• Aucun résultat trouvé

Partie II LES VICTIMES COMBATTANTES LES VICTIMES COMBATTANTES

2. Les militaires hors du front

À côté de ceux que l’on peut voir se battre sur les fronts, on peut aussi apprécier ces militaires hors du front et loin des combats. Ces derniers constituent la sous-catégorie de victimes la plus conséquente en nombre de films. Si on ne verra que rarement ces militaires hors du front les armes à la main, leur condition de combattants est cependant sous-entendue par leur statut socio-professionnel. Dans tous leurs films, ces deux catégories de militaires ont de nombreux points communs – l’illustration des différents fronts, l’amplitude des grades militaires présentés, etc. Ceux concernant les militaires hors du front vont eux s’attacher à décrire l’autre côté de la guerre : l’arrière, quand les armes sont déposées. Plus qu’à décrire la Seconde Guerre mondiale du point de vue militaire et guerrier, ces films mettent en scène un ou plusieurs militaires loin des combats – en formation, en permission ou à la Libération. On y voit leur rapports non pas avec l’ennemi, mais ceux pour qui ils semblent se battre – des civils, leur famille, leurs homologues, leurs concitoyens. 68 films répondent ainsi à cette description, paraissant sur les écrans français dès 1944. Quand à partir de 1947 le nombre de représentation de militaire à la guerre baisse légèrement, celui de ces militaires hors du front augmente lui significativement. Sur ces 68 films, près d’un film sur 4 est une production datant de la guerre : soit 26 films réalisés avant 1945, avec des années de productions remontant jusqu’à 1940, notamment dans la production française). Les 42 autres sont produits de la Libération à 1950.

On note que là où les militaires à la guerre étaient restreints au genre du film de guerre, les films sur les militaires hors du front n’utilisent du militaire que sa figure. Ainsi, le personnage du militaire est retiré du cadre du genre cinématographique et peut ainsi s’afficher dans une multitude de styles de films différents. En montrant des militaires loin des fronts, ces derniers n’ont alors plus à vivre des histoires de guerre et de combats et vont pouvoir s’illustrer entre autres dans :

- Des drames (comme Les Anges marqués (The Search, Fred Zinnemann, 1948, USA))

- Des mélodrames (comme Le Chant de la terre sibérienne (Skazanie o ziemlie

Sibirskoï, Ivan Pyriev, 1947, URSS))

- Des comédies (comme Francis, le mulet qui parle (Francis, Arthur Lubin, 1950, USA))

- Des comédies burlesques (comme Pan ! dans la lune (El Moderno barba azul, Jaime Salvador, 1946, Mexique))

- Des comédies de mœurs (comme Tierce à cœur (Jacques de Casembroot, 1947, FR))

- Des films de « revue » (comme Hollywood Canteen (Hollywood Canteen, Delmer Daves, 1944, USA))

- Des films fantastiques (comme Une question de vie ou de mort (A Matter of Life and

Death, Michael Powell et Emeric Pressburger, 1946, RU)

- Des films noirs (comme Tokyo Joe (Tokyo Joe, Stuart Heisler, 1949, USA))

- Des films de procès (comme Prisonniers de Satan (The Purple Heart, Lewis Millestone, 1944, USA))

- Des films de détectives (comme Feux croisés (Crossfire, Edward Dmytryk, 1947, USA))

Comme pour les films sur les militaires à la guerre, ces illustrations de militaires hors du front sont principalement du fait des pays vainqueurs, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’URSS. On note néanmoins quelques exceptions, comme les 3 films italiens (La Fille

maudite (Preludio d’amore, Giovanni Paolucci, 1946, It), Noël au camp 119 (Natale al campo 119, Pietro Francisci, 1947, It) et Sans pitié (Senza pietà, Alberto Lattuada, 1948, It). Mais tous

trois se déroulent durant l’après-guerre en mettant en scène des militaires ayant combattu du côté des Alliés. Sans pitié raconte par exemple la romance contrariée entre une Italienne et un soldat noir Américain. On trouve aussi 3 autres films aux nationalités plus originales. Pan !

dans la lune est un film mexicain avec l’ancienne star Buster Keaton et mettant en scène un

marin américain qui, perdu dans le Pacifique, accoste au Mexique qu’il confond avec le Japon240. Soldat Boum (Soldat Bom, Lars-Erik Kjellgren, 1948, Suède), originaire de Suède, est

