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Mesure simultanée de l’inclinaison des disques et de la planète

2.4 La polarisation, une méhode efficace de haut-contraste

3.1.1 Mesure simultanée de l’inclinaison des disques et de la planète

3.1.3 Le disque révélé dans ses régions les plus internes à 3.8µm . . . 109 3.1.4 Simulation dynamique du disque de débris . . . 123

3.2 HR 4796, un anneau aux propriétés intrigantes . . . 127

3.2.1 La morphologie de l’anneau . . . 127 3.2.2 Contraintes sur des perturbateurs gravitationnels potentiels . . . 130 3.2.3 Une asymétrie frappante en polarimétrie . . . 133

3.1 β Pictoris, un laboratoire des théories d’évolution planétaire

β Pictoris est à l’honneur cette année puisque l’on célèbre les 30 ans de la première image

du disque de poussière parSmith & Terrile (1984). Parmi les disques de débris découverts à ce

jour, elle tient une situation particulière qui lui vaut d’être qualifiée de laboratoire des théories d’évolution planétaire. En effet, cette étoile fait l’objet de plus de 2000 articles sur ADS (en juin 2014) et les observations qui lui sont associées couvrent tous les domaines de longueur d’onde, de l’ultra-violet (UV) au millimétrique. Outre la détection précoce de son disque de poussière

(Aumann 1985), la découverte d’une géante gazeuse en orbite à environ 10AU par Lagrange

et al. (2010) a évidemment contribué à un tel engouement des recherches à son sujet.

Il s’agit d’une étoile proche, située à 19.3pc, de type spectral A6V, et la représentante la

plus brillante du groupe mouvant éponyme, dont l’âge est estimé à 21±4Ma (Binks & Jeffries

2014)1. Elle est entourée d’un disque vu par la tranche qui s’étend sur plus de 1000AU (Smith & Terrile 1987;Paresce & Burrows 1987) et dont les observations coronographiques en lumière

diffusée ont révélé très tôt d’intrigantes asymétries (Artymowicz et al. 1989; Golimowski et al.

1. Cette mesure récente se base sur l’abondance du Lithium ; un âge de 12+84 Ma (Zuckerman et al. 2001) avait été évalué antérieurement

1993;Kalas & Jewitt 1995;Heap et al. 2000). L’une des asymétries les plus marquantes concerne le gauchissement du disque observé entre 60 et 80AU, interprété comme un disque secondaire incliné de quatre à cinq degrés par rapport au disque externe détecté à plus grande distance

(Heap et al. 2000; Golimowski et al. 2006). L’hypothèse d’une planète massive a été proposée

en 1997 pour expliquer cette morphologie (Mouillet et al. 1997b), reprise dans une modélisation

multi longueur d’onde du disque parAugereau et al.(2001). Les observations en lumière diffusée

ont été complétées par des images résolues de l’émission thermique du disque (Pantin et al. 1997; Weinberger et al. 2003;Wahhaj et al. 2003). Ces observations indiquent la présence de poussière proche de l’étoile à des distances inaccessibles aux premières génerations de coronographe utili-sées alors, et une très forte asymétrie de brillance localisée sur un côté du disque a été révélée à12µmpar Telesco et al.(2005). Certains auteurs identifient le disque à un système d’anneaux

concentriques (Wahhaj et al. 2003; Okamoto et al. 2004), suggérant la présence d’un système

planétaire multiple.

Les mesures spectroscopiques de l’étoile ont montré la présence dans plusieurs raies spectrales (Ca II, Mg II ou Fe II) d’absorption sporadique très étroite systématiquement décalée vers le rouge par des dizaines voire centaines de km/s. Ce phénomène variable sur des échelles très courtes de quelques heures ou jours a été interprêté comme la présence de comètes, tombant sur

l’étoile en s’évaporant (Beust et al. 1990,1994). Ce flot de comètes constitue un second argument

dynamique invoquant la présence d’un perturbateur gravitationnel.

La planète β Pictoris b fut détectée en 2008 par Lagrange et al. (2009,2010) à partir

d’ob-servations réalisées en 2003, confirmant les prédictions dynamiques. Dès lors un suivi astromé-trique a été entrepris pour contraindre ses éléments orbitaux . Un suivi sur plus de 11 années

indique une orbite inclinée à environ 88.5◦, faiblement excentrique (e < 0.15), de demi-grand

axea= 8.9+00..46ua (Chauvin et al. 2012;Bonnefoy et al. 2013,2014) et contraint la limite

supé-rieure de la masse à 12MJup et 15.5MJuppour a= 9AU et 10AU respectivement. Parallèlement

une caractérisation spectro-photométrique a permis l’étude de son atmosphère. Les modèles

d’évolution compatibles avec la luminosité de la planète suggèrent une masse de11.2±0.3MJup

Bonnefoy et al.(2014).

Un nouveau regard est donné sur le disque par les observations récentes de l’observatoire de radioastronomie Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), qui a permis de

confirmer la distribution de poussière proposée parAugereau et al.(2001) et révéler la présence

de gaz de monoxyde de carbone, réparti de manière asymétrique dans le disque.

Mes travaux sur cette étoile portent sur la caractérisation morphologique du disque à diffé-rentes longueurs d’onde ainsi que l’emploi d’un nouveau type de coronographe pour redétecter

la planète en bande L′. Elles ont permis de démontrer le non-alignement de l’orbite de la planète

avec le plan du disque externe. Ce non-aligmenent était effectivement attendu si la planète est bel et bien responsable du gauchissement du disque observé à courte séparation.

