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223. Mode alternatif de règlement des conflits472, d’usage fréquent dans les

rapports internationaux, l’arbitrage est le terrain d’un accueil privilégié du droit non- étatique. Cette ouverture de principe de l’arbitrage international résulte des règles applicables à ce mode de règlement des litiges, invitant à un examen préalable des motifs de cette ouverture (Section 1), ceci participant de l’explication de la réception concrète du droit non-étatique par l’arbitre (Section 2).

Section 1 – Les motifs de l’ouverture de l’arbitrage international au droit non- étatique

224. L’arbitrage international bénéficie d’un régime juridique spécial, d’un corps de règles propre. Dans cet ensemble de règles, l’existence de dispositions libérales quant au droit applicable au fond du litige est un premier motif d’ouverture de l’arbitrage au droit non-étatique (§1). Un second ordre de motivations, empreint d’incertitude, renvoie à l’appartenance, voire au sentiment d’appartenance, de l’arbitre à une communauté, système ou ordre juridique, le conduisant à promouvoir l’application des règles créées par ce milieu (§2).

§1 – L’ouverture des règles de l’arbitrage international au droit non-étatique

225. Les règles applicables à l’arbitrage autorisent l’application du droit non- étatique. Cette liberté tient à la terminologie en usage dans la plupart des dispositions régissant le droit applicable au fond du litige (A), la pluralité de ces dispositions conduisant l’arbitre à adopter des types différents de raisonnement, afin de coordonner leur application (B).

A – Exposé des règles permettant l’application du droit non-étatique

226. L’arbitrage offre une liberté de choix importante dans les règles applicables au fond du litige, en présence ou en l’absence de choix des parties. Cette liberté est

472 D. BUREAU et Ch. JARROSSON, « Arbitrage », in D. ALLAND et S. RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture

juridique, PUF, Quadrige, 2003 p. 76 et s., spéc. p. 76 : « l’arbitrage désigne pour le juriste l’institution par

laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci. Cette forme de justice ne fait pas appel à un juge institué par l’État mais laisse aux parties en litige le soin de choisir elles-mêmes un tiers qu’elles feront juge et dont elles acceptent par avance la sentence » ; Ch. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et

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expressément reconnue par le Code de procédure civile français : l’arbitre tranche le litige « conformément aux règles de droit que les parties ont choisies ou, à défaut, conformément à celles qu’il estime appropriées »473. Cette disposition est connue de nombreux pays474,

l’article 187 de la loi suisse sur le droit international privé (LDIP) dispose, par exemple, que « Le tribunal arbitral statue selon les règles de droit choisies par les parties ou, à défaut de choix, selon les règles de droit avec lesquelles la cause présente les liens les plus étroits »475.

227. La formule retenue – en application des « règles de droit » – rend compte d’une terminologie se distinguant sensiblement de celle des textes applicables par les juges, notamment le règlement Rome 1, lequel mentionne la « loi choisie par les parties » et la « loi applicable à défaut de choix »476. À la différence du mot « loi », à entendre

nécessairement comme celle d’un État, l’expression « règle de droit » n’est pas restrictive, autorisant, et le consensus apparaît général, l’application du droit non-étatique477.

Certaines sentences réalisent pourtant une interprétation originale des règles étatiques régissant l’arbitrage pour conclure à l’application du droit non-étatique : « Si l'article 187 LDIP permet le recours à l'équité en lieu et place d'un système particulier de normes étatiques, il est logique de conclure qu'il permet a fortiori de se référer à un système de normes non étatiques. Le simple argument a majore, minus justifie cette conclusion »478.

228. L’ouverture de l’arbitrage au droit non-étatique est confirmée par les règlements des instances arbitrales : le règlement de la Chambre de commerce internationale indique que « Les parties sont libres de choisir les règles de droit que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige. À défaut […] l’arbitre appliquera les règles de droit qu’il juge appropriées »479. Le Code de l’arbitrage en matière de sport,

applicable devant le Tribunal arbitral du sport, mentionne les « règles de droit choisies par les parties » et les « règlements [sportifs] applicables »480.

473 C. pr. civ., art. 1511 al. 1er (nous soulignons).

474 J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruylant/LGDJ/Schulthess, 2002, nos 679, p. 608 et s. et nos 685 et s., p. 616 et s.

