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Mise à l’épreuve de la notion de droit non-étatique : l’impossibilité de retenir une autre qualification

173. Éprouver la pertinence de la définition retenue du droit non-étatique suppose de vérifier que celle-ci n’entretient pas de liens qui seraient évalués trop étroits avec d’autres notions juridiques, potentiellement donc des notions parentes. Dans le processus démonstratif, ceci est d’une importance particulière car la pertinence des déductions futures dépend des résultats ici obtenus : si l’étroite parenté du droit non-étatique et d’une autre notion était reconnue, l’objectif que le rédacteur de ces lignes s’est assigné, démontrer l’autonomie de la notion, devrait alors être reconsidéré.

174. Les analyses successives de la source et du rayonnement du droit non-étatique ont rendu possible la mise en lumière d’idées contenues dans cette notion de droit- étatique, contribuant à son identification progressive. Rappelons-en la définition initialement retenue : le droit non-étatique est l’ensemble des règles écrites et unilatéralement élaborées par des acteurs non-étatiques, privés et/ou publics, ayant vocation à s’appliquer à l’activité considérée, indépendamment des frontières étatiques.

175. Convoquer, dans ce second temps, un raisonnement de type déductif développe la démonstration, en approfondissant les premiers résultats obtenus par induction : au plan de l’abstraction, ce type de raisonnement consiste à partir d’un ensemble de prémisses ou indices, et à les comparer à d’autres notions afin d’en tirer une conséquence. Cette démarche vise à montrer que le droit non-étatique, tel que défini supra, constitue déductivement une notion autonome. Au plan concret, sont comparées, dans un exposé descriptif et méthodologique, la notion de droit non-étatique et celle de leges

specialies (Section 1). Le droit non-étatique est ensuite conceptuellement distingué des

notions communément utilisées dans les rapports internationaux, notamment les règles matérielles de droit international privé (Section 2).

Section 1 – Distinction notionnelle entre leges specialies et droit non-étatique

176. L’expression de leges specialies regroupe, sous forme de bannière, les différentes manifestations des règles créées dans le cadre de l’autorégulation : la lex mercatoria, la lex

sportiva et autres manifestations de ce type ressortissent à cette catégorie. Il convient de

déterminer la nature des liens existant entre ces leges specialies et le droit non-étatique, pour analyser le type de rapport entretenu : s’agit-il d’un rapport du particulier au général, d’un élément constitutif, d’un composant et de sa catégorie, ou… de notions identiques ?

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Objet le plus étudié des leges specialies, économie ne peut être faite d’une analyse de la lex

mercatoria (§1), la singularité de la lex sportiva obligeant à la convoquer par ailleurs (§2).

§1 – Lex mercatoria et droit non-étatique

177. En 1964, date des premières théorisations386, la lex mercatoria repose sur un

constat : l’existence d’usages, de pratiques, de principes, de contrats-types, ou de règles fréquemment utilisés dans un domaine d’activité considéré, le commerce international ou certaines de ses dimensions. Le débat sur la lex mercatoria a ultérieurement pris diverses orientations, relatives à sa finalité : fournir un droit adapté aux opérateurs du commerce international ou promouvoir leurs intérêts ? À sa nature : s’agit-il d’un ensemble déterminé de règles ou d’une méthode de production de règles ? À son statut : la lex

mercatoria est-elle empreinte de juridicité, constitue-t-elle un ordre juridique ? Ou encore à

son régime juridique : application directe ou recours préalable aux règles de conflit de lois ? Ces questionnements, facteurs potentiellement explicatifs des appréhensions différentes de la lex mercatoria387, ne sont pas repris in extenso, seules sont examinées les

conceptions permettant de déterminer les rapports existants entre lex mercatoria et droit non-étatique (A) et conduisant à apprécier les conclusions formulées (B).

