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3. Technique de retrait de la mousse endommagée

3.1 Mesures sécuritaires et sanitaires

Le projet de retrait de la mousse endommagée ne doit pas prendre en compte uniquement une solution technique mais aussi l’application de mesures sanitaires, sécuritaires et organisationnelles. De manière générale, la mousse de rembourrage est très pulvérulente, entrainant un nuage de poussières à chaque sollicitation des sièges. Ces dernières sont susceptibles de poser des problèmes respiratoires par leur inhalation ou ingestion mais également des allergies cutanées. De plus, les mousses dégagent une odeur quelque peu nauséabonde, perceptible même à quelques mètres des portes de la cabine, qui peut affecter les collaborateurs du musée après plusieurs heures passées à l’intérieur de la cabine. Cette odeur peut également être un signe de dégagement de COV toxiques et en dose considérable selon les spécialistes interrogés. L’espace confiné présenté par la cabine (effet de serre par temps ensoleillé), les odeurs d’urine et autres déchets présents rendent également les conditions de travail particulièrement difficiles à l’intérieur de l’appareil. Par ailleurs, la structure de l’avion ne présente pas de dégradations importantes, au point d’en empêcher l’accès. Pour améliorer les conditions de travail relatives au retrait de la mousse endommagée, plusieurs mesures d’ordre sanitaire et sécuritaire doivent donc nécessairement être prises.

Après un entretien avec M. Patrik Gerber167, hygiéniste du travail pour le canton de Neuchâtel, il m’a été conseillé d’aborder cette problématique selon le principe «STOP » (substitution-technique-organisationnel-protection) établi par la Suva168. Pour ce faire, une bonne connaissance de l’environnement de travail et des processus utilisés est nécessaire afin d’évaluer diverses stratégies de protection.

166La notion de vieillissement, qui n’est pas évidente de dissocier de la notion de dégradation, se veut de mettre en avant que, quel que soit les conditions dans lequel évolue le matériau, ce dernier subira naturellement des transformations, aussi bégnines soient-elles, par l’action du temps. Palissy, 1980, p. 288.

167 Gerber, 2015, entretien oral

Le principe du STOP énumère les mesures à prendre pour protéger les collaborateurs contre les produits dangereux :

Tout d’abord il faut trouver si possible des moyens de substitution, autrement dit remplacer le matériau problématique par un autre ne présentant aucun danger d’un point de vue sécuritaire et sanitaire. Ce premier objectif pourra être atteint par la réalisation du projet de remplacement du rembourrage par une mousse plus stable et inerte d’un point de vue physico-chimique ou par sa consolidation, limitant ainsi les risques de dispersions de poussières, d’odeurs pestilentielle et de dégazage de COV dangereux pour la santé. La deuxième étape est la mise en œuvre de mesures techniques visant à capter, évacuer ou limiter les substances potentiellement dangereuses (ici les poussières/aérosols et éventuellement les odeurs) durant toute la période du travail. La troisième mesure à appliquer est d’ordre organisationnel. Le séjour dans l’espace présentant un risque d’exposition à des substances dangereuses doit être limité au maximum, tant d’un point de vue de la durée que du personnel chargé d’effectuer le travail169. Enfin, la dernière disposition à prendre concerne l’équipement de protection individuel, nommé plus couramment EPI, qui doit être appliqué si l’instauration de toutes les mesures précédentes ne permet pas d’éviter complétement la libération de particules.

Les moyens de substitution ne pouvant contribuer à l’amélioration des conditions offerte par la cabine qu’une fois l’étape du remontage des sièges effectuée (remplacement des mousses170), c’est donc sur les mesures de types techniques, organisationnelles et de protection individuelles qu’il faut agir.

Mesures techniques

La première mesure technique suggérée par M. Gerber est d’effectuer au maximum les étapes de retrait de la mousse en dehors de la cabine, par l’installation d’un dispositif d’aspiration à la source. Une paroi aspirante ou une hotte d’aspiration peut être utilisée, en veillant à ce que le collaborateur ne se retrouve pas dans l’axe objet/poussières – aspiration. Pour cela la paroi aspirante doit être placée perpendiculairement à l’objet ou poste de travail sur lequel le retrait se fait. Il faut également prévoir l’utilisation d’aspirateurs avec filtres absolus. Ces derniers permettront d’aspirer les poussières et autres dépôts exogènes présents à la surface des sièges avant le traitement (ce qui limite la dispersion de poussières durant le démontage) et à la fin de celui-ci (pour les poussières présentes sur le sol et sur l’ossature du siège). Les mesures sanitaires font partie d’un projet global considérant l’étape du retrait et anticipant également celle du remontage. Et justement pour que l’étape de retrait se fasse dans les meilleures conditions possibles (également dans l’optique d’accueillir le public), il est important qu’un nettoyage rigoureux se fasse, une fois l’étape de retrait du rembourrage terminée171. Pour ce faire, il faudra procéder à une aspiration sur le sol, sur les ossatures des sièges et sur tous les

169 Negrini, 2014, non publié

170 Il paraît évident que l’aspect sécuritaire/sanitaire doit également être considéré comme critère de choix de matériaux de substitution à la mousse actuelle (matériau ne dégazant pas de substances dangereuses (ou en quantité problématique) et limitant les risques d’incendie et de poussières).

autres éléments ou parties annexes ayant pu être contaminées par les poussières (également prévoir le retrait mécanique des fragments de mousses collés à la structure des sièges172). Le dépoussiérage des housses doit également être prévu avant l’étape du remontage.

