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3.6 Potentiel de surface et retard de gel

3.6.6 Mesure du potentiel de surface

Afin de ne pas perturber le potentiel de surface lors de sa mesure, il faut utiliser une méthode sans contact. Pour cela, nous avons utilisé un voltmètre électrostatique à condensateur vi- brant (une sonde de Kelvin-Zisman). Cette sonde permet de mesurer le potentiel avec une

3.6. Potentiel de surface et retard de gel

perturbation minimum de la surface. Nous avons utilisé un voltmètre Trek Model 347 capable de mesurer des valeurs de ± 3000 V.

Nous avons décidé de relever systématiquement le potentiel de surface du film de FEP lors des mesures de retard de gel. Afin de disposer d’une large gamme de potentiels, nous avons effectué ces mesures sur des films dont l’état de charge est spontané, mais aussi sur des échantillons dont le potentiel a été imposé par décharge Corona. Ces mesures ont été réalisées sur des films de FEP plans et structurés (hiérarchiques). Conformément aux travaux de Vu

et al. [187], nous relevons essentiellement des potentiels négatifs, que nous reportons sur la

Figure 3.24. Les points reportés par des triangles non remplis correspondent à des retards de gel supérieurs à 30 minutes, mais indéfinis car l’essai a été volontairement stoppé.

FIGURE3.24 – Retard de gel sur film de FEP plan et structurés en fonction du potentiel de

surface.

En dépit d’une disparité importante des résultats, il apparaît que les retards de gel dépendent bien du potentiel de surface quelle que soit la topographie de celle-ci. Cette disparité est parti- culièrement grande pour les échantillons structurés, ce qui explique en partie les différences de retards de gel que nous avions remarqué sur la Figure 3.13. Aussi, il est remarquable que la répartition des retards de gel forme une courbe de Gauss en fonction des potentiels de surface. Une partie des retards de gel des films structurés se confond avec ceux des films plans mais le sommet de la courbe (−500 et −600 V) est dominé par les films structurés.

Certains échantillons montrent des retards de gel très faibles. Nous avons observé leur surface au MEB et avons constaté que les plots sont déformés voire détruits, Figure 3.25, à tel point que l’espace entre les plots n’existe plus. Or nous avons montré le rôle important de cette structuration organisée pour ralentir la propagation du givre. Ceci montre que la relative fragilité des structures imprimées peut être un handicap pour ces applications antigivre.

FIGURE3.25 – Photos MEB à 45° de plots détériorés sur FEP.

Finalement, il est important de noter que nous avons observé une augmentation significative des retards de gel, quelle que soit la topographie de surface, lorsque le potentiel décroît de 0 V à −600 V. Notons que des retards de gel supérieurs à 35 minutes sont mesurés entre −500 et −600 V. Ensuite, pour des potentiels dont l’amplitude augmente, les valeurs de retards de gel diminuent. Enfin, les retards de gel sur les surfaces chargées positivement n’ont jamais excédé 1000 secondes et sont très dispersés.

3.7 Comparaison avec la littérature

Nous comparons dans cette partie nos travaux avec la littérature. Bien qu’il soit très difficile de trouver des études sur le sujet, nous mettons en parallèle nos résultats avec ceux portant sur l’électrogivrage (electrofreezing en anglais). Ce domaine de recherche rassemble les effets des charges électriques sur la nucléation de l’eau. Une étude bibliographique sur le sujet montre des travaux avec des conclusions parfois contradictoires.

D’une part, des études ont montré l’absence de corrélation entre les charges électriques et la nucléation de l’eau. Dawson et al. [190] ont montré que l’application d’un champ électrique n’a pas influencé la probabilité pour une goutte de geler ou non à des températures comprises entre −8 et −15°C. Mais l’expérience a été menée dans un tunnel aérodynamique, soit avec des conditions dynamiques différentes des nôtres. Doolittle et al. [191] ont montré que la nucléation de gouttes en surfusion sur une surface de silicone n’était pas influencée par l’ap- plication d’un champ électrique. Toutefois, dans cette étude, l’eau était chargée en particules, notamment avec de l’iodure d’argent, soit encore des conditions assez différentes.

D’autre part, certaines études ont rapporté que des charges électriques peuvent influencer la nucléation. Par exemple, il a été montré qu’en fonction de la charge en iodure d’argent, la nucléation de l’eau a pu être empêchée [192]. La croissance de la glace sur une particule char- gée serait gênée par le champ électrique induit. Pruppacher [193] a rapporté que Gabarashvili

et al. [194] ont montré que la nucléation de l’eau contenant des particules était affectée par

la polarité de ces dernières. Et Pruppacher [193] a conclu que les charges électrostatiques de surface et les champs électriques locaux influencent la nucléation de l’eau.

3.7. Comparaison avec la littérature

al. [195] ont mesuré la température de la nucléation de l’eau sur des surfaces pyroélectriques

de Li TaO3 chargées positivement ou négativement. Grâce aux propriétés des matériaux pyroélectriques, le changement de polarité est simple et rapide. Leurs résultats ont montré que les gouttes d’eau pouvaient rester liquides à −11°C pendant 600 secondes sur une surface chargée négativement alors qu’elles gèlent immédiatement à −8°C sur une surface chargée positivement. Ces résultats concordent avec ce que nous avons observé et commenté d’après la Figure 3.24. Nous avions précisé que les retards de gel mesurés étaient supérieurs sur les surfaces chargées négativement. En revanche, il faut noter que les surfaces concernées sont très hydrophiles, du moins avant que les charges ne soient appliquées.

En 2015, Carpenter et al. [196] ont étudié la nucléation de l’eau sur des surfaces en aluminium recouvertes d’un diélectrique sous l’influence d’un champ électrique. Ils ont montré que le champ électrique influe sur la température de nucléation. De plus, aucun effet significatif de la polarité des charges n’est relevé. Ils en ont conclu que la polarité des charges de surface et la composition chimique sont des facteurs moins importants que le champ électrique. Nous avons aussi relégué la chimie de surface à un facteur secondaire en comparant les retards de gel des films de FEP et PMMA plans à partir de la Figure 3.16.

Comme nous l’avons relevé précédemment, notamment sur la Figure 3.2, Yang et al. [197] ont montré à l’aide d’une caméra rapide que la nucléation d’une goutte d’eau est initiée au niveau de la ligne triple. Ils ont aussi montré que le champ électrostatique seul n’avait pas d’effet décelable sur la nucléation de l’eau. En revanche, ils ont montré que les mouvements de la ligne triple, dus aux effets du champ magnétique, sont responsables de l’initiation de la nucléation. Ces observations ont été faites pour leurs surfaces dont les angles de contact sont les plus élevés. En conclusion, il existe bien un lien entre électromouillage et électrogivrage puisque dans les deux cas les mouvements de la ligne triple sont mis en jeu.