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Migration coupl´ee au cisaillement du joint Σ41[001](450)

Des lames du bicristal Σ41[001](450) ont ´et´e pr´epar´ees selon la g´eom´etrie Σ41-90°-1 (voir figure III.8). La migration du joint a ´et´e observ´ee au moment du refroidissement progressif du syst`eme depuis 480°C jusqu’`a la temp´erature ambiante (∼ 25°C). Avant cette phase la lame a ´et´e d´eform´ee sans que l’on observe de migration mesurable du joint. Les figures III.16a et b montrent la mˆeme zone du bicristal respectivement avant et apr`es la migration du joint. Une contrainte de traction est engendr´ee au cours du refroidissement par la contraction de l’´echantillon le long de la direction TTT indiqu´ee. Dans les conditions d’observation les deux grains diffractent simultan´ement (gggG1= [0¯20]G1et gggG2= [¯200]G2) et le joint est vu debout. Par cons´equent une seule trace est visible et elle est indiqu´ee par la ligne en tirets TrJG. Entre t = 0 s (figure III.16a) et t = 288 s (figure III.16b) seule la partie inf´erieure du joint sur l’image s’est d´eplac´ee sur une distance de 380 nm. Par cons´equent il se forme progressivement une facette dont l’orientation correspond `a l’autre famille de plans denses de la CSL du bicristal c.`a.d (5¯40)G1/(540)G2. Des marqueurs (amas de nanoparticules d’or) d´epos´es `a la surface de la lame sont entour´es sur l’image de part et d’autre du joint.

|sss||||||| (nm) |sss⊥⊥⊥| (nm) βapp βapp|| β app

< X > 117 18 +0,312 +0,308 -0,047 |<X>σ(X)| 0,11 0,68 0,15 0,11 0,68

Table III.3 – Valeur moyenne < X > et ´ecart-type relatif |<X>σ(X)| des composantes parall`ele et perpendiculaire au joint du champ de d´eplacement sss et du facteur de couplage apparent βapp mesur´es apr`es la migration.

La pr´esence de ces marqueurs permet la mesure du d´eplacement relatif entre les grains sss potentiellement associ´e `a la migration du joint en effectuant la diff´erence lors de la superposition des images avant et apr`es migration. C’est ce que montre la figure III.16c ou les images sont superpos´ees et le contraste de l’image apr`es migration invers´e. Pour se donner une r´ef´erence, il est choisi de superposer les marqueurs

Figure III.16 – Images MET en champ clair du bicristal Σ41[001](450) avant a) et apr`es b) la migra-tion du joint. c) Superposimigra-tion des images a) et b). Les marqueurs de surface de G1 sont superpos´es et le contraste de l’image finale est invers´e ce qui montre que la migration du joint est coupl´ee au cisaillement du bicristal. d) D´ecomposition du vecteur d´eplacement sss des marqueurs de surface.

de surface entour´es dans G1. On voit alors que la trace du joint s’est d´eplac´ee et que la position des marqueurs dans G2 a chang´e. On en d´eduit que le joint a migr´e sur une distance m = 380 nm et que le cristal s’est d´eform´e plastiquement. Le champ de d´eplacement sss des marqueurs de G2 est indiqu´e par les fl`eches rouges et le sch´ema de la figure III.16d montre que l’on a des composantes parall`ele et perpendiculaire au plan du joint. La quantit´e βapp = |smss| appel´ee facteur de couplage apparent peut alors ˆetre calcul´ee : elle quantifie l’intensit´e du couplage entre migration et cisaillement. Cette mesure ne donne qu’un couplage apparent en raison de l’impossibilit´e d’acc´eder `a une ´eventuelle composante de sss parall`ele `a la direction du faisceau d’´electrons. Le tableau III.3 montre la valeur moyenne, calcul´ee `a partir des 5 marqueurs montr´es dans G2, ainsi que l’´ecart type relatif des composantes de sss, de βapp ainsi que ses projections parall`ele βapp|| et perpendiculaire β

app au joint. |sss||||||| est 6,5 fois plus grande que |sss⊥⊥⊥| et la valeur ´elev´ee de l’´ecart-type relatif sur |sss⊥⊥⊥| traduit par ailleurs une grande incertitude sur cette composante. La valeur moyenne de βapp est tr`es proche de celle de sa composante βapp|| qui est l´eg`erement sup´erieure `a 30%.

L’´echantillon ´etant tr`es d´eform´e au moment o`u la migration du joint se produit il est difficile `a cet instant de suivre pr´ecis´ement le mouvement des dislocations. Il apparaˆıt n´eanmoins qu’un certain

Figure III.17 – a) Images MET en champ clair montrant les traces de glissement s’´etant form´ees dans chacun des grains pendant la migration du joint. b) Les traces sont report´ees sur les projection st´er´eographique de chaque grain et correspondent `a celles des plans compacts.

nombre de dislocations ont ´et´e absorb´ees / ´emises par le joint au cours de la migration. Ces dislocations ont gliss´e dans les grains en se rapprochant / s’´eloignant du joint et apr`es leur passage il reste des familles de traces parall`eles comme le montrent les deux images de la figure III.17a. Dans G1 et G2 il y a deux familles de traces presque perpendiculaires : TrPGa et TrPGb pour G1, TrPGc et TrPGd pour G2. L’orientation des traces projet´ees sur les images MET est report´ee sur les projections st´er´eographiques de G1 ou G2 de la figure III.17b o`u l’on constate qu’elles sont compatibles avec la projection des directions de type < 110 > perpendiculaires `a l’axe commun [001] ([110] et [1¯10] dans les deux grains). Le plan de lame ´etant proche de (001), ces directions sont aussi les traces des plans compacts de type {111}.