Pour lutter contre la dispersion de poussières, il est également possible de sprayer la surface des sièges avec de l’eau173 (pour autant que la mousse en question ne soit pas conservée).

Mesures organisationnelles

Afin de réduire le temps de travail au sein de la cabine, il faut tout entreprendre pour réaliser le maximum d’opérations en dehors de cette dernière. Par exemple, le déhoussage des coussins d’assise des sièges passagers, comme celui des coussins d’assise et de dossier des Stewart et du tabouret (cabine pilote) se pratique indépendamment de l’étape du retrait des coussins des sièges. De ce fait, cette étape de retrait peut s’effectuer à l’extérieur de la cabine, dans un espace plus adapté (local annexe avec plan de travail équipé d’un système d’aspiration174), étant donnée la grande pulvérulence des mousses de rembourrageQuel que soit l’espace utilisé pour

effectuer le retrait de la mousse, ce dernier doit bénéficier d’un nettoyage complet en fin de traitement, pour éviter toute nouvelle contamination. Par ailleurs, pour améliorer les conditions de travail au sein de l’appareil, notamment au niveau des odeurs, il est recommandé d’ouvrir les différentes portes de l’avion de manière à créer une aération naturelle. De manière générale, chaque collaborateur doit impérativement être informé sur les dangers potentiels (risque d’inhalation de particules grossières voire fines, ...) et de l’importance d’appliquer les mesures de protection de la santé proposées175.

Equipement de protection individuelle (EPI)

L’EPI à s’y m’éprendre, n’est pas la première mesure d’ordre sécuritaire

et sanitaire à considérer. En effet, ce sont les mesures de types organisationnelles et techniques qui permettront d’avoir le plus grand impact sur le bon déroulement du traitement. Cette manière de faire permet de limiter l’équipement de sécurité à porter par les collaborateurs, qui peut s’avérer contraignant s’il est trop conséquent (les masques anti-poussières peuvent gêner la respiration, la chaleur et la transpiration amenées par les combinaisons). Néanmoins, l’EPI permet de pallier

172 Pour éviter d’abîmer la surface de la structure métallique, il suffit simplement de mouiller la mousse résiduelle collante avec de l’eau puis de gratter avec un racloire en bois (une plaquette de bois taillée en biseau fait l’affaire). Veiller à bien sécher la surface après l’opération.

173 Seghaïria, 2015, échange courriel

174 Si la mise à disposition d’un local n’est pas envisageable, le déhoussage des sièges en plein air peut être envisagée moyennant bien entendu la prise de certaine mesures (installation de postes travail surélevé du sol et protéger par une tente si possible, permettant ainsi de préserver au maximum l’intégrité des housses et des échantillons de mousses choisis d’être conservés. Ne pas effectuer l’opération lors de conditions météorologiques inadéquates (averses, vents violents, soleil intense).

175 Gerber, 2015, entretien oral

Figure 29 Porte de secours situé à l’avant de l’appareil pouvant être ouverte

efficacement les lacunes des procédures placées en amont, lorsque le danger potentiel ne peut malheureusement être écarté complétement ou que des doutes persistent quant à la nature de certains matériaux ou substances en présence176. Ces cas de figure sont fréquents selon l’hygiéniste interrogé, raison pour laquelle un EPI minimal mais efficace est presque systématiquement conseillé. Comme le niveau de toxicité de la mousse n’est pas précisément connu à l’heure actuelle (l’hygiéniste interrogé suspecte le dégagement d’isocyanate, substance potentiellement toxique et allergisante) ni même la nature de certains matériaux constitutifs de la cabine (l’utilisation d’amiante a été révélée dans la fabrication de certains avions comme le Concorde177), le port d’un EPI est donc rendu indispensable pour toutes les parties du corps exposées178.

Le détail de l’EPI nécessaire pour le retrait des mousses de rembourrage est à consulter en annexe 21, p.68-69.

Autres mesures

D’autres mesures d’ordre sécuritaire doivent également être prises en compte dans le projet d’intervention, notamment la gestion et l’élimination des déchets provenant du retrait des mousses, mais également les qualités ignifugeantes dont doit faire preuve le matériau de remplacement.

Concernant l’élimination des mousses non-conservées, M. Gerber conseille de les placer dans un double sac poubelle, pour réduire au maximum les risques de contamination d’un autre espace179. Il faut également prévoir des bennes de « matériaux inertes* » dans lesquelles l’ensemble des sacs seront placés. En attendant leur élimination (faire appel aux services d’une société spécialisée en la matière) les bennes doivent être stockées dans un local clos, fermé à clef pour éviter d’exposer les collaborateurs du musée à tous dangers potentiels. Pour information les mousses de types PUR sont le plus souvent incinérées dans des usines spécialisées dans le tri des déchets.

Pour la loi qui régit les exigences en matière de qualité ignifugeantes des matériaux utilisés dans le domaine publique il est indispensable de se référer à la législation en vigueur dans le pays180.