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Partie II LES VICTIMES COMBATTANTES LES VICTIMES COMBATTANTES

1. Les militaires à la guerre

Les premières figures de victimes que l’on abordera, les militaires à la guerre, ne sont pas les plus représentées – dépassées en nombre par les militaires hors du front. Pourtant, comme il a déjà était dit, c’est bien à eux que l’on pense en premier à propos des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Dans ces films, ces victimes sont considérées comme combattantes autant par leurs actes – faire face à un ennemi armé – que par leur condition socio-professionnelle – les militaires de carrière comme les appelés restent des soldats. Mais à la différence de leurs homologues à l’arrière des fronts, ces militaires à la guerre vont être amenés à faire démonstration de cette condition de combattant. On le voit donc les armes à la main. Ainsi, dans le genre du pur « film de guerre militaire », ces films sont aisément identifiables par plusieurs critères :

 Le statut militaire du ou des personnages, professionnel ou non  La présence d’une hiérarchie militaire

 La description d’un mode de vie militaire  Le contexte spatio-temporel guerrier.

On retrouve dans ces films les motifs spécifiques du genre cinématographique, comme les espaces (le front, l’arrière, l’intérieur occupé, etc.), les lieux (le messe, le dortoir, le QG, etc.), les personnages (le supérieur, le chef direct, les camarades, le vétéran expérimenté, le bleu, etc.), les objets (les uniformes, les armes, les objets personnels, etc.) ou les situations (le recrutement, l’entrainement, l’attente, l’affrontement armé, la mort au combat, etc.)153.

Parmi tous les films, 56 répondent à ces critères. Ils décrivent à travers leurs personnages principaux et/ou secondaires la Seconde Guerre mondiale d’un point de vue militaire et guerrier – des affrontements avec l’ennemi à la vie quotidienne au sein du bataillon, des relations épistolaires avec une épouse restée à l’arrière aux rapports de force entre camarades, etc. Ces militaires à la guerre arrivent dès 1944 sur les écrans français, tout de suite en nombre important, avant de diminuer quelque peu avec l’arrivée progressive des autres catégories de victimes, combattantes et non-combattantes. Si l’on prend en compte les années de production de ces 56 films, 35 sont produits avant 1945, l’Armistice et la fin de la guerre (c'est-à-dire 62 %), contre

21 après cette date (38 %). Même s’ils sortent dans une France libérée, les films produits avant 1945 peuvent apparaitre comme quelque peu anachroniques dans la mesure où ils sont des produits de propagande datant de la guerre.

Néanmoins, le public français semble consommer ces films sans tenir compte de ces années de production. L’accueil qu’il réserve à ces films et à leurs personnages de militaires, comme la répartition quasi-homogène de ces productions tout au long de la période, montrent l’intérêt persistant du public pour ce type de récit. Ces films de guerre, par le biais de leur scénario et avec la présence de ses têtes d’affiche, proposent une interprétation militaire de la Seconde Guerre mondiale. Mais quel que soit le traitement scénaristique, la grande majorité de ces films se réclament d’une véracité historique ou recherchent une certaine crédibilité. Par exemple, nombre de ces films prétendent être des histoires vraies, présentées comme des fictionnalisations, des adaptations ou même, à quelques occasions, comme des documentaires. Cet argument est généralement annoncé dès le générique, par le biais de cartons ou d’une voix-off. Certains des personnages peuvent avoir réellement existé, comme le docteur Corydon Wassell de L’Odyssée du Docteur Wassell (The Story of Dr. Wassell, Cecil B. DeMille, 1944, USA) ou le correspond de guerre Ernie Pyle des Forçats de la gloire (The Story of G.I. Joe, William Wellman, 1945, USA). Quelques scénarios mettent en scène des personnalités connues, renforçant l’inscription historique de leur récit. Par exemple, Spencer Tracy interprète – assez brièvement alors que l’acteur tient le haut de l’affiche – le Lieutenant-Colonel James H. Doolittle154 dans Trente secondes sur Tokyo (Thirty Seconds Over Tokyo, Mervyn Leroy, 1944, USA). Et certains films vont encore plus loin ; ainsi, Alexeï Dikif incarne à deux reprises Joseph Staline dans les productions russes La Bataille de Stalingrad (Stalingradskaya bitva, Vladimir Petrov, 1949, URSS) et Le Troisième Coup (Treti oudar, Igor Savtchenko, 1948, URSS), qui ont comme point commun de mettre en scène le Père des peuples en personnage principal. Ailleurs, certains utilisent les témoignages directs des véritables protagonistes, s’assurant une double crédibilité auprès du public : s’ils acceptent de (re)jouer ce qu’ils ont vu