A – Les diverses conceptions de la lex mercatoria

178. Il convient ici de distinguer les positions doctrinales analysant la lex mercatoria en tant que méthode (1.), et celles l’instituant en totalité, ensemble ou catégorie autonome (2.).

1. – La lex mercatoria en tant que méthode : distinction avec le droit non- étatique

179. Cette approche est en particulier développée en dans le cadre de l’arbitrage

international par M. Emmanuel GAILLARD qui considère que « la notion de lex mercatoria

386 Sur les nombreux écrits consacrés à la lex mercatoria : supra no 140 et les références citées.

387 Ch. PAMPOUKIS, « La lex mercatoria reconsidérée », in Mélanges Paul LAGARDE. Le droit international privé :

esprit et méthodes, Dalloz, 2005, p. 635 et s., spéc. p. 635 : souligne le « caractère volatile » de la lex mercatoria

« qui porte à l’expression d’un subjectivisme doctrinal très riche, au point de permettre d’affirmer que presque chaque auteur se fait une idée différente de la lex mercatoria » ; J. PAULSSON, « La lex mercatoria dans l’arbitrage C.C.I. », Rev. arb., 1990, p. 55 et s., spéc. p. 57-58 : l’expression lex mercatoria est « surchargée de sens », « lorsque les spécialistes discutent de la lex mercatoria, ils ne parlent souvent pas de la même chose » ; Ph. KAHN, « Lex mercatoria et pratique des contrats internationaux : l’expérience française », in Le contrat

économique international. Stabilité et évolution, Bruylant, Bibliothèque de la Faculté de droit de l’Université

catholique de Louvain, 1975, p. 171 et s., spéc. 172 : « Nous ne reprendrons pas les controverses sur la nature de la lex mercatoria, car les doctrines qui s’opposent ne partent pas des mêmes points de vue et finalement ne décrivent pas les mêmes phénomènes ».

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[…] met l’accent sur le contenu des normes davantage que sur leur mode de formation » et que celle-ci « paraît postuler a contrario l’inadéquation des droits étatiques pour régir les relations commerciales internationales »388. L’auteur s’oppose cependant à ce constat,

lequel « ne débouche pas nécessairement sur la conclusion qu’il convient de recourir à des normes de source internationale pour satisfaire aux besoins propres du commerce international »389. Il est conséquemment proposé de forger des « règles transnationales »

ou des « principes généraux », en référence aux règles adoptées par des ordres juridiques étatiques, l’utilisation d’un vocable autre entendant attirer l’attention sur le changement de regard proposé. Ce modèle rompt avec une représentation dominante de la lex

mercatoria en tant que catégorie autonome, la conception proposée ici réalise une synthèse

des règles étatiques pour en forger une et une seule, nouvelle. Selon M. GAILLARD, la spécificité de la règle créée, qualifiée de « transnationale » ou de « principe général », « tient davantage à [sa] source qu’à son [contenu] »390. La lex mercatoria pourrait donc se former

par cette méthode du « tronc commun », réalisant une approche comparative des législations étatiques pour forger une nouvelle règle appropriée au litige391. La lex mercatoria

serait davantage, alors, le droit des arbitres que celui des opérateurs du commerce international.

180. Le droit non-étatique ne peut pas être intégré dans ce modèle de la lex

mercatoria conçue comme méthode, et être assimilé à des « règles transnationales » ou

« principes généraux » : selon la méthode préconisée, ces règles et principes sont créés par les arbitres tant dit que les règles non-étatiques, telles que définies dans cette étude, le sont par l’autorégulation des acteurs privés ou la coopération d’acteurs publics et privés392. Les

manifestations du droit non-étatique, notamment en matière commerciale opèrent certes des synthèses de différents droits nationaux, et consacrent des solutions retenues dans de nombreux États393, mais observer que ces codifications ne sont pas réalisées par les

arbitres conduit pourtant à exclure le droit non-étatique de cette conception de la lex

mercatoria.

