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Un accompagnement effectué à domicile, s’adaptant aux besoins des personnes

2. LA DIVERSITE DE L’ACCUEIL A MARSEILLE : DU CHRS FORBIN AU

2.3 Un chez soi d’abord, un retour au logement individuel peu contraignant

2.3.2. Un accompagnement effectué à domicile, s’adaptant aux besoins des personnes

Cette sous partie présentera les profils des personnes accueillies ainsi que les modalités d’entrée et d’accompagnement du dispositif. Ainsi, il s’agit de comprendre le dispositif Marseillais d’ «Un chez soi d’abord ». Lorsque les informations récoltées le permettront, la présentation sera faite à partir des données propres à Marseille et lorsqu’elles ne le seront pas, on se reportera aux donnés nationales du dispositif afin d'illustrer celui de Marseille. Le cahier des charges d’un CSA, paru en juin 2017, impose des

125 Décret n°2016-1940 du 28 décembre 2016 relatif aux dispositifs d’appartements de coordination thérapeutique « Un Chez Soi d’Abord ». 126 Ibid.

127 Colomb, Noémie « Logement des sans abri, Feu vert pour essaimer Un chez-soi d’abord » Direction[s], n° 146, septembre 2016. 128 Fondation Abbé Pierre, Op. Cit.

évolutions impactant le dispositif de Marseille. Jusqu’à présent, le CSA de Marseille fonctionne d’après le cahier des charges de l’expérimentation (2011). Ainsi l’évolution du dispositif est à prévoir. En cas de divergence entre le fonctionnement actuel et le récent cahier des charges du dispositif (juin 2017), les évolutions et changements à venir seront présentés.

Les porteurs du CSA à Marseille sont la Soliha (ancienne PACT13), l’association Habitat Alternatif Social (HAS) et l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (APHM). La Soliha est le porteur du volet logement et HAS est le porteur du volet médico-social. L’APHM a passé une convention avec HAS qui met à sa disposition des équipes médicales sous accord de financement.

Le public actuellement bénéficiaire d’ « Un chez soi d’abord » à Marseille est sensiblement le même que celui sélectionné lors du début de l’expérimentation en 2011. D’après le rapport d’activité de la Dihal de 2013, le public Marseillais du dispositif est composé de 66 hommes et seulement 14 femmes. La moyenne d’âge nationale y est d’environ 38 ans avec des écarts allant de 21 à 65 ans. Ainsi la majorité du public est masculin et d’âge moyen. N’ayant pas obtenu plus d’informations sur le public marseillais et le rapport final du volet quantitatif n’ayant pas été publié, la suite des chiffres qui seront énoncés relèvera d’une moyenne effectuée à partir des données des quatre sites. Même s’ils ne concernent pas seulement Marseille, ils décrivent les profils les plus répandus, des bénéficiaires du programme. Ainsi 86% 129 des personnes accompagnées sont de nationalité Française. La moyenne de temps passé à la rue et de 4,5 ans et de 8,5 ans sans chez soi. La totalité des bénéficiaires souffre de maladie mentale, dont 69% de schizophrénie et 31% de troubles bipolaires. Enfin, 79% souffrent d’une addiction.

Pour les personnes présentes dès le stade expérimental, la sélection s’est effectuée par tirage au sort, en 2011. Des professionnels de la veille sociale orientaient les sans domicile ayant un profil correspondant aux critères de l’expérimentation (énoncés précédemment) vers HAS. Les personnes étaient alors reçues dans les locaux de l’association et participaient à un tirage au sort entre deux enveloppes. L’une des enveloppes permettait d’entrer dans le programme et d’avoir un logement, alors que la deuxième ne permettait que de faire partie du groupe témoin. « Plus de 80% des habitants actuels

ont pioché la bonne enveloppe en 2011».

