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Micro-hydrodynamique sanguine

Dans cette section, nous donnons un rapide aper¸cu des m´ecanismes pr´edominants qui gouvernent l’hydrodynamique sanguine micro-vasculaire. De ce contexte, nous d´eduirons comment ´etablir un mod`ele de perte de charge associ´e `a un segment micro-vasculaire.

4.1.1 Contexte hydrodynamique

Nous nous int´eressons `a un ´ecoulement dans un tube pr´esentant des variations de diam`etre de grandes longueurs d’ondes vis-`a-vis du diam`etre moyen. Nous envi-sageons alors les ordres de grandeur des param`etres pertinents associ´es `a l’approxi-mation de lubrification (pour plus de d´etails, voir Batchelor (1967) ou Guyon et al. (2001)). Pour les ´ecoulements confin´es quasi-parall`eles, les termes non-lin´eaires de l’´equation de mouvement ne sont pas nuls mais suffisamment faibles pour ne pas influencer la dynamique de l’´ecoulement.

Fig. 4.1 – Vue sch´ematique d’un segment vasculaire de longueur L pr´esentant des varia-tions de diam`etre de grandes longueurs d’ondes devant le diam`etre moyen, caract´eris´ees par l’angle a  1, o`uu s repr´esente l’abcisse curviligne.

L’´ecoulement dans le tube, sch´ematis´e par la figure 4.1, est engendr´e par la diff´erence de pression impos´ee entre les deux bifurcations successives. Le gradient de pression est donc principalement dirig´e dans la direction longitudinale x qui est construite

comme la direction reliant les centres des deux bifurcations successives. Plus pr´ecis´ e-ment, la direction du gradient de pression local va ´epouser la tangente au squelette du vaisseau repr´esent´e en pointill´e sur la figure 4.1. Les variations des parois du tube sont caract´eris´ees par le petit angle a (a 1).

Consid´erons tout d’abord un ´ecoulement stationnaire. Dans le centre de l’´ecoulement, on peut consid´erer que l’angle du vecteur vitesse vx avec l’axe x est de l’ordre de a, i.e.

vr ≈ avx≈ aU , (4.1)

o`u U est la vitesse caract´eristique de l’´ecoulement. Du fait de l’existence d’un profil de vitesse de type Poiseuille dans le tube, on peut consid´erer que la distance type sur laquelle s’effectuent les variations de vitesse dans la direction r est le diam`etre local D(s), dont la valeur moyenne est D0. Ceci revient `a dire que la variation relative du diam`etre n’est pas trop grande sur la longueur Lc caract´eristique de ces variations. En utilisant ces dimensions caract´eristiques, on trouve que le terme non lin´eaire de la composante de l’´equation de mouvement suivant l’´ecoulement moyen (dans la direction x) reste n´egligeable devant le terme de viscosit´e si

aU2 D0  ν U D02 soit Re = U D0 ν  1 a. (4.2)

Cette condition est en fait moins restrictive que celle obtenue pour des ´ecoulements en g´eom´etrie quelconque, Re  1, permettant de n´egliger les termes non lin´eaires. Le domaine de validit´e de l’approximation s’´etend alors `a des nombres de Reynolds sup´erieur `a l’unit´e.

De plus, le terme visqueux de l’´equation de mouvement dans la direction r perpen-diculaire `a l’´ecoulement moyen, est d’un ordre de grandeur a inf´erieur `a celui selon la direction x. On peut donc consid´erer que le gradient de pression transverse est nul pour un angle a faible et un nombre de Reynolds assez petit.

Supposons maintenant que l’´ecoulement varie avec une pulsation caract´eristique ω. Le terme instationnaire sera de l’ordre de grandeur U ω. Il sera alors n´egligeable devant le terme visqueux si

α2 = ωD 2 0

ν  1 , (4.3)

o`u α est le nombre de Womersley qui caract´erise les effets inertiels dus `a la pulsation vis-`a-vis des effets visqueux. Si cette condition, qui implique que l’´etablissement du profil de vitesse stationnaire soit beaucoup plus rapide que le temps caract´eristique d’´evolution (en 1/ω), l’´ecoulement pourra ˆetre consid´er´e comme quasi-stationnaire. Enfin il est int´eressant de discuter l’impact de la gravit´e vis-`a-vis des pertes de charges visqueuses. Sur un segment vasculaire de longueur L, suppos´e rectiligne et orient´e d’un angle θ par rapport `a la verticale, la gravit´e aura un impact n´egligeable si la diff´erence de pression hydrostatique est faible devant la perte de charge visqueuse.

Cette derni`ere peut-ˆetre approxim´ee par un mod`ele de Poiseuille associ´e au diam`etre moyen D0 et conduit `a l’in´egalit´e

D20g cos θ

32 νaU  1 (4.4)

o`u g est l’acc´el´eration de pesanteur et νala viscosit´e cin´ematique apparente du sang.

4.1.2 Grandeurs physiologiques micro-vasculaires

Risser et al. (2009) ont mesur´e, sur des ´echantillons de r´eseaux micro-vasculaires c´er´ebraux de primates, que le diam`etre moyen des segments vasculaires est de l’ordre de 10 µm et que la longueur moyenne est elle de 100 µm. En ce qui concerne la vis-cosit´e du sang, elle peut ˆetre ´egale jusqu’`a 10 fois celle du plasma, dans le cas du mod`ele de viscosit´e in vivo propos´e par Pries & Secomb (2005). La viscosit´e cin´ematique sanguine est comprise entre 106 et 105 m2/s pour une gamme phy-siologique d’h´ematocrite. Les mesures de vitesse observ´ee in vivo, notamment par Nishimura et al. (2006), sont comprises entre 104 et 103 m/s . La fr´equence de pulsation peut ˆetre de 1 ou 2 Hz si elle est directement transmise par les batte-ments cardiaques au r´eseau micro-vasculaire via les art`eres pie-m´eriennes, ou bien de l’ordre de 0.1 Hz comme l’ont observ´e Kleinfeld et al. (1998) sur des capillaires en profondeur.

