ensuite, les opérateurs qui les composent entrent en circulation pour être, à leur tour, appropriés individuellement et re-créés (Cf.Chapitre sixième). Pour ces raisons, proposer une trame narrative dans des dispositifs de médiation peut sembler d’emblée pertinent pour s’adresser à des enfants. Cependant, l’analyse des opérateurs relevés dans ce chapitre montre que ces médiations ne peuvent pas répondre à une définition grammaticale du récit.

Les analyses structurales ont jeté les bases de la narratologie en identifiant un schéma canonique de la structure narrative - partant d’une situation initiale pour aboutir à une situation finale173 - et un schéma actantiel - caractérisant le système de relations entre personnages. Jean-Michel Adam avait proposé l’étude de séquences textuelles prototypiques dont celle du récit. Il identifie des éléments permettant de reconnaître une « séquence narrative » que sont la succession temporelle d’actions, l’intervention d’une transformation et une mise en intrigue :

« Un certain nombre de critères incitent à reconnaître un « air de famille » commun à des formes narratives sémiolinguistiquement aussi diverses que des contes, films, bandes dessinées, romans, histoires drôles, récits de rêves, fables ou paraboles […] disons que pour qu’il y ait récit, il faut d’abord la représentation d’une succession temporelle d’actions, il faut ensuite qu’une transformation plus ou moins importante de certaines propriétés initiales des actants soit réalisée ou échoue,

       

173 Selon Roger Odin, les principaux théoriciens du récit que sont Claude Bremond (1973), Gérard Genette (1972, 1983), Tzetan Todorov (1987), A.Julien Greimas ([1966], [1970]), Philippe Hamon (1981), s’accordent sur le fait que le récit reposerait sur : « une opération de mise en succession et une opération de transformation, ou du moins une tentative de transformation (il n’est pas nécessaire que la transformation aboutisse). » (Odin, 2000 : 26).

il faut enfin qu’une mise en intrigue structure et donne sens à cette succession d’actions et d’événements dans le temps. La réalisation de cette dernière condition permet de ne pas confondre un récit proprement dit et une simple description ou relation d’actions ou le portrait d’un personnage par ses actes. » (Adam in Charaudeau, Maingueneau, 2002 : 484)

La notion d’intrigue est tenue pour fondamentale à tout récit (Ricoeur, 1983) et pour qu’elle s’incarne cette dernière a besoin d’éléments descriptifs. Elle est l’élément à l’origine de la tension entre des événements qui se nouent, se dénouent et s’organisent à partir d’une situation initiale, d’un milieu et d’une fin :

« Raconter, c’est construire une intrigue, c’est-à-dire mettre dans un certain ordre textuel (racontant) la suite des évènements et des actions qui constitue l’histoire racontée. On trouve dès Aristote une définition de l’intrigue centrée binairement sur le couple nouement/dénouement (propre à la structure de la tragédie) et sur une idée de l’unité de l’action structurée ternairement en commencement, milieu et fin. Les théoriciens classiques font correspondre au commencement un prologue-exposition, au milieu un nœud et à la fin un dénouement. L’intrigue prend alors la forme d’une structure de base. » (Adam in Charaudeau, Maingueneau, 2002 : 486)

Cette tension est source d’émotions car elle n’existe que si elle est ressentie par le destinataire. Traditionnellement, elle reposerait sur un gain ou une perte entre le début et la fin de l’histoire. La cohérence générale de l’histoire et la logique interne au récit participent à ce que l’intrigue face sens174.