3.1.1 Mesure simultanée de l’inclinaison des disques et de la planète

Alors que je démarrais mes travaux de thèse en 2012 et que la planète avait été découverte depuis 4 ans, la confirmation qu’il s’agissait bien du corps céleste responsable de la perturbation

gravitationnelle du disque de β Pictoris n’était pas encore établie. Il y a en fait de multiples

raisons à cela. D’une part les premières mesures astrométriques manquent de précision car la stratégie d’observation (en champ stabilisé) ne permet pas de soustraire les tavelures de manière optimale à la distance de la planète (Lagrange et al. 2009). D’autre part, ces données sont

prises en bande L′ dans lequel le contraste est plus favorable pour détecter une géante gazeuse

jeune. Malheureusement il est également difficile de détecter le disque à cette longueur d’onde (voir section 3.1.3 sur les moyens mis en oeuvre pour réveler le disque), en raison de l’émission

3.1. β Pictoris, un laboratoire des théories d’évolution planétaire thermique et de fond de ciel plus importante qu’en proche infrarouge (bande Ks ou H par exemple). Pour la précision requise par cette mesure d’inclinaison, il est nécessaire de supprimer toute source d’erreur systématique due à la calibration de l’orientation du Nord par exemple, ce qui nous contraint d’effectuer la mesure simultanément de l’orientation de l’orbite de la planète et du disque à partir du même jeu de données et des mêmes algorithmes de réduction.

Le fruit de ce travail a été publié dans un article de la revue Astronomy & Astrophysics en Janvier 2012 (Lagrange et al. 2012a), présenté en annexe B. Je renvoie le lecteur à cet article pour les détails des observations, des techniques de réduction mises en oeuvre et des méthodes de mesures employées. Je m’attache ici à décrire mon implication dans ce travail et les points forts du papier dans l’optique de ce travail de thèse.

La nécessité d’avoir un champ de vue suffisament large pour imager le disque au-delà de 3′′

nous a conduit à utiliser une stratégie d’observation sans offset du télescope, stratégie que nous utilisons généralement pour soustraire le ciel sans perdre de temps de télescope. Les images ont été réduites avec quatre algorithmes ADI (Figure 1. en annexe B) mais seul le cADI et le sADI permettent une mesure simultanée de l’angle de position du disque et de celui de la planète. J’ai développé cinq techniques de mesure du disque principal (celui détecté à large séparation) et du disque secondaire (disque interne gauchi). Ces techniques ont pour but de mesurer la position verticale de l’épine dorsale du disque en fonction de la séparation. L’épine dorsale est définie comme la courbe qui, à une séparation donnée de l’étoile, associe la coordonnée du maximum de brillance du disque. Dans le cas d’un disque parfaitement symétrique par rapport au plan médian et vu par la tranche, c’est une ligne correspondant à la direction du plan médian. L’une des techniques employées permet de distinguer l’épine dorsale du disque principal et celle du disque secondaire (Figure 4 en annexe B) en approchant le profil vertical du disque par une

somme de deux fonctions Lorentziennes de la forme f(z) = 1+(z1z

0)2, suivant la technique

développée par Golimowski et al.(2006). Cette technique nous a permis d’évaluer l’inclinaison

du disque secondaire à environ3.5−4.0 par rapport à celle du disque principal dont l’angle de

position a été évalué à29.1±0.2. Un effort important concerne le calcul des barres d’erreurs

dont l’estimation est nécessaire pour répondre à la question posée concernant la position de la planéte par rapport au disque. Il faut distinguer ici les sources d’incertitude

• liées à la mesure de l’angle de position du disque principal. Celles-ci ont été traitées de manière approfondie en annexe A de l’article.

• liées à la mesure de l’inclinaison relative des deux disques. ll s’agit de l’incertitude ré-sultant de la technique de mesure (la description d’un double disque par une somme de deux fonctions lorentziennes) et de l’impact de l’ADI. J’ai injecté des disques synthétiques dans les données pour reproduire les mesures, et j’ai montré que l’impact des ces deux éléments se traduit par une sous-estimation systématique de l’inclinaison de l’ordre de 0.6◦.

Parmi les auteurs de l’article, d’autres collaborateurs se sont attachés à mesurer la position de la planète et à en déduire les barres d’erreurs. Nous avons ensuite confronté les deux analyses en comparant sur la Figure 6 et 7 de l’annexe B la position de la planète par rapport à l’inclinaison des deux disques. La position projetée de la planéte est située au-dessus de la direction du plan médian du disque principal. Nous montrons ensuite que cela n’est pas compatible avec une

planète orbitant dans le plan médian du disque principal si celui-ci est incliné entre 2 et 5◦ par

rapport à un disque vu parfaitement par la tranche, car la position projetée de la planète devrait alors être en-dessous du plan médian. En revanche la configuration mesurée est parfaitement compatible avec une orbite alignée avec le plan médian du disque secondaire.

Ces résultats viennent contredire une autre étude publiée peu de temps avant celle-ci par Currie et al. (2011). Néanmoins comme nous le soulignons dans l’article, les résultats de leur étude se basent sur des valeurs de l’orientation du disque principal tirées de la littérature et non

sur une mesure simultanée de la position du disque et de la planète à partie des mêmes données. Elles sont donc sujettes à des sources d’erreurs systématiques qui expliquent la conclusion de leurs auteurs. Cela illustre l’atout indéniable apporté par une connaissance poussée de l’instrument pour une exploitation astrophysique afin d’être conscient des souces d’erreurs systématiques qui l’affectent pour pouvoir les calibrer ou s’en affranchir par une stratégie d’observation adaptée.