388 E. GAILLARD, « Trente ans de lex mercatoria : pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit », JDI 1995. 1, spéc. n° 4, p. 8.

389 Ibid., spéc. n° 4, p. 7. 390 Ibid, spéc. n° 4, p. 8.

391 Sur la méthode du tronc commun : infra no 183 et les références citées. 392 Sur la dualité des sources du droit non-étatique : supra nos 76 et s.

393 Principes Unidroit, 2010, Introduction à l’édition 1994 : « Les Principes […] reflètent des concepts que l’on trouve dans de nombreux systèmes juridiques, sinon dans tous. Étant donné cependant que les Principes sont destinés à fournir un ensemble de règles spécialement adaptées aux besoins des opérateurs du commerce international, ils renferment également des solutions qui sont perçues comme étant les meilleures, même si celles-ci ne sont pas encore adoptées de façon générale ». Comp. Principes Unidroit, 2010, art. 1.6, commentaire n° 2.

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2. – La lex mercatoria en tant qu’ensemble autonome : distinction avec le

droit non-étatique

181. Cette autre conception de la lex mercatoria suscite des interrogations sur les critères de qualifications pertinents : pour intégrer une règle dans cet ensemble, faut-il s’attacher à son objet et/ou à sa source394 ? Ce second critère semble l’emporter et s’opère

un consensus sur les « sources premières »395 de la lex mercatoria, élément apparemment

irréductible, à savoir les usages et principes généraux du commerce international396.

Malgré ce consensus, rarement discuté397, la distinction entre usages et principes est

questionnée : certains considèrent que les premiers comprennent les seconds398 quand

d’autres préfèrent introduire une séparation399. Quoi qu’il en soit, l’adhésion à cette

conception dominante de la lex mercatoria (usages et principes généraux), rend problématique l’insertion du droit non-étatique dans l’une de ces notions d’usage ou de principe. Examinons de plus près ce qu’il en est de la notion d’usage.

a. – Usages et droit non-étatique

182. « Enfants terribles de la grande famille juridique »400, « enfants chéris » du

commerce international401, l’appréhension des usages s’avère une entreprise délicate.

Selon une approche restrictive, les usages du commerce international sont des pratiques habituellement suivies par les commerçants. Les usages spécifiques à un milieu donné (commerce du blé, commerce maritime, …) sont distingués des usages communs à

394 Sur cette opposition : D. BUREAU, Les sources informelles du droit dans les relations privées internationales, Thèse, Université Paris II, 1992, nos 276 et s., p. 173 et s.

395 É. LOQUIN, « Retour sur les sources premières de la lex mercatoria : les usages du commerce international », in Mélanges Jean-Michel JACQUET. Le droit des rapports internationaux économiques et privés,

Lexisnexis, 2013, p. 215 et s.

396 J.-M. JACQUET, Ph. DELBECQUE, S. CORNELOUP, Droit du commerce international, Dalloz, Précis, 3e éd., 2015, nos 99 et s., p. 62 et s. ; J.-B. RACINE et F. SIRIIAINEN, Droit du commerce international, Dalloz, Cours, 2e éd., 2011, nos 103 et s., p. 70 et s. ; F. LATTY, « Le droit transnational économique », in P. DAILLIER, G.

DE LA PRADELLE et H. GHÉRARI (dir.), Droit de l’économie internationale, 2004, Pedone, p. 109 et s.

397 C. KESSEDJIAN, Droit du commerce international, PUF, Thémis, 1re éd., 2013, n° 158, p. 83 : « nous traitons séparément les usages et les principes qu’il ne nous semble pas judicieux de confondre avec la lex

mercatoria. Il convient donc de chercher ailleurs les règles qui composent la lex mercatoria, même si, parfois,

ces règles vont être tirées d’usage qui ont une récurrence telle qu’ils sont applicables sans que les parties aient besoin de s’y référer […] Si la lex mercatoria existe, elle est composée de règles matérielles de droit international ».