154 Lieutenant-Colonel James H. Doolittle (1896-1993), ancien pilote de guerre, officier de l’USAAF (United State Army Air Force), il est à l’origine du raid (qui porte son nom) sur Tokyo d’avril 1942. Il est entre autre honoraire de la Medal of Honnor, plus haute distinction de l’armée américaine.

et/ou vécu, c’est qu’ils considèrent que ces films sont réalistes. Leur participation peut être une caution d’authenticité. Ainsi, trois des soldats immortalisés par la célèbre photographie de Joe Rosenthal du planté de drapeau américain sur le Mont Suribachi jouent dans Iwo-Jima (Sands

of Iwo-Jima, Allan Dwan, 1949, USA) aux côtés de John Wayne, alors que Les Forçats de la gloire s'offre « la participation d'anciens combattants américains d'Afrique du Nord et d'Italie155

» aux côtés de Burgess Meredith et Robert Mitchum. D'autres films poussent le principe plus loin en ne faisant jouer que des anciens combattants, comme les productions britanniques

Missions secrètes (Western approaches, Pat Jackson, 1944, RU) et La gloire est à eux (Men of Arnhem, Brian Desmond Hurst et Terrence Young, 1944, RU). Le premier est interprété par

« des officiers et marins des marines de guerre et marchandes alliés156 » tandis que le second met en scène « les parachutistes d'Arnhem157 ». Le cas le plus explicite reste cependant La

Bataille de l'eau lourde (Jean Dréville et Titus Vibe-Müller, 1947, FR/Norvège) qui, dans ces

cartons introductifs, insiste tout particulièrement sur ce rapport entre la crédibilité historique et l'emploi d'anciens combattants:

Un film franco-norvégien.

Avec le concours de la glorieuse formation militaire norvégienne.

Les personnages et les situations de ce film sont strictement authentiques. Il retrace fidèlement l'aventure des hommes qui participèrent à la lutte livrée par les Alliés contre l'Allemagne pour la possession d'un produit rare et d'une importance capitale dans la conquête de l'Énergie Atomique, l'EAU LOURDE.

Nous tenons à remercier les Parachutistes des Corps Francs Norvégiens [...], les membres actifs de la Résistance norvégienne [...], et les savants [...], d'avoir bien voulu revivre à l'écran, dans sa scrupuleuse exactitude, cet épisode de la guerre secrète que l'Histoire appelle déjà La

Bataille de l'eau lourde.

Lorsque ces films s’éloignent un tant soit peu des faits historiques, ils essayent néanmoins de se rapprocher malgré tout de l’histoire factuelle du conflit. Sahara (Zoltan Korda, 1943, USA) ou Sabotage à Berlin (Desperate Journey, Raoul Walsh, 1942, USA), qui racontent des actions militaires fictives, s’inscrivent dans la logique du genre en proposant une mise en scène réaliste. Mais malgré ces apparences, le détachement des personnages, des faits et des actions accomplies dans les films, ils n’en restent pas moins complètement fictifs, sans aucune réelle crédibilité historique – Sabotage à Berlin peut même apparaitre comme farfelu et irréaliste. C’est sensiblement la même chose pour des cas plus extrêmes, comme dans le film fantastique Un nommé Joe (A Guy Named Joe, Victor Flemming, 1943, USA) où le fantôme d’un pilote vient en aide au jeune homme qui le remplace – autant sur le front que dans le cœur

155 Carton d’ouverture du film.

156 La Saison Cinématographique 1945/1947, La Revue du Cinéma, Hors-série XXVII, p. 135.

de sa veuve. Même si la dimension fantastique du film annule d’office toute possible crédibilité historique, il n’en reste pas moins prenant et réaliste du point de vue de la mise en scène militaire, comme par exemple lors des scènes de voltige aérienne ou le bombardement final dans le Pacifique. Cette inscription dans un vraisemblable réaliste s’observe aussi dans ce que veulent illustrer ces différents films – la dure condition de ces militaires, autant fictifs qu’historiques.

