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La migration de travail et la promesse du retour

Dans le document La population espagnole en France (Tome 2) (Page 39-41)

PARTIE 1 : PARCOURS MIGRATOIRES

B. La migration de travail et la promesse du retour

Les migrants sont venus en France avec l‟intention de repartir deux ou trois ans

après. Ils sont restés plusieurs décennies, bloqués par une insertion professionnelle,

familiale et sociale chaque jour un peu plus profonde. Ces migrants ont construit une

relation avec l‟Espagne en tenant compte de ces paradoxes. Le mythe du retour est resté

très vivace, entretenu par des retours pluriannuels, l‟acquisition d‟une maison au village

d‟origine ou en ville. Les contacts avec la famille et les amis sont hebdomadaires. Le

téléphone reste l‟instrument privilégié mais nous avons entendu de nombreuses personnes

disant avoir gardé l‟habitude d‟écrire. Toutefois, les transferts d‟argent mensuels sont peu

fréquents. La faiblesse de la rémunération des ouvriers espagnols et la charge de famille

explique la faiblesse de cette pratique. De même, les nouveaux arrivants venus en France

dans une perspective personnelle, n‟ont pas à assumer l‟aide aux parents. C‟est davantage

l‟inverse qui se produit.

Les migrants les plus récents utilisent davantage Internet et les messages par

téléphone portable. Les Espagnols de France se tiennent informés des actualités par le

journal et, lorsqu‟ils en ont la possibilité la télévision retransmise par le satellite. Les

événements majeurs comme les élections ou les attentats font l‟objet d‟un intérêt

particulier.

Les retours estivaux se font surtout dans la région de la famille. C‟est une période

décrite comme un temps de fête et de retrouvailles. Le temps du retour est un moment

particulier dans la vie des villages d‟émigration. Il est courant de voir l‟instauration d‟une

fête communale au mois d‟août pour raviver le lien entre le village et ses ressortissants à

l‟étranger. L‟Espagne est appréciée pour sa chaleur sociale, la simplicité des relations

humaines.

« Oui, on était toujours très bien accueillis par la famille, même par les amis. Mes parents retrouvaient leur famille et leurs amis aussi qu'ils avaient laissés. Donc c'était toujours festif. Nous en France, on n’allait jamais dans les bars, que là on avait l'autorisation. l'Espagne c'est ça, les gens se retrouvent au bar et puis il y avait les fêtes du village. Il y avait une fête dans notre village, parce que toutes les petites villes ou les villages ont leur saint ou leur patron et donc nous au village de mes parents, c'est au mois d'avril, mais comme la plupart des immigrants ne pouvaient pas y assister, ils en refaisaient une bis au mois d'août exprès. C'est la fête des immigrants. Elle a été instaurée dans les années soixante-dix et c'est toujours resté. »

(A.)

Le maintien de relations très fortes avec l‟Espagne et le discours très positif qui les

décrit s‟accompagne parfois très paradoxalement d‟un jugement très durs à l‟égard des

Espagnols.

« Et en Espagne, vous disiez avoir ressenti du racisme.

Oui, beaucoup, du racisme, de la jalousie. Ce n'est pas comme ici. Là-bas si vous mettez une petite robe à 10€ et vous partez et vous êtes en bonne santé, on dirait que le gens vous mangent avec les yeux. Ici, si vous mettez du 10€, 15€ ou 1€, les gens en ont rien à foutre. Peut-être cela vient du village. […]. Ce n'est pas comme avant, parce que même dans notre village, il n'y a pas longtemps en arrière les gens t'embrassaien,. ils s'occupaient un petit peu de ta santé, mais maintenant tu passes, tu dis bonjour. Mais moi, je sais que je vais dans mon village et

tout le monde m'aime et vient me voir. Tout le monde m'emmène quelque chose, des œufs, des poulets, il m'emmène de la paille, c'est parce que je ne suis pas méchante quand même. »

(An.)

Les migrants restent stigmatisés, que ce stigmate soit positif, notamment pendant

les fêtes de village, ou négatif, face à des Espagnols qui entretiennent l‟image de l‟émigré

qui jouit de la supposée abondance du pays d‟accueil.

Certains nouveaux arrivants ont orienté leur trajectoire professionnelle de façon à

conserver des liens avec leur région d‟origine.

« Tu as gardé le moyen d'être entre les deux.

Voilà, je pense que peut-être pas conscient à 100% mais… et donc maintenant, je suis dans le stade de… Quand j'ai connu le marché international et tout ça, j'ai compris que la région d'où je suis originaire, la Cantabrie a des possibilités dans le secteur énorme, de par son climat, de par sa terre, de par sa conjoncture économique, la région de Cantabrie a un potentiel énorme. […]. Au jour d'aujourd'hui, il y a déjà deux entreprises françaises, reconnues dans le secteur, avec une histoire dans le secteur qui ont installé déjà une production en Cantabrie. […] Maintenant je suis sur le point qu'avec une des entreprises, une de ces deux entreprises qui se sont installées en Espagne déjà, je vais créer, je vais signer dans les prochaines semaines, une nouvelle société à 50% : une pépinière de production. Et on a déjà planté 10 000 arbres là-bas, on développe cette activité-là, mais toujours en habitant à Poitiers. Je fais en sorte de garder le lien avec l'Espagne. »

(P.)

Ce projet est de nature exemplaire, mais de nombreux migrants investissent une

activité commerciale pour pouvoir vivre entre les deux pays. On observe chez les enfants

de migrants le même type de comportement, notamment pour ceux qui ont choisi

d‟enseigner l‟espagnol et qui profitent de leurs attaches pour monter des projets

pédagogiques. Les relations avec l‟Espagne restent très dynamiques par delà les

générations.

Dans le document La population espagnole en France (Tome 2) (Page 39-41)