398 É. LOQUIN, « La réalité des usages du commerce international », RIDE, 1989, p. 163 et s.

399 E. GAILLARD, « La distinction des principes généraux du droit et des usages du commerce international », in Mélanges Pierre BELLET, Litec, 1991, p. 203 et s.

400 J. ESCARRA, De la valeur juridique de l’usage en droit commercial, A. Rousseau, 1910, p. 14.

401 É. LOQUIN, « Les règles matérielles internationales », Rec. cours La Haye, vol. 322, 2006, pp. 9-242, spéc. no 245, p. 110.

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l’ensemble des commerçants402. Dans une approche extensive, les usages du commerce

international se confondraient avec la notion de lex mercatoria et engloberaient ainsi tous les éléments de la catégorie403. Pour les distinguer du droit non-étatique, objet de notre

étude, cette conception extensive des usages est écartée.

Les usages constituent des actions dont la répétition individuelle et collective a pour effet de leur conférer cette qualification404. L’identification demeure problématique :

au fil du temps, un type de pratique pour une même activité peut devenir usage ou, au contraire, perdre cette qualité. À un instant t, un observateur peut qualifier, en ce qui concerne une même activité, le type de pratique considéré d’usage, et un autre le lui refuser (dimension subjective de l’évaluation). Rien n’interdit encore qu’un type de pratique soit considéré comme relevant de l’usage dans une région du monde, et pas dans une autre (dimension culturelle de l’évaluation). Quels sont les degrés de répétition, de collectif, d’étendue, pour qu’un type de pratique, lié à une même activité, devienne usage ? 183. La recherche de similitude avec le droit non-étatique peine : premièrement, telle que définie, une règle non-étatique existe ou n’existe pas, son contenu est codifié. Les

observations précédentes attestent d’une identification problématique des usages. Le

caractère contraignant et la prise en compte des usages du commerce international sont de surcroît discutés : véritables prescriptions applicables dès que les intéressés n’y ont pas expressément dérogés405, certains évaluent leur rôle « purement supplétif »406, quand

d’autres considèrent la valeur normative des usages si et seulement si la loi étatique applicable s’y réfère et les incorpore407. Ceci ne signifie pas que caractère contraignant et

402 J.-B. RACINE et F. SIRIIAINEN, op. cit., nos 105-107, p. 71 et s. Comp. pour une distinction usages du commerce / usage des parties, c’est-à-dire les usages pratiqués entre deux parties à un contrat : J.-M. JACQUET, Ph. DELBECQUE, S. CORNELOUP,op. cit., nos 35-36, p. 22 et s.

403 É. LOQUIN, « La réalité des usages du commerce international », RIDE, 1989, p. 163 et s.

404 G. CORNU, (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, Quadrige, 11e éd., 2016, p. 1055, Usage (sens 1). Rappr. Fr. GÉNY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif. Essai critique, t. 1, LGDJ, 2e éd., 1919, n° 130, p. 418-419 : « Il s’agit de ces pratiques, quelques-unes générales, la plupart locales et professionnelles, qui enveloppent tacitement la formation des actes juridiques, spécialement des contrats, et qu’en vertu du principe d’autonomie de la volonté, purgé d’un vain formalisme et dominé par la bonne foi […] on sous- entend dans tous les actes, même sauf quelques réserves, dans les actes solennels, pour interpréter ou compléter la volonté des parties ou celle de l’auteur de l’acte ».

405 Selon M. Berthold GOLDMAN, les usages sont « les comportements des opérateurs dans les relations économiques internationales qui ont acquis progressivement par leur généralisation dans le temps et dans l'espace […] la force de véritables prescriptions qui s'appliquent sans que les intéressés aient à s'y référer dès lors qu'ils n'y ont pas expressément ou clairement dérogé » (JDI 1992. 177, spéc. p. 184, note sous Cass., 1re civ., 22 oct. 1991, n° 89-21.528).

