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II. Hétérostructures photo-magnétiques associant un composé piézomagnétique et un composé photo-strictif

II.2. Quels composés photo-strictif et piézomagnétique associer ?

II.2.2. Choix de la phase magnétique (PM)

Pour des applications en tant que mémoire moléculaire fonctionnant à température ambiante et au-delà, les dérivés magnétiques à haut TC tels que les analogues à base de vanadium et de

chrome, KV[Cr(CN)6] . 2H2O et V[Cr(CN)6]0,86 . 2,8H2O, dont les températures de Curie sont de

376 K[64] et 315 K[65], semblent les plus appropriés. S’il est peu probable que les contraintes induites par la déformation de la phase PS* soient suffisantes pour changer la valeur du moment magnétique porté par les différents ions, une modification de la force des interactions magnétiques est attendue. Pour un composé de formule générique AxM[M’(CN)6]y . zH2O, deux

cas sont à distinguer :

• les enchaînements M-N≡C-M’ sont initialement coudés. Sous éclairement, les contraintes par dilatation vont conduire à un éloignement des centres M et M’ et à la linéarisation du pont. Il devrait s’ensuivre un renforcement des interactions magnétiques (couplage de super-échange via les ponts µ-CN), avec augmentation de la température critique, TC et de

l’aimantation spontanée,

• les enchaînements M-C≡N-M’ sont linéaires. La dilatation de la phase PM devrait conduire cette fois à un affaiblissement des interactions magnétiques, avec diminution de

TC et de l’aimantation spontanée.

Bien évidemment, ces tendances ne seront observées que si les interactions dominantes font intervenir un recouvrement entre les orbitales des ions métalliques et du ligand CN. D’autres

types de changement pourraient néanmoins intervenir comme une modification du champ coercitif, du fait de défauts accumulés sous contraintes ou bien d’une modification de l’anisotropie magnétique induite par une distorsion quadratique de la structure sous l’effet de contraintes biaxiales dans l’hétérostructure.

Dans tous les cas, on s’attend à ce que les modifications des propriétés magnétiques soient plus importantes au voisinage du point de Curie. Pour faciliter la détection d’un effet de couplage dans l’hétérostructure, il faut donc que la température de mise en ordre de la phase PM soit inférieure à la température de relaxation de la phase photo-strictive de façon à ce que les contraintes appliquées via la déformation de la phase PS persistent au voisinage de TC. La

principale limitation viendra donc du composé photo-actif et du domaine de température où la photo-striction intervient, soit 110 K pour le composé Rb0,5Co[Fe(CN)6]0,8 . zH2O sélectionné

précédemment.

Un second pré-requis est que la réponse piézomagnétique de la phase magnétique soit importante de façon à ce que les effets photo-magnétiques résultants soient mesurables. Une analyse de la littérature montre que les mesures piézomagnétiques relatives aux analogues du Bleu de Prusse sont rares.[66-70] Pour les analogues fer-chrome, la principale limitation vient à nouveau de l’isomérisation du pont CN, qui peut être induite sous pression hydrostatique[66] et ne plus être réversible après application prolongée de pressions supérieures à 0,9 GPa.

Une étude détaillée menée par Zentková et al.[68] compare le comportement magnétique sous pression hydrostatique d’analogues MnII[CrIII(CN)6]0,67 . 4H2O et NiII[CrIII(CN)6]0,67 . 4H2O de

structure cubique. La diminution de la température de mise en ordre est remarquable pour le composé MnII[CrIII(CN)6]0,67 . 4H2O avec une variation relative TC/ P de +25,5 K.GPa-1