Ce critère de sélection ne fut pas facilement accepté par certains sans domicile n’ayant pas tiré la bonne enveloppe. D’après le témoignage d’un habitant, entré dans le programme il y a seulement deux mois, HAS aurait, depuis la pérennisation du dispositif priorisé officieusement les personnes ayant tiré la mauvaise enveloppe et étant toujours dans le besoin. « Ils ont vu que j’avais encore besoin. Ils m’ont dit

que comme j’avais tiré la mauvaise enveloppe, ils allaient me loger direct, que je passais en priorité. Au dire, l’enveloppe c’était vraiment injuste, je suis reparti, à l’époque avec un bon alimentaire alors que je pensais avoir un logement… »130

Maintenant que ce dispositif a été pérennisé, la question de l’accès du public éligible au dispositif est à soulever. Le cahier des charges national des dispositifs ACT « Un chez soi d’abord » en fixe les modalités d’accès : « Seules les structures suivantes - établissement dit d’orientation – peuvent, dorénavant, orienter le public vers le dispositif :

- une équipe mobile de psychiatrie à destination des personnes en situation de précarité ou l’équipe d’une permanence d’accès au soin, comprenant un psychiatre

- un service médico-psychologique régional aménagé dans un établissement pénitentiaire

- un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues ou autres structures participant à la veille sociale, sous réserve de l’avis conforme d’un psychiatre. »

Suite à la demande de ces établissements, un dossier de demande d’intégration devra être envoyé à la structure gestionnaire. Un certificat médical devra être joint, attestant un second diagnostic relatif aux troubles mentaux. Une commission d’attribution sera ensuite constituée, composée de membres des structures adhérentes, un représentant des équipes d’orientation ainsi qu’un membre du SIAO. Sauf en

129 Un Chez Soi D’abord, Rapport intermédiaire de la recherche Volet qualitatif, Mai 2016. 130 Entretien avec un éducateur d’HAS, travaillant sur un CSA, aux locaux de l’équipe, le 11/07.

cas de refus, l’attribution se fera par ordre chronologique des demandes. Ces critères ne sont pas encore appliqués à Marseille. HAS, actuellement décisionnaire sur le choix des personnes hébergées, ne fera plus partie des décideurs. La procédure d’entrée va devenir plus complexe, devant passer par plus de structures et de professionnels. Le double avis médical, relatif au diagnostic de troubles mentaux, impactera fortement le délai d’accès ; l'amplitude de sélection du public semble se resserrer, excluant les sans domicile aux pathologies mentales les moins lourdes. L’entrée dans un CSA sera plus compliquée, du fait des nombreux acteurs nécessaires à la constitution du dossier. Cependant, le dispositif, même si il ne s’adresse encore qu’à des personnes relevant de maladies psychiatriques, semble élargir le champ du public ciblé. En effet, dans un but préventif et afin de leur éviter la rue, les personnes sortant de prison et dont le profil correspondra aux critères d’éligibilité, pourront postuler.

L’accompagnement social d’ «Un chez soi d’abord » est porté par HAS, au sein de son pôle santé. Il est constitué d'une équipe de 12 ETP travaillant exclusivement auprès des habitants d’un CSA. Les équipes de suivi sont interdisciplinaires. Celle de Marseille est composée de professionnels médico- sociaux. Elle comprend un chef de service qui est le coordinateur de l’équipe, un médecin psychiatrique coordinateur médical, deux infirmières diplômées d’état, un psychologue, un médiateur de santé "pair", trois éducateurs, une assistante sociale ainsi qu’un comptable et une employée de bureau. L’équipe est composée de l’équivalent de 10 temps-pleins en référence au cahier des charges de l’expérimentation. En effet, il a été recommandé un accompagnement important lors de la période d’expérimentation, au ratio d’un travailleur pour huit personnes accompagnées. A ces effectifs, est à rajouter la présence de nombreux stagiaires au sein de l’équipe. Les médiateurs de santé pairs sont des personnes ayant fait

« l’expérience d’une accumulation dans le passé, faite de pathologie, de sans-abrisme, et de perte d’autonomie, et s’en être suffisamment « rétabli » pour pouvoir partager l’expérience de ce rétablissement et les codes sociaux propres aux personnes qui vivent aujourd’hui ces difficultés. »131