Cependant, ces analyses dites « structurales » ne conviennent pas à l’approche communicationnelle que je souhaite développer ici. Le lecteur et la relation qu’il crée au récit sont des éléments importants à traiter dans une situation de médiation des savoirs par la fiction. La prise en compte de l’implication communicationnelle attendue chez un « lecteur idéal » sera donc au cœur du présent développement (Eco, op.cit.). Tout texte - et par la même, toute médiation - devient ainsi une « œuvre ouverte », dans laquelle l’auteur laisserait des blancs volontairement, devant être complétés par l’interprétation du lecteur. De la sorte, le texte fonctionnerait comme une « machine paresseuse » en attente de la « coopération interprétative » du lecteur (Ibid) :

« Le texte est donc un tissu d’espaces blancs, d’interstices à remplir, et celui qui l’a émis prévoyait qu’ils seraient remplis et les a laissés en blanc pour deux raisons. D’abord parce qu’un texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le destinataire […]. Ensuite, parce qu’au fur et à mesure qu’il passe de la fonction didactique à la fonction esthétique, un texte veut laisser au lecteur l’initiative interprétative,

       

174 « Histoire complète et cohérente, ayant commencement, milieu et fin. La mise en intrigue consiste principalement dans la sélection et dans l’arrangement des événements et des actions racontées pour produire un tel récit. » (Le sens du récit, Sciences Humaines, 1996)

même si en général il désire être interprété avec une marge suffisante d’univocité. Un texte veut que quelqu’un l’aide à fonctionner. » (Eco, op.cit. : 67)

Philippe Marion s’est intéressé à l’extension du phénomène narratif dans les territoires médiatiques (Marion, 1997) et à la reconnaissance que nous faisons quotidiennement de ferments narratifs dans des objets circulants tels que des photographies de presse.

De fait, l’identification d’une structure canonique du récit ne fonctionne pas dans l’analyse communicationnelle des médiations dans la mesure où la narration est au service d’une circulation de savoirs et d’une participation attendue des enfants. Par exemple, l’intrigue ne se noue pas autour de la présence de personnages opposants mais autour d’une mission à accomplir pour le jeune visiteur - souvent présentée sous la forme d’une énigme. De même, la traditionnelle succession d’événements ou de péripéties rencontrées par le personnage serait davantage liée aux opérations successives nécessaires à sa résolution - questions,exercices. Les principaux obstacles narratifs résident de la même façon dans les difficultés, plus ou moins grandes, que les jeunes ressentiront à accomplir ces actions. Enfin, la transformation narrative est associée à la réussite ou au contraire à l’échec de cette mission - le gain ou la perte. Le narratif n’est donc pas le seul mode opérant : il y a à l’évidence un enchâssement entre plusieurs modes d’organisation de discours - narratif, explicatif, descriptif et injonctif.

La singularité des récits identifiés dans ces dispositifs réside avant tout dans la fonction de médiation culturelle qu’ils assurent. Pensés pour favoriser l’accès à un référent - le monument et son histoire, ces récits mobilisent un entrelacs de trames narratives :

- une première trame liée à l’histoire du lieu et aux savoirs - à sa valeur historique , - une seconde trame liée à la fiction imaginaire – principalement à sa valeur d’ancienneté, - une troisième trame liée à la fonction de médiation - autrement dit, il s’agit d’une trame

plus générale faisant cohabiter les deux précédentes dans le but de vulgariser des savoirs. Cet entrelacs narratif pose des questions sur la fictionnalisation de l’histoire telle qu’elle prendrait forme dans un roman historique. Ces dispositifs de médiation partagent avec ce genre littéraire le fait d’avoir des éléments d’un monde réel - référentiel - qui servent de base à l’univers fictionnel. À ce sujet, rappelons-nous qu’en partant du cas de la biographie de Marbot de Hildesheimer, Jean-Marie Schaeffer évoque parmi les moyens déployés par l’auteur pour rendre maximale la force de la fiction, la contamination de l’univers historique – référentiel - par l’univers fictionnel (cf. Chapitre premier ; [Schaeffer, op.cit. ; 133]). Malgré lui, Hildesheimer avait joué avec le « cadre

pragmatique de la fiction » en faisant passer pour réelle une biographie fictive et montée de toutes pièces auprès d’un public pourtant averti - composé de critiques littéraires. Dans le cas des médiations étudiées ici, l’intention est différente. Aucun leurre du cadre pragmatique de la fiction n’est recherché. En effet, les concepteurs cherchent avant tout un moyen de rendre accessible un univers historique matérialisé par un lieu, une trace tangible - le monument. Pour ce faire, ils simulent un univers historique dans la fiction - personnages historiques ou historicisés. La contamination entre les deux univers a bien lieu grâce à la trame narrative de la médiation.

