• Aucun résultat trouvé

2. Documentation relative au matériau

2.3 La mousse de polyuréthane

2.3.5 Facteurs de dégradation et effets sur les propriétés du matériau

aujourd’hui, pour les responsables des collections patrimoniales, comme un des groupes de matériaux les moins résistants aux phénomènes de dégradation. De plus, au sein de ce même groupe, les mousses de polyuréthanes sont connues depuis plusieurs années comme étant les polymères les plus problématiques d’un point de vue de la conservation, tant par leur abondance au sein des collections contemporaines que par leur instabilité physico-chimique sur le long terme. Tout au long de leur vieillissement, des modifications irréversibles de ces propriétés peuvent être observées, dégradations qui peuvent mener à la mise hors service du matériau et précipiter leur remplacement144.

Connaître et comprendre les processus de dégradation/vieillissement de la mousse de polyuréthane est essentiel pour proposer des méthodes de conservation adaptées pour le long terme. Le principe général de la conservation préventive des objets patrimoniaux et des matériaux qui lui sont associés est de s’attaquer à la source du problème soit, endiguer et agir sur les facteurs d’altération internes et environnementaux.

Facteurs environnementaux

Les facteurs climatiques sont à l’origine des principaux processus de dégradation des mousses polyuréthane. Le couplage entre photodégradation et oxydation (la dégradation photochimique)145est la source d’altération majeure du matériau.

144 Mercier et al., 1999, p.236

Lumière

Le polyuréthane est particulièrement sensible à l’irradiation lumineuse. Les UV* contenus dans la lumière du jour, caractérisés par des longueurs d’ondes courtes, sont très énergétiques et provoquent la photoxydation de la mousse de polyuréthane. Les groupes d’atomes dits chromophores du matériau absorbent ce rayonnement. La désexcitation de cet état va mener à la formation de radicaux libres, composés chimiques très réactifs, qui peuvent être à l’origine d’une variation des propriétés mécaniques de la mousse et de la création d’un réseau de microfissurations superficielles146, mais aussi des processus de réticulation, autrement dit la formation

de nouvelles liaisons covalentes entre chaines macromolécules, provoquant un durcissement de la mousse. Par ailleurs, les IR peuvent engendrer une élévation de température au sein du matériau, accélérant ainsi les processus de dégradation147. Enfin, l’absorption du rayonnement visible par les colorants ou autres additifs présents à l’intérieur du matériau (anti-jaunissement, ignifugeant,..) peut contribuer grandement à la décoloration de la mousse148.

Oxygène

Les radicaux libres, issus des phénomènes de photoxydation de la mousse, réagissent avec l’oxygène contenu dans l’air pour former des radicaux secondaires nommés peroxyles149. Ces derniers sont à l’origine des phénomènes de peroxydation continuels, induisant la fragmentation progressive des chaînes intramoléculaires et la création continuelle de produits d’oxydation (formate et aldéhyde)150. Humidité- Eau

Du fait de la grande polarité des molécules d’eau (état gazeux ou liquide) ces dernières créent des liaisons avec les autres composés polaires de la mousse, pouvant aboutir à plus ou moins long terme, sur un processus d’hydrolyse conduisant à la scission des chaînes macromolécules constitutives et donc à une perte de cohésion générale du matériau (délitement)151. De plus, une humidité trop élevée (au-dessus de 60%) favorise l’altération de la mousse par les polluants* acides atmosphériques et le développement de moisissures. Enfin, dans une moindre mesure, une humidité instable (+/- 10% de

146 C’est sur ces composés que les stabilisants entrant dans la composition des mousses PUR (antioxydants, stabilisants UV) agissent, soit en inhibant leur formation soit en les détruisant. Le plus connu des antioxydants est l’ionol. Mercier et al., 1999, p.449

147 Thomson, 1986, p.190-191

148 Schaeffer, 2001, p.77

149 Wiles, 1993, 107-108

150 Voir processus thermo-oxydation Pellizzi, 2012, p.15 et . Mercier et al., 1999, p.446

151 En anglais on parle de phénomène de crumbling. Shashoua, 2006, p. 204-205

Figure 27 Décoloration et perte des propriétés mécaniques de la mousse

variations d’humidité journalière) peut provoquer des mouvements dimensionnels différentiels de la mousse (gonflement et rétraction) engendrant notamment des fissures152.

Température

Une température trop élevée (+25°C153) n’a pas une action dégradante directe sur la mousse, mais elle augmente la vitesse des processus de dégradation chimiques154, notamment la propagation de l’oxygène au sein du matériau (favorise la peroxydation). De manière plus précise, l’énergie conférée par la chaleur fait perdre un atome d’hydrogène au carbone. Le radical ainsi formé se transforme en radical peroxyde au contact de l’oxygène, amorçant ainsi sa dégradation par thermo-oxydation155. Ainsi, une température élevée participe activement aux phénomènes de durcissement, fendillement

pulvérulence, de liquéfaction ainsi qu’à l’altération des couleurs et de fragilisation générale de la mousse156.