Le principe de l’accompagnement social et médical est le « rétablissement ». C’est une notion issue du domaine psychiatrique, mais dépassant la simple réhabilitation psychologique. C’est, à l’origine, une revendication des malades luttant pour accéder à une citoyenneté pleine et entière. Il s’agit de s’appuyer et de valoriser les compétences ou le s’avoir faire de la personne. « Notre objectif est de les aider à

percevoir ce qu’elles sentent être bénéfique pour elles-mêmes, leurs envies… »132 La stratégie du « rétablissement » vise à remettre en position centrale la personne atteinte de troubles psychologiques, que ce soit vis-à-vis de son traitement mais aussi dans la prise de décisions quotidiennes. Ainsi, la participation de l’usager à l’organisation de ses soins/accompagnement, mais aussi sa participation à des activités communautaires ou à la définition du programme, est l’un des sens premiers de l’accompagnement social porté par les équipes d’HAS. De plus, la présence des médiateurs de santé pairs a été prescrite dans l’optique du « rétablissement ».

L’équipe de suivi effectue au minimum une visite hebdomadaire au domicile de la personne, pour un accompagnement individualisé. Cependant le rendez-vous peut aussi être effectué à l’extérieur, si la personne a un besoin ou une demande particulière. Ces visites s’effectuent en binômes. Les porteurs d’un CSA à Marseille ont développé, durant l’expérimentation du dispositif, une approche propre de l’accompagnement : la multi-référence. Il s’agit de ne pas avoir un unique réfèrent et accompagnateur. Ainsi les binômes effectuent des tours de rôle quant au public accompagné. De plus HAS, n’a pas voulu réaliser de carte recensant les personnes et les adresses de visite. Les équipes fonctionnent par « tableau velléda ». Sur les murs de la salle commune, des tableaux, remplis au feutre par les équipes, concernent les personnes accompagnées. Y sont inscrits les objectifs du moment définis avec les habitants, leurs envies, les urgences, la date du prochain rendez-vous…

Au-delà de la forme classique, l’accompagnement peut prendre la forme d’une simple présence et écoute. Il peut aussi prendre la forme d’une aide matérielle et physique. « Ils sont venus, ils m’ont apporté un lit, je

n’en avais pas…ils m’ont aidé à monter le lit sommier au deuxième étage sans ascenseur, moi je n’aurais pas pu tout seul… Puis ils ont passé trois heures à monter le sommier et les pieds. J’y aurais passé deux jours si je l’avais fait seul… ils ont géré ». Les locataires ont majoritairement reçu l’aide de l’équipe pour

131 Un Chez Soi D’abord, Rapport intermédiaire de la recherche, Op. Cit. 132 Entretien avec un éducateur de HAS, Op. Cit.

emménager, ainsi que trouver des meubles. L’appropriation du logement peut-elle aussi être faite avec l’équipe, si l’hébergé en ressent le besoin. Ainsi, l’équipe accompagne ce retour vers l’habiter, pas toujours facile, pour ces personnes, ayant été en rupture avec le logement depuis des années souvent. Que l’habitant puisse se maintenir dans le logement est un aspect important de l’accompagnement social. Les thématiques d’accompagnement sont nombreuses : accompagnement à la santé, médiation avec l’environnement, accompagnement à l’emploi, à la vie relationnelle… Les trois domaines d’accompagnement sont le médical, le social et le logement. L’accompagnement, englobant, est modulable afin de répondre au mieux aux besoins de chacun.

Le bénéficiaire d’un CSA ne signe pas d’engagement ou de règlement lors de son entrée dans le dispositif. Le seul document qu’il signe est son contrat de location. "Ici les règles c'est l'absence de règles, il n'y en a

pas. Si... la seule est de nous recevoir pour la visite une fois par semaine, c'est le seul engagement que nous demandons, c'est tout. Ils sont chez eux, donc nous n’avons pas à fixer de règles ! Avec le passage en dispositif officiel c'est en train de changer, mais pour l’instant on ne sait pas comment » L’habitant

dispose donc d’une entière liberté. Il peut se rendre où il veut, n’a pas d’horaire ou de règlement venant contraindre sa vie ou manière d’habiter. Seul l’accompagnement, une fois par semaine est fixe, mais les jours, heures et lieux de visites sont variables en fonction de l’hébergé et du planning de l’équipe. Cette seule contrainte n’y ressemble pas réellement. C’est notamment l’application du principe du « rétablissement » qui génère cette absence de règlementation pouvant être vécue comme une contrainte de vie.

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