240 On notera que le Mexique est un pays Allié depuis qu’il a déclaré la guerre à l’Allemagne nazie, à l’Italie fasciste et à l’Empire du Japon le 28 mai 1942. Certains de ses militaires participèrent aux campagnes du Pacifique, notamment aux Philippines, d’autres aux campagnes européennes, comme lors du Débarquement de Normandie.

une comédie mettant en scène un militaire, malgré le statut « neutre » du pays lors du conflit241. Enfin, Les Assassins sont parmi nous (Die mörder sind unter uns, Wolfgang Staudte, 1946, Allemagne) vient d’Allemagne de l’Est (RDA). Sorti le 18 juin 1948, il est le premier film allemand à paraitre sur les écrans français depuis la Libération. Il met notamment en scène des civils et d’anciens militaires allemands et c’est un des seuls films du sous-corpus à donner le rôle d’antagonistes à ces militaires.

En revanche, là où ces films sur les militaires hors du front s’éloignent vraiment de ces autres films les montrant au front, c’est quant à leur inscription historique. Si certains films, comme Prisonniers de Satan242 ou J’avais cinq fils (The Fighting Sullivans, Lloyd Bacon, 1944, USA)243 sont inspirés d’histoires vraies auxquelles ils tentent d’insuffler le maximum de crédibilité historique, la grand majorité de ces autres films se contentent d’inscrire dans une époque précise – celle de la Seconde Guerre mondiale – des personnages et des situations entièrement fictifs. L’éloignement avec l’Histoire y est facilité par l’éloignement du conflit. Ainsi, si des films peuvent se dérouler en Europe, dans le Pacifique, en Russie ou même en Afrique, c’est bien plus l’arrière qui importe que les véritables batailles historiques. Ces films ne se déroulent pas forcement sur les lieux des combats, et le passé militaire du ou des protagonistes n’est pas forcément explicite – tout comme leur grade, leurs relations socio-professionnelles ou même leurs exploits à la guerre.

241 Malgré une collaboration économique avec l’Allemagne nazie durant la guerre, la Suède fut aussi une terre d’asile pour de nombreux réfugiés – notamment juifs.

242 Prisonniers de Satan est basé sur l’histoire vraie de soldats américains arrêtés, emprisonnés et jugés par les Japonais en avril 1942. (Voir plus bas)

243 J’avais cinq fils est inspiré de l’histoire vraie de 5 frères qui s’engagent après l’attaque de Pearl Harbor et vont servir ensemble sur le même navire, l’USS Juneau, où ils trouveront tous les cinq la mort en novembre 1943 au large de Guadalcanal. C’est cette histoire tragique qui donna lieu à la Sole Survivor Policy aux États-Unis en 1948 et qui, entre autre, interdira que les membres d’une même famille servent côte à côte durant la guerre. Steven Spielberg s’inspirera de J’avais cinq fils et du Sole Survivor Policy pour son film Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan, 1998, USA).

Dans ces films sur les militaires à la guerre, il existe trois propositions scénaristiques possibles, quel que soit le genre cinématographique qui est choisi :

 Dans le premier cas, le film raconte une histoire qui se déroule avant le conflit. La Seconde Guerre mondiale va créer un bouleversement, forçant le départ à la guerre des protagonistes militaires. Seuls 6 films sur les 68 adoptent ce schéma (c’est-à-dire près de 9 %). C’est le cas par exemple de J’avais cinq fils qui s’attarde à montrer les liens indéfectibles qu’il existe entre les cinq frères Sullivans et les relations qu’ils entretiennent avec leurs parents et leur sœur. On s’attarde aussi sur leurs amours de jeunesse. Puis, après l’attaque de Pearl Harbor, leur patriotisme et leur envie de combattre ensemble les amènent à s’engager tous les cinq, malgré le récent mariage d’Al, le benjamin de la famille. Seules les 10 dernières minutes du film (sur 105 minutes) les montrent en uniforme de marin à bord du même bâtiment, où on assiste à leur mort. Face au Soleil Levant (Behind the rising Sun, Edward Dmytryk, 1943, USA) ou Hitler et sa clique (The Hitler gang, John Farrow, 1944, USA) se déroulent eux aussi en majeur partie avant le début du conflit. Ils mettent tous deux en scène des militaires de l’Axe – un pilote japonais fanatique ou Adolf Hitler lui-même, du petit caporal allemand qu’il était lors de la guerre de 1914-1918 au Führer du Reich Allemand aux débuts de la Seconde Guerre mondiale. Dans tous les cas, qu’on suive des militaires Alliés ou ceux de l’Axe, ces films versent dans la propagande alliée. Ils sont quasiment tous produit durant la guerre et servent à montrer le patriotisme des uns et illustrer l’ignominie des autres.

