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PROPRIÉTÉS PHOTO-MAGNÉTIQUES

I. Caractérisation de l’interface cœur/coquille

II.1. Propriétés photo-magnétiques des particules de RbCoFe

II.2.3. Analyse et discussion des résultats

Outre la maîtrise de la composition chimique de la coquille, une des contraintes que nous nous étions fixées était une croissance en hétéro-épitaxie. Pour les particules primaires constituant le « cœur », le paramètre de maille entre la phase à l'équilibre à basse température et la phase générée sous irradiation dans le rouge varie approximativement de 9,96 à 10,30 Å.[13] Celui de la phase Rb0,2Ni[Cr(CN)6]0,7 . zH2O est de 10,48 Å ; un cas idéal aurait donc été de former une

coquille en épitaxie contrainte sur toute son épaisseur avec un paramètre de maille réduit. Dans ces conditions, l’irradiation aurait conduit au relâchement d’une partie des contraintes imposées par les particules primaires et une modification plus importante des propriétés magnétiques de la phase « coquille » aurait été attendue. Dans le cas présent, si les mesures de microscopie électronique en transmission ont confirmé le caractère épitaxial de la reprise de croissance, une relaxation structurale intervient dès les premières monocouches de coquille. Rappelons que la variation de volume de maille de près de 10 % rapportée pour différents analogues du Bleu de Prusse sous irradiation est rendue possible par la grande flexibilité du réseau cyanométallate. Si cette propriété devait permettre la propagation des déformations loin de la zone de contrainte, nous observons ici qu’elle conduit également à une relaxation du paramètre de maille au voisinage direct de l’interface. Cet aspect pourrait limiter les effets de couplage attendus, sauf peut-être à diminuer très fortement l’épaisseur de la coquille.

Plusieurs publications des équipes de D. Talham et M. Meisel de l’Université de Floride parues depuis 2010 mentionnent la possibilité d’un couplage mécanique entre des composés photo-strictif et piézomagnétique analogues du Bleu de Prusse, à la fois dans des multicouches et des particules cœur-coquille, avec des variations significatives de l’aimantation sous éclairement, de 15 à 20% pour les systèmes optimisés.[22, 24-26] Ces résultats ne sont pas remis en cause par nos propres expériences. Néanmoins, leur compréhension nécessiterait des caractérisations complémentaires, relatives aux modifications structurales notamment. Dans leur cas, la phase photo-strictive est l’hexacyanoferrate de cobalt Rb0,2Co[Fe(CN)6]0,8 . zH2O. Lors de l’élaboration

à température ambiante, c’est une phase de grand paramètre de maille (10,26 Å) qui est formée, qui doit donc contenir une majorité de paires CoII-FeIII et peu de paires CoIII-FeII photo-actives. Elle présente alors un désaccord de paramètre de maille de moins de 2% avec la phase piézomagnétique K0,8Ni[Cr(CN)6]0,7 . xH2O (10,42 Å)[26] ou Rb0,2Ni[Cr(CN)6]0,7 . yH2O[25] de

composition chimique similaire à celle décrite dans ce manuscrit. Après irradiation à 40 K du composé cœur-coquille Rb0,2Co[Fe(CN)6]0,8 . zH2O@K0,8Ni[Cr(CN)6]0,7 . xH2O, les valeurs de

susceptibilité magnétique de la courbe Field Cooled sont inférieures de 15 à 20% à celles enregistrées avant éclairement (cf. Figure V-21). On note également la mise en ordre ferrimagnétique vers 20 K des paires CoII-FeIII créées sous éclairement. Par ailleurs, la température de relaxation des systèmes PS@PM élaborés par ces équipes n’est pas modifiée, et

vaut toujours 120 K environ[22] comme pour les systèmes monophasés, contrairement à ce qui a été observé dans le cadre de ce travail.

Figure V-21 : Courbes de susceptibilité magnétique, χ enregistrées en mode FC pour le composé

Rb0,2Co[Fe(CN)6]0,8 . zH2O@K0,8Ni[Cr(CN)6]0,7 . xH2O avant (« dark ») et après (« light ») irradiation à 40 K

pendant 11h (source de lumière blanche, 2 mW). En encart, un cliché MET-HR des particules cœur-coquille correspondantes, d’après la référence [26].

Le composé photo-strictif mis en jeu doit forcément présenter une transition de spin en température, non mentionnée et non caractérisée dans les publications, faisant basculer l’état CoII-FeIII à température ambiante vers un état CoIII-FeII à basse température. Notons que V. Escax a observé qu’une transition de spin en température intervient entre 170 et 240 K pour le composé Rb0,15Co[Fe(CN)6]0,7 . 5H2O.[16] Pour ce qui est de la perte globale d’aimantation, les équipes

américaines évoquent une désorientation des moments magnétiques dans la phase Ni-Cr due aux contraintes appliquées par la phase Co-Fe lors de son expansion. Toutefois, si l’on considère que les hétérostructures formées à température ambiante ne présentent que 2% de désaccord de paramètres de maille et que la phase Ni-Cr est alors peu contrainte, la transition de spin en température doit s’accompagner de la génération de contraintes en volume ou à l’interface puisque les deux phases ont alors des paramètres de maille qui diffèrent de 5%. Il est alors possible que la nature de ces contraintes diffère de celles présentes dans les échantillons étudiés ici, conduisant à une augmentation plutôt qu’à une diminution de l’aimantation. Un suivi par diffraction des rayons X est donc un pré-requis nécessaire pour comprendre l’origine des effets photo-magnétiques observés dans ce type d’hétérostructure.

III. Conclusion

Ce chapitre était dédié à la caractérisation fine de l’interface des systèmes cœur-coquille

RbCoFe@RbNiCr par le biais de mesures de microscopie électronique en transmission et de

diffraction des rayons X. La direction de croissance <100> ainsi que son caractère épitaxial ont été mis en évidence par l’analyse des images de microscopie haute résolution et des largeurs de raie de diffraction. Toutefois, la coquille est en épitaxie relaxée et cette relaxation intervient dès les premières monocouches atomiques comme suggéré par l’évolution de l’intensité des raies de Bragg avec l’épaisseur de la coquille. Cette relaxation est associée à la création de défauts étendus ségrégés dans toute l’épaisseur de la coquille, montrant la possibilité d’un couplage mécanique efficace entre « cœur » et « coquille ». Les données magnétiques ont révélé que l’interdiffusion des espèces au cours du temps était limitée dans les systèmes biphasés, sans doute grâce à la maîtrise des conditions de reprise de croissance.

Dans un second temps, les propriétés de commutation sous lumière, ainsi que les propriétés photo-magnétiques des systèmes cœur-coquille ont été étudiées. La photo-excitation s’est avérée efficace pour les particules primaires de RbCoFe mais nettement plus limitée dans le cas des

systèmes composites. Nous avons mis en évidence que la température de retour de l’état photo- excité est plus faible pour les structures cœur-coquille que pour l’échantillon monophasé correspondant. Comme l’interdiffusion s’est avérée limitée, ceci pourrait venir d’un effet de confinement des particules photo-strictives dans une coquille qui agirait alors comme une pression externe, ou alors d’une « rétroaction » du couplage élastique. La conséquence de l’abaissement de la température de relaxation de la phase photo-excitée est que les hétérostructures présentent des effets photo-magnétiques assez faibles avec un gain d’aimantation d’au maximum 3,5% pour des expériences d’irradiation réalisées à 10 K.

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