475 LDIP, 18 déc. 1987, art. 187 al. 1er.

476 Règl. Rome , art. 3 §1 et art. 4. Pour une étude approfondie : infra nos 459 et s.

477 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, Traités, 1996, nos 1444 et s., p. 814 et s. ; J.-F. POUDRET et S. BESSON,op. cit., no 691, p. 626-627 ; Ch. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Montchrestien, Domat – Droit privé, 1re éd., 2013, nos 881 et s., p. 800 et s. ; J.-B. RACINE, Droit de l’arbitrage, PUF, Thémis, 1re éd., 2016, nos 757 et s., p. 484 et s.

478 TAS, 2014/A/3505, 3 déc. 2014, Al Khor SC c. C., spéc. n° 84, Rev. arb. 2015/3. 932, obs. F. LATTY ;

JDI2015/1.375,obs. É. LOQUIN ;JCP G 2015. II. 569, spéc. n° 6, obs. B. HAFTEL.

479 Règlement arbitrage CCI, 2012, art. 21 §1 ; Règlement d’arbitrage CNUDCI, 2013, art. 35 §1. 480 Code de l’arbitrage en matière de sport, art. R45 et R58. Pour une étude détaillée : infra nos 280 et s.

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229. Les règlements des fédérations sportives internationales explicitent encore la possibilité d’appliquer le droit non-étatique. Un règlement de la fédération internationale de football (FIFA) en est exemplaire : « La procédure arbitrale est régie par les dispositions du Code de l’arbitrage en matière de sport du TAS. Le TAS applique en premier

lieu les divers règlements de la FIFA ainsi que le droit suisse à titre supplétif »481.

230. Des textes divers, lois étatiques, lois-types, règlements d’arbitrage, règlements sportifs autorisent, voire privilégient, une application du droit non-étatique par l’arbitre482.

Cette orientation libérale explique pour partie « l’autonomie de l’arbitrage international »483. De ceci résulte un enseignement majeur : l’arbitrage fait preuve d’une

ouverture de principe à l’égard des règles non-étatiques, de nombreux textes en rendent

concrètement compte. Cette pluralité de textes produit cependant une certaine

concurrence entre les règles de droit potentiellement applicables par l’arbitre. Il convient

donc de préciser les critères d’applicabilité de ces différents textes, et d’analyser les types de raisonnement mobilisés par l’arbitre, en situation, à fin d’efficience de la décision.

B – Une recherche de coordination des règles applicables à l’arbitrage international liée à leur concurrence

231. L’ensemble des règles régissant le droit applicable au fond du litige autorise les parties et les arbitres à choisir le droit non-étatique. Mais qu’en est-il du choix du texte de référence ? Privilège, par exemple, doit-il être accordé au Code de l’arbitrage en matière de sport, au règlement FIFA ou encore à la loi suisse sur le droit international privé, en

481 Statuts FIFA, 2013, art. 66 al. 2nd (nous soulignons). Comp. la formule explicite des anciens statuts : « Le TAS applique les diverses règles émises par la FIFA ou, le cas échéant, par les confédérations, les membres, les ligues, les clubs et, à titre supplétif, le droit suisse ».

482 Rappr. Loi-type CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, art. 28 §1 : « Le tribunal arbitral tranche le différend conformément aux règles de droit choisies par les parties comme étant applicables au fond du différend ». Comp. Institut de droit international, 64e session, 12 sept. 1989, art. 6 : « Les parties ont pleine autonomie pour déterminer les règles et principes de procédure et de droit matériel qui doit être appliqués par les arbitres. En particulier, (1) les diverses questions soulevées peuvent être respectivement soumises à des règles et principes différents, et (2) ces règles et principes peuvent être empruntés à différents systèmes juridiques nationaux ainsi qu’à des sources non nationales, comme les principes du droit international, les principes généraux du droit et les usages du commerce international. Dans la mesure où les parties ont laissé la question ouverte, le tribunal recherche les règles et principes nécessaires parmi les sources indiquées à l’article 4 ». L’article 4 indique : « la loi choisie par les parties, la loi déclarée applicable selon le système de droit international privé désigné par les parties, les principes généraux de droit international public ou privé, les principes généraux de l’arbitrage international, ou la loi qui serait appli- quée par les juridictions du lieu où le tribunal siège ».

483 J.-B. RACINE, « Réflexions sur l’autonomie de l’arbitrage commercial international », Rev. arb. 2005/2. 305, spéc. nos 16 et s., p. 318 et s. ; Ph. FOUCHARD, « L’autonomie de l’arbitrage commercial international », Rev. arb. 1965. 99, spéc. p. 105 et s.