Tout est fait pour que les spectateurs adhèrent à la vision qui leur est présentée sur l’écran, autant du point de vue cinématographique (ils doivent aimer le film en tant que film) que d’un point de vue idéologique (ils doivent croire ce qu’ils voient). Cette idéologie saute aux yeux si l’on se penche sur les différentes nationalités de ces films de guerre. En toute logique, ces fictions proviennent uniquement des pays alliés, mais surtout des quatre forces militaires principales, à savoir les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’U.R.S.S. Une seule exception est faite au film italien Sept ans de malheur (Come persi la guerra, Carlo Borghesio, 1947, It) – qui, tout en respectant les motifs du film de guerre, s’avère être bien plus une comédie à l’italienne, genre apprécié en France à l’époque… Ces films portés par des militaires en action sont donc bel et bien des films faits par les vainqueurs, sur les vainqueurs et ici, pour les vainqueurs.

Sous ce couvert de films historiques, ils mettent potentiellement en scène l’ensemble des batailles et des affrontements armés qui ont eu lieu durant le conflit, que ce soit des offensives ou des actions défensives et quel que soit le corps d’armée. Le plus représenté reste l’infanterie, avec pas moins de 31 films mettant en scène les armées de terre. Moins visibles, les armées de l’air ont quand même droit à 14 films, tandis que 11 films mettent en scène la marine. Dans ces productions, on peut voir à l’écran les différents fronts de guerre, dans des proportions également variables. Le plus représenté est le front européen, avec près de 27 films, suivi par le front pacifique avec 20 films. Le front russe, lui, ne compte que 5 films alors que seuls 4 films abordent exclusivement le front africain. Seule la production américaine aborde

la totalité de ces différents fronts. Les films français, britanniques et italiens n'illustrent que les affrontements en Europe occidentale et les films russes ceux se déroulant à l'Est. 13 films américains traitent du front européen et la totalité des films qui traitent des fronts pacifique et africain sont des productions américaines. Le film Convoi vers la Russie (Action in the North

Atlantic, Lloyd Bacon, 1943, USA) s'offre même le luxe d'aborder le front russe où l'armée

américaine n'a jamais mis les pieds. La grande majorité des films traitent de personnages et de faits historiques de la même nationalité que la production : les films français parlent de soldats français et abordent la Seconde Guerre mondiale d'un point de vue français158 ; il en va de même pour la production britannique, russe ou italienne. L'exception revient encore à la production américaine qui, même si elle favorise le plus souvent la représentation de ses soldats, offre dans quelques films des représentations des autres forces armées : des soldats français en Afrique dans L’Imposteur (The Impostor, Julien Duvivier, 1944, USA), des patriotes philippins dans

Retour aux Philippines (Back to Bataan, Edward Dmytryk, 1945, USA), un engagé volontaire

norvégien dans Le Commando frappe à l’aube (Commando Strike at Dawn, John Farrow, 1942, USA), voire tout un bataillon multinational dans Sabotage à Berlin ou Sahara.

À l’échelle des protagonistes, la prédominance est masculine dans les différentes distributions. Par-là, les victimes sont donc en très grande majorité des hommes. Au niveau de la distribution, sur les 129 têtes d’affiches des 56 films, 112 sont des hommes, pour seulement 17 femmes – c'est-à-dire dans un rapport de 87 % contre 13 %. Si, durant la guerre, les armées impliquées (excepté le Japon) comprenaient toutes des femmes dans leurs effectifs, celles-ci n'intervenaient pas directement dans les affrontements armés et occupaient des postes à l'arrière, comme médecins, infirmières, machinistes, mécaniciennes, commis, secrétaires ou encore employées dans les télécommunications. Seuls les hommes prennent les armes et partent au combat. Lorsqu'ils partagent l'affiche avec des femmes, elles n’ont jamais les rôles principaux – à deux exceptions près, Crépuscule (Sundown, Henry Hathaway, 1941, USA) avec Gene Tierney, et Perdue sous les tropiques (Fight For Freedom, Lothar Mendes, 1943, USA) avec Rosalind Russell. Dans de nombreux films, les acteurs sont présentés dans le générique avec le nom et le grade militaire de leur rôle, avec un éventail de presque toute la hiérarchie militaire, du simple soldat au Commandant Général – voire le Président du Conseil des commissaires du Peuple, Joseph Staline. Ainsi, ces acteurs principaux peuvent être :