 La deuxième option scénaristique fait se dérouler le film pendant la Seconde Guerre mondiale. Au nombre de 37 films (soit 54 %), c’est l’option la plus utilisée, que les films datent de la guerre ou de l’après-guerre. À l’arrière du front, des militaires (qu’ils soient alors blessés, en permission, ou occupant un poste reculé des lignes) se retrouvent confrontés à d’autres protagonistes : d’autres militaires, des civils, des membres de l’hôpital, ou leur famille et leurs amis. Dans L’Héroïque parade (The way ahead, Carol Reed, 1944, RU), on peut ainsi suivre un groupe de sept hommes appelés sous les drapeaux, après le désastre de Dunkerque en juin 1940. Se montrant d’abord incapables lors de leur formation qui dure quasiment tout le film, ils s’avèreront courageux et efficaces à proximité des lignes ennemis lors du final. Dans Les Anges de miséricorde (So proudly we hail, Mark Sandrich, 1943, USA), un groupe de huit infirmières de la Croix-Rouge sont rapatriées vers les États-Unis ; sur le bateau, elles se remémorent leurs

actions dans un hôpital militaire de Corregidor, mais aussi leurs différents et leurs amours. Dans Hollywood Canteen, on suit un sous-officier blessé en convalescence à Los Angeles, où il fréquente la Hollywood Canteen – un véritable club offrant des divertissements aux militaires en permission. Ce film de revue offre, à travers les yeux du personnage de Slim (Robert Hutton), des numéros de véritables stars de l’époque, comme Bette Davis ou John Garfield (les deux créateurs de la Canteen), mais aussi Joan Leslie ou Joan Crawford.

 Enfin, la dernière option situe les films à la Libération, lorsque la guerre se termine. Ils racontent des histoires sur le retour des militaires, qu’ils soient sains et saufs ou blessés, dans leur pays d’origine, auprès des leurs. D’autres fois, ils peuvent aussi les montrer toujours en service une fois les combats terminés, dans des pays nouvellement libérés. Ce sont ainsi 25 films (soit 37 %) qui situe leurs actions à l’après-guerre et ils sont tous logiquement produit après 1945. Dans Mon propre bourreau (Mine own executioner, Anthony Kimmins, 1947, RU), un psychanalyste tente de soigner un ancien soldat de retour aux États-Unis, traumatisé de son expérience lors de la guerre du Pacifique. Il échoue et son patient tue sa femme lors d’un moment de folie. Le psychanalyste doit alors prouver (notamment à lui-même) qu’il est apte à continuer de pratiquer. A l’inverse, Les Anges marqués met en scène Ralph Stevenson (Montgomery Clift), un militaire américain en position dans les ruines de l’Allemagne défaite en 1945, se retrouvant confronté à l’horreur des orphelins des camps de concentration.

La localisation de l’action (et donc son éloignement du front) est aussi une autre considération scénaristique à prendre en compte, que l’histoire se déroule avant, pendant ou après la guerre. Deux possibilités existent :

 Les protagonistes militaires peuvent se retrouver à l’arrière du front, mais toujours loin de chez eux, comme les hommes de la Clique d’Hitler, les infirmières des Anges de

miséricorde, ou encore le soldat américain des Anges marqués. Si on ne les voit pas

forcément les armes à la main lors des combats, ces hommes et ces femmes, tous militaires, sont néanmoins confrontés à des gens qui ne sont pas des proches ou des concitoyens – et ce, que la guerre se prépare, qu’elle soit en cours ou enfin finie. Sur les 68 films du sous-corpus, 25 optent pour l’arrière, soit près de 37%.