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raison du siège de l’arbitrage dans ce pays484 ? Le Tribunal arbitral du sport notamment,

est régulièrement confronté à ce questionnement, et ce pour trois types de raison se conjuguant : la nature des litiges tranchés, le choix des règles opéré par les parties, la localisation de son siège à Lausanne, en Suisse. À ce titre, le Tribunal arbitral du sport est institué en situation de référence pour l’investigation.

232. L’objectif, précisément ici, vise à analyser le raisonnement conduisant l’arbitre à décider quelles règles privilégier, lui permettant une application du droit non-étatique. Seule la règle sur laquelle se fonde l’arbitre pour conclure à l’application du droit non- étatique est ici recherchée, il ne s’agit pas, dans l’immédiat, de déterminer si le Tribunal arbitral du sport applique ou non le droit non-étatique, ou encore d’examiner les

modalités de cette application485. Deux types de raisonnements sont observés : le premier

réalise un détour par les règles de l’ordre juridique du siège (1.), le second les met à l’écart (2.).

1. – La référence aux règles de l’ordre juridique du siège

233. Il est exceptionnel que le Tribunal arbitral du sport utilise des règles de l’ordre juridique du siège non spécifiquement destinées à l’arbitrage. Une sentence se réfère à l’article 154 de la loi suisse sur le droit international privé, selon lequel les sociétés sont régies par le droit de l’État en vertu duquel elles sont organisées486. Si la méthode adoptée

et l’utilisation des règles de conflit sont respectivement jugées « pas heureuse » et « désastreuse », la seconde « [faisant] perdre à la réglementation sportive internationale son unité »487, il semble que l’une et l’autre puisent leur justification dans les faits d’espèce.

L’argumentaire développé par l’appelant, mettant en cause, au regard du droit suisse, la validité d’un texte adopté par la fédération européenne de football (UEFA), contraint l’arbitre à déterminer la loi applicable à cette fédération.

234. La pratique est bien plus fréquente de l’application de la loi suisse sur le droit international privé, en particulier son chapitre 12 dédié à l’arbitrage international.

484 G. KAUFMANN-KOHLER, « Le lieu de l'arbitrage à l’aune de la mondialisation », Rev. arb. 1998. 517, spéc. p. 526 : « tous les arbitrages du TAS ont leur siège à Lausanne, quel que soit le lieu où ils se déroulent ».

485 Sur l’application du droit non-étatique par le TAS : infra nos 280 et s.

486 TAS, 2002/A/423, 3 juin 2003, PSV NV Eindhoven c. UEFA, spéc. nos 30-31, JDI 2004. 302, obs. É. LOQUIN. L’application de l’art. 154 LDIP est cependant réalisé « conformément au Code de l’arbitrage en

matière de sport et à l’ordonnance de procédure signée par les parties » (no 30). Pour une problématique similaire, la conformité d’une sanction prise par une fédération sportive au droit suisse, et l’adoption d’un raisonnement différent excluant tout regard aux règles de conflit de lois : TAS, 2007/O/1381, 26 sept. 2007, RFEC & A. Valverde c. UCI, JDI 2009. 218, obs. É. LOQUIN.

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Quelques précisions sur ce droit suisse permettent d’évaluer ce choix tendanciel du Tribunal arbitral du sport.

235. Selon l’article 176 de la loi suisse sur le droit international privé (LDIP), « les dispositions du présent chapitre s’appliquent à tout arbitrage si le siège du tribunal arbitral se trouve en Suisse et si au moins l’une des parties n’avait, au moment de la conclusion de la convention d’arbitrage, ni son domicile, ni sa résidence habituelle en Suisse ». Cet article impose deux conditions à l’application du droit suisse de l’arbitrage international : le siège de l’arbitrage doit être la Suisse, l’arbitrage doit être international488. Les conditions de

l’article 176 réunies, les dispositions du chapitre 12 de la LDIP s’appliquent, dont précisément son article 187, permettant l’application de « règles de droit », donc du droit

non-étatique tel qu’indiqué précédemment489.

