• Aucun résultat trouvé

De la mise à l’abri asilaire à son état actuel, un lieu d’accueil qui a fortement évolué

2. LA DIVERSITE DE L’ACCUEIL A MARSEILLE : DU CHRS FORBIN AU

2.2 Hébergement d’insertion au CHRS Forbin, un accueil de qualité mais contraignant pour les

2.2.1. De la mise à l’abri asilaire à son état actuel, un lieu d’accueil qui a fortement évolué

D’après l’ordre religieux Saint Jean De Dieu, le CHRS Forbin serait le plus ancien accueil de nuit pour sans domicile d’Europe. Ce qui est certain, c’est qu’il chargé d’une longue et riche histoire.

Le centre d’accueil Forbin fut créé en 1872 par François Massabo, riche homme d’affaire Marseillais. Face à l’augmentation de la pauvreté et du nombre de personnes vivant dans la rue, il décida de leur venir en aide. Pour cela, il ouvrit un lieu, ayant pour vocation, la mise à l’abri durant la nuit, des personnes dans le besoin. Ce lieu se voulait être un endroit où dormir, protégeant, au moins la nuit, des intempéries et du danger de la rue. Ainsi, Francois Massabo reconvertit un entrepôt en sa possession, situé rue Marengo dans le 6éme arrondissement de Marseille, en accueil de nuit. «S’il n’accueillit que trois personnes la première nuit, il en vint dix la suivante, puis cent, puis plus de 300 à la fin de la première année. »111. Proposant initialement 30 places, il se développa rapidement et devient un accueil aux grandes capacités, avec plus d’une centaine de places. Le lieu est alors qualifié d’asile de nuit, d’ « hôpital ». François Massabo s’occupa du lieu et de sa gérance pendant près de 25 ans. Lorsqu’il prit sa retraite, en 1889, face à l’ampleur des demandes d’accès à cet accueil, il décida d’en confier la gérance aux Frères hospitaliers de Saint Jean de Dieu. Actuellement, l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, fondé au 16ème siècle, gère près de quatre cents établissements sanitaires, sociaux ou médico-sociaux, dont deux à Marseille.

Entre 1889 et 1900, les besoins d’accueil étant toujours plus importants, le centre, alors appelé Saint Jean De Dieu du nom de sa gérance, déménage à de nombreuses reprises, avant de s’installer définitivement rue Forbin en 1900. Lors de la première Guerre Mondiale, il fut temporairement fermé. Il fut réouvert en 1919 par le Frère Elisée. Ce dernier contribua à l’amélioration de l’accueil, notamment en instaurant une distribution de soupe, le matin, à partir de 1921.

111 Communiqué de l’ordre hospitalier Saint Jean de Dieu, « L’inauguration des locaux rénovés du plus ancien accueil de nuit d’Europe », Marseille, le 10 septembre 2015.

fig. 28 : L’adaptation historique de la structure : une implantation spatiale évoluant

En 1922, le centre d’accueil de nuit fut reconnu d’utilité publique et en 1997 il reçut l’agrément de Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale.

En 1999 les locaux furent réhabilités, et des travaux de restauration effectués dans les locaux. Cependant cela restait insuffisant, notamment avec l’apparition des études sur l’impact des modes d’hébergement en dortoirs. Lors d’un entretien, un sans domicile fixe a décrit des conditions d’accueil très difficiles dans le CHRS Forbin dans les années 2000. « C’était horrible, je préférais ne pas y aller, tout le

monde volait tout le monde, et c’était tellement sale …. Des dortoirs de 10 personnes, de la merde au mur, pour de vrai ».

Dans ces mêmes années, les conditions d’accueil des centres d’hébergement passent sur le devant de la scène politique et médiatique, publiquement condamnées comme portant atteinte à la condition humaine. En 2005, dans le cadre du plan de cohésion sociale, un fond destiné à financer des travaux d’urgence et de mise en sécurité de ce type de centres est mis en place. Il est géré par l’Anah. Son statut est renforcé, en 2009 par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, lui attribuant le financement de la politique d'amélioration des structures d'hébergement. Ce qui va retenir tout particulièrement notre attention est le programme de 2008, d’humanisation des centres d’hébergement dans le cadre du chantier national prioritaire pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Ce programme démontre que la qualité de l'hébergement est un élément structurant dans la réinsertion des personnes accueillies : « Avant, on considérait qu'à partir du moment où

les personnes n'étaient plus à la rue, c'était suffisant. Aujourd'hui, la qualité des lieux participe au travail de réinsertion sociale », explique Marc Prévot, président d'Emmaüs solidarité.

Suite à la circulaire du 5 mars 2009, concernant la relance relative à l’hébergement, le CHRS a constituéun dossier visant à la réalisation de travaux d’humanisation. Les travaux, entamés en 2013, ont duré vingt-six mois, durant lesquels le centre est partiellement resté ouvert. L’établissement, jusqu’alors composé de dortoirs de 10 à 12 places, fut profondément transformé. Une aile du bâtiment fut entièrement détruite pour être reconstruire. Ce nouveau bâtiment est composé de 68 chambres individuelles, ainsi que de chambres accessibles pour des personnes à mobilité réduite – ce qui n’était auparavant pas le cas.

« Aujourd’hui, les personnes entrent dans un lieu propre, avec des chambres majoritairement individuelles ou à deux et exceptionnellement trois. » Les dortoirs sont donc devenus en majorité des chambres

individuelles et un petit nombre de chambres, resté des « dortoirs », accueillent au maximum trois personnes. Des couleurs, différentes à chaque étage des bâtiments, contribuent à favoriser la personnification des différentes ailes et étages du bâtiment. L’inauguration des locaux d’humanisation, le 25 septembre 2015, s’est déroulée en présence d’hébergés, d’hommes politiques et religieux, du Maire de Marseille, de salariés de la fondation, mais aussi de frères de l’ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, et Monseigneur Georges Pontier, archevêque de Marseille.

L’actuel directeur du CHRS Forbin est Georges Kammerlocher. Même si l’ordre religieux est moins présent, dans la gérance du lieu, qu’à ces débuts, il reste physiquement et spatialement présent. En effet, un frère est là, quotidiennement, afin d’aider les équipes du centre. Une statue de l’ordre de Saint Jean de Dieu prône dans la cour intérieure (Annexe 6). De plus, les valeurs des Frères Saint Jean de Dieux restent présentes dans la philosophie de gérance du lieu (le règlement s’y réfère).Enfin, le nom même du lieu, pour beaucoup, Saint Jean de Dieu, est resté inchangé.

Le CHRS est situé dans le quartier de la Joliette, qui a fortement changé en 20 ans. Le centre est implanté à l’angle de la rue Forbin et d’Hozier. La place de la Joliette, ainsi que le métro et le tramway sont accessibles en quelques minutes à pieds depuis le centre. Ainsi le centre, au cœur d’un tissu actif, est connecté avec le reste de la ville.

Fig. 30 :Emplacement actuel du CHRS, en plein cœur de la Joliette

Documents relatifs