406 E. GAILLARD, « La distinction des principes… », op. cit., spéc. p. 216 ; Ph. KAHN, « Les principes généraux du droit devant les arbitres du commerce international », JDI 1989. 303, spéc. p. 319.

407 J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruylant/LGDJ/Schulthess, 2002, n° 694, p. 630.

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prise en compte du droit non-étatique ne soient pas par ailleurs discutés, mais l’éventuel refus tient à l’origine de la règle, et non pas à l’identification ou le caractère coercitif408.

b. – Principes généraux et droit non-étatique

184. Usages, et principes. Second élément des « sources premières » de la lex

mercatoria, les principes généraux constituent « des propositions non écrites dont la

généralité permet de soutenir une large série de solutions positives »409. En droit du

commerce international, ces principes ont une importance particulière car ils structurent la

lex mercatoria410, relevant à la fois d’une méthode et d’un contenu411. Pour les identifier,

voire les découvrir, les arbitres disposent de deux types de méthodologie, l’un et l’autre fondés sur une approche comparative. La première méthode, dite du « tronc commun »412, les conduit à recenser les droits respectifs des parties ou les lois nationales

potentiellement applicables au litige, puis à tenter d’en extraire les points communs. La seconde présente un degré d’abstraction et de généralité plus important. Le champ d’investigation n’est pas limité aux systèmes juridiques ayant un lien direct avec le litige : les systèmes juridiques étrangers, les conventions internationales, les codifications privées,

ou encore les précédents arbitraux peuvent être mobilisés413. Qualifiés « “d’épine

dorsale” »414 des principes généraux ou « d’axiomes »415 de la société des marchands, deux

principes se révèlent primordiaux : la force obligatoire du contrat (pacta sunt servanda)416 et

la bonne foi (bona fides)417. Ces principes premiers coexistent avec d’autres principes d’un

408 Sur l’existence de règles non-étatiques imposées : infra nos 403 et s.

409 D. BUREAU, Les sources informelles du droit dans les relations privées internationales, Thèse, Université Paris II, 1992, n° 71, p. 61. Rappr. B. OPPETIT, « Les principes généraux en droit international privé », Arch. phil.

dr., t. 32, 1987, p. 179 et s., spéc. p. 179 : « le recours à ce concept évoque […] l’existence dans cette

discipline de “réalités communes sous-jacentes”, d’un “plan commun d’organisation” » (souligné par l’auteur).

410 Ph. KAHN, « Les principes généraux du droit devant les arbitres du commerce international », JDI 1989. 303, spéc. p. 305.

411 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, op. cit., nos 1456 et s., p. 826 et s. ; E. GAILLARD, « Transnational Law: a legal system or a method of decision-making? », Arbitration International, vol. 17, n° 1, 2007, p. 59 et s.

412 M. RUBINO-SAMMARTANO, « Le ‘‘tronc commun’’ des lois nationales en présence (réflexions sur le droit applicable par l’arbitre international) », Rev. arb. 1987. 133, spéc. p. 137 et s. ; B. ANCEL, « The Tronc Commun Doctrine: Logics and Experience », J. Int. Arb., 1990, vol. 7, p. 65 et s. Rappr. Ph. FOUCHARD,

L’arbitrage commercial international, Dalloz, 1965, nos 605, p. 423 et s.

413 E. GAILLARD, « Trente ans de lex mercatoria : pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit », JDI 1995. 1, spéc. nos 29-32, p. 22 et s. ; « La distinction des principes… », op. cit., spéc. p. 204.

414 J.-B. RACINE et F. SIRIIAINEN, op. cit., n° 117, p. 78.

415 J.-M. JACQUET, Ph. DELBECQUE, S. CORNELOUP,op. cit., n° 50.

416 Pour une étude approfondie : B. BRAMBAN, Le principe pacta sunt servanda en droit du commerce international :

étude critique d’un principe de droit transnational, Thèse, Nice, 2013.