236. En première analyse, cette mention des règles de l’ordre juridique du siège par le Tribunal arbitral du sport répond aux exigences de l’ordre juridique suisse490. Un

élément d’information la relativise : ces règles sont supplétives de volonté, les parties demeurent donc libres d’adopter d’autres règles relatives à la procédure ou au fond du litige491. En d’autres termes, le droit suisse de l’arbitrage « donne un cadre à l’arbitrage […]

À l’intérieur du cadre, il appartient aux parties et aux arbitres de prévoir des règles plus spécifiques et détaillées. La loi leur alloue une vaste autonomie à cet effet. Sur de

nombreux sujets, elle n’édicte donc que des règles qui s’appliquent par défaut »492. Cette

autonomie se concrétise notamment par la possibilité de choisir un règlement d’arbitrage. À titre illustratif, la compétence du Tribunal arbitral du sport emporte application du

488 G. KAUFMANN-KOHLER et A.RIGOZZI, L’arbitrage international. Droit et pratique à la lumière de la LDIP, Schulthess, 2006, nos 101 et s., p. 30 et s., spéc. no 107, p. 32 : « Le siège est un lien juridique, volontariste entre l’arbitrage et l’ordre juridique ; ce n’est pas une notion géographique » (souligné par les auteurs) ; P. LALIVE et E. GAILLARD, « Le nouveau droit de l’arbitrage international en Suisse », JDI 1989. 905, spéc.

p. 912-913.

489 P. LALIVE, J.-F. POUDRET et C. REYMOND, Le droit de l’arbitrage interne et international en Suisse, Payot, 1989, p. 399-400 et supra nos 226-227.

490 G. KAUFMANN-KOHLER et A. RIGOZZI, L’arbitrage international…, op. cit., no 105, p. 31 : « Le rattachement au siège est impératif, en ce sens que les parties ne sauraient exclure l’application de la loi d’arbitrage du siège. En d’autres termes, la fixation du siège en Suisse entraîne toujours l’application de la loi suisse de l’arbitrage » ; J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruylant/LGDJ/Schulthess, 2002, n° 117, p. 89.

491 G. KAUFMANN-KOHLER et A.RIGOZZI , ibid., no 464, p. 191-192 (procédure) et nos 599 et s., p. 264 et s. (droit applicable au fond du litige) ; P. LALIVE et E. GAILLARD, « Le nouveau droit de l’arbitrage… »,

op. cit., spéc. p. 935 et s. et p. 943 et s. ; Cl. REYMOND, « La nouvelle loi suisse et le droit de l’arbitrage

international : réflexions de droit comparé », Rev. arb. 1989/3. 385, spéc. p. 401 et p. 406 ; P.-Y. TSCHANZ, « Le nouveau droit suisse de l’arbitrage international », RDAI, 1988/4, p. 437 et s., spéc. p. 446. ; J.-F. POUDRET et S. BESSON, ibid., nos 526 et s., p. 485 et s.

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Code de l’arbitrage en matière de sport493. La loi de l’arbitrage autorisant l’application de

ce règlement, comment expliquer que le Tribunal arbitral du sport se réfère au droit suisse de l’arbitrage international ?

237. Il semble que cette référence poursuive un objectif d’ordre « didactique »494,

servi par une volonté d’ordre pédagogique de l’arbitre, lequel cherche à justifier, le plus clairement possible, l’application du droit non-étatique. Gageons qu’un requérant, ou tout observateur non averti des subtilités de l’arbitrage sportif international, ne soupçonne guère que l’application du droit non-étatique puisse reposer sur un raisonnement dont le

cheminement requiert a minima l’attention. Ce raisonnement procède par renvois

successifs : 1/ le droit suisse de l’arbitrage, supposé applicable, autorise les parties à opter pour un règlement d’arbitrage ; 2/ ce choix est porté sur le Code de l’arbitrage en matière de sport, lequel contient des dispositions sur la détermination du droit applicable au fond du litige ; 3/ selon ce Code de l’arbitrage, des règles non-étatiques sont applicables au fond du litige, fréquemment celles de la fédération internationale de football (FIFA) ; 4/ les statuts de la FIFA constituent une disposition générale et désignent l’ensemble des règlements édictés par cette fédération, parmi lesquels il convient d’identifier le texte approprié495.

238. Malgré la volonté affichée de pédagogie, l’application de la loi suisse sur le droit international privé heurte l’idée selon laquelle l’arbitre est dépourvu de for496 et doit

pouvoir librement déterminer le droit applicable au fond du litige. M. Franck LATTY l’exprime : « Les arbitres du TAS n’ont pas à faire application des dispositions

supplétives de la LDIP », cette pratique « exagère le rattachement du TAS à l’ordre juridique

493 Code de l’arbitrage en matière de sport, art. R27, in limine.

494 É. LOQUIN, JDI 2010. 200, spéc. p. 222, obs. sous TAS, 2005/A/983&984, précité. Peut encore être avancée l’hypothèse selon laquelle certains arbitres du Tribunal arbitral du sport, en leur qualité de Professeur, cherchent à élaborer une sentence au raisonnement particulièrement pédagogique…

495 Parmi de nombreuses sentences adoptant ce raisonnement : TAS, 2005/A/983&984, 12 juil. 2006, Club

Atlético Peñarol c. C. Heber Bueno Suarez, C. Gabriel Rodriguez Barrotti & PSG, JDI 2010. 200, obs. É.