 Soldat (comme Peter Moss (interprété par James Edwards) dans La Demeure des braves (Home of the Brave, Mark Robson, 1949, USA))

 Caporal (Colin Spence (Henry Fonda) dans Aventures en Lybie (Immortal Sergeant, JohnM. Stahl, 1943, USA159))

 Sergent (Bill Dane (Robert Taylor) dans Bataan (Tay Garnett, 1943, USA), Joe Gunn (Humphrey Bogart) dans Sahara ou John M. Stryker (John Wayne dans Iwo-Jima)

 Major (Geoffrey Caton (Brian Donlevy) dans La Sentinelle du Pacifique (Wake Island, John Farrow, 1942, USA))

 Lieutenant (Claude Legrand (Georges Marchal) dans Les Démons de l'aube (Yves Allégret, 1945, FR), Terence Forbes (Errol Flynn) dans Sabotage à Berlin ou John Brickley (Robert Montgomery) et Rusty Ryan (John Wayne) dans Les Sacrifiés (They

were expendable, John Ford, 1945, USA))

 Capitaine (Nelson (Errol Flynn) dans Aventures en Birmanie (Objective, Burma !, Raoul Walsh, 1945, USA) ou Ferane (Pierre Blanchar) dans Le Bataillon du ciel (Alexandre Esway, 1945, FR))

 Commandant (McCain (Randolph Scott) dans Corvette K.225 (Richard Rosson, 1943, USA))

 Colonel (Joseph Madden (John Wayne) dans Retour aux Philippines (Back to Bataan, Edward Dmytryk, 1945, USA)

 Général (Muraviov (Mikhaïl Derjavine) dans Le tournant décisif (Velikiy perelom, Fridrikh Ermler, 1945, URSS))

Dans la quasi-totalité de ces 56 films, le personnage principal est donc un de ces militaires en action, quel que soit son grade, son corps d’armée, son lieu d’action, etc. Certains cas sont cependant un peu plus flous, avec des personnages principaux qui ne sont pas tout à fait des militaires. Dans L’Odyssée du Docteur Wassell, Gary Cooper interprète un médecin de campagne amené à servir au sein de l’armée américaine sur l’île de Java. Les films La gloire

est à eux, Les Forçats de la gloire ou Je te retrouverai (Somewhere I’ll Find You, Wesley

159 Aussi orthographié Aventure en Lybie.

Ruggles, 1942, USA) se focalisent sur des reporters de guerre. La comédie L’Aventure

commence à Bombay (They met in Bombay, Clarence Brown, 1941, USA) met en avant un

usurpateur se faisant passer pour un soldat. Néanmoins, tous ces personnages sont assimilables à des militaires en action dans la mesure où ils partagent le mode de vie des soldats et le danger de la guerre sur le front – comme les personnages féminins dans les rares films centrés sur des actrices. Il en va de même pour les militaires acculés à une guerre de position à l’arrière ou réduits à faire des actes de sabotage, comme dans Les Démons de l’aube ou La Bataille de l’eau

lourde – car bien plus que des résistants ou des espions, c’est bien en tant que militaires qu’ils

sont présentés.

Du côté du box-office, on a déjà relevé que ces films comportaient un pourcentage important de succès, avec près de 40% des films qui dépassent le million d’entrées, dont 12 passant la barre des 2 millions d’entrées.

Mais tous ces critères énoncés plus haut ne semblent pas invariablement troubler la réception de ces films en France. Certains d’entre eux sont chaudement accueillis par le public, malgré le fait qu’ils lorgnent aux limites du genre, comme L’Odyssée du docteur Wassell (proche d’un film sur les militaires hors du front), Les Démons de l’aube (proche du film de résistance) ou La Bataille de l’eau lourde (proche du film d’espionnage). À l’inverse, de purs films de guerre avec de véritables portraits militaires ne trouvent pas leur public, à l’instar des