417 P. MAYER, « Le principe de bonne foi devant les arbitres du commerce international », in Mélanges Pierre

LALIVE. Études de droit international, Helbing & Lichtenhahn, 1993, p. 543 et s. ; G. ROBIN, « Le principe de la bonne foi dans les contrats internationaux », RD aff. int., 2005, p. 695 et s.

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degré de généralité moindre, tels que minimiser le dommage subi ou renégocier en cas d’événement bouleversant l’économie du contrat, principes seconds que la doctrine s’est employée à organiser418.

185. Ceci permet d’opérer une nouvelle distinction : les règles du droit non- étatique ne sont pas assimilables aux principes évoqués. Elles ne sont pas des règles découvertes, voire créées, par les arbitres, elles sont le produit d’institutions, présentent un caractère permanent, leur existence ne laisse place à aucune incertitude. La réalité des principes généraux utilisés par les arbitres n’est pas ici mise en doute, mais ils ne peuvent être, à ces titres, considérés comme des règles de droit non-étatique, telles que définies dans cette étude. Non assimilable aux sources premières de la lex mercatoria, le droit non- étatique peut-il cependant en être partie ?

B – L’intégration du droit non-étatique conditionnée à la conception de la lex mercatoria

186. Les deux conceptions de la lex mercatoria, méthode ou catégorie, indiquent l’ambiguïté de la notion. Elle s’accroît lorsqu’est proposée une différenciation en lex

mercatoria generalis et lex mercatoria specialis visant à opposer manifestations applicables à

toutes les relations commerciales et manifestations propres à un secteur considéré419. Elle

s’accroît encore lorsqu’est questionnée, dans cette conception catégorielle de la lex

mercatoria, l’opportunité d’accueillir, ou non, certaines manifestations normatives. Une

visée de ce type existe à propos des Principes du droit européen des contrats, qualifiés de « formulation moderne de la lex mercatoria »420. Le débat se focalise dans les faits

principalement sur les Principes Unidroit, précédemment considérés comme manifestation du droit non-étatique421. Hormis quelques exceptions422, la doctrine

418 F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria : contribution à l’étude d’un ordre juridique anational, LGDJ, Thèses – Bibliothèque de droit privé, 1992 ; J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l’arbitrage

commercial international, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, 2001 ; É. LOQUIN, « La réalité des usages du commerce international », RIDE, 1989, p. 163 et s. : l’auteur distingue quatre catégories de principes relatives à la contribution à la sécurité des transactions, la mutabilité du contrat, la coopération des parties et la loyauté des affaires.

419 F. MARRELLA, La nuova lex mercatoria. Principi Unidroit ed usi dei contratti del commercio internazionale, CEDAM, 2003, p. 63 et s. (« La lex mercatoria a vocazione universale »), p. 89 et s. (« La lex mercatoria a vocazione settoriale ») ; É. LOQUIN, « Les règles matérielles internationales », Rec. cours La Haye, vol. 322, 2006, pp. 9-242, spéc. n° 112, p. 62-63. Rappr. à propos de l’existence d’une lex sportiva générale et de « leges sportivae spéciales » : F. BUY, J.-M. MARMAYOU, D. PORACCHIA, F. RIZZO, Droit du sport, LGDJ, Manuels, 4e éd., 2015, n° 287, p. 141.

420 J. RAYNARD, « Les Principes du droit européen du contrat : une lex mercatoria à la mode européenne »,

RTD civ. 1998. 1006, spéc. p. 1006.

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apparaît en tendance dominante favorable à l’insertion de ces Principes dans la lex

mercatoria, ceux-ci étant perçus comme une codification, sans prétention d’exhaustivité, ou

encore une nouvelle version de cette même lex mercatoria423.