LOQUIN ; Cah. arb. 2007/2. 39, obs. A. SCHOEB. En l’espèce, l’arbitre se base sur l’art. 176 et 187 LDIP

(nos 17 et s.), il caractérise ensuite un choix porté sur le Code de l’arbitrage en matière de sport (nos 34 et s.), puis retient que les règlements de la FIFA sont applicables (nos 36 et s.), et détermine enfin le règlement de la FIFA spécialement applicable au litige (nos 42 et s.). Rappr. TAS, 2009/A/1960 et 2009/A/1961, 5 mai 2010, LOSC Lille Métropole c. Trabzonspor & T., spéc. nos 5 et s. ; TAS, 2012/A/2862, 11 janv. 2013, FC Girondins de Bordeaux c. FIFA, spéc. nos 75 et s., JDI 2014. 366, obs. J. GUILLAUMÉ ; Rev.

arb. 2015/3. 795, obs. F. LATTY.

496 Sur l’absence de for arbitral : H. BATIFFOL, « L’arbitrage et les conflits de lois », Rev. arb. 1957. 110 ; Fr. EISEMANN, « La lex fori de l’arbitrage commercial international », Trav. Com. fr. DIP (1973-1975), Dalloz,

1977, p. 189 et s. ; B. OPPETIT, Théorie de l’arbitrage, PUF, Droit-Éthique-Société, 1998, p. 86-87 ; A. KASSIS, L’autonomie de l’arbitrage commercial international, Harmattan, Logiques juridiques, 2006, nos 444, p. 263 et s. Comp. F.-A. MANN, « Lex Facit Arbitrum », in Mélanges Martin DOMKE, Martinus Nijhoff, 1967, p. 157 et s. (reproduit in Arb. international, vol. 2, n° 3, 1986. 241).

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suisse ; elle attente en ce sens à l’autonomie de l’arbitrage sportif »497. Cette évaluation

critique est en accord avec une doctrine dont le questionnement est plus général quant à l’utilisation systématique des règles de l’ordre juridique du siège de l’arbitrage498.

239. La démonstration, ici, est circonscrite à l’analyse de la méthode et du

processus ayant conduit à déterminer le droit applicable. Le droit comparé de l’arbitrage

invite à une relativisation des critiques dont il vient d’être fait état, enseignant que les règles de détermination du droit applicable au fond du litige sont généralement identiques, et privilégient la liberté de choix des parties. Ainsi, qu’un raisonnement se fonde sur le droit suisse de l’arbitrage international ou, par exemple, sur un règlement d’arbitrage, n’en modifie pas l’issue, c’est-à-dire l’application du droit non-étatique499.

2. – La mise à l’écart des règles de l’ordre juridique du siège

240. L’examen indique que, dans sa confrontation à une pluralité de textes pour déterminer le droit applicable au fond du litige, le Tribunal arbitral du sport s’inscrit par ailleurs dans une démarche d’émancipation des règles instituées par l’ordre juridique du siège, privilégiant la ou les références à des règles d’une autre nature. Trois types de pratique sont alors observables : le premier réfère exclusivement au Code de l’arbitrage en matière de sport ; le deuxième mentionne conjointement ce Code et les statuts ou règlements édictés par une fédération internationale ; le troisième atteste d’une prise en compte croissante de la volonté.

241. Il est fréquent que le Tribunal arbitral du sport, pour déterminer le droit applicable au fond du litige, se fonde sur les dispositions du règlement d’arbitrage, nommé Code de l’arbitrage en matière de sport. Le Tribunal arbitral du sport écarte alors l’application des règles du siège de l’arbitrage, et de la loi suisse sur le droit international privé, se référant exclusivement à ce Code. Là où le raisonnement précédent requérait quatre étapes, il s’en trouve ici allégé : en raison du caractère supplétif des règles du siège de l’arbitrage, le Tribunal arbitral semble ne pas juger nécessaire qu’elles soient explicitement mentionnées, bien qu’elles constituent la base du raisonnement tenu. Cette ellipse, conduisant à une application implicite des règles de l’ordre juridique du siège, ne

497 F. LATTY, La lex sportiva…, op. cit., p. 549 (souligné par l’auteur).

498 Sur les critiques de l’utilisation des règles de conflit de lois du siège : Ch. SERAGLINI et J. ORTSCHEIDT,