Sacrifiés ou de La Sentinelle du Pacifique. Il en va de même quand on cherche un rapport avec

la promesse de véracité ; Sabotage à Berlin comme Sahara, avec respectivement 2,4 et 1,7 millions d’entrées, sont des succès malgré leurs approximations historiques, tandis que le quasi documentaire La gloire est à eux ne dépasse pas 900 000 entrées. De plus, si les films qui se passent sur le front européen ont proportionnellement plus de succès (65 % d’entre eux dépassent le million d’entrées), la représentation d’une guerre lointaine ou méconnue du public français n’est pas forcément un frein au succès. Un certain nombre de films abordant le front pacifique font peu d’entrées (seuls 25 % cumulent plus d’un million d’entrées) quand d’autres sont en tête du box-office, comme Trente secondes sur Tokyo (2,8 millions d’entrées), Bataan (1,7 millions), Iwo Jima (2,5 millions), Aventures en Birmanie (2,6 millions) ou surtout

L’Odyssée du docteur Wassell (un des plus grands succès du corpus, avec 5,8 millions

de l’époque, comme Spencer Tracy, Dana Andrews ou Van Johnson, s’illustrent fréquemment dans des films sur la Seconde Guerre mondiale mais avec un succès variable. Trente secondes

sur Tokyo et Un nommé Joe, tous deux portés par Spencer Tracy et Van Johnson en têtes

d’affiche, n’ont pas du tout le même retentissement. D’autres stars comme Tyrone Power ou Errol Flynn, adulés du public et continuellement mentionnés dans les courriers des lecteurs des magazines de l’époque, semblent autant attirer les foules dans leurs rôles de militaires que dans leurs films d’aventures ou de cape et d’épée. Mais ce n’est pas le cas pour Clark Gable qui, avec trois films de guerre militaires sortis en 1950 – Je te retrouverai, Tragique décision (Command Decision, Sam Wood, 1948, USA) et L’Aventure commence à Bombay – n’essuie que des échecs, alors qu’au même moment Autant en emporte le vent (Gone with the Wind, Victor Flemming, 1939, USA) recueille l’énorme succès qu’on sait160.

Le Bataillon du ciel

Le plus gros succès français concernant les militaires à la guerre est Le Bataillon du ciel, réalisé en 1945 par Alexandre Esway et sorti en deux parties en 1947 – la Première époque :

Ce ne sont pas des anges le 5 mars 1947 ; la Seconde époque : Terre de France le 16 avril de

la même année161. Si le chiffre de 8,6 millions d’entrées correspond au nombre d’entrées cumulées des deux volets du film, il n’en reste pas moins un succès important, comme le dit Sylvie Lindeperg :

Ce ne sont pas des anges avait déjà « fait courir » Paris en battant, dès sa première semaine

d’exploitation, le record d’affluence de La Symphonie pastorale. Terre de France fut un triomphe plus grand encore, qui dépassa les espérances des exploitants du Marignan et du Marivaux162.

Ce double succès s’inscrit surtout dans ce qui semble être un plébiscite du public français pour les productions nationales sur les militaires à la guerre en général. Fils de France (Pierre Blondy, 1945, FR), le film qui recueille le moins de succès, cumule quand même 1,7 million d’entrées, quand Le Grand Cirque (Georges Péclet, 1950, FR) dépasse les 3 millions. Le sort des militaires français au cinéma est un gage de succès : L’Imposteur, production américaine réalisée par le Français Julien Duvivier avec Jean Gabin en tête d’affiche et qui

160 Sorti en France 11 ans après sa sortie aux USA, le film est un succès colossal – et encore aujourd’hui, il est classé, avec ses 16,7 millions d’entrées, dans les plus grands succès au box-office français ; à en croire la presse et les courriers des lecteurs de l’époque, il était attendu impatiemment par le public français et ses interprètes principaux, Clark Gable, Vivien Leigh et Olivia de Havilland, longuement commentés.

161 Sorties parisiennes du film.

aborde le sort d’un soldat français sur le front africain, est lui aussi un grand succès, avec plus de 2,2 millions d’entrées163. Même lorsqu’une production française traite de militaires étrangers, comme les parachutistes norvégiens de La Bataille de l’eau lourde, le public se présente en grand nombre – le film de Jean Dréville et Titus Vibe-Müller recueille plus de 5,3 millions d’entrées.

On préférera cependant analyser Le Bataillon du ciel. Même si le nombre d’entrées cumulées est à diviser par deux, les deux volets du film n’en restent pas moins des énormes succès. Surtout, on y voit différemment ces militaires français, puisqu’on peut y apprécier un régiment au complet, soit une multitude de personnages de militaire à la guerre. La première partie du film raconte le dur entrainement des parachutistes français au sein de la Royal Air