Les vaisseaux micro-vasculaires consid´er´es ont un rapport d’aspect D/L ∼ 1/10. De plus, l’angle a peut ˆetre ´evalu´e `a partir de la tortuosit´e moyenne des segments, et Risser (2007) a observ´e que cet angle moyen, estim´e `a partir de la tortuosit´e, est de l’ordre de 10. Les ´ecoulements vasculaires en micro-circulation sont alors caract´eris´es par

Re≤ 10−2 et α2 ≤ 10−3. (4.5)

La th´eorie de la lubrification est donc un cadre appropri´e `a leur ´etude.

Enfin, pour des vaisseaux capillaires, le rapport des forces gravitationnelles sur les forces visqueuses est de l’ordre de 1/32 dans le cas le plus d´efavorable d’une orienta-tion verticale du segment. D’apr`es l’analyse du chapitre pr´ec´edent, nous en d´eduisons que la relation (4.4) est v´erifi´ee de sorte qu’il est possible de n´egliger la contribu-tion de la gravit´e. Il est cependant `a noter que ce rapport n’est plus si contrast´e dans le cas des art`eres perforantes, pour lesquelles il peut atteindre, dans le cas le plus d´efavorable, 1/4. Dans la suite nous n´egligerons cependant les effets li´es `a la gravit´e dans la mesure o`u leur impact global reste tr`es faible pour la tr`es grande majorit´e des vaisseaux. Il est cependant int´eressant de mentionner que l’inclusion d’un terme de pression hydrostatique suppl´ementaire est tout `a fait compatible avec l’approche r´eseau que nous d´eveloppons. C’est ´egalement une perspective possible `a notre travail.

4.1.3 Relation d´ebit/pression

L’approche men´ee dans la sous-section 4.1.1, permet de d´eterminer la relation entre le d´ebit et la diff´erence de pression impos´ee aux extr´emit´es du tube. En tenant compte de la condition d’adh´erence du fluide `a la paroi, on obtient le champ de vitesse en n’importe quelle abscisse curviligne s suivant le squelette du segment :

v(s, r) =− 1(R(s)

2− r2)∂p

∂s. (4.6)

Cette relation permet alors de retrouver une relation de Darcy locale qui tient compte du fait que la viscosit´e peut varier le long du tube :

Q =− π 128 D4(s) µa(s) ∂p ∂s. (4.7)

Cette relation g´en´eralisant celle de Poiseuille, initialement ´ecrite pour un fluide new-tonien, peut ˆetre utilis´ee pour le sang par l’introduction d’une viscosit´e apparente µa, qui varie ici longitudinalement. Nous renvoyons le lecteur `a la section 2.2 de l’article joint en fin de chapitre pour une discussion plus approfondie sur la justi-fication d’une viscosit´e apparente du sang et pour des r´ef´erences bibliographiques associ´ees aux diff´erents mod`eles de viscosit´es apparentes propos´es dans la litt´erature, ´egalement introduits au chapitre 2.

La relation d´ebit/pression sur un segment vasculaire s’obtient en int´egrant la relation (4.7) entre deux bifurcations successives aux position s0 et sL, soit

Q = − C ∆p (4.8)

o`u la diff´erence de pression ∆p = pL−p0 et C la conductance hydraulique est donn´ee par C = π 128 Z sL s0 µa(s) D4(s)ds −1 . (4.9)

Il est important de remarquer que le diam`etre intervient `a la puissance quatri`eme dans cette relation. Ceci montre bien toute l’importance d’une connaissance fine de la g´eom´etrie du segment vasculaire, et plus g´en´eralement du r´eseau. Num´eriquement, l’int´egrale qui apparaˆıt dans l’expression (4.9) est approch´ee par une m´ethode de Simpson composite. Chaque intervalle entre ´el´ements de segment, visualis´es par la figure 4.2, est subdivis´e en de plus petits intervalles sur lesquels la r`egle de Simpson classique est appliqu´ee. Nous montrerons dans le chapitre suivant que la connaissance pr´ecise de la g´eom´etrie complexe des segments vasculaires est importante `a prendre en compte pour l’´evaluation de l’´ecoulement.

Afin de connaˆıtre la distribution de pression dans un r´eseau, il faut alors r´esoudre l’´equation de conservation du d´ebit appliqu´ee en chaque nœud (ou bifurcation). Cette relation peut s’´ecrire sous la forme

X i∈J

Fig. 4.2 – Discr´etisation des ´el´ements d’un segment vasculaire suivant son abcisse curvi-ligne s.

o`u J est l’ensemble des segments se connectant au nœud consid´er´e. La relation (4.10) est la brique ´el´ementaire qui permet de r´eduire le probl`eme du calcul de l’´ecoulement dans une structure micro-vasculaire extrˆemement complexe `a celui d’un ensemble discret de pressions (l’´equivalent hydraulique de la loi de Kirschoff). La r´esolution num´erique de cette relation a ´et´e discut´ee au chapitre 3. Dans le cas o`u l’on tient compte de la r´epartition h´et´erog`ene de l’h´ematocrite, il convient de coupler la conservation du d´ebit avec des mod`eles d´ecrivant cette derni`ere.