Polluants

Le dioxyde de soufre (SO2), d’azote (NO2) ou encore l’ozone (O3) que l’on retrouve dans l’atmosphère peuvent participer, en concentration élevée, à la dégradation chimique acide du matériau157 (changement de couleur et des propriétés mécaniques, dégradation de la structure cellulaire). L’avion étant conservé en plein air, leur prise en considération est d’autant plus importante que dans le cas d’objets contenus dans des réserves muséales. De plus, la présence de poussières en surface des sièges constitue des sites hygroscopiques* pouvant induire potentiellement des réactions d’hydrolyse et favoriser l’apparition de micro-organismes158.

Dégradation anthropique

Les contraintes mécaniques régulières entrainées par l’utilisation des sièges par les passagers/visiteurs peuvent être à l’origine de dégradations structurelles irréversibles et d’une usure 159 précoce (déformation, abrasion, déchirures,…). Ces modifications de l’état structurel fragilise le matériau (état de fatigue avancé du matériau) et le rend davantage sensible aux autres facteurs de dégradations

152 Ramel, 2007 [en ligne], p.6 et Mttc et OCIM, 2002, p.66

153 Ramel, 2007 [en ligne], p.6

154 Une dégradation chimique débute le plus souvent avec une décoloration du matériau suivi d’une perte des propriétés mécaniques, Coles, 2009, p. 128.

155 Pellizzi, 2012, p.15

156 Mttc et OCIM, 2002, p.66

157 Au contact de l’eau (gaz ou liquide), les substances acides que représentent les polluants atmosphériques se transforment en acide fort, particulièrement dégradant d’un point de vue chimique pour le matériau. Williams, 1997, p.3-4

158 Mttc et OCIM, 2002, p.56

159Ashby et Jones, 1991, p.210-214

Figure 28 Délitement de la mousse entrainant d’importantes zones lacunaires

environnementaux. De plus, les visiteurs dégagent du CO2 en respirant, qui agit sur la mousse au même titre que les polluants précités, et sont aussi porteurs de quantités de bactéries qui peuvent accélérer les processus de détérioration, surtout si l’affluence journalière au sein de la cabine est importante160.

Dégradation biologique

La mousse de polyuréthane est, dans une moindre mesure, sujette aux attaques par les micro-organismes et autres moisissures (favorisées par des températures et une humidité relative élevées) friandes de matières organiques161. En plus de micro-lacunes, les déchets dus au métabolisme de ces derniers peuvent laisser des taches sur la surface du matériau162. Plus spécifiquement au cas de la Caravelle 12, l’état des lieux m’a permis de mettre en évidence la présence d’insectes (cadavres de mouches et de scarabées, nids d’abeilles, d’oiseaux, fientes, pelotes de réjection), de rongeurs et même de mammifères plus imposants comme des chats. Des poils retrouvés sur la moquette et sur la housse des sièges et les propos recueillis par les professionnels des lieux confirment ces suppositions. L’intrusion, facilitée par de nombreuses ouvertures du fuselage, notamment au niveau de la cabine de pilotage et la cohabitation de ces différentes espèces au sein de l’appareil, sont susceptibles d’altérer les éléments de la cabine, dont les mousses.

Facteurs internes

Certaines propriétés intrinsèques du matériau influencent la vitesse des processus de dégradation amorcés par les facteurs environnementaux. De manière générale, la mousse souple de polyuréthane étant constituée à plus de 95%163 d’air, sa structure aussi bien interne qu’externe se trouve particulièrement exposée aux rayons lumineux (UV, IR), à l’eau (gaz et liquide) et à l’oxygène. Dans cette optique, la densité, la forme ou encore la taille sont des paramètres qui peuvent avoir leur influence quant au comportement du matériau sur le long terme. Le vieillissement plus ou moins rapide de la mousse peut également être influencé par la présence de stabilisants (stabilisateur d’UV, antioxydants, ignifugeant). Par ailleurs, au cours du vieillissement, les plastifiants utilisés pour abaisser la température de transition vitreuse du polymère lors de sa mise en œuvre, peuvent migrer à la surface ou encore s’évaporer, ce qui engendre une perte de souplesse de la mousse ou encore l’apparition de fissures.164 Enfin, les mousses de polyuréthane elles-mêmes dégagent des composés organiques volatils (de nature azotée) en se dégradant165. Un espace confiné comme celui présenté par la cabine de l’avion (et dans une moindre mesure la housse des sièges) peut engendrer une concentration importante de ces produits et donc provoquer une auto-dégradation du matériau. Ce

160 Mtcc et OCIM, 2002, p.21

161 Crighton, 1988, p.18 et Mttc et OCIM, 2002, p.13

162 Mtcc et OCIM, 2002, p.19

163Surface spécifique importante qui augmente, de manière générale, les interactions avec son environnement (phénomène d’absorption, adsorption…). Pellizzi, 2012, p.13

164 Mercier et al., 1999, p.236

sont ces différents éléments qui conditionnent le vieillissement166 naturel de la mousse, vieillissement qui peut être accéléré par tous les facteurs environnementaux précités.