 À l’inverse, l’action peut se dérouler dans leur pays d’origine, (sous-entendant l’idée d’un « chez soi »), ou du moins dans son propre pays. Que ce soit auprès des siens ou

de ses concitoyens, au départ de la guerre, en permission ou à la Libération, ces militaires ne sont néanmoins pas ou plus en pays étrangers. Ainsi, les frères Sullivans côtoient leurs familles et leurs amis américains avant de partir dans le Pacifique ; Slim, le soldat blessé d’Hollywood Canteen, participe sur Hollywood Boulevard à une nuit de rêve durant la guerre, tandis que Adam Lucian, le soldat traumatisé de Mon propre

bourreau ne supporte pas le retour au pays à la Libération. Ils sont ici 42 films, soit

62 %, à choisir de faire se dérouler leur histoire dans le pays d’origine de ses militaires.  La seule véritable exception reste Planqué malgré lui (When Willie Comes Marching

Home, John Ford, 1950, USA). En effet, son protagoniste y est en perpétuel mouvement,

passant de son village d’origine au camp d’entrainement militaire, jusqu’à l’arrière des lignes de combat ou en pays occupé auprès de la Résistance française. Le film emprunte donc aux deux schémas précédemment cités.

Dans toutes les situations, ces militaires hors du front sont confrontés aux autres. À d’autres militaires comme eux, mais surtout à d’autres qui n’ont pas une la même implication qu’eux dans les combats. C’est parce qu’ils s’ouvrent à d’autres victimes que celles caractéristiques des films de guerre que ces films sur les militaires hors du front s’offrent aussi l’illustration d’autres potentielles victimes du conflit. Si Les Anges marquées est porté par un Montgomery Clift en uniforme, le film donne une part importante de sa narration au personnage de Karel « Jimmy » Malik (interprété par le jeune Ivan Jandl), un garçon de 10 ans rescapé de la déportation et des camps d’Auschwitz – ainsi qu’à sa mère, elle aussi survivante. Planqué

malgré lui offre une place de choix aux concitoyens américains restés au pays comme à ces

hommes et ces femmes en France qui résistent contre l’occupant. Dans le même genre d’idées, d’autres films, comme Feux croisés, Noël au camp 119 ou Prisonniers de Satan, jouent sur les caractéristiques de ces victimes militaires. Ils peignent aussi, en plus de ces militaires hors du front, des figures d’espions ou de prisonniers.

Parce qu’ils se trouvent par définition plus loin des combats que ses homologues à la guerre, les films portés par ses militaires hors du front proposent une meilleure proportion homme/femme dans ses distributions et fait de la victime de la guerre une caractéristique moins genrée. Sur les 68 films, on peut par exemple apercevoir 197 têtes d’affiches ; 118 sont des hommes, contre 79 pour les femmes, dans un rapport de 60 % contre 40 %. Les personnages féminins tiennent mêmes les rôles principaux dans 18 films, et 3 sont quasi-exclusivement

portés par des comédiennes244. Si on est encore loin d’une égalité, ces proportions s’avèrent quand même bien plus paritaire que dans les films sur les militaires à la guerre. Là où elles n’avaient pas de place sur les lignes de combats, elles peuvent alors jouer dans ces films sur les militaires hors du front les épouses, les amies ou les faire-valoir romantiques, mais aussi s’illustrer dans des rôles d’antagonistes, comme Marlène Dietrich dans La Scandaleuse de

Berlin (A Foreign Affair, Billy Wilder, 1948, USA) ou Virginia Mayo dans Les Plus belles années de notre vie (The Best Years of Our Lives, William Wyler, 1946, USA). Surtout, elles

peuvent aussi avoir de véritables rôles militaires. On peut voir des infirmières, comme les lieutenants Janet Davidson, Jean O’Doul et Olivia d’Arcy (interprétées respectivement par Claudette Colbert, Paulette Goddard et Veronika Lake) dans Les Anges de miséricordes, Jane « Snapshot » McCall (Lana Turner) dans Le Retour (Homecoming, Mervyn LeRoy, 1948, USA) ou encore Nancy (June Allyson) dans L’Île enchantée (High Barbaree, Jack Conway, 1947, USA) ; des membres des forces auxiliaires féminines américaines, comme le lieutenant Catherine Gates (Ann Sheridan) d’Allez coucher dehors (I was a male war bride, Howard Hawks, 1949, USA) ou Prudence Cathaway (Joan Fontaine) d’Âmes rebelles (This above all, Anatole Litvak, 1942, USA) ; ou encore des reporters de guerre, à l’image de Julia Manion (Joan Leslie) de L’Aventure inoubliable (The sky’s the limit, Edward H. Griffith, 1943, USA). Mais, qu’importent les personnages, les lieux ou la temporalité des actions. Ces films ne montrent pas forcement à chaque fois de véritables victimes aux séquelles physiques ou psychologiques visibles et/ou exploitées par les scénarios – à l’inverse des autres films de guerre.