Le facteur de Schmid maximum dans ces plans est ´elev´e comme le montre le tableau III.4. Dans ces conditions il est concevable que la contrainte critique dans ces plans soit atteinte en mˆeme temps et que s’activent alors simultan´ement au moins deux de ces syst`emes de glissement produisant ainsi les deux familles de traces perpendiculaires observ´ees dans chaque grain. Cette multiplicit´e des syst`emes de glissement activ´es implique que plusieurs type de dislocations ont pu interagir avec le joint au cours de la migration. Ces interactions peuvent potentiellement ˆetre `a l’origine de la nucl´eation h´et´erog`ene

de disconnections dans le joint dont le d´eplacement sous l’effet de la contrainte appliqu´ee produit sa migration [25]. Cette hypoth`ese se voit renforc´ee par l’observation d’une vitesse de migration plus grande (jusqu’`a 4 nm/s) lorsque l’activit´e des dislocations dans la zone du joint est importante.

Figure III.18 – R´eseau dichromatique du bicristal Σ41[001](450) montrant les disconnections (en rouge) dont la combinaison permet de reproduire le couplage mesur´e exp´erimentalement. Les fl`eches noires correspondent aux dislocations dont l’interaction peut conduire `a la g´en´eration des disconnec-tions dans le joint.

L’observation du joint debout ne permet pas de voir directement la dynamique des disconnections au moment de la migration. Cependant on peut toujours connecter les propri´et´es de ces disconnections (bbb et h) `a la valeur du facteur de couplage apparent mesur´e. Les simulations pr´esent´ees dans le chapitre pr´ec´edent ont montr´e que pour ce joint le couplage vaut β = +0,22 et que le m´ecanisme implique la propagation en sens oppos´e d’une paire de disconnections bbb9/99/99/9 et bbb−9/−9−9/−9−9/−9. Si on n´eglige |sss| alors le

glissement de bbb−9/−9−9/−9−9/−9permet de rendre compte partiellement du couplage mesur´e exp´erimentalement. Cette disconnection est report´ee sur le r´eseau dichromatique de la figure III.18. On voit qu’il est possible de la produire par l’interaction de deux dislocations intragranulaires :

b−9/−9 b−9/−9

b−9/−9= bbb−9/0−9/0−9/0− bbb0/−90/−90/−9 (III.10) en explicitant les vecteurs de Burgers il vient :

1 41540]G1= 1 210]G1 1 2[1¯10]G2 (III.11) Remarquons que bbb−9/0−9/0−9/0 et bbb0/−90/−90/−9 sont parall`eles aux directions de type < 110 > selon lesquelles le facteur de Schmid est maximum dans les plans (¯111)G1(0,434) et (11¯1)G2(0,439) respectivement.

Des simulations dans le cuivre montrent que pour une certaine plage de temp´erature (g´en´eralement ´elev´ee) le couplage peut basculer subitement du mode < 110 > vers le mode < 100 > pour certains joints de la s´erie [001] [8]. Le facteur de couplage de ce dernier mode vaut -1,6 pour ce joint et la disconnection associ´ee est bbb5/55/55/5, voir figure III.18. Notons que bbb5/55/55/5 peut aussi provenir de l’interaction au joint des dislocations intragranulaires. Il est possible d’expliquer la valeur du facteur de couplage mesur´ee en combinant les modes < 110 > et < 100 >. Il suffit en effet d’envisager un m´elange des modes par le glissement des disconnections bbb−9/−9−9/−9−9/−9 et bbb5/55/55/5. Pour le v´erifier rappelons que bbb−9/−9−9/−9−9/−9 est parall`ele `a bbb5/55/55/5 = 414[¯540]G1, que |bbb−9/−9−9/−9−9/−9| = 2h0 et |bbb5/55/55/5| = 8h0 avec h0 = 0, 032 nm la distance interreticulaire parall`ele au joint. Si k repr´esente le ratio du nombre de disconnections bbb−9/−9−9/−9−9/−9 sur le nombre de disconnections bbb5/55/55/5qui glissent dans le joint alors le facteur de couplage s’exprime comme :

β = 2k + 8

9k − 5 (III.12)

dont la valeur la plus proche de βapp|| est β = +0, 311 obtenue pour k = 12. Il faut donc qu’il y ait 12 fois plus de disconnections bbb−9/−9−9/−9−9/−9que de disconnections bbb5/55/55/5 qui glissent dans le joint pour retrouver la valeur exp´erimentale du couplage. Une possible explication de cette pr´edominance de bbb−9/−9−9/−9−9/−9r´eside dans la potentielle difficult´e `a produire bbb5/55/55/5`a partir des dislocations intragranulaires. En effet pour la g´en´erer il faut que les dislocations bbb5/05/05/0 et bbb0/50/50/5se rencontrent au joint. Or le facteur de Schmid dans la direction parall`ele `a bbb5/05/05/0est tr`es faible, quelque soit le plan de glissement envisag´e (0,024 dans (11¯1)G1 et 0,014 dans (1¯11)G1), ce qui doit rendre difficile sa formation et son glissement.

De cette analyse il ressort donc que le mode < 110 > reste largement majoritaire lors de la migration du joint Σ41[001](450) ce qui est en accord avec les r´esultats des simulations atomistiques du chapitre pr´ec´edent.