Les deux premières trames ne présentent pas les mêmes caractéristiques. La première concerne les savoirs historiques sur le lieu, elle est conforme à un récit historique. Par exemple, ce dernier obéit à une chronologie contrainte dans laquelle l’ordre des événements ne peut être transformé. Les éléments narratifs sont figés par une histoire réelle passée :

Henri Plantagenêt est l’arrière-petit-fils de Foulques IV. Il se marie en 1152 à Aliénor d’Aquitaine qui lui apporte en héritage son duché […] Le pouvoir d’Henri continue de grandir jusqu’en 1154, date à laquelle il reçoit également de sa mère le trône d’Angleterre et devient Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre. (Qu’est-ce qu’être archéologue dans une forteresse ? Livret de visite - Forteresse royale de Chinon : 8)

Durant l’été 1692, le duc Victor-Amédée II de Savoie et ses troupes envahissent la vallée de la Durance. Le duc a pour ambition de s’emparer de la province du Dauphiné qui appartient au royaume de France. (Les soldats du roi - Dossier élève - Place forte de Mont-Dauphin : 2)

Le présent de narration convient aux vérités historiques attestées par des autorités scientifiques - historiens - et ne pouvant être modifiées. Au départ de l’intrigue, il y a ainsi une existence avérée. Louis XIV, Christophe Colomb, la Bastille, les grottes de Lascaux ont bien existé ou existent encore, cela n’est pas à remettre en cause. Cette dimension historique du récit le dissocie du récit de fiction. Le cadre spatiotemporel est rigide car dépendant d’actions réelles passées. Pour donner sens à ces événements, le récit historique doit ensuite recourir à l’imagination.

Cependant, l’histoire est, par nature, récit et même en partie fiction, car elle synthétise en quelques - livres, articles - des siècles d’histoire, des multitudes d’événements dont une partie infime seulement est mis en lumière dans ces documents, en cela qu’ils sont considérés comme les plus représentatifs d’une époque et d’une histoire culturelle. Si des différences sont souvent reconnues entre récit historique et récit fictionnel, l’histoire passée relatée aujourd’hui sous la forme de vérités reste le fruit d’un récit interprétatif constitué à partir de preuves et d’un esprit de synthèse scientifique – historien -, du reste, Paul Veyne l’exprimait ainsi :

« L’histoire est récit d’événements : tout le reste en découle. Puisqu’elle est d’emblée un récit, elle ne fait pas revivre, non plus que le roman ; le vécu tel qu’il ressort des mains de l’historien n’est pas celui des acteurs ; c’est une narration, ce qui permet d’éliminer certains faux problèmes. Comme le roman, l’histoire trie, simplifie, organise, fait tenir un siècle en une page et cette synthèse de récit est non moins spontanée que celle de notre mémoire, quand nous évoquons les dix dernières années que nous avons vécues. » (Veyne, op.cit.: 14)

L’histoire est ainsi récit et fiction, et, s’il y a bien une mise en intrigue dans cette trame historique, celle-ci prend une forme différente de celle du récit de fiction car elle répond à une problématisation. La tension dramatique repose sur la teneur de ces événements historiques relatés - conflits, pouvoir, religion, etc. -, la relation qu’ils ont entre eux - cause, conséquence, etc. - et le rôle tenu par les personnages historiques dans ces événements.

En revanche, l’intrigue de la trame fictionnelle devient l’opérateur essentiel dans l’énonciation pour capter et maintenir l’attention de ces jeunes. La fiction constitue donc la partie surajoutée à l’histoire, en témoignent les titres donnés à certains dispositifs particulièrement éloquents : - Raconte-moi les chemins de Saint-Jacques, Dans les pas de James à Bordeaux… (Rallye-découverte, Villes et Pays d’art et d’histoire - Bordeaux),

- Chut ! Écoute bien, les pierres de Glanum parlent ! (Livret de visite, Monument jeu d’enfant 2012 - Site archéologique de Glanum, St-Rémy de Provence).

