• Aucun résultat trouvé

II. Les maladies de la vigne

II.2 Le mildiou de la vigne

Originaire du continent américain, le mildiou a été introduit accidentellement en Europe en 1878, probablement quand les porte-greffes américains résistants au phylloxera de la vigne ont été importés pour greffer les variétés européennes (Viennot-Bourgin, 1949).

Dès lors, la maladie s’est répandue comme une trainée de poudre dans toute l’Europe, gagnant également la côte africaine (Galet, 1977). Dès les toutes premières années du XXème siècle, la présence de mildiou a été rapportée dans des régions équatoriales et tropicales comme l’Amérique du sud et l’Australie, d’où l’utilisation du terme d’épidémie mondiale (Galet, 1977).

L’agent responsable de la maladie est Plasmopara viticola (Berk. et M.A. Curtis) Berl. et De Toni, un parasite biotrophe obligatoire appartenant aux oomycètes. Les oomycètes forment un groupe phylogénétiquement distinct parmi les microorganismes eucaryotes. Bien qu’ils soient, à l’instar des autres organismes de type champignon, traditionnellement étudiés par les mycologistes, ils appartiennent en réalité au règne des

Stramenopila, phylogénétiquement plus proche des algues brunes que des champignons. La paroi cellulaire des oomycètes est principalement composée de glucanes et de polymères de type cellulose avec un faible pourcentage de chitine. A l’inverse, la chitine est le composant essentiel de la paroi cellulaire des champignons. De plus, la composition en stérols de la membrane cellulaire des oomycètes est davantage similaire à celle d’une plante. Néanmoins ils partagent avec les champignons plusieurs aspects de leur mode de vie, tels que la croissance apicale des hyphes, l’organotrophie et l’absence de pigments photosynthétiques.

Comme les autres mildious (tournesol, pomme de terre), P. viticola appartient aux Péronosporales, un ordre majeur d’oomycètes qui inclut des parasites parmi les plus dévastateurs pour les plantes et les animaux, comme ceux appartenant aux genres

Phytophthora, Peronospora, Bremia ou Albugo (Kamoun, 2003).

Les mildious sont spécialisés pour ne coloniser qu’une gamme réduite d’hôtes et peuvent être des biotrophes « obligatoires », comme P. viticola, ou des « hémibiotrophes » comme le mildiou de la tomate et de la pomme de terre

Phytophthora infestans. Les organismes hémibiotrophes sont biotrophes dans leur phase parasite initiale, puis passent ensuite en mode de vie nécrotique en tuant les tissus hôtes pour se répandre (Deacon, 2006).

II.2.1 Cycle de vie et de développement

P. viticola s’attaque à tous les tissus herbacés de la vigne, feuilles, vrilles ou bourgeons, ainsi qu’aux grappes. Il provoque des défoliations, ainsi que le brunissement et l’assèchement des baies et des tiges. La sensibilité des plantes au mildiou dépend chaque année de l’interaction de plusieurs variables plus ou moins favorables à l’agent pathogène, telles que le climat et l’état physiologique de la plante hôte.

En l’absence de traitement et dans des conditions climatiques favorables, le mildiou de la vigne peut dévaster jusqu’à 75% de la récolte de la saison. De plus l’affaiblissement des bourgeons et la production grappes disgracieuses provoquent des pertes économiques importantes (Agrios, 1997).

P. viticola est un agent pathogène hétérothallique diploïde (Wong et al., 2001), et son cycle de vie comprend une phase sexuée et une phase asexuée (Figure 8a). La phase asexuée conduit à la production de spores nécessaires aux infections secondaires et à la dispersion de l’agent pathogène sur une courte distance, tandis que la phase sexuée produit des oospores quiescentes et résistantes au froid permettant le passage de l’hiver et les infections primaires (Galet, 1977). Les oospores latentes dans le sol constituent la première source d’inoculum pour la saison suivante. Elles germent dans l’eau au printemps dès que la température atteint 11°C (Lafon & Clerjeau, dans Pearson & Goheen, 1988). Elles produisent un tube germinatif à travers lequel le noyau de l’oospore migre pour donner un seul macrosporange terminal, puis des zoospores flagellées se forment par division mitotiques et sont relâchées (Spencer, 1981). Ces zoospores, une fois à proximité d’un stomate, perdent leur flagelle, s’enkystent et sécrètent une matrice extracellulaire glycoprotéique pour s’attacher à la surface de la plante (Grenville-Briggs & Van West, 2005). Un tube germinatif est émis, qui pénètre par le stomate dans la chambre sous-stomatique et devient en gonflant une vésicule, de laquelle va émerger un hyphe primaire dans les tissus du mésophylle de la plante. A mesure que l’hyphe continue de se développer, il devient branché et forme par endroits des structures intracellulaires specialisées appelées « haustoria », qui sont des organes singuliers spécifiques aux agents pathogènes biotrophes (Latijnhouwers et al., 2003). Les haustoria permettent l’absorption des nutriments ainsi que la croissance du mycélium dans le mésophylle, et constituent donc la première étape réelle de biotrophie pour l’agent pathogène.

Figure 8a. Cycle de vie de Plasmopara viticola, l’agent causal du mildiou de la vigne (Agrios, 2005).

Figure 8b. Symptômes du mildiou de la vigne sur feuilles (phototothèque INRA Colmar). (1) Sur la face abaxiale ou inférieure ; (2) sur la face adaxiale ou supérieure.

La manifestation extérieure du parasite correspond à la formation de sporangiophores en forme d’arbres qui émergent des stomates en petits groupes, ce qui définit l’événement de sporulation. Quand elle survient sur les feuilles, la sporulation apparaît sur la face abaxiale ou inférieure (Figure 8b1). Les sporangiophores de P. viticola forment des branches, qui se ramifient et portent les sporanges. Ces derniers libèrent les zoospores biflagellées qui seront responsables de la propagation de la maladie lors des infections secondaires. Ces évènements décrivent la phase asexuée de la reproduction de l’agent pathogène. Les oospores sont quant à elles produites lors du cycle sexué, lorsque les oogonies sont fécondées par les anthéridies du type sexuel opposé (Galet, 1977; Wong

et al., 2001). Les oospores restent alors dans le mésophylle de la feuille et passent l’hiver dans le sol et les débris de tissus foliaires consécutifs à la défoliation automnale. La température optimale pour la prolifération de l’agent pathogène est de 20 à 25°C environ (Lafon & Clerjeau, dans Pearson & Goheen, 1988). De plus, des pluies ou une forte humidité favorisent considérablement le développement du mildiou.

II.2.2 Symptômes

La première preuve macroscopique de la présence de mildiou dans un vignoble est l’apparition de tâches jaune pâle et irrégulières (tâches d’huile) grossissant sur la face supérieure, ou adaxiale, des feuilles (Figure 8b2). A mesure que la colonisation interne du mycélium avance, le développement de coussins blanc cotonneux sur la face inférieure en correspondance avec les tâches d’huile devient plus important (Figure 8b1). Dans les infections avancées ces symptômes sont accompagnés de tissus morts bruns. Parfois, particulièrement vers l’automne, les feuilles présentent une apparence « en mosaïque » (Galet, 1977; Agrios, 1997). Le mildiou peut également pousser sur d’autres parties vertes de la plante, mais l’infection des feuilles constitue la source majeure d’inoculum pour l’infection des baies et pour le passage hivernal. Les jeunes baies sont les plus sensibles et le sont de moins en moins à mesure qu’elles mûrissent.