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Mise en ordre des paires photo-excitées et relaxation de l’état métastable

PROPRIÉTÉS PHOTO-MAGNÉTIQUES

I. Caractérisation de l’interface cœur/coquille

II.1. Propriétés photo-magnétiques des particules de RbCoFe

II.1.2. Caractérisation de l’état métastable

II.2.2.2. Mise en ordre des paires photo-excitées et relaxation de l’état métastable

La Figure V-18 présente les aimantations Field Cooled enregistrées sous 100 G, pour l’échantillon RbCoFe@RbNiCr_25, avant et après irradiation pendant 30 min à 35 K. On

observe qu’en dessous de 21 K, l’aimantation de l’état photo-excité est inférieure à celle de l’échantillon avant irradiation, puis devient supérieure pour des températures au-delà de 21 K. Cette diminution de l’aimantation en dessous de 21 K pourrait être expliquée sur la base d’un couplage d’échange entre les couches RbCoFe et RbNiCr à l’interface. Il est cependant difficile

de se prononcer sur l’existence d’un tel couplage ainsi que sur la variation d’aimantation associée sans une étude approfondie des valeurs de constante d’échange entre métaux à l’interface, ces valeurs étant susceptibles d’être modifiées par rapport à celles déterminées dans la littérature pour des phases volumiques.[8-10] Les deux courbes FC se rejoignent finalement autour de 62 K, à l’approche de la transition ferro-paramagnétique pour la phase RbNiCr. Celle-

ci n’est pas modifiée et vaut 70,0 K lorsqu’elle est évaluée sous 100 G. La valeur de l’aimantation, plus importante entre 21 et 62 K après irradiation, traduit à nouveau des effets photo-magnétiques relatifs à la phase RbNiCr.

La mise en ordre des paires photo-excitées CoII-FeIII pour le composé RbCoFe est censée

intervenir en dessous de 17,5 K. Cette valeur dépend bien sûr de la fraction de paires CoII-FeIII créées sous irradiation.[5] Cette signature des paires magnétiques CoII-FeIII créées n’est pas directement visible sur la courbe FC de l’état photo-excité pour l’échantillon

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 0 5 10 15 20 25 30 35 40 14,0 14,5 15,0 15,5 16,0 16,5 M ( e m u /g ) Température (K)

état non photo-excité état photo-excité M ( e m u /g ) Température (K)

Figure V-18 : Aimantations Field Cooled mesurées sous 100 Gauss pour l’échantillon RbCoFe@RbNiCr_25,

avant et après irradiation à 35 K. En encart, zoom dans la gamme 0-40 K.

Pour l’échantillon RbCoFe@RbNiCr_25, la majeure partie du signal magnétique vient de la

contribution de la phase ferromagnétique RbNiCr, dont la fraction volumique est 8 fois plus

grande que celle des particules de RbCoFe. Nous avons donc cherché à vérifier si la signature de

la transition ferri-paramagnétique des paires CoII-FeIII créées sous lumière devait être mesurable. Sur la Figure V-19, les courbes FC sous 100 G des états avant et après irradiation sont comparées à une courbe FC calculée correspondant à un nombre de paires converties comparable à celui mesuré pour la phase « cœur » (données expérimentales obtenues pour l’échantillon

RbCoFe). Rappelons que ce taux de conversion ne reflète pas un état homogène, mais

probablement une couche photo-excitée avec la totalité des paires actives transformées et une couche non photo-excitée ou relaxée. En faisant l’hypothèse que les moments majoritaires des phases RbNiCr et RbCoFe sont alignés et de même sens que le champ magnétique externe, la

0 5 10 15 20 25 30 35 40 1,25x10-3 1,30x10-3 1,35x10-3 1,40x10-3 1,45x10-3 1,50x10-3 m ( e m u ) Température (K)

état non photo-excité (expérimental) état photo-excité (expérimental) état photo-excité (calculé)

Figure V-19 : Aimantations Field Cooled mesurées sous 100 gauss pour l’échantillon RbCoFe@RbNiCr_25 :

avant et après irradiation (respectivement en noir et en bleu) à 35 K, ainsi que la courbe calculée correspondant à un taux d’environ 35% de paires CoIII-FeII converties (en rouge).