Dans les dispositifs d’aide à l’interprétation comme les livrets ou les audioguides, un personnage guide est la plupart du temps intégré pour endosser le rôle de guide accompagnateur le temps d’une visite. Le rôle de ce héros est fondamental dans l’immersion fictionnelle recherchée. D’ailleurs, l’héroïsation est un opérateur central dans l’ensemble des fictions enfantines. Or, la forme singulière qu’elle prend montre qu’elle peut concerner des fictions non littéraires. À ce sujet, deux cas de figures sont rencontrés :

- les personnages fictifs c’est-à-dire totalement inventés par les concepteurs-réalisateurs, par exemple, le cas du personnage de James de la ville de Bordeaux ou encore Camille Lapierre de la forteresse de Chinon. Ils peuvent également être fictifs et historicisés

comme Lucius, jeune de Vaison-la-Romaine 175 ;

       

175 Certains personnages sont accompagnés d’un petit personnage « mascotte » comme Lucius et son amie Perdrix. Cette amitié entre un personnage et un petit animal est récurrente dans les fictions disneyennes notamment.

- les personnages historiques et fictionnalisés c’est-à-dire ayant réellement existé et étant animés par les médiateurs pour les besoins de la narration du dispositif, par exemple, le cas du général Romain de Glanum, ou Napoléon Louis Jean Joseph du château de Compiègne.

Dans ces récits fictionnels, les personnages jouent le rôle d’un puissant vecteur d’immersion. Cependant, ils sont en nombre restreint. La plupart du temps, il n’y a d’ailleurs qu’un seul personnage - figure du héros. Aussi, le schéma actanciel qui définit habituellement les relations entre les personnages d’un récit - principalement réparties entre les rôles d’adjuvant et d’opposant - ne semble pas opérer ici176. Dans ce cas précis, le personnage a pour rôle d’entrer en relation avec l’enfant-visiteur, de devenir son guide le temps d’une visite. Il est ainsi l’avatar du médiateur. S’il y a un schéma actanciel, il déborde du texte prévu dans le dispositif et s’inscrit aussi dans la situation textualisée. Il est attendu que l’enfant participe pleinement à la narrativité en apportant des éléments de réponse177. Pour ce faire, le personnage-guide revêt un rôle énonciatif plus que narratif et l’implication communicationnelle des enfants dépasse celle de la simple coopération interprétative (Eco, op.cit.).

Quelles sont les indices consciemment laissés par les médiateurs pour guider l’interprétation des jeunes ? Dans cet entrelacs de trames narratives, plusieurs éléments guident l’interprétation des enfants : l’énonciation et le cadre pragmatique de la fiction, et, le voyage dans le temps par la magie et l’imaginaire.

L’énonciation constitue une des questions fondamentales de ce travail. Le travail sémiotique mené dans ces deux premiers chapitres de résultats s’attache à repérer les marques énonciatives parfois les plus implicites. La notion d’énonciation prend dans cette recherche un sens différent de celui qu’on lui connaît habituellement en sciences du langage178. Je mobiliserai ainsi l’« énonciation éditoriale » développée par Emmanuel Souchier 179.. Les dispositifs d’interprétation

       

176 Vladimir Propp avait proposé une analyse structurale du système de personnages dans les contes (Propp, 1970 [1928]).

177 De la même façon, les enfants-lecteurs participaient à la narrativité des livres-jeux - gamebook - de la série de livres à grand succès : « Un livre dont vous êtes le héros » dans les années 80 (Gallimard).