(Figure I-14(a)), qui est le coefficient le plus élevé rapporté dans la littérature. Des coefficients de 11 et 15 K.GPa-1 avaient été obtenus précédemment pour des composés ferrimagnétiques de

structure proche, respectivement MnII[MnIII(CN)6]0,67 . 4H2O et

[MnII(en)][CrIII(CN)6]0,67 . 1,3H2O (en : ethylènediamine).[69, 70] L’analyse fine de la modification

des propriétés magnétiques sous pression est rendue difficile par le caractère verre de spin de ces composés qui résulte de la présence d’un désordre intrinsèque associé à la présence de lacunes sur le sous-réseau métallocyanure et d’éventuelles rotations de ces polyèdres. Pour le composé MnII[CrIII(CN)6]0,67 . 4H2O, l’augmentation de TC sous pression hydrostatique a été analysée sur

la base d’une augmentation du recouvrement entre les orbitales moléculaires dπ(Cr

III

) et π*(CN-) et de celui de dπ(Mn

II

) et π*(CN-) du fait de la contraction de la maille. Le même raisonnement a été invoqué pour les deux autres composés à base de Mn.[69, 70] Il en résulte un renforcement des interactions magnétiques qui se manifeste par un déplacement de la température critique. Dans le cas de l’analogue NiII[CrIII(CN)6]0,67 . 4H2O, de tout autres effets sont observés. Le coefficient

TC/ P est bien plus faible, -3,0 K.GPa-1, et de signe négatif (Figure I-14(b)). Les auteurs notent

attribuée au fait que les interactions magnétiques dominantes sont cette fois ferromagnétiques et résultent du couplage entre les niveaux eg de NiII et les niveaux t2g d’un ion CrIII voisin,

partiellement occupés et pour lesquels le recouvrement orbitalaire est nul. Par contre, l’aimantation mesurée à 8 K et sous 5 tesla est cette fois réduite sous pression, ce que Zentková

et al. associent à une augmentation de l’angle de rotation des polyèdres de coordination

[Cr(CN)6] et [NiN6], conduisant à une désorientation des moments magnétiques atomiques

portés par les axes de ces polyèdres. Il en va de même pour l’aimantation mesurée sous 50 Oe en mode Field Cooled, avec une diminution de près de 50% sous 0,8 GPa, qui semble attribuable à une forte modification de la forme des cycles d’hystérésis.

(a) (b)

(a) (b)

Figure I-14 : Courbes d’aimantation mesurées sous différentes pressions hydrostatiques, après refroidissement en

champ nul (ZFC) et sous 50 Oe (FC) pour les composés Mn[Cr(CN)6]0,67 . 4H2O (a) et Ni[Cr(CN)6]0,67 . 4H2O (b),

d’après Zentková et al..[68] TC est ici évalué à partir du point d’inflexion de la courbe M(T) en mode FC.

Pour le dérivé Ni[Cr(CN)6]0,67 . 4H2O, la réponse piézomagnétique résulterait

principalement d’effets de rotation des polyèdres [NiN6] et [Cr(CN)6]. Bien qu’elle

soit plus faible que celle des phases ferrimagnétiques Mn[Mn(CN)6]0,67 . 4H2O et

Mn[Cr(CN)6]0,67 . 4H2O, nous avons sélectionné un analogue nickel-chrome pour la

phase magnétique. Même s’ils ne sont pas le pendant direct des effets de pression biaxiale attendus dans les hétérostructures, les résultats de Zentková et al. montrent que les changements porteront essentiellement sur les valeurs de l’aimantation et la modification de la forme des cycles d’hystérésis. Les méthodologies présentées dans la suite de ce mémoire sont toutefois générales et transposables à d’autres systèmes photo-strictif/piézomagnétique.

Du fait de leur structure zéolitique, les composés analogues du Bleu de Prusse sont connus pour leur capacité à échanger les ions alcalins qui en fait des matériaux de choix pour la décorporation

du 137Cs.[71] Ayant fait le choix du composé Rb0,5Co[Fe(CN)6]0,8 . zH2O pour la phase PS, nous

avons sélectionné l’analogue Rb0,2Ni[Cr(CN)6]0,7 . z’H2O pour la phase PM. Sa température de

mise en ordre est estimée à 70 K,[42] i.e. bien inférieure à la température de retour de la phase photo-strictive.