Malgré tout cela, et notamment une identification plus facile des spectateurs et des spectatrices par l’utilisation d’autres figures que celles des militaires, les films portés par les militaires hors du front ne rencontrent que très peu de succès : 15 films sur les 68 dépassent le million d’entrées, c'est-à-dire à peine un film sur 5. Et ils sont seulement que 4 à passer la barre des deux millions – soit 6 %, alors qu’ils étaient 21,5 % pour les films sur les militaires à la guerre.

244 Il s’agit de Femmes en mission (The gentle sex, Leslie Howard, 1944, RU), Les Anges de miséricorde et Deux

mille femmes (Two thousand women, Frank Launder, 1945, RU). À ceux-là, on pourrait aussi rajouter Ceux de chez nous (Millions like us, Frank Launder et Sidney Gilliat, 1943, RU) qui, bien que présentant aussi des

Si l’on pouvait observer une certaine préférence nationale avec les succès constants des films de guerre français, elle n’a pas lieu d’être dans ce sous-corpus, où un seul film dépasse le million d’entrée, à savoir Untel père et fils (Julien Duviver, 1940, 2,1 millions d’entrées, FR). Le public ne boude pas uniquement les films français : sur toute la période, entre 1945 et 1950, c’est chaque année près de 80 % des films portant sur les militaires hors du front qui ne dépasse pas le million d’entrées (l’année « record » est 1949, où seulement 67 % de la production ne trouve pas son public). Les films italiens comme les films soviétiques ne recueillent aucun succès, et un seul film sur les 15 productions britanniques dépasse le million (L’Héroïque

parade, avec 1,1 million d’entrées). Si la production américaine peut se vanter de quelques jolis

succès, comme Les Plus belles années de notre vie et ses 4,7 millions d’entrées, J’avais cinq

fils (2,4 millions) ou Deux nigauds démobilisés (Buck Privates, Arthur Lubin, 1941, 2,0

millions d’entrées, USA), ces succès font aussi figure d’exceptions, parmi les 35 autres productions étatsuniennes.

Untel père et fils

Parmi les 5 productions françaises, seul le film de Duviver est un succès, avec 2,1 millions d’entrées. Les autres productions sont toutes des échecs. Vingt-quatre heures de perm’ (Maurice Cloche, 1940, FR), Ils étaient cinq permissionnaires (Pierre Caron, 1940, FR) et Faut

ce qu’il faut (René Pujol, 1940, FR) ne dépassent pas les 500.000 entrées. Quant à Tierce à cœur, il cumule à peine 800.000 entrées. Cependant, plusieurs choses étonnent lorsque l’on se

penche sur cette production hexagonale.

Premièrement, les années de productions. Mis à part Tierce à cœur, produit en 1947,

Untel père et fils et les autres films sont tous des productions datant d’avant la débâcle de Juin

1940. Ils étaient cinq permissionnaires serait même le « dernier film ayant été entièrement tourné avant la défaite de 1940245 ». S’ils sortent tous les quatre dans l’immédiat après-guerre, entre janvier 1945 et février 1946246, ils sont anachroniques, ne prenant en compte ni la défaite, ni l’Occupation, ni la Libération. Sur la totalité des 38 films français du corpus total, 6 datent de 1940 – ces 4 concernant les militaires hors du front, ainsi que La Nuit merveilleuse (Jean-Paul (Jean-Paulin, 1940, FR) et Fausse alerte (Jacques de Baroncelli, 1940, FR), tous deux portés sur les civils occupés. Ce sont tous des échecs, hormis Untel père et fils. Ces films d’un autre temps

245 La Saison Cinématographique 1945/1947, Op. cit., p. 109.

ne parlent pas au public français fraichement libéré. Du moins, pas sur le bon ton ni sur le bon sujet.

Ensuite, quand on compare ces productions françaises sur les militaires hors du front, on remarque que leurs têtes d’affiches elles-mêmes peuvent relever d’un autre temps. En ce sens, si Raimu, Michèle Morgan et Louis Jouvet, à l’affiche de Untel père et fils, sont toujours