178 À savoir celui d’une « mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation » (Benveniste in Charaudeau, Maingueneau (dir.) 2002 : 228)

179 « Le concept d’énonciation éditoriale renvoie [donc] à l’élaboration plurielle de l’objet textuel. Il annonce une théorie de l’énonciation polyphonique du texte produite ou proférée par toute instance susceptible d’intervenir dans la conception, la réalisation ou la production du livre, et plus généralement de l’écrit. Au-delà, il intéresse tout

- que sont les livrets et audioguides par exemple - seront étudiés comme des objets ayant été anticipés, façonnés, écrits, puis réécrits pour être rendus visibles aux enfants. Aussi, l’énonciation est multiple, il n’y a pas un, mais des médiateurs derrière ces dispositifs - le médiateur culturel, le graphiste, l’informaticien, l’ingénieur-technicien, le webmaster, le professeur, etc. Il y a donc une polyphonie énonciative. Dans cette optique, toute marque de l’énonciation éditoriale a de l’importance, qu’elle soit rendue visible ou au contraire cachée, insolite ou banale, elle constitue autant de :

« données constitutives de l’objet (de sa matérialité, « éléments observables qui, non contents d’accompagner le texte, le font exister. […] Élaborées par des générations de praticiens dont le métier consistait à « donner à lire », elles sont la trace historique de pratiques, règles et coutumes. » (Souchier, 1998)

Ces marques participent de l’immersion attendue et de l’identification du cadre pragmatique de la fiction. Elles ont la spécificité de faire fonctionner récit historique et récit fictionnel conjointement, en devenant les marques de la troisième trame narrative : celle de la médiation des savoirs. L’enfance étant la période des croyances fictionnelles - le Père Noël, la petite souris, etc. , l’une des fonctions de l’énonciation est d’aider les enfants à interpréter ce récit dans un contexte de visite. Elle est censée permettre aux enfants de ne pas tout prendre pour argent comptant - bien qu’il n’y ait évidement aucune conséquence désastreuse à ce que les enfants croient par exemple, que Lucius est un jeune romain ayant vraiment existé.

La trame narrative historique montre peu ou pas d’interventions du locuteur (cf. Extraits ci-dessus). En revanche, le personnage-guide de la trame fictionnelle interpelle directement les jeunes visiteurs :

- À ton avis, de quelle période date la construction de la forteresse ? […] Je t’ai préparé un petit quiz pour te permettre de mieux connaître l’histoire de Jeanne d’Arc, cette héroïne qui a vraiment existé ! (Qu’est-ce qu’être archéologue dans une forteresse ? Livret de visite - Forteresse royale de Chinon, : 2 ; 12)

       

support associant texte, image et son, notamment les écrans informatiques - étant entendu que tout texte est vu aussi bien que lu. (Souchier, op.cit.) ».

Dans ce court extrait, il y a eu un changement de pronoms énonciatifs de la troisième à la première et deuxième personne. Autrement dit, il y a un passage d’un texte non embrayé180

utilisé pour relater les savoirs historiques à un texte embrayé pour la trame fictionnelle et médiationnelle. Le texte non embrayé, habituellement associé au récit, est donc continuellement remis en cause dans cet entrelacs de trames narratives et de modes d’organisation de discours. Philippe Marion exprime cette même idée de la sorte :

« Il me paraît important, cependant de ne pas cantonner le récit dans la seule forme de l’énonciation de type…récit (histoire) et d’admettre notamment que certaines narrations – et particulièrement certaines formes ambigües de narrations médiatiques – ont recours à des modes discursifs d’énonciation. C’est souvent le cas lorsque le présentateur d’un journal télévisé nous interpelle pour nous raconter l’actualité. Ou lorsqu’un éditorialiste nous prend à partie, avec force déictiques, pour reconfigurer pour nous (avec nous…) le sens des événements de l’actualité. » (Marion, 1997 : 63)181

L’analyse de la dimension injonctive des dispositifs montrera que les déictiques sont en nombre car ces récits sont ancrés dans un déplacement physique au gré d’un parcours de visite. De plus, dans l’extrait ci-dessus, le personnage guide, Camille Lapierre, livre une explicitation des trames aux enfants en précisant, par exemple, que Jeanne d’Arc est « une héroïne qui a vraiment existé ». Dans ces médiations, les enfants sont sollicités pour intervenir dans l’intrigue fictionnelle