Il semblerait que le nombre de paires photo-excitées CoII-FeIII soit bien plus faible qu’escompté, ne permettant pas l’apparition d’un ordre magnétique. Ceci est conforté par la courbe de première aimantation enregistrée à 10 K après irradiation à 35 K, qui est quasiment superposable à celle de l’état relaxé (cf. Figure V-20(b)). Cette hypothèse serait en accord avec une diminution de la température de retour thermique pour des particules RbCoFe confinées dans une coquille,

comme suggéré par les expériences de photo-cristallographie réalisées au LCRMM à Nancy et par l’importante relaxation observée à 35 K une fois l’irradiation stoppée (Figure V-17). Goujon et al. ont établi le diagramme de dilution magnétique pour l’analogue Rb0,52Co[Fe(CN)6]0,84 . 2,3H2O de composition proche ; il montre que la mise en ordre intervient

pour un seuil critique de 10 à 15% de paires CoII-FeIII.[12] Dans notre cas, l’absence d’ordre magnétique indiquerait que la fraction de paires CoII-FeIII est inférieure à cette valeur seuil. Des essais d’irradiation à 10 K ont montré la possibilité d’un gain d’aimantation beaucoup plus important que celui observé sur la Figure V-17, et donnant lieu cette fois à une mise en ordre des paires CoII-FeIII. La mise en évidence de celle-ci nécessite toutefois un recuit à 35 K pour sortir de l’état dit « brut de lumière » (Figure V-20(a)). La courbe de première aimantation correspondante, enregistrée à 10 K après recuit rapide à 35 K, est donnée en Figure V-20(b). Cette fois, un gain net d’aimantation est observé à champ fort, comparativement au cas de l’irradiation à 35 K. Ceci suggère donc que pour des expériences d’irradiation réalisées à 35 K, la compétition entre photo-excitation et relaxation conduit à la conversion d’un nombre trop réduit de paires CoIII-FeII en paires CoII-FeIII. La photo-excitation est plus efficace à 10 K, même si le recuit rapide à 35 K a dû faire relaxer une partie des paires créées. Elle conduit alors à un changement de 3,5% de l’aimantation du composé RbNiCr. Le faible gain d’aimantation de

0,5% après irradiation à 35 K serait donc principalement dû à une trop faible fraction de paires converties.

0 10 20 30 40 50 60 1,26x10-3 1,28x10-3 1,30x10-3 1,32x10-3 1,34x10-3 1,36x10-3 0 5 10 15 20 25 30 35 0,001302 0,001304 0,001306 0,001308 0,001310 m ( e m u) Temps (min) OFF ON recuit à 35 K T= 10 K T= 10 K m ( e m u ) Temps (min) 0 5000 10000 15000 20000 25000 30000 35000 40000 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 M ( e m u /g ) µ0H (gauss) état relaxé

état photo-excité, après irradiation à 10 K état photo-excité, après irradiation à 35 K

Figure V-20 : Pour l’échantillon RbCoFe@RbNiCr_25 : (a) suivi de l’aimantation au cours d’une irradiation à

10 K (λ= 643 nm, P= 20 mW/cm²) et sous 100 Gauss, suivie d’un recuit rapide à 35 K puis retour à 10 K, avec en encart un zoom dans la gamme 0-40 min. (b) courbes de première aimantation enregistrées à 10 K pour les états photo-excité après irradiation à 10 K et recuit rapide à 35 K, photo-excité après irradiation à 35 K, et relaxé après un recuit thermique à 150 K.

Les mesures photo-magnétiques réalisées sur l’échantillon RbCoFe@RbNiCr_25

sous irradiation dans le rouge ont montré la possibilité d’une modulation des propriétés de la phase ferromagnétique RbNiCr. Elle se traduit par une augmentation

de 0,5% de l’aimantation du composé sans modification de la valeur de la température de Curie. Néanmoins, pour ces expériences réalisées à 35 K, le taux de conversion des paires CoIII-FeII s’est avéré faible, inférieur à 10-15%, ce qui pourrait expliquer l’absence d’effets magnéto-strictifs plus importants. Une étude réalisée par Zentková et al. a mis en évidence une diminution de l’aimantation à saturation du composé Ni[Cr(CN)6]0,67 . 4H2O lors de l’application d’une pression

hydrostatique.[23] L’augmentation de l’aimantation observée ici après irradiation va dans le sens d’une relaxation des contraintes dans la phase RbNiCr, celles-ci ayant

probablement été générées par le fort désaccord de paramètres de maille entre les phases RbCoFe et RbNiCr. La température de relaxation de l’état photo-excité est

abaissée dans les hétérostructures par rapport à l’échantillon RbCoFe, suggérant soit

un effet de confinement analogue au cas d’une pression hydrostatique, soit une « rétroaction » du couplage élastique, les deux phases étant si fortement couplées que l’expansion de la phase RbCoFe est alors limitée par la compressibilité de la

coquille. Par ailleurs, la relaxation structurale qui intervient dès les premières monocouches de coquille pourrait limiter la propagation des contraintes dans la couche magnétique. La présence de nombreux défauts étendus, mis en évidence via l’analyse des largeurs de raie, pourrait également dissiper une partie de ces contraintes.